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00:00Il est 7h43, notre invité ce matin est la figure de la justice en Isère, le procureur Éric Vaillant.
00:05Posez-lui vos questions, 0476464545.
00:09Éric Vaillant, procureur de la République de Grenoble depuis 6 ans, depuis 2019 et qui s'en va à la fin du mois.
00:15C'est donc un peu l'heure du bilan, merci de le faire avec nous Éric Vaillant.
00:18Bonjour, dans un contexte grenoblois chargé depuis la rentrée, il y a eu une meurtre de Lilian Dejean,
00:24la mort aussi d'un jeune de 15 ans sur un point d'île, beaucoup de fusillades
00:28et à chaque fois l'ombre du trafic de drogue, est-ce que vous estimez que c'est le fléau de la métropole grenobloise ?
00:34La délinquance grenobloise est la même que celle qu'on trouve en France globalement,
00:41mais avec deux particularités, un très fort trafic de stups et puis nous en reparlerons sans doute,
00:46une très forte présence de l'ultra gauche libertaire insurrectionnelle qui commet un certain nombre d'attentats dans la métropole.
00:53Et on l'a vécu notamment à Isère, France Bleu Isère il y a quelques années.
00:57Certains en restant sur le trafic de drogue un instant, certains ont parlé d'une marseillisation de Grenoble,
01:02est-ce que c'est votre crainte ? Est-ce que c'est un terme que vous utiliseriez ?
01:05C'est un terme que j'ai déjà utilisé, j'ai déjà comparé Grenoble à Marseille en disant que Grenoble était un petit Marseille.
01:11Le narcotrafic est extrêmement présent dans l'agglomération parce que ça rapporte énormément d'argent,
01:17un petit point d'île c'est 10 000 euros de chiffre d'affaires jour, un bon point d'île, Mistral, Hoche,
01:23au marché à Échirol c'est de l'ordre de 30 000 euros jour, si vous multipliez par 365 vous êtes à plus de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires.
01:30C'est énorme et ça attise énormément de convoitises.
01:34Est-ce qu'il y a un peu un sentiment d'échec sur ce sujet-là ? On voit que si des points d'île ont été déstabilisés,
01:41voire en partie démantelés, il y a eu des procès notamment je pense à l'ALMA à Grenoble,
01:47pour autant le marché des drogues n'a jamais été aussi florissant.
01:51Oui et puis il va le rester, la Colombie en matière de cocaïne a doublé sa production au cours des dix dernières années.
01:59Il y a plus de 1 million de Français qui ont consommé de la cocaïne au cours de l'année écoulée, ça ne va pas s'arrêter.
02:06Donc il faut continuer à agir, ça me paraît une évidence, agir comme je pense qu'on l'a fait ici,
02:11c'est-à-dire tous azimuts et surtout en concertation, en coopération très forte avec tous les acteurs,
02:16essentiellement les policiers et les gendarmes, et c'est en agissant ainsi qu'on arrive à éradiquer quelques points de d'île,
02:23ou en tout cas les assécher de bonne manière.
02:27On l'a vu à Pont-de-Clay par une action avec la mairie, avec la gendarmerie, on l'a vu particulièrement aussi à Fontaine,
02:35on le voit beaucoup à Saint-Martin d'Air ou à Échirol avec le Carrard.
02:38À Saint-Martin d'Air sur le point de d'île, le drive de Renaudy, ce drive a été asséché.
02:44On est passé de 25 clients du drive par quart d'heure à 2 clients par heure, grâce à une action concertée.
02:51Donc on a des résultats, ils sont insuffisants.
02:54Quand on fait le bilan, on se dit qu'est-ce que j'aurais aimé faire plus ?
02:57Mais bon, on fait avec les moyens dont on dispose et avec tout ce qu'on a à faire.
03:02Et les grenoblois, je pense, en ont conscience en partie.
03:05On a demandé aux grenoblois justement s'ils estimaient que la justice en faisait assez en matière de lutte contre les trafics de drogue.
03:11Écoutez cette réponse d'une grenobloise.
03:14Oui, oui, oui. Je ne suis pas juge à la place des juges et je pense que oui, la justice fait son travail.
03:20Mais que ce n'est pas simple.
03:21C'est pas simple, dit-elle des grenoblois conscients des difficultés.
03:25Est-ce qu'aujourd'hui la justice grenobloise a les moyens de faire face ?
03:29Globalement, oui. Mais on voudrait faire mieux.
03:32Et pour faire mieux, à un moment donné, il y a deux choses.
03:35Il nous faut plus d'effectifs, c'est une évidence.
03:37On devrait être 16 au parquet, on a toujours été 13, 14.
03:40On est même tombé à un moment donné à 8.
03:42J'en ai pas beaucoup parlé, mais ça a été particulièrement difficile.
03:45Pendant ces semaines, on s'est tous trouvé à 8.
03:47Il nous manque des policiers aussi.
03:49Il y a eu un renfort de 28 policiers à Grenoble ?
03:52Tout à fait, et heureusement.
03:54Et quand je dis qu'il manque des policiers, c'est qu'il manque aussi des enquêteurs.
03:56Mais ça c'est un phénomène France entière.
03:58Les plus jeunes, ce qui m'étonne, maintenant je suis un vieux magistrat,
04:02dans ma jeunesse, les policiers voulaient tous devenir enquêteurs.
04:06Aujourd'hui, ils veulent tous être sur la voie publique.
04:08Arrêter les méchants, ce qui est une bonne chose.
04:10Mais nous on a besoin d'enquêteurs qui font des enquêtes
04:13et qui nous permettent de condamner les gens.
04:14Donc ça c'est un vrai souci.
04:16On a besoin d'effectifs, c'est une évidence,
04:20mais on a aussi besoin de simplification législative.
04:23Parce que si on met des effectifs, mais qu'on complexifie toujours nos procédures,
04:28ce sont des délais qui vont être très vite mangés en réalité.
04:31Donc il faut surtout simplifier.
04:33Le message du procureur de la République de Grenoble, qui est notre invité ce matin,
04:37vous pouvez l'interpeller et lui poser vos questions Mathieu.
04:39Est-ce que vous trouvez que la justice est plus accessible ?
04:41Notamment, est-ce que vous avez aussi des constatations à faire ?
04:45On en a parlé, le trafic de drogue, venez nous en parler.
04:4804 76 46 45 45, 7h48, nous recevons le procureur Éric Vaillant.
04:53Autre défi qui aura marqué votre mandat ici pendant 6 ans Éric Vaillant,
04:57du début à la fin, ce sont ces incendies criminels à Grenoble et ailleurs.
05:00Vous avez commencé à en parler dès votre arrivée,
05:03l'incendie criminel contre France Bleu Isère.
05:06Est-ce qu'on saura, au final, qui l'a fait ?
05:10Il y a eu un non-lieu, il y a eu deux puits d'autres incendies, je pense, au point de Brégnon.
05:14Est-ce que c'est, d'après vous, la même bande ou pas ?
05:17En tout cas, c'est la même mouvance.
05:19C'est ce que les spécialistes appellent l'ultra gauche libertaire insurrectionnelle.
05:24Moi, j'estime qu'ils commettent des attentats terroristes par intimidation.
05:27C'est ma qualification juridique,
05:29qui n'est pas partagée par d'autres juristes,
05:31étonnamment par le procureur national antiterroriste,
05:34avec lequel on n'échange sens d'acrimonie aucune.
05:36Mais chaque fois qu'il y a, ce que je qualifie d'attentats,
05:39ici à Grenoble ou dans la région grenobloise...
05:41Contre le Conseil municipal, par exemple ?
05:43Oui, il y a eu des faits marquants.
05:45Le premier, ça a été en mars 2019, je crois,
05:47l'incendie de France Bleu Isère.
05:49Il y a eu l'incendie de l'église Saint-Jacques.
05:51Il y a eu les incendies de transformateurs très, très réguliers,
05:54donc de transformateurs électriques.
05:56Et le transformateur électrique, c'est pas pour le pont de Brignoux,
05:58c'était pour, contre ST Micro.
06:01Et donc, deux incendies en trois jours.
06:04Le transformateur principal, la première fois,
06:07et trois jours plus tard, le transformateur de secours,
06:09et qu'il a un dégrade, le pont de Brignoux.
06:12Donc, il y a ces incendies une fois tous les six mois.
06:14Grosso modo, on a deux attentats majeurs
06:17de l'ultragauche insurrectionnelle à Grenoble.
06:20Et il y a une mouvance ici, c'est une évidence.
06:22J'ai un sentiment d'échec, si vous voulez.
06:25J'aurais aimé pouvoir arrêter et faire juger
06:28les auteurs de ces infractions.
06:30C'est pas le cas.
06:32Je sais qu'il y a des enquêtes en cours.
06:33Je ne désespère pas qu'une ou l'autre aboutisse,
06:36un jour, et j'espère prochainement.
06:39On a quelqu'un au standard ici, Isère,
06:42pour poser vos questions
06:44à notre invité, le procureur de la République de Grenoble,
06:47Éric Vaillant.
06:48C'est Jean-Marc, qui nous appelle d'Iso.
06:49Bonjour Jean-Marc.
06:51Bonjour monsieur le procureur.
06:53Allez, on vous écoute Jean-Marc, dites-nous.
06:55Oui, donc moi je suis assez choqué d'entendre
06:58qu'il n'y a pas assez de moyens.
07:00Moi personnellement, j'ai déposé de nombreuses plaintes
07:03qui ont toutes été classées sans suite.
07:04Et récemment, j'ai été agressé
07:06et j'ai été condamné très lourdement.
07:08Voilà.
07:09Vous avez été agressé et vous avez été condamné ?
07:13Vous pouvez nous expliquer peut-être un petit peu ?
07:15Oui, oui, je vais vous expliquer.
07:16Donc ça prend deux ans pour des affaires
07:18qui pourraient se régler en très peu de temps.
07:20D'une part.
07:21Alors après, on dit qu'on manque de moyens.
07:23Oui, mais c'est très long.
07:24Pourquoi c'est si long ? Je ne comprends pas.
07:26Moi, j'ai été agressé dans un supermarché.
07:28Le supermarché n'a pas donné les vidéos.
07:30Donc toute personne intelligente comprend
07:34que si le supermarché ne donne pas les vidéos,
07:36c'est qu'il y a un souci.
07:37Il y a eu un faux témoignage d'un complice ou un collègue.
07:41J'ai quand même eu trois personnes contre moi.
07:44Un qui m'agresse, un vigile.
07:45Un qui ne donne pas les vidéos.
07:47Et un qui est complice et qui fait un témoignage contre moi.
07:51Et je suis condamné.
07:53Ce genre d'affaires, ça peut se classer en un quart d'heure.
07:57Soit on classe ensuite parce qu'on ne donne pas les vidéos.
08:01Jean-Marc, on va justement laisser le procureur répondre.
08:03Parce qu'on a bien compris que vous dites que ça prend du temps.
08:06Et qu'en plus, peut-être parfois, il y a des erreurs.
08:08Il y a des constatations, il y a des délais.
08:10Je vous voyais réagir lorsque Jean-Marc a dit
08:13que ça peut se régler en un quart d'heure.
08:15Non, c'est malheureusement pas possible de régler ces affaires
08:17en un quart d'heure.
08:18Mais vraiment pas.
08:19Il faut prendre la plainte.
08:20Prendre une plainte, ça prend déjà quand même une bonne demi-heure
08:22si c'est fait correctement.
08:23Et puis après, il faut mener une enquête.
08:25Je ne peux pas revenir sur la situation de ce monsieur
08:28que je n'ai pas en tête.
08:30Parce qu'il y a des milliers d'affaires que j'ai pu gérer
08:32et que mes équipes surtout gèrent.
08:34Et puis, il y a eu une décision de justice avec un examen attentif.
08:39Mais en tout cas, on a besoin d'effectifs pour enquêter.
08:45On a besoin d'effectifs pour juger.
08:47On aimerait avoir plus d'osiance au tribunal correctionnel de Grenoble.
08:51Mais pour ça, il nous faut des magistrats supplémentaires.
08:53Donc, on fait des efforts.
08:54On essaye d'en créer malgré tout à effectif constant.
08:56Mais c'est extrêmement difficile.
08:58Et puis, comme je vous le dis, il faut simplifier, simplifier, simplifier.
09:01Si on ne simplifie pas, on va dans le mur.
09:03Vous êtes un procureur assez médiatique.
09:07On voit en tout cas que vous communiquez facilement.
09:10Vous acceptez de venir sur ICISR avec des auditeurs qui appellent.
09:16On peut vous contacter facilement, nous les journalistes.
09:19Vous avez un groupe WhatsApp.
09:21On va révéler un peu les coulisses.
09:22Vous avez un groupe WhatsApp qui compte environ 300 journalistes,
09:26où vous communiquez.
09:27Vous avez aussi lancé une chaîne YouTube du parquet de Grenoble.
09:30Pourquoi, en quoi, c'est important pour vous d'être aussi présent médiatiquement ?
09:34En réalité, d'abord, vous l'avez compris, je pense, j'adore mon métier.
09:39J'adore faire ce que je fais.
09:41Mon métier a une réelle utilité sociale.
09:44Je le fais pour mes concitoyens.
09:46Je sais que nos concitoyens sont très critiques envers la justice.
09:52Je suis persuadé que si je communique,
09:54si je leur montre ce qu'on fait de bien,
09:56parce qu'on fait un certain nombre de choses plutôt bien malgré tout,
09:59je peux essayer de les convaincre qu'ils peuvent refaire confiance
10:03en notre institution, en nos institutions,
10:05dans les institutions de la République.
10:07C'est pour ça, c'est mon combat quand je communique.
10:12Et on entendait tout à l'heure un petit extrait d'une dame
10:15qui était consciente de tout ce que fait la justice.
10:19On va en entendre une autre dame.
10:21Michel nous appelle de Montbonneau.
10:23Bonjour Michel.
10:24Oui, bonjour.
10:25Michel, vous vouliez nous partager une inquiétude.
10:27Oui, c'est-à-dire que moi, j'habite sur Montbonneau,
10:30mais je vais de temps en temps au tribunal assister
10:34parce que ça m'intéresse depuis très longtemps.
10:37Et puis, je voulais savoir, moi j'ai des petits-enfants
10:40et si je vais me promener à Grenoble,
10:43est-ce qu'il y a un miracle, une solution
10:46pour éventuellement les gens qui se promènent avec leurs enfants,
10:53les amis de Portoval ?
10:55Qu'est-ce qui pourrait être fait pour améliorer,
10:57en tout cas pour calmer un peu les fusillades,
10:59tout ce qui se passe ?
11:01Oui, parce que bon, c'est un peu compliqué.
11:04On va reposer la question à notre invité.
11:06Merci Michel.
11:07Alors, il y a deux choses.
11:08Elle dit qu'elle va régulièrement au tribunal.
11:09On rappelle que les audiences sont publiques.
11:11Tout à fait.
11:12Aussi, qu'on peut y assister, c'est important.
11:13Elle a bien raison d'aller comme ça au tribunal,
11:14voir comment la justice est concrètement rendue,
11:16voir comme c'est parfois difficile de prendre la décision.
11:19Parce que bon, il y a beaucoup de gens qui ont un avis.
11:21Tout fait.
11:22Yaka, Faucon, il faut tous les mettre en prison,
11:24il faut les mettre en prison à vie,
11:25il faut les tuer, etc.
11:26On a des positions parfois très excessives,
11:29dans un sens ou dans l'autre.
11:31Et d'aller voir comment on rend la justice,
11:33comme le fait Madame,
11:34ça montre les difficultés.
11:35C'est pas si simple.
11:36C'est un métier passionnant,
11:37que je pense à peu près savoir faire,
11:39que j'aime,
11:40que mes collègues aiment et pratiquent.
11:42Mais c'est pas tout à fait si simple que ça.
11:44Et je voulais saluer en tout cas le travail,
11:46effectivement,
11:47qu'on a fait ensemble depuis six ans.
11:49C'était facile, en tout cas,
11:51de vous contacter,
11:52de vous poser des questions.
11:53Et ça, je voulais le saluer aussi.
11:54Merci beaucoup, Eric Vaillant,
11:56d'avoir été notre invité ce matin,
11:58qui quitte ses fonctions à Grenoble
12:00après six ans procureur depuis 2019.

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