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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:04Et nous sommes toujours avec Charlotte Dornelas du JDD, Adria Matou, également dans ce studio
00:12de Marianne.
00:13Je voudrais qu'on réécoute peut-être les mots de Miss France.
00:16Alors ça fait une petite polémique et pourquoi on en parle ce soir ? Parce qu'elle s'est
00:20fendue d'une explication sur les réseaux sociaux.
00:24Oui, je ne peux pas trop rien dire.
00:25Vous avez lu ou pas ?
00:26Oui.
00:27On va réécouter quand même cette séquence, pourquoi on en parle aussi aujourd'hui ? Parce
00:31que nous sommes le 11 janvier 2025 et qu'il y a dix ans, nous étions quatre millions
00:35dans les rues à défendre la liberté d'expression et à se mobiliser contre les attentats.
00:41C'était il y a dix ans.
00:43Écoutez cet extrait de l'intervention de Miss France chez nos confrères de Sud Radio.
00:48Vous êtes Charlie ? Je ne me prononce pas.
00:51Non, c'est juste pour la liberté d'expression.
00:56Vous pourriez dire oui.
00:57Est-ce que vous pensez qu'en France, on a le droit au blasphème ?
01:00Ça, ça veut dire non ?
01:03Oui, je préfère pas.
01:05Non, ça veut dire non ? Par rapport au blasphème ?
01:08Je préfère pas me prononcer.
01:10Vous ne voulez pas répondre ?
01:11Non.
01:12Ça aurait été cool de dire oui, non ?
01:13Non.
01:14Ça aurait été cool de dire oui.
01:17La réponse est non.
01:19Adrien Matou, vous êtes très remonté.
01:20Oui, oui, je trouve ça lamentable, pour être tout à fait honnête.
01:25J'ai entendu les explications.
01:27Miss France doit être neutre.
01:29C'était un petit peu un traquenard, etc.
01:32Ceci dit, j'ai quand même bien réfléchi et je trouve ça toujours assez lamentable.
01:35Alors pourquoi ?
01:37On lui pose la question, est-ce que vous êtes Charlie ?
01:40On en a un petit peu discuté avec Charlotte Oranten.
01:43Cette expression est un petit peu ambiguë parce qu'elle a deux sens.
01:46Le premier sens, c'est s'accorder sur le principe minimal de la liberté d'expression.
01:51Or, la liberté d'expression, je le rappelle à toutes fins utiles,
01:54c'est surtout valable pour les propos qui ne nous plaisent pas.
01:57Sinon, c'est un petit peu facile.
01:58La liberté d'expression, ce n'est pas seulement quand on est d'accord
02:00ou quand on n'est pas gêné par quelque chose.
02:02La liberté d'expression, c'est accepter d'être dérangé, choqué, pas d'accord,
02:09tout en permettant à la personne de s'exprimer.
02:11Pour moi, être Charlie, c'est ça.
02:13C'est juste s'accorder sur cette exigence minimale de respect de la liberté d'expression.
02:17Le deuxième sens que peut prendre le mot « je suis Charlie »,
02:21c'est « j'adhère à ce que fait Charlie ».
02:23On ne demande pas aux gens, en tout cas moi je ne demande pas aux gens,
02:25d'adhérer à ce que fait Charlie.
02:26Il n'y a pas de problème, on peut ne pas aimer ce que fait Charlie,
02:28on peut trouver ça bête.
02:30Mais ça n'a jamais été « j'adhère à ce que fait Charlie ».
02:32C'est un débat parallèle.
02:34Certains, je pense, interprètent « je suis Charlie » comme « j'adhère à ce que fait Charlie ».
02:39Non, « je suis Charlie », c'est « j'accepte la liberté d'expression ».
02:42Or, Miss France, si elle n'est pas un paragon de la pensée politique, loin s'en faut.
02:48On lui demande, à mon avis, puisqu'elle a un rôle de représentation,
02:52à fort théorie lorsqu'elle est invitée le 7 janvier quand même,
02:56pour les dix ans des attentats,
02:58d'adhérer au socle minimal des valeurs françaises.
03:03Je prends un exemple.
03:04Si on avait demandé à Miss France « est-ce que vous êtes pour ou contre l'esclavage ? »
03:08Je ne suis pas sûr qu'elle se soit réfugiée en disant « je ne prends pas de position politique ».
03:12Donc, à mon avis, le minimum, quand on va dans une émission de radio
03:16où on commémore les dix ans d'un massacre, d'un attentat
03:20contre des journalistes qui ont usé leur liberté d'expression,
03:23le minimum, c'est de dire « je suis pour la liberté d'expression ».
03:27C'était le minimum.
03:28Et je pense que Sud Radio lui a laissé quand même...
03:31Oui, parce que le droit de blasphémer, on l'a relancé là-dessus.
03:34Ça aurait été cool, etc.
03:36Voilà, je pense que c'était le minimum et qu'on se prépare quand même quand on passe à la radio le 7 janvier, dix ans après.
03:41Oui, avoir ce type de question, Charles Dornelas.
03:43Mais ça, le fait qu'elle accepte une interview sur Sud Radio le 7 janvier,
03:47elle aurait pu être mieux préparée que ça pour répondre à ces questions
03:50et éviter de se réfugier en effet dans une neutralité,
03:53mais pour lui rendre justice un minimum quand même.
03:56Précédemment, dans cette interview et dans le communiqué qui suit,
03:59elle condamne évidemment les attentats
04:02et à aucun moment elle explique que c'est à moitié justifié
04:04ou peut-être qu'en fait il l'avait mérité.
04:06On n'est pas du tout sur ce registre-là
04:08et elle mérite quand même qu'on le précise.
04:10Simplement, je pense qu'en effet, au moment de Charlie Hebdo,
04:14ce slogan a été...
04:16Comment dire ?
04:18L'ambiguïté de ce slogan, qu'a très bien décrite Adrien,
04:21a été très habilement utilisée par certains
04:24et sincèrement par d'autres.
04:26Et bon, il ne faut pas confondre les deux.
04:28Là, je pense qu'il y a quand même un peu une...
04:30Voilà, c'est un peu dépassé par le moment,
04:32ce qui n'est pas une excuse, je suis absolument d'accord
04:34avec le fait qu'à partir du moment où elle arrive,
04:36il faut qu'elle puisse répondre.
04:38Et simplement, j'élargirais un peu la chose en disant
04:40qu'au moment de Charlie Hebdo, certes,
04:42la liberté d'expression de Charlie a été défendue,
04:45le droit au blasphème a été défendu,
04:47ce serait bien que la liberté d'expression tout court soit défendue
04:49désormais dans ce pays par tous les gens qui le...
04:51Depuis, en 10 ans, Charlotte Dornelas, Adrien Matou,
04:53elle est devenue quoi, notre liberté d'expression ?
04:55Vous n'avez pas le sentiment que ça s'est nettement dégradé ?
04:57Mais bien sûr que ça a reculé !
04:59Elle a reculé mais ce n'était déjà pas fou il y a 10 ans !
05:01C'est-à-dire que la nouveauté,
05:03la nouveauté qui n'est pas banale,
05:05attention,
05:07c'est que des personnes en France
05:09ont jugé pertinent
05:11de sortir des kalachnikovs
05:13dans un débat
05:15et donc pour interdire la liberté d'expression,
05:17mais la liberté d'expression,
05:19on se bat aussi pour qu'elle existe
05:21tout court, c'est-à-dire que je mets
05:23de côté les gens qui sortent des kalachs
05:25et qu'on a identifié désormais
05:27et qui existent toujours et qui menacent encore
05:29mais simplement dans tous ceux
05:31qui expliquent qu'ils sont charlies,
05:33que la liberté d'expression c'est super important
05:35et que le droit de la femme est très important.
05:37Mais ils sont de moins en moins nombreux, même quand on les interroge,
05:39et notamment chez les jeunes Charlotte Dornelas.
05:41Même chez ceux qui continuent à le dire,
05:43je répète la phrase d'Adrien Matou,
05:45la liberté d'expression, c'est surtout
05:47quand on n'est pas d'accord avec les propos qu'on entend.
05:49Et je note qu'il y a certains propos
05:51avec lesquels beaucoup de gens qui sont charlies,
05:53qui le disent très clairement, beaucoup plus clairement que Miss France
05:55et qui ne supportent pas certains propos
05:57et qui voudraient les interdire, pourquoi pas.
05:59Et ça arrive extrêmement souvent, et pas des propos
06:01qui relèvent en l'occurrence de la loi.
06:03C'est pas ça dont je parle, qui voudraient interdire
06:05des chaînes de télévision ici,
06:07des journalistes là-bas, supprimer les subventions
06:09de tel journal parce que ça leur plaît pas,
06:11mais garder pour les autres.
06:13Donc en fait, il y a au-delà
06:15de la question de savoir est-ce que vous êtes capable
06:17de prononcer le slogan ou pas,
06:19un vrai principe à défendre
06:21et qui lui est très en danger, et bien au-delà de Miss France.
06:23Alors ceci dit,
06:25je suis en d'accord avec ce que vient de dire Charlotte,
06:27mais si on s'intéresse à la question
06:29du blasphème, alors j'ai mis
06:31des guillemets, ça se voit pas
06:33à la radio,
06:35le blasphème n'existe que dans l'œil du croyant.
06:37En réalité, ce qu'on défend c'est pas le blasphème,
06:39c'est la liberté de critiquer les religions.
06:41C'est la liberté d'expression
06:43la plus menacée, parce que c'est la seule,
06:45visiblement, qui peut valoir
06:47à ceux qui l'utilisent, d'être tué.
06:49Le blasphème sur la religion islamique,
06:51on peut peut-être le préciser.
06:53Les cathos étaient déjà un peu énervés
06:55contre les desseins de Charlie Hebdo,
06:57personne n'avait peur de moi.
06:59Les cathos ont fait des procès à Charlie Hebdo,
07:01mais évidemment ils n'ont pas fait
07:03une croisade contre Charlie Hebdo.
07:05La liberté de critique de la religion,
07:07et évidemment spécifiquement de la religion musulmane,
07:09c'est quand même la plus menacée,
07:11c'est celle que peu de gens osent vraiment défendre aujourd'hui,
07:13c'est pour ça que je prends un moment pour le faire,
07:15parce qu'après Charlie Hebdo,
07:17il y a eu des professeurs qui ont été tués
07:19pour le même sujet,
07:21qui est des caricatures religieuses,
07:23et je pense qu'il faut quand même répéter,
07:25et j'aurais aimé que Miss France le fasse,
07:27qu'en France,
07:29on peut critiquer les religions,
07:31on peut le faire avec virulence, on peut le faire avec mauvais goût,
07:33on peut le faire de manière vulgaire,
07:35parce qu'on est en France.
07:37Mais même, c'est
07:39pire que ça, entre guillemets, c'est que d'abord,
07:41c'est pas juste les religions, c'est aussi les nouvelles religions
07:43qu'on peut critiquer, parce qu'il y a des dessins
07:45de Charlie Hebdo, alors quand ça concerne les religions
07:47établies,
07:49tout le monde est Charlie, et puis quand ça concerne les nouvelles
07:51religions du temps, le féminisme, l'écologie,
07:53tout le monde hurle, et là, ça gêne personne
07:55que les procès s'enchaînent.
07:57C'est pour ça que je précise qu'il y a
07:59une seule religion qui fait des fusillades,
08:01qui génère des fusillades, c'est pas les religions qui font
08:03les fusillades, mais qu'il y a des adeptes
08:05un peu radicaux qui font des fusillades.
08:07Et par ailleurs,
08:09ça génère la même opposition,
08:11ce que je veux dire, c'est que Charlie génère
08:13des polémiques,
08:15des polémiques parfois, des réactions
08:17vives, etc. Et ça, c'est l'esprit français,
08:19ça fait partie de l'esprit français,
08:21qu'il y ait des gens qui disent, ah mais moi, les dessins de Charlie Hebdo,
08:23je supporte pas, c'est pas grave
08:25en fait, c'est pas grave, et ça ne justifie
08:27pas, évidemment, que d'autres aillent avec
08:29des kalachnikovs décimer une rédaction,
08:31il faut qu'on soit suffisamment intelligent
08:33et subtil pour faire la différence, évidemment,
08:35entre les deux, et par ailleurs,
08:37là où je dis que c'est
08:39quasiment encore plus grave que ça, c'est que
08:41au-delà de la caricature, qui dans une certaine
08:43mesure relève parfois de l'insulte,
08:45alors je mets aussi mes guillemets imaginaires,
08:47mais vous voyez ce que je veux dire, c'est très provocant,
08:49c'est insultant, parfois certains
08:51dessins le sont à dessin d'ailleurs, et volontairement,
08:53mais là où c'est beaucoup plus grave,
08:55c'est que la menace, et ça, ça devrait convaincre
08:57absolument tout le monde en réalité
08:59de la nécessité du combat, quoi qu'on pense
09:01des dessins de Charlie Hebdo, entre guillemets,
09:03c'est qu'il y a aussi des gens qui sont
09:05sur un terrain extrêmement rationnel,
09:07sans aucun début
09:09d'insulte ou de caractère
09:11grivois même dans le propos, qui sont
09:13sur un terrain rationnel et qui proposent une critique
09:15rationnelle, à laquelle on peut répondre
09:17par exemple par des arguments si on veut,
09:19même si on est tenté de le faire, et ils sont menacés
09:21exactement de la même manière.
09:23C'est vrai, mais c'est vrai.
09:25Donc voilà pourquoi le combat est
09:27absolument nécessaire, c'est qu'on peut
09:29même pas se réfugier derrière le côté, oui,
09:31quand même, les dessins de Charlie Hebdo, vous vous rendez compte, c'est pas
09:33le problème, c'est pas le problème en fait,
09:35c'est simplement qu'il y a des personnes
09:37qui défendent cette religion
09:39islamique en disant
09:41c'est ma version ou vous mourrez.
09:43Et ça ils veulent faire à l'échelle de la France entière
09:45et du monde entier, pourquoi pas après-demain,
09:47mais en l'occurrence ce qui nous occupe c'est la France.
09:49Voilà pourquoi ce combat devrait rassembler
09:51extrêmement largement, et que la Miss France
09:53n'avait pas envie de donner son avis sur Charlie Hebdo,
09:55elle pouvait s'en sortir par mille manières pour
09:57communier à cette... Ce qui est préoccupant
09:59c'est qu'à mon avis on est à la jonction de deux
10:01phénomènes, on a
10:03les islamistes, je les appelle comme ça,
10:05qui menacent et qui considèrent que leur
10:07religion ne devrait pas être critiquée,
10:09et on a quand même, notamment chez les moins
10:11de 25-30 ans, une espèce
10:13de génération respect.
10:15C'est ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire que les jeunes
10:17aujourd'hui l'esprit Charlie, non on ne fait pas de blasphème,
10:19leur esprit cardinal c'est il ne faut pas
10:21choquer, il ne faut pas blesser.
10:23Je vais vous le dire de manière un peu cash, je pense
10:25que c'est dû à un manque considérable du
10:27recul, voire d'intelligence
10:29et que justement c'est quand même le
10:31propre de toute société démocratique et civilisée
10:33de pouvoir critiquer l'autre
10:35ouvertement.
10:37On peut quand même
10:39le distinguer.
10:41Il y a aussi une autre chose, parce que j'entends
10:43le fait d'être blessé, etc. Au-delà
10:45de la critique de l'autre,
10:47bien sûr on est blessé par énormément de sujets,
10:49mais il faut qu'on réussisse aussi dans le débat
10:51à comprendre qu'il y a une distinction entre les personnes
10:53et les actes.
10:55Les actes qu'elles posent,
10:57les choix qu'elles font,
10:59donc on peut très bien discuter de la pertinence
11:01par exemple d'un choix, de la pertinence
11:03d'un acte qui est posé
11:05sans rien dire sur la personne.
11:07Certainement pas un jugement personnel,
11:09et certainement pas une attaque envers la personne.
11:11Et ça évidemment c'est la base, le minimum du minimum
11:13de l'esprit critique. Et malheureusement
11:15là on voit encore une faillite de l'école assez dramatique
11:17qui est grave d'abord pour les jeunes eux-mêmes
11:19parce que franchement vous ne vivez plus, si vous ne supportez plus
11:21d'être blessé, parce qu'il y a plein de choses en effet
11:23qui sont blessantes, alors si vous
11:25ne supportez plus ça, franchement la vie est
11:27littéralement insupportable.
11:29La vie va être compliquée.
11:31L'esprit critique est
11:33un principe ou une valeur
11:35ou un acquis à retrouver de toute urgence.
11:37Exactement, parce que c'est en net
11:39recul. Merci beaucoup
11:41Charlotte Dornelas, Adrien Matou, merci
11:43d'avoir été avec nous en direct dans Europe 1 Soir Week-end.