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TERRORISME - Dix ans plus tard, le souvenir est toujours intact. Celui du « cric crac » de l’arme qui se prépare à tirer. Celui du coup de feu et du poids que le bruit assourdissant semble faire tomber sur son dos. Mais aussi, et surtout, celui d’une collègue souriante, intégrée, qui allait tout juste commencer sa carrière de policière municipale. Dans une interview au HuffPost, Jonathan Berdal, policier municipal et collègue de Clarissa Jean-Philippe, rend un hommage émouvant à celle qu’il considère toujours comme sa « binôme », tombée sous les balles d’Amedy Coulibaly le 8 janvier 2015.

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Transcription
00:00Disant, elle est avec moi, elle me surveille,
00:05elle me donne des conseils, j'avance.
00:11Mes collègues font le marché tranquillement ce jeudi,
00:14ce 8 janvier 2015, et je me retrouve avec Clarissa.
00:18Super content, et nous on est en patrouille,
00:21on fait une petite surveillance générale.
00:23Le commissarien nous appelle sur un accident
00:26de la circulation routière.
00:28On se stationne au 96, avenue Pierre-Bonsolette.
00:31On prend contact avec les victimes et les personnes
00:35qui ont eu les accidents.
00:37On leur demande si tout va bien.
00:39Et à un moment, j'entends un clic.
00:43J'ai à Clarissa, j'entends un bruit de claquement d'armes,
00:47j'entends un bruit d'armement.
00:49Elle aurait dû arrêter,
00:51pour qu'on se fasse des petites bêtises,
00:53des petites conneries, fantaisies,
00:55pour décompresser l'atmosphère d'une patrouille.
00:58Je me retourne et je vois derrière moi une masse noire.
01:02Le blouson noir, la grosse doudoune noire.
01:06Il passe derrière nous.
01:08Je dis bon, mais rien du tout.
01:10Avec un sac à dos basique.
01:13Et là, je rentends encore un bruit d'armement.
01:16Et là, il a tiré.
01:18Et là, je vois mon collègue des services de propreté
01:25se battre avec cette personne.
01:28J'arrive avec mon tonfa.
01:30Il voit et il se débat.
01:32Et il part.
01:33Je retourne un peu sur les lieux, tout doucement.
01:35Et là, je vois Clarissa au sol, en sang.
01:39J'ai dit, ma belle, ça va aller, ça va aller.
01:42J'appelle encore ma centrale.
01:43Venez appeler les pompiers.
01:44Les gens, ils étaient aux yeux.
01:45Appelez les pompiers, appelez les pompiers.
01:46Moi, j'étais là, j'étais là.
01:47Il y avait une infirmière qui était à côté de moi.
01:49On y va, on y va, on est là.
01:50J'ai dit, ça va aller, ma belle.
01:51Allez, vas-y, sois forte.
01:53Sois forte, sois avec moi.
01:54On est ensemble.
01:55Et je pars, je pars à l'hôpital.
01:57Et une dame, tout de suite, une policière arrive avec son collègue.
02:00Elle me posait des questions.
02:01Et la première question, moi, que je demande, c'est, ma Clarissa.
02:07Et j'ai dit, comment ça va, Clarissa ?
02:10Et elle m'annonce que ma Clarissa est décédée.
02:1526 ans, début de sa carrière.
02:17Elle allait voir le diplôme.
02:18Elle allait voir.
02:19Il y avait cette grande cérémonie du 11 janvier.
02:21J'étais dans le Nord, donc je n'ai pas pu assister à cette cérémonie.
02:24Je l'ai vue à la télévision.
02:25On était tout Charlie.
02:26Et derrière ce mot Charlie, il y avait tous ces gens assassinés du terroriste.
02:31Et il y avait ma Clarissa.
02:33Il n'y avait pas que Charlie, mais il y avait aussi ma Clarissa.
02:37Moi, je suis reparti dans le Nord avec ma famille.
02:41Je ne dormais pas.
02:42J'étais stressé.
02:43J'ai même dit à mes parents, on se renferme.
02:45Je regardais ma mère, qu'elle allait bien fermer la porte d'entrée
02:48pour voir s'il n'y avait personne qui rentrait.
02:50Le psychologue, le psychiatre m'a aidé énormément.
02:54J'ai repris le travail au bout de six mois.
02:56Sur le terrain, j'observe plus.
02:58Je balaye plus mes yeux.
03:00Je ne veux pas dire pas plus craintif.
03:02Non, bon, ça on est…
03:04Mais je suis plus vigilant.
03:06Que ce soit sur le travail et sur la vie quotidienne.
03:10Dans le métro aussi, je regarde un peu les gens.
03:12Juste après les attentats, on a mis une photo dans le poste de police,
03:16dans notre salle de travail.
03:17Il y a un petit endroit d'elle, avec une photo, des fleurs.
03:20Tous les matins, quand je ferme mon casier, elle est avec moi.
03:23On travaille ensemble.
03:25Comme je dis, c'est ma binôme.
03:27Ma binôme qui est à côté de moi.
03:29Et tous les matins, quand je travaille, un petit signe.
03:35Elle est là et je tourne ma tête, elle est là.
03:38Elle me regarde.
03:40On part ensemble, disant, elle est avec moi.
03:45Elle me surveille.
03:47Elle me donne des conseils.
03:51J'avance.
03:52Elle était toujours souriante, chaleureuse.
03:55Elle adorait sa maman.
03:57Elle adorait cet attachement familial de sa maman.
04:01Elle nous parlait beaucoup de sa maman.
04:03Elle l'appelait tous les jours.
04:04Chaque année, on fait la cérémonie.
04:06Tous les ans, tous les ans.
04:08Et c'est vrai, dix ans.
04:09Dix ans, ça fait déjà dix ans.
04:11Le poste va être rénommé Jean-Philippe Larissa.
04:14C'est un souhait que je voulais.
04:18Ça sera encore quelque chose de marqué dans les murs de la police municipale.
04:22Dans les locaux de la police municipale à Montrouge.
04:24C'est un lien qu'on n'oublie pas.
04:28Surtout qu'on ne l'oublie pas.

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