• il y a 4 jours
Charlie Dalin était dimanche l'invité exceptionnel de la chaîne L'Équipe. Le vainqueur du Vendée Globe 2024-2025 est longuement revenu sur son incroyable performance.

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Transcription
00:00Du roi des océans après le roi du biathlon, Johannes Esban a beaucoup parlé.
00:05C'est Charlie Dalin qui est avec nous et qui va nous rejoindre.
00:07Et on le remercie tellement de partager ces quelques moments ce dimanche avec nous.
00:13Charlie, merci d'être là.
00:15Bonjour.
00:16C'est un immense bonheur.
00:17Vous vous impressionnez même.
00:18Le plateau, c'est vous dire, Charlie.
00:19Tout le monde s'est tué.
00:20Tout le monde, là.
00:21Attention, le record man du Vendée est là.
00:2364 jours seulement pour effectuer ce tour du monde.
00:26Quand vous croisez les gens, Charlie, d'ailleurs, qu'est-ce qu'on vous dit en premier ?
00:30C'est ce chiffre, 64 jours, qui impressionne tout le monde ?
00:33Les gens me disent merci.
00:34Merci de les avoir emmenés, de les avoir fait rêver pendant le tour du monde.
00:40C'est plus souvent merci que bravo, d'ailleurs.
00:42Ça vous étonne, ça ?
00:44Oui, je pense qu'il n'y a pas beaucoup de sport où on dit merci aux sportifs.
00:48C'est super.
00:49Il y a beaucoup de bienveillance, beaucoup de félicitations, beaucoup de remerciements.
00:55Je suis sur mon petit nuage depuis l'arrivée.
00:58Petit nuage où on aimerait faire un petit peu de dodo, quand même ?
01:01Oui, je continue le sommeil fractionné entre les plateaux.
01:05Je continue à faire des petites siestes.
01:08Depuis que vous avez posé pieds-à-té, on va revoir les images de cette remontée du Chenal,
01:12qui était exceptionnelle, évidemment.
01:14Est-ce qu'il y a eu une prise de conscience immédiate de ce que vous aviez réussi
01:18ou c'est progressif et que, même aujourd'hui encore,
01:21vous continuez à prendre conscience de certaines choses ou de ce que vous avez réussi de prodigieux ?
01:26Si, je pense que je n'ai pas totalement réalisé.
01:29Mais dès le franchissement de la ligne, j'ai tout de suite été envahi par une énorme joie
01:36d'avoir remporté cette épreuve.
01:38En plus, il y a deux ans, je rate la victoire à deux heures et demie au bout de 80 jours de mer.
01:43Ces deux heures et demie m'ont un peu obsédé pendant ces quatre ans.
01:46Je n'ai pensé qu'à ça.
01:48Ça a été un gros moteur, ces deux heures et demie.
01:51On a conçu ce bateau, on l'a construit spécifiquement pour le Vendée Globe,
01:55on l'a mis au point avec toute l'équipe.
01:57C'était génial d'atteindre l'objectif qu'on s'était fixé.
02:01C'est une blessure qui s'est refermée.
02:04Si vous ne l'aviez pas gagnée cette année, est-ce que votre vie aurait été difficile,
02:12tout le reste, avec cette histoire d'il y a quatre ans ?
02:15J'aurais essayé de remonter un projet pour 2028, tout simplement.
02:20C'est vrai que plusieurs fois, pendant ces quatre ans de préparation, d'entraînement,
02:25je me suis dit « et si tu avais raté ton opportunité ? »
02:29Parce que le Vendée Globe, rien que le terminer, c'est une victoire en soi.
02:33Il peut y avoir des avaries, des aléas, des problèmes.
02:36Je me suis dit « mince, j'arriverais peut-être plus jamais à terminer l'épreuve. »
02:42Heureusement, ça a été un succès.
02:45Marie ?
02:46Merci.
02:48Je vais vous dire, mais ça va vous plaire,
02:51vous savez très bien que je ne regarde jamais le sport à la télé.
02:54Mais tous les matins, depuis le départ du Vendée Globe,
02:56les enfants demandent où sont les matos.
02:58Parce qu'on a eu la chance de rencontrer Clarisse Kramer,
03:01on a eu la chance de monter sur son bateau.
03:03Je me rends compte de l'immensité de ce que vous avez accompli,
03:06d'arriver à faire autant de jours avec autant de vigilance,
03:09dans si peu de confort, avec si peu de sommeil,
03:12dans autant d'immensité d'eau.
03:14Un grand merci parce que vous nous avez tenus.
03:16D'ailleurs, c'est quand que vous repartez ?
03:18Je ne sais pas ce qu'on va faire le matin au petit-déjeuner.
03:21Il y a un gros programme de course cette année encore.
03:24Il y aura de quoi faire.
03:26Qu'est-ce que vous avez été le plus heureux de retrouver ?
03:28Une bonne douche, un matelas douillé, le croissant chaud au petit-déjeuner.
03:32Sur quoi vous vous êtes un peu rué ?
03:34Déjà ma femme et mon fils, j'étais tellement heureux de les retrouver.
03:37C'est une bonne réponse.
03:40Après, un lit qui ne bouge pas, un lit sec,
03:46un lit pas gorgé d'humidité et une douche.
03:49C'est vrai qu'on est trop habitués à ce luxe,
03:52mais c'est un vrai luxe de tourner des robinets,
03:55d'avoir de l'eau qu'on peut régler à la température qu'on souhaite.
03:58Je n'ai pas réussi à prendre de douche pendant toute la durée de la course.
04:02J'avais quand même des lingettes, donc je n'étais pas sale.
04:05Mais la première douche, elle fait sacrément du bien.
04:09En même temps, vous étiez tout seul, donc personne n'aurait eu à se dire.
04:13Tanguy, notre breton.
04:15Déjà, j'ai eu la chance de faire de l'imoca sur le bateau de Paul Meya,
04:19de faire le défi Azimuth il y a deux ans.
04:21J'ai touché du doigt, ça dure 48 heures.
04:23La dureté du truc, ce n'est pas en plus le bateau le plus confortable qu'il a,
04:28vous le connaissez bien.
04:30Qu'est-ce qui a été le plus dur physiquement ?
04:34Manger, c'est compliqué.
04:36Quand on essaie de se nourrir, on peut se brûler les mains.
04:39C'est la promiscuité totale, c'est l'humidité.
04:43Sur quoi vous avez le plus souffert ?
04:45C'est la fatigue. C'est la fatigue qui s'accumule.
04:48Il n'y a pas de temps mort, il n'y a pas de mi-temps,
04:50il n'y a pas d'arrêt de jeu à partir du moment où le départ est donné.
04:53Il n'y a pas de pause.
04:54On sait que le seul moment où on va vraiment pouvoir se relâcher,
04:56c'est après avoir franchi cette ligne d'arrivée.
04:59On fait des siestes de 10, 20, 30 minutes, des fois une heure.
05:03La fatigue est de plus en plus collante, de plus en plus gluante.
05:08On n'arrive pas à s'en défaire.
05:11En plus, elle est de plus en plus profonde.
05:13Des fois, il y a des 24 heures où j'ai beaucoup enchaîné les siestes.
05:17J'ai super bien dormi ces dernières 24 heures, je vais être en forme.
05:21Quelques heures après, on commence déjà à piquer du nez.
05:24On n'arrive pas à s'en défaire.
05:26On n'arrive pas à s'en défaire de cette fatigue qui rentre,
05:31qui devient de plus en plus profonde et présente.
05:34Je suis un marteau de la cartographie.
05:37Dans 40 minutes, il y a une nouvelle mise à jour.
05:40Je regarde tous les 4 heures.
05:42La partition est quasi parfaite sur les 65 jours.
05:4764 Tanguy !
05:49Pardon, pardon.
05:5164, 19 heures et 22 minutes, soyons précis.
05:55Est-ce qu'il y a un moment de doute ?
05:59J'imagine qu'il y a des choix perpétuels à faire, notamment dans l'Indien.
06:03Quand vous faites ce choix d'aller au centre,
06:06que vous voyez que tout le monde met le clignotant au fur et à mesure à gauche.
06:10Est-ce qu'il y a un moment où vous dites
06:12« Allez, je mets un coup de barre et je vais les rejoindre ? »
06:16Oui, cette décision était compliquée à prendre.
06:20D'ailleurs, au début, j'étais plutôt parti pour aller au nord.
06:23La prévision d'après change un peu.
06:25Je décide finalement de rester en avant de cette tempête.
06:29C'est vrai que c'était un moment assez engagé.
06:32J'ai décidé de rester en avant de cette énorme tempête.
06:35C'était vraiment un monstre météorologique.
06:38Il n'y avait pas de plan B.
06:40Il n'y avait pas de solution de fuite.
06:42Si j'avais le moindre problème technique avec le bateau,
06:45si j'avais dû ralentir pour réparer quelque chose,
06:47je me serais fait littéralement manger par cette tempête.
06:49C'est une tempête avec des vents à plus de 120 km heure,
06:52une vague de 10 à 12 m.
06:54Ça aurait clairement été dangereux.
06:56C'est vrai qu'il n'y avait pas d'échappatoire.
06:59Ça a été quelques jours assez intenses.
07:03J'espérais vraiment que Massif tienne le coup et ça a été le cas.
07:08Ça m'a permis de prendre un gros avantage sur le reste de la flotte.
07:12Il y a de plus en plus de technologies, Charlie,
07:14sur ces bateaux-là, nouvelle génération.
07:16Il y a encore de la place à l'instinct du marin.
07:19C'est cet instinct-là dont vous avez fait preuve à ce moment-là ?
07:22Oui, bien sûr.
07:24L'instinct est important.
07:25Il y a beaucoup d'endroits où les prévisions météo sont totalement fausses.
07:29Il faut faire appel à son instinct,
07:33essayer de lire un nuage,
07:34essayer d'imaginer quel vent il va y avoir dans ce nuage.
07:37On est sous un orage, pareil.
07:39Essayer de comprendre ce qui se passe.
07:41Vous connaissez tous l'état de flot dans le sport.
07:44C'est ce que tous les sportifs essayent d'avoir quand ils partent sur une épreuve.
07:49Le Vendée Globe, c'est une course tellement longue qu'il va et il vient.
07:52Je suis parti avec au départ.
07:54Après, je l'ai perdu dans l'Atlantique Nord.
07:56Je l'ai retrouvé dans le Poteau Noir.
07:58Je l'ai reperdu dans tout le Pacifique.
08:00Quand il n'est pas là, l'instinct n'est pas bon.
08:05On ne prend pas les bonnes décisions.
08:07On n'est pas en phase.
08:08Par contre, quand il est là, ça déroule.
08:10On voit un nuage, on se dit que le vent va tourner dans telle direction.
08:13Si je change de voile maintenant, ça sera le bon timing.
08:16C'est très agréable quand l'état de flot est à bord.
08:21Comme sur un pas de tir, quand on fait un 5 sur 5.
08:24Tout rentre en biathlon.
08:26Est-ce qu'il faut lutter contre l'état d'euphorie positif
08:29qu'entraîne aussi la fatigue quand on est dans ce flot
08:31pour justement ne pas surjouer et ne pas prendre les mauvaises décisions ?
08:34Oui, c'est sûr.
08:35Il faut faire attention à l'excès de confiance.
08:37Ça peut être un peu piégé aussi.
08:39C'est vrai qu'avec la fatigue, les émotions sont un peu décuplées
08:44dans un sens comme dans l'autre.
08:46Il faut essayer de se réguler tant bien que mal.
08:49Tant bien que mal au maximum.
08:51C'est vrai que souvent, s'il y a un état d'euphorie,
08:54on peut vite après plonger dans l'autre sens.
08:58Ce n'est pas facile, mais essayer d'avoir un état,
09:02d'être de voile le plus stable possible émotionnellement.
09:06Vous parliez de ce moment où vous poussiez votre bateau
09:08pour ne surtout pas que la tempête vous rattrape.
09:11On dit que les marins parlent à leur bateau.
09:13Est-ce que c'était le cas ?
09:15Est-ce que vous lui donnez même un petit nom ?
09:17Je ne lui ai pas donné de petit nom,
09:19mais c'est vrai que je suis quelqu'un de très cartésien à la base,
09:21très terre à terre.
09:22Mais là, je me suis surpris.
09:24Je me suis surpris à parler au bateau, à lui dire
09:26« Allez, mon petit bateau, on va se sortir de cette mauvaise passe.
09:29On va se sortir de cette zone de vent faible. »
09:31J'ai mis un petit peu de spiritualité,
09:34alors que ce n'est pas trop mon style d'habitude
09:36dans ce tour du monde.
09:37Pour pousser jusqu'à la spiritualité,
09:39c'est vrai que les marins, les aventuriers
09:42racontent ce lien parfois qui se crée
09:45alors qu'on ne croit pas forcément à des choses spirituelles.
09:48Est-ce que ça vous est arrivé à un moment,
09:50au milieu de rien, comme vous le dites,
09:53d'avoir ce petit sentiment, cette pensée
09:56que vous n'auriez pas imaginé avoir un jour ?
09:58Je pense à un moment.
10:00Je suis dans le Pacifique.
10:01Je suis dans les 60e.
10:03Je suis au coude à coude avec Johan.
10:06C'était le gros duel de cette course.
10:09Mon gros adversaire.
10:10J'ai envie de prendre l'avantage.
10:13Je tire fort sur le bateau.
10:15Vraiment fort, fort.
10:16Ça ne me plaît pas.
10:18Je sens que ça ne va pas.
10:19Je sens que je suis en train d'user le bateau.
10:21Je suis en train de lui faire mal.
10:22J'avais l'impression qu'il avait un système nerveux
10:25et que j'étais connecté au bateau à ce moment-là.
10:28Je gagnais du terrain sur Johan,
10:30mais ça ne me plaisait pas.
10:32Quelques jours après, je découvre une fissure
10:35de 1m50 dans la coque en carbone du bateau
10:37que j'ai créée à ce moment-là.
10:39Je savais que ça n'allait pas.
10:41Je savais que je faisais mal au bateau à ce moment-là.
10:44Il y avait vraiment une connexion
10:46qui se fait entre l'homme et la machine.
10:48On était heureux d'avoir ce témoignage
10:50aujourd'hui avec vous, Charlie.
10:52Demain à 16h10, dans l'équipe de choc,
10:54vous serez avec Johan Richaume,
10:56celui avec qui vous avez animé,
10:58celui qui vous a permis de réussir ce record
11:01Je pense que ça nous a vraiment forcé
11:03à se donner le meilleur de nous-mêmes,
11:05à repousser tout.
11:07Ça nous a obligé à régler encore mieux nos bateaux,
11:10à étudier encore plus la météo.
11:12Si ce record a été autant battu,
11:14c'est beaucoup grâce à Johan.
11:1616h10 pour ce rendez-vous exceptionnel demain.
11:18Merci infiniment, Charlie.
11:20On va vous libérer parce que vous avez énormément d'obligations.
11:22Un tout petit mot sur le biathlon.
11:24Vous suivez régulièrement le biathlon.
11:26Vous êtes fan de ce sport.
11:28Je vous avoue.
11:30Vous aviez quelques raisons.
11:32C'est un sport que j'ai beaucoup de respect
11:34pour les biathlètes.
11:36Ce mix entre la précision du tir
11:38et le cardio d'extraterrestre
11:40qu'il faut avoir pour remporter des courses.
11:42Depuis que je suis tout petit,
11:44je suis assez fasciné par ce sport.
11:46Si vous voulez une initiation,
11:48Fred vous accueillera avec plaisir.
11:50Moi, j'avoue, je suis fasciné
11:52quand j'entends extraterrestre.
11:54Quand j'ai su hier
11:56vous rencontrer,
11:58j'ai l'impression de rencontrer
12:00le premier homme qui a marché sur la Lune.
12:02C'est impressionnant.
12:04Ce qui m'intéresserait plus,
12:06c'est la partie préparation physique
12:08en avant et le sommeil.
12:10Je ne dors pas beaucoup.
12:12Quand j'entends ça, je me rends compte
12:14que je dors énormément.
12:16C'est quelque chose d'entendre
12:18qu'on est des extraterrestres
12:20après la performance que vous avez réalisée.
12:22Merci.
12:24Pour la préparation,
12:26allez sur l'équipe Explore,
12:28le site ou l'application,
12:30ce documentaire exceptionnel de Charlie Ford Boursereau.
12:32Comprendre l'émotion que ressent Charlie
12:34aujourd'hui à travers ce documentaire,
12:36c'est extrêmement facile
12:38parce que vous vous étiez
12:40beaucoup livré dans ce documentaire.
12:42La préparation physique, c'est dedans également.
12:44Merci infiniment Charlie.
12:46Tout le monde dit merci en même temps ?
12:48Tout le monde dit merci.
12:50Merci Charlie.

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