Axelle Taix-Vaills, professeure d’histoire-géo en collège à Mayotte et originaire de Bouleternère (66) était l'invitée ce mercredi 8 janvier
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00:007h46, Axelle Tex-Weiss, professeure d'histoire-géo au collège à Mayotte, a vécu sur place et de plein fouet le passage du cyclone Shido
00:08qui a dévasté l'île samedi 14 décembre dernier.
00:12Rentrée en métropole deux semaines plus tard, elle se remet de cette expérience éprouvante et prépare son retour prochain dans l'île.
00:18Elle témoigne ce matin sur l'antenne d'Issouissi au Marirouarch.
00:21Bonjour Axelle Tex-Weiss.
00:22Bonjour.
00:23Vous venez de vivre une expérience particulièrement traumatisante, comment est-ce que vous allez aujourd'hui ?
00:28Je pense que je vais déjà beaucoup mieux en rentrant ici en métropole, à Perpignan.
00:33J'ai pu me reposer physiquement et également mentalement on va dire.
00:38J'ai récupéré énormément de repos donc ça va mieux aujourd'hui.
00:41Vous avez quitté Mayotte il y a quelques jours, huit jours, dans quel état se trouvait votre quartier, le collège dans lequel vous vous exercez ?
00:49Il faut dire que Mayotte est détruite, donc tous les arbres sont déracinés, les habitations même endurent.
00:56Il n'y a plus de toit, les rues ont été déblayées très très vite par la population.
01:04Donc oui, on a laissé l'île totalement, on va dire qu'il n'y a plus rien.
01:12Vous avez des nouvelles de vos proches, de vos élèves là-bas ?
01:15Alors les élèves, on a pu en recenser 200, soit les 1 752 élèves qu'on a au collège de Passamenti.
01:23Donc qui est un village dans la commune du chef-lieu qui est Mamoutsou.
01:28Les proches, on va dire mes collègues de travail, eux vont tous bien.
01:34Certains sont rentrés en même temps que moi en métropole et beaucoup sont également restés pour aider la population.
01:41Et parce que généralement ça fait, on va dire pour certains, ça fait plus de dix ans qu'ils sont sur l'île.
01:47Donc la métropole c'est plus vraiment chez eux, chez eux c'est à Mayotte.
01:51Et ils voulaient rester absolument sur l'île pour pouvoir les aider.
01:53Est-ce que vous pouvez nous raconter ce cyclone, comment est-ce que vous l'avez vécu vous ?
01:58Alors le cyclone, je pense qu'on l'a tous pris un peu à la légère.
02:02Ça veut dire qu'on était en alerte pré-cyclonique, on s'est dit ça va souffler.
02:08Mais on n'avait pas encore la réalité, on va dire, de Chido qui arrivait sur l'archipel le samedi 14 décembre.
02:16Les vents ont commencé à souffler aux alentours de, enfin non, je crois qu'ils ont soufflé très tôt, à 7 heures du matin.
02:21Coupure d'électricité, coupure de réseau.
02:269 heures du matin, je pense qu'on a atteint, on va dire, pas le pic, ça a quand même duré 3 à 4 heures.
02:33Donc à partir de 9 heures du matin, les baies vitrées ont explosé.
02:36On pouvait voir des voitures reculer avec la force du vent et le toit s'est ouvert comme une boîte de sardines.
02:44C'est allé très très vite, on a essayé de se réfugier dans un cellier, on était 5, dans un petit cellier.
02:50Et on tenait, moi j'ai toujours le souvenir, de ce mur en placo qui est en train de se fissurer.
02:55Donc on l'a tenu pendant 2 heures en espérant qu'il ne s'effondre pas.
02:59Il a tenu et après c'est un peu la désolation quand on sort et qu'on constate qu'il n'y a plus rien.
03:05Que tous les arbres sont à terre, que les maisons, surtout les bidonvilles, il n'y a plus rien.
03:11Là c'est la désolation, on ne sait plus trop quoi faire.
03:14Je pense qu'on est un peu sur l'instant présent ou l'instant de survie où on essaie d'aller récupérer un maximum de personnes,
03:20d'aller les aider, d'aller les soigner.
03:22Donc tout est allé très très vite et je pense que j'ai encore certains trous de mémoire de ce samedi-ci.
03:278h moins 10, vous écoutez Ici Roussillon, témoignage d'Axel Datexvax, professeur d'histoire géo au collège de Mayotte.
03:34C'est avec vous Marie Rouarch.
03:36Donc vous avez connu vous aussi le manque de tout, y compris d'aide et de secours, en tout cas au moins dans un premier temps.
03:44Qu'est-ce que vous avez fait vous juste après le cyclone ?
03:46Alors juste après le cyclone, on a essayé de prendre soin de la population les plus démunies.
03:51Donc nous même si on manquait d'eau, on est quand même les plus chanceux dans cette catastrophe.
03:59Il faut surtout penser aux personnes qui vivent dans les bidonvilles.
04:02Les plus chanceux, pourquoi les plus chanceux ?
04:05Les plus chanceux parce qu'on vit dans des habitations en dur et on a un travail qui nous a permis en amont de faire quelques provisions, on va dire.
04:15Donc quand on voit déjà les maisons en dur, comment elles ont été détruites,
04:19de suite on a réalisé que tous les bidonvilles de Mayotte avaient été forcément rasées par le cyclone.
04:27Donc deux jours après le passage du cyclone Chido, on est passé dans des bidonvilles,
04:32dans celui de Magicavo qui se situe un peu dans le nord de l'île,
04:37on a essayé d'apporter les premiers secours.
04:41Moi je me trouve un peu ridicule à ce moment-là puisque j'avais un petit spray, un petit peu de betadine, quelques pansements,
04:48mais c'était des plaies qui n'étaient pas comparables à ce que nous on pouvait soigner.
04:52Et ça c'était deux jours après le cyclone, c'est-à-dire que ces gens n'avaient pas reçu de soins ?
04:55Non absolument pas et même deux semaines après le passage du cyclone,
05:00au moment où je suis partie de l'île, il n'y avait toujours pas de secouristes qui étaient passés dans ces bidonvilles-là.
05:05Pourtant Emmanuel Macron est allé cinq jours après le cyclone le 19 décembre,
05:08ça n'a pas accéléré l'arrivée des secours dans les bidonvilles ?
05:12Son passage a fait accélérer le fait qu'on ait du réseau un peu plus vite,
05:20le rétablissement de l'électricité par exemple,
05:23mais au niveau des populations locales ou des populations même sans papier de l'île,
05:28ça n'a absolument rien fait.
05:31C'est-à-dire que ces populations-là sont un peu isolées dans des terrains qui sont difficiles d'accès
05:37et elles n'ont accès à rien du tout, ni eau, ni eau potable, ni nourriture, ni soins.
05:44Et c'était la priorité des professeurs, du moins de mes collègues,
05:49ainsi que certains locaux présents sur l'île, c'était d'aller leur porter les premiers soins.
05:55Vous êtes rentrée donc en métropole pour récupérer, vous allez retourner à Mayotte ?
05:58Oui, bien sûr, je vais retourner à Mayotte.
06:00Je sais qu'il y a beaucoup de mes collègues qui ne veulent plus y mettre les pieds,
06:03mais pour moi c'est quand même la mission que j'ai depuis trois ans,
06:06c'est ma mission de professeur, donc de prendre soin de mes élèves.
06:10C'est de retourner sur l'île certainement au mois de février.
06:13Je ne sais pas encore, est-ce qu'on va réussir à nous reloger,
06:16combien il reste encore d'élèves, on ne sait pas encore.
06:21Est-ce que les cours vont pouvoir reprendre ?
06:23Là, ils pensent reprendre les cours le 13 janvier.
06:26Pour moi, ça me paraît un peu grand le 13 janvier,
06:30sachant que la quasi-totalité de nos élèves ont tout perdu.
06:33Ils n'ont plus de matériel scolaire, ils n'ont plus de toit, ils n'ont plus de nourriture, plus d'eau.
06:36Donc la priorité, pour l'instant, ce n'est pas l'éducation, c'est déjà de les prendre en charge.
06:43Merci beaucoup d'être venue confier votre témoignage à ICI Roussillon ce matin.
06:48Axelle Texweiss, vous êtes prof d'histoire géo en collège à Mayotte
06:52et vous avez vécu ce passage du cyclone Fido, merci beaucoup à vous.
06:54Avec plaisir, merci à vous.