"Si demain, on voulait suspendre, voire abroger cette réforme, comment trouver les milliards dont nous avons cruellement besoin ?", interroge, lundi 13 janvier, François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises.
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00:00Bonsoir à toutes et à tous, et bonsoir à vous François Asselin.
00:06Bonsoir Isabelle Raymond.
00:07Vous êtes à la tête de la CPME, Confédération des petites et moyennes entreprises.
00:12Demain à 15h, le Premier ministre François Bayrou va prononcer sa déclaration de politique
00:18générale à l'Assemblée Nationale, pensez-vous qu'il va annoncer la suspension de la réforme
00:22des retraites ?
00:24En fait, François Bayrou est un lettré, donc dans la sémantique il va falloir qu'il
00:31explique comment suspendre la réforme, sans la suspendre finalement.
00:35C'est-à-dire que, vous savez, les oppositions qui demandent la suspension de cette réforme,
00:41voire la brogation, confondent entre ce qui est bon, soi-disant, pour le parti et ce qui
00:45est bon pour le pays.
00:46Et ce n'est pas du tout la même chose, et on voit que le fossé se creuse, parce qu'on
00:51ne peut pas échapper à une seule chose, c'est le principe de réalité.
00:54Cette réforme des retraites, déjà dès 2030, elle va être déséquilibrée.
00:59Pourquoi ? Parce que ça repose sur la répartition, et on sait très bien que l'évolution démographique
01:03dans notre pays, entre actifs et retraités, est défavorable à ce régime par répartition.
01:08Alors, si demain on voulait suspendre, voire abroger cette réforme, comment trouver les
01:12milliards dont nous avons cruellement besoin, premièrement ?
01:14Et puis il faudrait expliquer aux Français, ceux qui veulent la brogation de cette réforme,
01:18c'est avec quelle retraite demain ils partiront ?
01:20Parce que si on revient à la retraite à 62 ans, avec quel niveau de retraite ?
01:24Finalement, la réforme des retraites, vous avez trois grands paramètres, c'est le niveau
01:27de cotisation, nous sommes les plus gros cotisants d'Europe, c'est deuxièmement, la durée
01:33de cotisation, à quel âge je vais partir en retraite, et puis après c'est le niveau
01:36des pensions, avec combien d'argent je pars en retraite.
01:38Mais en sortant de son rendez-vous à Matignon la semaine dernière, la chef de file de la
01:41CFDT, Marie-Lise Léon, a dit que le Premier ministre était sans tabou.
01:46Oui, le Premier ministre est sans tabou.
01:49Et vous savez que ce serait une concession remarquable attendue par la gauche pour éviter
01:52la censure.
01:53Alors peut-être que la solution pour suspendre sans suspendre, c'est de demander aux partenaires
01:58sociaux de se saisir du sujet de cette réforme des retraites, et puis au bout de 4, 5 mois,
02:04de voir si on ne peut pas trouver un système, un nouveau régime des retraites qui convienne
02:09à plus de monde.
02:10Alors pourquoi pas, avec simplement une seule contrainte, parce que ça on ne peut pas y
02:13échapper, c'est de ne pas abîmer les finances publiques, tout simplement.
02:17Donc ça, ça ne vous dérange pas François ? Si on vous demande demain de vous mettre
02:20autour de la table et que le décalage de l'âge légal de départ à la retraite à
02:2664 ans est suspendu, si vous trouvez un autre moyen de financer cette retraite par répartition,
02:33ça ne vous dérange pas, vous êtes ok ?
02:35Alors trouver un autre moyen de financer, ça va être très compliqué.
02:37Donc c'est là, entre guillemets, toute la gageure.
02:39Parce qu'à partir du moment où on ne veut pas abîmer les dépenses publiques, enfin
02:43les finances de l'État en général et les Français, à partir du moment où on veut
02:48faire attention au coût du travail, ne pas augmenter les ponctions sur les actifs, parce
02:51qu'au bout d'un moment, que va-t-il leur rester du salaire net ? Si on ne veut pas
02:55augmenter le coût du travail, nous sommes dans une équation extrêmement complexe à
02:59atteindre.
03:00Pour autant, il y a un sujet sur lequel nous n'avons pas avancé, c'est la responsabilité
03:05des partenaires sociaux.
03:06C'est le dispositif lié aux carrières à usure professionnelles.
03:10Je trouve tout à fait légitime que quelqu'un comme moi, qui a fait toute sa carrière
03:13professionnelle dans son bureau ou dans une voiture, parte plus tard qu'un de mes charpentiers
03:17ou menuisiers par exemple, voyez-vous ? Et là, on peut avec les partenaires sociaux
03:20faire des avancées, me semble-t-il, significatives, sans pour autant retrouver la fiche pénibilité
03:26qui était une horreur, sans pour autant ouvrir de nouveaux régimes spéciaux.
03:29Il y a des moyens d'avancer.
03:30Mais vous êtes d'accord si François Bayrou dit demain « je renonce, je suspend la réforme,
03:35le départ de l'âge légal à 64 ans », et c'est à vous, partenaires sociaux, de
03:41vous mettre d'accord.
03:42Moi, je ne suis pas d'accord pour qu'on suspende cette réforme pendant ce temps de
03:46négociation.
03:47Si on trouve un meilleur dispositif, un meilleur système, c'est ce que dit le Premier ministre,
03:52dont acte, on s'en saisit, mais si on n'y arrive pas, l'actuelle réforme continue
03:56à se déployer.
03:57D'accord.
03:58Donc c'est ce que vous préconisez ?
03:59C'est ce que nous préconisons, bien évidemment, à l'exécutif.
04:01Dans un communiqué commun, 7 des 8 organisations patronales et syndicales, dont la CEPME,
04:07appelaient il y a un mois les politiques à la responsabilité, je vous cite l'instabilité
04:11dans laquelle a basculé le pays, fait peser sur nous le risque d'une crise économique
04:16aux conséquences sociales dramatiques.
04:19Il faut savoir ce que vous voulez François Asselin ?
04:20Eh bien, ce que nous voulons, c'est tout simplement que le principe de subsidiarité
04:24fonctionne, et s'il ne fonctionne pas, la suppléance, à savoir la reprise en main
04:29par l'exécutif, doit s'appliquer.
04:31Dans cette histoire de réforme des retraites, finalement, c'est un petit peu ça ce que
04:33veut faire le Premier ministre, c'est de dire écoutez, partenaires sociaux, vous n'êtes
04:37pas d'accord, eh bien, écoutez, mettez-vous autour de la table, si vous trouvez une meilleure
04:39solution, je la prends.
04:40Si vous ne trouvez pas de meilleure solution, on déroule l'actuelle réforme.
04:44Finalement, c'est ni plus ni moins cela.
04:45Ce qu'il faut reconnaître, c'est que les partenaires sociaux, lorsqu'ils négocient…
04:48Vous craignez qu'une fois que la réforme soit suspendue, on ne puisse pas revenir en
04:51arrière ?
04:52Eh bien évidemment, et puis si vous voulez, c'est un déni de réalité, comme je vous
04:54le disais.
04:55Comment fait-on pour financer un système qui est déjà imperfectible à l'horizon
04:582030 ? Voilà, c'est le moment, par exemple, dans cette négociation avec les partenaires
05:02sociaux, de commencer, pourquoi pas, à parler d'épargne pour tous.
05:04Allez, je vais mettre un gros mot, de capitalisation collective, on a la possibilité de le faire,
05:09eh bien allons-y.
05:10Si vous saviez combien j'aimerais être de la génération de ceux qui arrêtent de
05:15faire la poche de leurs enfants et de leurs petits-enfants.
05:16Vous avez peur, en gros, de payer la facture, que les cotisations soient augmentées ?
05:20Mais ce n'est pas nous qui allons payer la facture.
05:22Ce sont les Français, ce sont nos enfants, ce sont nos petits-enfants.
05:26C'est ça, c'est une irresponsabilité totale.
05:28Mais concrètement, vous avez peur que les cotisations augmentent ?
05:30Si les cotisations augmentent, voyez-vous, c'est que le salaire net va encore baisser,
05:34c'est que le coût du travail en France va encore augmenter, c'est que nous allons
05:37décrocher.
05:38Attention, tout ça est fait de juste équilibre, il faut tout simplement regarder la réalité
05:42telle qu'elle est.
05:43Depuis 1983, date où nous avons passé la retraite de 65 ans à 60 ans, après ça a
05:48augmenté à 62 ans, maintenant à 64 ans.
05:50Nous avons gagné 8 ans d'espérance de vie, mais c'est quand même une bonne nouvelle,
05:53voyez-vous.
05:54Alors, retraite, budget, on attend également des précisions concernant le budget.
05:59Est-ce que vous êtes rassuré quant à l'absence d'alourdissement de la fiscalité pour les
06:02entreprises ?
06:03Éric Lombard comme François Bayrou ont l'air de le dire.
06:06Finalement, moi je trouve que chez l'entreprise, nous sommes, quand même une catéroïde française,
06:104 millions, une vraie colonne vertébrale, relativement docile, parce que nous sommes
06:14les plus ponctionnés d'Europe, on ne demande qu'une seule chose, pas plus, pas plus.
06:18Et nous, ce que nous attendons, c'est de la stabilité.
06:21Et vous avez l'impression qu'il n'y aura pas d'alourdissement de la fiscalité pour
06:23les entreprises ?
06:24Alors, visiblement, il y aura de l'alourdissement de la fiscalité pour les grandes entreprises
06:28au-delà d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires, c'était ce qui était prévu
06:30dans le budget de Michel Barnier.
06:32Nous espérons que les PME soient préservées dans l'augmentation de la fiscalité, bien
06:37évidemment.
06:38Et puis l'autre volet, c'est…
06:39Et c'est un moindre mal ?
06:40C'est un moindre mal, sachant que la trajectoire que nous devrions poursuivre, c'est d'alléger
06:44la fiscalité des acteurs économiques, c'est évident, mais dans le contexte budgétaire
06:48que nous connaissons, alors là, je ne crois pas au Père Noël, je suis pragmatique.
06:51Alors, vous allez passer la main, François Asselin, la semaine prochaine, après 10
06:55ans à la tête des CPME.
06:57J'ai envie de dire que vous avez vécu une période dorée avec l'assouplissement du
07:01marché du travail, avec la loi El Khomri, la mise en place d'un barème au prud'homme
07:05et une politique franchement pro-business qui s'est traduite par le CICE, par une
07:09baisse des impôts de production et de l'impôt sur les sociétés.
07:13Est-ce que cette période est révolue, François Asselin ?
07:15Comme je vous le disais, on a connu ça et puis on reste toujours les plus ponctionnés
07:18d'Europe.
07:19Donc, ce n'est pas si doré que ça.
07:20Ensuite, j'ai commencé un début de mandat il y a 10 ans où j'entendais « embaucher,
07:24ça fait peur, ça coûte cher ». Et puis après, j'ai entendu un discours « on n'arrive
07:28pas à trouver les compétences dont on a besoin ». Mais voyez-vous, je préfère être
07:30dans cette deuxième position que dans la première.
07:33Donc oui, ce fut une période dorée, même la période Covid.
07:36Pourquoi ? Parce que que l'on soit à l'époque, rappelez-vous, retraité, actif dans le secteur
07:41marchand, dans le privé, fonctionnaire, même demandeur d'emploi, il n'y avait quasiment
07:46plus d'économie qui tournait et ça tombait à la fin du mois.
07:48Vous n'allez pas nous faire regretter la période du Covid.
07:50C'est quand même chouette d'être français, voyez-vous.
07:52Donc oui, mon successeur va avoir une période beaucoup plus compliquée.
07:55Qu'est-ce que vous pouvez lui souhaiter, d'un mot et pour terminer ?
07:57Qu'il reste comme il est, c'est-à-dire que ça sera un entrepreneur, ça c'est sûr,
08:01je connais les trois candidats, et qu'il continue à aimer ceux qui font la richesse
08:05du pays, les entrepreneurs et leurs entreprises, comme j'ai pu le faire pendant dix ans.
08:09C'est un grand honneur de servir cette cause, croyez-moi bien.
08:12Merci beaucoup François Asselin et merci pour votre fidélité à France Info.
08:15Président de la CPAME pour encore quelques jours, invité Echo de France Info ce soir.