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00:00Il est 7h45, ici Iser vous donne la parole ce matin, dix ans après l'attaque contre Charlie Hebdo.
00:05Quels sont vos souvenirs de l'époque ? Qu'en reste-t-il aujourd'hui ?
00:09Appelez-nous 04 76 46 45 45, notamment si vous aviez participé à ces manifestations où on était très nombreux à Grenoble.
00:17On en parle avec notre invité Théo H.
00:19Oui, le dessinateur Grenoble à Jacques Sarda, alias Clé de Douze, bonjour.
00:22Bonjour.
00:23Merci d'être avec nous en studio ce matin, dix ans, jour pour jour, après ce jour macabre de janvier 2015.
00:31Dix ans après, le son est encore glaçant, des rafales qui tuent douze personnes, huit dans les locaux de Charlie Hebdo
00:39et quatre autres ailleurs, dans les jours qui suivent aussi, à Montrouge, à l'Hypercachère, et puis c'est le sursaut.
00:45Plusieurs millions de personnes qui descendent dans la rue, brandissent des pancartes « Je suis Charlie », vous en parliez, « Sois-y ».
00:51À Grenoble, cent dix mille personnes défilent le 11 janvier.
00:55Jacques Sarda, qu'est-ce que vous, en revoyant ces images aussi, qu'est-ce que vous vous retenez de cette période-là, des images, des sons ?
01:02Qu'est-ce qui vous reste en mémoire à vous ?
01:04Moi, ce qui me reste en mémoire, c'est qu'il y avait beaucoup de gens qui ont fait des pas en avant, et puis il y en a quand même plein qui ont fait des pas en arrière.
01:13Ce débat sur « Je suis Charlie » ?
01:15Ça a été porté par un mouvement très instinctif, les gens ont réagi de façon charnelle, émotionnelle, mais après, quand les gens ont commencé à réfléchir, il y en a plein qui se sont mis à reculer.
01:34« Je suis Charlie », petit à petit, il est devenu un petit peu flou, et ce n'est pas si simple que ça.
01:42On fête les dix ans, mais enfin, si on fait le bilan en dix ans, ce n'est pas glorieux.
01:47On va faire ensemble le bilan.
01:50Je vous propose quand même de rembobiner un petit peu.
01:53Le soir du 7 janvier 2015, à Grenoble, Place Félix Poula, il y a eu un rassemblement spontané, et voilà ce qui se disait à l'époque.
02:00C'est la première fois, je crois, de ma vie que je fais ça, mais on est allé trop loin.
02:04Je suis nu parce qu'il se passe quelque chose en France, et je voulais en faire partie.
02:09On est tous des Charlies, ce soir, hier, et tous les jours à venir, pour tous les combats, je crois.
02:15Et c'est bon de voir qu'on est tous ensemble, tous émus, mais encore tous debout.
02:19Vous avez commencé à effleurer la question, est-ce qu'on dirait la même chose aujourd'hui, selon vous ?
02:25Non, ça devrait faire piqûre de rappel.
02:27Des fois, peut-être que les gens devraient se rappeler ce qu'ils ont dit à cette période-là, quand ils réagissent par rapport à certaines choses.
02:33Parce qu'il n'y a quand même pas autant d'ouverture.
02:39Il y avait de très beaux discours, mais très vite, je vois dans la pratique de mon métier, des barrages, des censures.
02:48Vous trouvez que la censure a augmenté, vous le vivez peut-être ?
02:52Peut-être, je le vis, autant sinon plus.
02:57C'est de l'auto-censure, c'est vous qui, peut-être, avez intégré cette peur, ou c'est une censure qui vient d'ailleurs des éditeurs ?
03:05De l'auto-censure, comme tout le monde s'auto-censure.
03:10Tout le monde ne dit pas les mêmes choses à certaines personnes, de toute façon, on fait tous auto-censure.
03:15Non, mais c'est de la censure sur des gens qui disent, non, on ne va pas faire ça, parce qu'en ce moment, le sujet est trop sensible.
03:21Donc, on ne va pas rire, là, ça commence à être des problèmes.
03:26Et puis, des endroits, j'étais dans un hôtel de région pour animer une assemblée générale, et j'ai eu un mot,
03:33il y a eu un ordre d'en haut, pas de caricature.
03:36Ah, quand même, pas de caricature.
03:39Et puis, il y a des endroits, c'est clair, j'ai une croix rouge au-dessus de la tête.
03:45Bon, maintenant, voilà, c'est de la répression économique.
03:52Pour l'instant, je n'ai pas encore de...
03:54Mais, voilà, cette année, j'ai eu... Enfin, l'année dernière, plutôt, j'ai eu une attaque de wok,
03:59parce que mes dessins étaient sexistes.
04:01Alors que je dis, mais souvent, justement, dans mes dessins, c'est plutôt l'homme qui est un peu con et la femme qui est plutôt intelligente.
04:08Parce que je sais que sinon, je vais me prendre une remarque, même si je suis quand même un peu pour l'égalité des sexes.
04:13Je voudrais que les femmes soient aussi bêtes que les hommes, mais ce n'est pas évident de le faire en dessin.
04:18Vous trouvez qu'il y a une sensibilité peut-être plus importante ?
04:22Non, mais c'est... Voilà, c'est...
04:26Il y a des choses, les gens sont arc-boutés sur des choses, et c'est beaucoup plus tendu.
04:31De toute façon, sur tous les sujets, on sent que très vite, les gens ne sont plus capables de parler entre eux.
04:37De toute façon, les gens sont sur leur réseau, et puis, si on n'est pas d'accord, on vire la personne du réseau.
04:42Donc, moi, j'adore discuter avec des gens avec qui je ne suis pas d'accord.
04:45Je trouve ça super, c'est comme ça que...
04:47Déjà, j'ai du mal à être d'accord avec moi-même, alors pfff, les autres, vous pensez ?
04:51On fait un détour au standard de France Bleu, Isère, parce qu'on a des auditeurs qui veulent réagir, effectivement.
04:56Ici, Isère, pardon, j'ai encore du film.
04:58Eh ben, ça va faire plein d'argent dans la boîte, c'est parfait.
05:00Antoine nous appelle de Sainte-Colombe, dans le Rhône et juste à côté de Vienne.
05:03Bonjour Antoine !
05:04Oui, bonjour.
05:05Alors justement, vous avez pas mal de souvenirs de cette époque, justement.
05:09Totalement, totalement, parce que...
05:12Bon, j'avais lu quelques fois Charlie Hebdo, mais comme ça, de temps en temps.
05:17Et par contre, ça a été une douche froide, enfin même quelque chose de glacial, quand l'événement est arrivé.
05:24Et je dois dire que ça m'a fait un peu comme un électrochoc, un peu.
05:29Et c'est la première fois que je suis descendu dans la rue.
05:32Ah oui, c'était votre première manifestation.
05:34Voilà.
05:35À l'époque, j'avais 52 ans, si je me rappelle bien.
05:37Et effectivement, on s'est retrouvés dans Lyon, à applaudir les policiers qui passaient,
05:44à défiler en silence et dans le calme et tout.
05:47Bon, c'était quelque chose de très fort.
05:50Et qu'est-ce qui vous en reste aujourd'hui, Antoine, dix ans après ?
05:53Eh ben, il m'en reste que je suis un servant lecteur de Charlie Hebdo depuis cette époque où je me suis abonné.
05:59Donc vous l'êtes resté, ok.
06:01Je le reçois toutes les semaines.
06:05Je vomis toutes les critiques qui peuvent être faites à leur égard.
06:09C'est-à-dire que moi, je dis comme eux, on peut rire de tout.
06:13Des gens comme Cabu étaient des génies.
06:16Des gens comme Wolinski étaient des génies.
06:19Ils ont été abattus par des crétins.
06:21Et je trouve que c'était vraiment quelque chose de très fort.
06:25Et je félicite et j'encourage l'équipe de Charlie Hebdo qui continue maintenant.
06:30Parce qu'ils font du bon boulot.
06:31Parce que malgré tout, c'est un journal Charlie Hebdo.
06:34Bon, il y a des caricatures, c'est vrai.
06:36Mais il y a des journalistes aussi. Il y a de l'info tout à fait.
06:39Il y a des articles de fond qui sont excellents.
06:42J'en veux pour preuve les derniers articles qui sont parus et qui ont suivi de très près le malheureux procès autour des drames de viol de Mazan.
06:52Et j'ai trouvé que leur analyse et leur reportage étaient extrêmement bien faits.
06:57Eh ben, merci Antoine pour ce témoignage très intéressant.
07:00Effectivement, abonné depuis dix ans à Charlie Hebdo.
07:03Merci Antoine de nous avoir appelé. Belle journée.
07:06Longue vie à Charlie Hebdo et merci à vous.
07:08Merci beaucoup.
07:09Avec plaisir.
07:10Je reviens vers notre invité Jacques Sarlat.
07:11Je vois avec un grand sourire le témoignage d'Antoine.
07:13Vous faites plaisir, vous satisfaites que des gens depuis dix ans ont intégré aussi peut-être davantage le dessin de presse dans leurs habitudes.
07:22Oui, c'est vrai qu'il y a des gens qui tout d'un coup ont vu que ça existait.
07:29Après, c'est vrai qu'on avait parlé de ça un petit peu avant.
07:36Je fais des interventions sur le dessin de presse dans un collège sur Grenoble.
07:41J'allais vous interroger là-dessus auprès de collégiens notamment.
07:44Voilà, avec des collégiens.
07:45Et tout d'un coup, c'est comprendre qu'avec le dessin de presse, on essaye de faire passer une idée.
07:51On essaye de réfléchir et puis de dire des choses.
07:55Et comment vous les sentez justement ces jeunes par rapport à la liberté d'expression ?
07:59Aux limites peut-être de la liberté d'expression ?
08:01Au début, ils ont certains a priori.
08:04Par exemple, je leur parle des stéréotypes de la caricature.
08:09Et je leur dis, par exemple, si je veux dessiner un vigile, je vais faire un grand black.
08:13Et il y a un jeune tout de suite, il me dit, mais c'est raciste monsieur.
08:16Et je dis, non, c'est pas raciste.
08:18Mais à grand place, ils sont comment les vigiles ?
08:21C'est des grands blacks.
08:23Ben ouais, c'est comprendre ça.
08:26Voilà, pour montrer.
08:28Et puis après, quand on travaille sur les sujets, on s'aperçoit que tout d'un coup, il y a le débat.
08:33Il y en a qui rient sur un dessin, puis les autres qui sont surpris.
08:35Ils disent, ah bon, ça te fait rire toi ?
08:37Et je dis, ben oui, mais c'est normal.
08:39Voilà, pourtant vous avez la même culture.
08:41Mais voilà, on réagit différemment par rapport à certaines choses.
08:45Mais il y a un dialogue qui s'instaure en tout cas.
08:47Il y a un dialogue qui s'instaure.
08:48Et puis tout d'un coup, moi j'ai eu un jeune qui m'a dit, ben maintenant dans les journaux, je regarde les dessins.
08:52J'ai vu que ça voulait dire quelque chose.
08:54J'ai dit, ben j'y suis pas allé pour rien.
08:56Voilà, si tout d'un coup, il se rend compte que c'est...
08:58Et dans une petite classe, j'ai même vu aussi un élève qui dit...
09:01Je dessinais en direct et j'avais affiché les dessins.
09:05Et il y a un enfant qui voit la maîtresse et il lui dit, mais madame, ça vous fait rire le dessin ?
09:10Elle lui montre le dessin.
09:12Je lui dis, ben oui, tu vois, il a fait ceci, il a fait cela.
09:14Il comprend, puis ça le fait sourire.
09:16Mais c'est dingue.
09:18Il comprend même pas qu'un dessin, ça puisse faire rire.
09:21Ça veut dire que chez lui, il n'a jamais vu un dessin.
09:24Il n'a jamais vu une bande dessinée ou même un livre.
09:28C'est des gens...
09:30De l'importance de ces interventions.
09:32Ça devrait être obligatoire d'avoir des dessins sur les téléphones portables.
09:36Des débats, il y en a aussi sur notre page Facebook, puisqu'on vous a posé la question.
09:41Effectivement, des réactions, des souvenirs de cette époque, dix ans après l'attaque contre Charlie Hebdo.
09:45Finalement, pas trop de débats.
09:47Tout le monde est assez d'accord.
09:49Jean-Louis, par exemple, qui nous dit...
09:51J'avais acheté le numéro de Charlie Hebdo après les attentats.
09:54Celui du 14 janvier 2015.
09:56Sandrine qui rend hommage à Cabu, qu'elle aimait beaucoup.
10:00Elle aimait beaucoup ses caricatures.
10:02Et on sent aussi un peu de peur, ce matin, au-delà de la défense de Charlie Hebdo.
10:07Des attentats qui ont marqué et qui...
10:10Et un terrorisme qui est toujours présent.
10:12Aujourd'hui, en tout cas, c'est ce que nous écrit Joss, par exemple.
10:15Le terrorisme est le cœur du problème.
10:17Hélas, il est toujours présent.
10:19Notre invité, ce matin, Jacques Sarda, alias Clé de Douze, dessinateur grenoblois.
10:23Est-ce que vous vous sentez, peut-être, une responsabilité particulière,
10:27depuis dix ans, un peu défenseur de la liberté d'expression ?
10:31Est-ce qu'il y a un poids particulier sur vos épaules qui s'est instauré ?
10:35Mon Dieu, je n'avais jamais pensé à ça !
10:37En héros de la liberté d'expression ?
10:41Non, c'est tout le monde.
10:45Je dirais que c'est plutôt ceux qui me font travailler
10:49qui sont les vrais héros.
10:51C'est-à-dire que, moi, souvent, je dis
10:53« Ah, j'ai de la chance, je travaille qu'avec des gens intelligents ».
10:55C'est, voilà, qui osent dire « Bah oui, vous allez venir
10:59et vous allez aussi vous moquer de nous
11:01parce qu'on a besoin de ça, on a besoin d'un autre regard »
11:04et de leur dire « Mais oui, vous êtes... »
11:06Souvent, les gens, ils travaillent un petit peu en vase clos,
11:08ils sont entre eux, et d'avoir ce regard extérieur
11:12et puis de traiter en dérision, peut-être, ce qu'ils font,
11:16mais sans...
11:18Pour les jeunes, justement, des fois, l'humour, c'est le bashing.
11:22On se moque.
11:24Justement, avec les jeunes, ce qu'on essaye de voir,
11:26c'est que tout d'un coup, on a travaillé sur le harcèlement,
11:29il faut arriver à se moquer du harceleur.
11:31Pas du harcelé. Le harcelé, c'est facile.
11:33Mais le harceleur, d'un coup, c'est plus complexe.
11:36Et là, la réflexion, ça devient compliqué.
11:40Mais c'est ce qui est super intéressant.
11:42Il y a des anecdotes qui ont été vraiment super,
11:45mais c'est trop long pour en parler là.
11:47On n'a plus le temps.
11:49Mais c'est tout le monde à son niveau
11:54qui doit être le porteur de ce décalage.
11:57Le bienfait du dessin de presse, de la caricature.
12:00Effectivement, vous en avez parlé formidablement ce matin, Jacques Sardar.
12:03Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin,
12:05alias Clé 12, dessinateur grenoblois. Belle journée.
12:08Merci beaucoup.
12:09Et puis merci à Antoine qui nous a appelés,
12:11à vous qui nous avez laissé plein de réactions.
12:13Vous pouvez continuer sur notre page Facebook,
12:15sur le post Météo aussi.
12:17C'est également fait pour cela.

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