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00:00Allez, on va revenir à présent sur les annonces de Gérald Darmanin, hier, dans le Parisien.
00:05Gérald Darmanin qui veut mettre à l'isolement les trafiquants de drogue les plus dangereux
00:09pour qu'ils ne puissent plus communiquer, Gilles Taurès. C'est bien ça ?
00:13Oui, c'est ça. Il veut faire le même modèle qu'il y a, par exemple, sur les personnalités qui ont été condamnées à du terrorisme
00:19pour les personnes qui dirigent ce secteur-là.
00:23Moi, j'ai eu un ancien ministre de l'Intérieur hier au téléphone pour lui poser la question, finalement,
00:28est-ce que c'est une bonne ou une mauvaise solution, sachant qu'en France, aujourd'hui, il y a à peu près 15 000 détenus.
00:32C'était qui ce ministre, Gilles Taurès ? Un ancien ministre de l'Intérieur ?
00:35Oui, un ancien ministre de l'Intérieur. Vous cherchez, il n'y en a pas 40 encore vivants.
00:39Mais pour savoir, finalement, si c'était une bonne idée, parce que c'est vrai qu'on peut se dire
00:43que ça ressemble à une opération de communication, sachant qu'il y a aujourd'hui 15 000 détenus
00:48pour trafic de drogue en France, donc isolés les 100 plus gros narcotrafiquants,
00:52est-ce que ça a vraiment une utilité ou non ? Et bien, cet ancien ministre de l'Intérieur me disait
00:56que c'était une très bonne idée, que ça avait fonctionné pour le terrorisme.
01:00Et on se souvient d'ailleurs, vous savez, ce chauffeur VTC qui a été tué à Marseille,
01:04il avait commandité à un enfant de 14 ans le meurtre de ce chauffeur.
01:08Enfin, pas de ce chauffeur, mais pour le coup, c'est ce chauffeur qui avait été tué.
01:11Et bien, il l'avait commandité depuis la prison. Donc, on voit bien que ça peut avoir des effets,
01:15d'autant plus qu'on sait qu'aujourd'hui, les principaux narcotrafiquants mènent leur horrible trafic,
01:21soit depuis d'autres pays, notamment les pays du Maghreb, pour la Dezen Mafia,
01:26pour le clan Yoda, pour le gang des Blacks, c'est comme ça qu'ils s'appellent,
01:29soit depuis les prisons. Et ça, pour le coup, c'est bien documenté.
01:32Et depuis des années, on sait très bien que la plupart des narcotrafiquants,
01:35ils sont sous nos yeux.
01:36C'est Brice Hortefeux que vous aviez au téléphone ?
01:38Je ne peux pas vous dire.
01:39Ah, il protège ses sources.
01:40Il a raison, il protège ses sources.
01:42Vous êtes un bon journaliste.
01:43C'est Yannis Soto !
01:45Je suis un bon journaliste.
01:48Si on trahit les sources, plus personne ne nous est confiant.
01:52Vous voyez, dans l'affaire Mohamed Amra, on avait retrouvé...
01:54Brice Hortefeux a été un très bon ministre de l'intérieur.
01:56On avait retrouvé neuf téléphones portables dans sa cellule.
02:00Il est toujours, j'allais dire, en liberté, toujours dehors.
02:03On ne l'a pas retrouvé.
02:04Et il télécommandait des trafics de stupéfiants à distance, Mohamed Amra.
02:08En réalité, ce que veut aussi M. Darmanin, c'est nettoyer les cellules.
02:12Il avait 14 téléphones sur lui, Mohamed Amra.
02:14Exactement, 14 téléphones sur lui.
02:16Mais ça, c'est tout à fait possible.
02:18Il y avait Béatrice Brugère qui était invitée aujourd'hui.
02:20Elle disait que mettre des brouilleurs, ça ne sert à rien.
02:22Mais des détecteurs, c'est utile.
02:24Ça, on pourrait le faire.
02:26C'est intéressant d'interroger également les directeurs de prison.
02:29Parce que je ne suis pas certain que ce soit aussi facilement qu'on le dit réalisable.
02:35Emmanuel Chombeau qui est avec nous,
02:38qui est gardien de prison, secrétaire général du syndicat UFAP Unsa Justice.
02:44Bonjour M. Chombeau.
02:46Merci d'être en direct avec nous sur Europe 1 cet après-midi dans Marche sur la tête.
02:49Bonjour.
02:51Pendant que les auditeurs continuent de nous appeler, 0180 20 39 21
02:54pour nous dire si c'est une bonne ou une mauvaise idée,
02:57ces propositions de Gérald Darmanin hier dans Le Parisien.
03:01Alors M. Chombeau, qu'est-ce que vous en pensez vous de ces annonces du nouveau garde des Sceaux ?
03:07Il y a beaucoup d'annonces médiatiques depuis que M. Darmanin a été nommé ministre de la Justice.
03:16Autant il y a des bonnes idées sur lesquelles on peut souscrire,
03:19autant celles qui parlent notamment de mettre tous les narcotrafiquants dans les quartiers d'isolement.
03:25Il n'a pas dit tout, il a dit les plus dangereux.
03:27Les 100 plus dangereux.
03:29Ça peut être 110.
03:30Les 100 plus dangereux, on va dire, qui sont les plus importants.
03:36Ça pourrait être une mesure loi, mais aujourd'hui on n'a pas la capacité d'une, de le faire,
03:40et encore moins le personnel pour le faire.
03:42Pour quelles raisons ?
03:43Aujourd'hui, les quartiers d'isolement sont déjà pleins.
03:46Il n'échappe pas à la surpopulation pénale.
03:48Tout à l'heure, j'entendais sur le plateau que vous parliez qu'on avait 15 000 détenus
03:52qui sont en lien avec le narcotrafic.
03:54Aujourd'hui, il faut savoir qu'on a 81 000 détenus incarcérés
03:57pour une capacité d'accueil de 161 000 places.
03:59Donc on a plus de 20 000 détenus.
04:01Les quartiers d'isolement débordent, ils sont pleins aussi.
04:03Ils n'échappent pas à la surpopulation.
04:05Alors certes, il y a un détenu par cellule,
04:07mais ils sont pleins dans toutes les prisons sur l'ensemble du territoire.
04:11Il ne reste que quelques places, donc on ne pourra pas mettre tous ces détenus-là
04:14dans les quartiers d'isolement, sauf en faire sortir.
04:17Mais ceux qui sont entrés, ils sont entrés soit sur des mesures administratives de sécurité,
04:22en lien avec la sécurité des établissements.
04:24Donc ça peut être, comme vous l'évoquiez tout à l'heure, pour le terrorisme
04:27ou d'autres faits de violence,
04:30ou soit ils ont été placés au quartier d'isolement
04:33par les magistrats dans le cadre de l'instruction qui est en cours
04:36par rapport à des détenus qui peuvent être médiatiques ou très sensibles.
04:39Donc si vous voulez, on ne peut pas sortir comme ça
04:42les détenus qui sont aujourd'hui au quartier d'isolement
04:44pour les remplacer par les 100 plus gros, on va dire, narcotrafiquants.
04:48Aujourd'hui, ces 100 plus gros narcotrafiquants sont déjà suivis
04:52par les services de renseignements pénitentiaires.
04:54Ils sont identifiés pour la plupart.
04:56Certains, malheureusement, sont passés à travers,
04:58et on l'a vu dans le cas, vous le rappeliez tout à l'heure,
05:01de l'affaire Amras, où celui-ci est passé au travers,
05:03alors que c'était plutôt quelqu'un qui était du haut du spectre,
05:06on va dire, dans le narcotrafic,
05:08et pas simplement un revendeur de cannabis ou je ne sais quoi.
05:12Voilà, donc effectivement...
05:14Mais vous entendez ce qu'on disait, il avait 14 téléphones portables sur lui.
05:18Oui, et il était à l'isolement.
05:22Et sa cellule est insonorisée, surtout.
05:26Elle était sonorisée.
05:27Sonorisée, pardon.
05:28Oui, non, non, je vous en prie, je vous en prie.
05:30Elle était sonorisée.
05:31Ce qu'il faut savoir, c'est qu'aujourd'hui, on met des brouilleurs,
05:35et on en demande plus de brouilleurs,
05:37parce que ça permet de brouiller les téléphones portables à la personne.
05:40Mais ça ne suffira pas, parce qu'aujourd'hui, tous les jours,
05:43les établissements pénitentiaires, il y a des téléphones portables tirants,
05:46par les projections, par les visiteurs de prison, par les drones.
05:51C'est vrai tous les jours, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
05:53si vous faites une opération place nette, comme l'a dit le ministre,
05:56on va nettoyer des cellules, on va trouver peut-être une cinquantaine de portables.
05:59Trois jours après, vous en avez autant.
06:01C'est des vrais passoires, nos prisons.
06:03Ce sont des passoires.
06:05Moi, j'écoute avec attention ce que vous dites.
06:07J'avais eu l'occasion plusieurs fois de visiter des prisons,
06:09notamment une fois, une prison célèbre qui est celle des Baumettes.
06:12Et c'est vrai que j'avais été frappé par le fait que,
06:15aussi bien les détenus que les surveillants,
06:16m'expliquaient qu'il y avait beaucoup de mythes sur la prison.
06:18Et que notamment, ce n'est pas le cas de toutes les prisons,
06:20mais qu'en tout cas, par exemple, aux Baumettes,
06:22le mythe de la prison hermétique parce qu'il y a des murs qui sont hauts
06:25et qu'il y a des barbelés, c'était évidemment un mythe.
06:27Je me souviens, j'avais rencontré quelqu'un qui m'expliquait,
06:29un détenu, qu'il continuait à travailler, entre guillemets, depuis sa cellule,
06:32qu'il avait des téléphones, etc.
06:35La question que je me pose, face à la solution de Gérald Darmanin,
06:38c'est...
06:40Je veux bien, imaginons que ça marche.
06:43Qu'on prenne les 100 plus gros trafiquants de drogue,
06:45les gens qui sont dans la tête des réseaux,
06:47qu'on les isole, qu'on les empêche de travailler.
06:49D'accord, ça va porter un coût énorme
06:51aux mafias qui gèrent le trafic de drogue en France.
06:53Très bien. Il n'en demeure pas moins.
06:55Que là, M. Darmanin pose la question de la drogue
06:58depuis le point de vue de l'offre, c'est-à-dire des trafiquants de drogue.
07:01Et avec une solution répressive.
07:03Mais il y a aujourd'hui en France une demande.
07:05Vous avez 5 millions de consommateurs,
07:07dont 2 millions de consommateurs très réguliers de drogue.
07:10Je fais juste un constat tout simple.
07:12Aucun pays du monde, dans l'histoire,
07:14n'a jamais réussi à régler la question d'une addiction
07:17à des substances illicites, qu'il s'agisse de la drogue,
07:19qu'il s'agisse de l'alcool quand c'était interdit,
07:21par la répression. Jamais aucun.
07:23Même les Philippines, où M. Duterte, le président,
07:26fait tirer à balles réelles sur les drogués.
07:28Même ça, ça ne marche pas.
07:30Et vous imaginez bien qu'on ne va pas employer
07:32des solutions aussi inhumaines et aussi radicales.
07:34Ce que je veux dire par là, c'est que je pense
07:36que la solution de la prohibition est une solution
07:38qui porte en son sein la perspective de son échec.
07:41Et qu'il faut à un moment poser sérieusement
07:43la question de se dire, à partir du moment
07:45où factuellement, vous avez entre 2 millions
07:48de consommateurs réguliers et 5 millions
07:50de consommateurs de drogue, qu'est-ce qu'on fait ?
07:52Et la vérité, c'est que M. Darmanin, sa solution
07:54ne fonctionnera pas à elle seule.
07:56Justement, en un mot sur la prison des Baumettes,
07:59il faut quand même dire qu'il y a eu un mandat
08:02qui a été mis sur la tête de la directrice
08:04de la prison des Baumettes il y a quelques semaines,
08:06sur sa tête et celle de son adjoint,
08:08et ils ont été écartés de leur fonction.
08:11Donc là aussi, on voit qu'en prison,
08:13il y a une défaite idéologique,
08:15une défaite qui consiste à écarter
08:18une personne qui est elle-même ciblée
08:21par ses dealers de drogue, par ses narcotrafiquants,
08:24et finalement, plutôt que de faire le nettoyage
08:26dans les prisons, on écarte cette directrice
08:28de la prison des Baumettes.
08:29C'est une défaite de la pensée.
08:30Vincent, un mot rapidement.
08:32Un point très rapide.
08:33On est en train de nous dire qu'on va désigner
08:36les 100 plus gros prisonniers narcotrafiquants
08:42et qu'on va les isoler.
08:44Mais un prisonnier,
08:46ce n'est pas une boîte de conserve.
08:48On n'en fait pas ce qu'on veut.
08:50Il y a un cadre juridique,
08:51et les prisonniers en question
08:53qu'on va décider de placer,
08:54ils vont faire plein de recours.
08:56Ils ont des avocats extrêmement pointus,
08:59et ça n'est absolument pas simple.
09:01Ils ont des avocats extrêmement compétents
09:03la plupart du temps,
09:04et ils vont effectivement user de recours.
09:07Ils vont multiplier les recours,
09:08quitte à aller jusqu'à la Cour européenne
09:09des droits de l'homme
09:10pour traitement inhumain et dégradant,
09:12et la France a été condamnée plusieurs fois.
09:13C'est ça aussi l'état de droit.
09:15Ça marche pour tout le monde.
09:16D'ailleurs, sous Robert Badinter,
09:18les quartiers de haute sécurité ont été supprimés.
09:20C'était assez sévère.
09:22Pour le coup, ça fonctionnait.
09:24Monsieur Chambaud,
09:25un dernier mot sur ce sujet.
09:27Juste pour revenir sur l'isolement,
09:29c'est effectivement une mesure administrative
09:31qui fait lieu d'un débat contradictoire.
09:33Il y a des avocats qui peuvent rentrer
09:35dans les placements à l'isolement.
09:37Néanmoins, sur des placements à l'isolement
09:39pour des raisons de sécurité,
09:41l'administration aura gain de cause
09:43dans ce cadre-là, si vous voulez.
09:45Juste pour revenir sur Marseille-les-Bomettes,
09:48c'est un échec, effectivement,
09:50puisque le chef d'établissement a été menacé,
09:53ainsi que le chef de détention a été menacé.
09:55C'est pour ça qu'on demande aussi
09:57des dispositifs législatifs
09:59qui permettent de protéger les agents
10:01contre ce type de répression
10:03de la part de ces narcotrafiquants,
10:05puisqu'on sait qu'ils ont des moyens illimités
10:07et que, malheureusement,
10:09on est un petit peu à la traîne
10:11pour s'adapter face à cette population-là.