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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Charles Huillier.
00:04Merci à tous d'être avec nous en ce moment sur Europe 1 dans Europe 1 Soir Week-end.
00:10Autour de la table, ils sont toujours là, n'ont pas bougé.
00:13Philippe Hubert, chroniqueur politique, Raphaël Stainville, directeur adjoint de la rédaction du JDD.
00:19Et on le disait en préambule, Mayotte, le voyage ministériel décalé de 24h, François Bayrou
00:26et ses 5 ministres ne viendront pas demain, mais lundi.
00:31Alors la reconstruction va débuter sur l'archipel, une reconstruction qui ne pourra pas se faire
00:37sans les fonctionnaires, les professeurs, les soignants, les policiers,
00:40ceux qui tiennent à bout de bras cette île rongée par la pauvreté, l'insécurité et l'immigration clandestine.
00:47Pour en discuter, Philippe Jean-Pierre, Philippe Jean-Pierre en direct, bonsoir Philippe Jean-Pierre.
00:53– Bonsoir. – Vous êtes économiste, spécialiste des régions ultra-périphériques,
00:59notamment dans l'océan Indien, alors à Mayotte, pas de chiffre précis Philippe Jean-Pierre,
01:03mais avant Chido, on manquait à peu près d'un millier de fonctionnaires,
01:07évidemment depuis la situation ne s'est pas arrangée, on peine à les faire venir à Mayotte,
01:12on peine aussi à les garder à Mayotte.
01:15Philippe Jean-Pierre, on ne va pas se mentir, en termes d'attractivité,
01:18Mayotte c'est pire que la Seine-Saint-Denis.
01:22– Alors, je ne voudrais pas me lancer dans des comparaisons malveillantes,
01:25mais effectivement, venir à Mayotte n'est pas une sinécure, en particulier dans les temps qui courent,
01:31mais cette situation ou cette attractivité s'est grosso modo largement détériorée ces dernières années,
01:37avec la survenue des crises sociales, de la crise de l'eau qui dure depuis maintenant près de deux ans,
01:42avec même l'avènement de maladies type le choléra,
01:45ce sont des éléments qui effraient et qui ne rendent pas attractif la vie paisible telle qu'elle ait pu être
01:51il y a une décennie de cela.
01:53– Oui, alors sur-rémunération d'une trentaine de pourcents à Mayotte,
01:58il y a évidemment une question de coût de la vie,
02:01l'INSEE estime le surcoût de vie à Mayotte autour de 10%.
02:07Bon, 30% de sur-rémunération, ça ne suffit pas à faire venir les gens, Philippe Jean-Pierre ?
02:12– Alors, bien entendu, comme vous le savez, la problématique de la vie chère,
02:15ou du surcoût de la vie, on va dire, dans les départements d'Outre-mer,
02:18est un problème généralisé pas propre à Mayotte,
02:21néanmoins, cette problématique maoraise est renforcée par le fait que Mayotte est quand même un territoire
02:27plus isolé que d'autres territoires d'Outre-mer,
02:30donc avec des aménités, des qualités de vie,
02:33des services qui ne sont pas forcément ceux que vous pouvez déjà rencontrer dans d'autres territoires,
02:38et qui fait que l'avantage de la sur-rémunération des 30%
02:42ne permet pas de compenser tout un ensemble d'autres inconvénients,
02:46et cela est à mettre dans la balance, et ce déséquilibre, on va dire,
02:50est renforcé aujourd'hui par la dégradation de la qualité.
02:53– Moi, ce que je ne comprends pas, et juste après, je donne la parole à Philippe Guibert,
02:56qui veut vous poser quelques questions, Philippe Jean-Pierre,
03:00comment explique-t-on qu'à La Réunion, le territoire voisin,
03:03qui est donc le département le plus demandé dans la fonction publique,
03:08en termes de mutation, département dans toute la France,
03:12c'est La Réunion qui est la plus demandée,
03:14comment on explique que, pourtant, malgré cette attractivité de La Réunion,
03:17qui est à 3h30 d'avion de Mayotte,
03:19à La Réunion, on a plus de sur-rémunération qu'à Mayotte,
03:2253% à La Réunion, 30% à Mayotte, c'est à n'y rien comprendre, Philippe Jean-Pierre.
03:28– C'est à n'y rien comprendre, parce que l'histoire est longue,
03:31et en même temps, elle est courte pour Mayotte,
03:33Mayotte a accédé à la départementalisation il y a à peu près une plus grosse dizaine d'années,
03:37et que l'application des lois de départementalisation n'est pas identique,
03:42d'ailleurs, elle n'est pas identique dans beaucoup de territoires d'outre-mer,
03:45et que même si les territoires sont relativement voisins,
03:48et appartiennent au même ensemble indien-océanique,
03:51ils comportent des différences,
03:52ça a été le cas avant l'accès de Mayotte à la départementalisation,
03:55où le régime de rémunération des fonctionnaires n'était pas le même,
03:58même de fiscalité, il est différent maintenant.
04:01Effectivement, cela pose les enjeux globaux,
04:04qui seront abordés par le ministre, sans doute,
04:06de cette question du rapport des différentes populations
04:09et des agents de la fonction publique,
04:11aux différents niveaux de vie dans les départements de l'outre-mer.
04:13Philippe Guybert.
04:14Oui, bonjour monsieur.
04:15Est-ce que cette moindre attractivité de Mayotte n'est pas liée aussi aux conditions de vie,
04:20à la sécurité ?
04:22C'est une île où on entendait une habitante l'autre jour nous dire que,
04:26souvent après 19h, personne ne sortait,
04:29et par conséquent, la qualité de vie n'est peut-être pas la même qu'à La Réunion,
04:35précisément, pour des raisons de sécurité,
04:38c'est un territoire où il y a beaucoup de violence,
04:41où il y a beaucoup de vandalisme,
04:43et ça n'encourage pas à aller y travailler,
04:46même si on passait à 50% de sur-rémunération.
04:51Totalement.
04:53Cela a été inclus dans une partie de ma réponse précédente,
04:57c'est-à-dire le choix de migration ou de mobilité est un choix rationnel,
04:59vous avez bien entendu l'avantage lié à la rémunération,
05:01ou les avantages qui y sont associés,
05:03mais vous avez aussi les inconvénients qui sont liés à la qualité de vie,
05:06est-ce que vous acceptez de vivre avec le moindre service que vous avez sur le continent,
05:11est-ce que vous acceptez aussi de vivre avec cette question de l'insécurité,
05:14qui vous touche, vous, en tant qu'agent de la fonction publique, d'une part,
05:17mais qui peut aussi toucher vos proches, conjoints ou conjoints, enfants,
05:20accès aux services scolaires, accès à la sécurité des biens et des personnes,
05:24quand vous mettez tout cela dans la balance,
05:26et que tout cela s'est vraiment dégradé depuis 5 ou 6 ans,
05:29avec les différentes violences et crises sociales,
05:31ça a provoqué une certaine forme de sidération de la part d'un certain nombre d'acteurs,
05:36et qui ont fait commencer à peser le pour et le contre,
05:39et que cela a dégradé l'image de la mobilité vers Mayotte.
05:41Parmi les solutions possibles, Philippe Jean-Pierre,
05:45alors, on le disait, la réunion territoire le plus attractif de France,
05:49pour la fonction publique,
05:51ne pourrait-on pas, je ne sais pas,
05:53leur imposer à tous ceux qui veulent venir à la réunion,
05:56de faire une pige à Mayotte,
05:58avant de pouvoir venir à la réunion ?
06:00Est-ce que cela fait partie,
06:02je sais que vous êtes basé sur l'île de la Réunion,
06:04Philippe Jean-Pierre, est-ce que cela pourrait faire partie
06:06des choses qu'on pourrait mettre dans la balance ?
06:09On va dire, dans le droit de la fonction publique,
06:13vouloir imposer des conditions,
06:16cela peut toujours se faire,
06:18mais en tout cas, cela est à manier avec précaution,
06:20parce que vous pourriez carrément aussi effrayer
06:22cette mobilité vers l'ensemble des départements de l'Ouverture,
06:25et les conditions sont exceptionnelles,
06:27et à conditions exceptionnelles, mesures exceptionnelles.
06:29Mesures exceptionnelles, mais c'est aussi,
06:31comme on le voit aussi ces derniers temps,
06:33à solliciter aussi l'engagement,
06:35ce n'est pas que nous sommes plus partisans,
06:37mais en tout cas, vous pouvez aussi mobiliser
06:39l'esprit d'engagement, l'esprit de reconstruction,
06:41l'esprit de mission aussi, chez l'ensemble des fonctionnaires.
06:43Bon courage, mais en même temps,
06:45c'est ce qui est présent chez un certain nombre
06:47de parties de la fonction publique,
06:49lorsqu'il s'agit de reconstruire ou de sécuriser ce territoire,
06:51c'est ce qui sera moins chez, peut-être,
06:53les fonctions publiques plus administratives,
06:55cette conditionnalité de la présence
06:57dans l'océan Indien,
06:59en passant obligatoirement par Mayotte,
07:01vous ne pourrez pas le faire non plus,
07:03sans une forme d'attractivité financière,
07:05où les personnes ne se porteront plus candidates.
07:07C'est un peu comme vous le disiez tout à l'heure,
07:09sur tel et tel département de France et de Navarre,
07:11où vous voyez bien que pour certains,
07:13la mobilité n'est pas uniquement voulue,
07:15elle est plutôt forcée.
07:17Une question peut-être un peu naïve,
07:19mais pourquoi ne pas imaginer, alors que l'on parle de mobilité,
07:21comme s'il s'agissait d'une évidence,
07:23de penser que les Mahorais
07:25pourraient eux-mêmes
07:27accéder à ces fonctions ?
07:29Une bonne question.
07:31J'ai la réponse.
07:33Pourquoi les Mahorais
07:35n'accéderaient pas à ce type
07:37de postes ?
07:39Bien entendu, c'est la question qui est lancinante
07:41depuis plusieurs années, c'est-à-dire la question de l'accès
07:43du capital humain
07:45réunionnais aux plus hautes fonctions,
07:47de la question de la formation,
07:49et c'est tout le débat
07:51qui aura lieu sans doute dans les prochains jours,
07:53aussi, de pouvoir y mettre tous les éléments,
07:55les carburants nécessaires, pour que Mayotte
07:57se développe réellement, et pour qu'on
07:59remette en développement humain.
08:01Philippe Jean-Pierre, on est sur Europe 1,
08:03pas de langue de bois, pas d'angélisme,
08:05les compétences à Mayotte
08:07pour les populations
08:09locales, c'est très compliqué, et je vais
08:11donner un argument,
08:1360% d'illettrisme
08:15pour les populations adultes à Mayotte.
08:1760% d'illettrisme.
08:19Voilà. Est-ce que ça, Philippe Jean-Pierre,
08:21c'est un handicap quant aux
08:23compétences locales pour la fonction publique ?
08:25Totalement. Pardon, hein.
08:27Et comme vous disiez, pas de langue de bois,
08:29ça signifie qu'il y a vraiment encore,
08:31de nouveau, encore une fois, les questions qui seront posées
08:33dans les prochains jours de la visite ministérielle, qui est attendue
08:35pour le fait qu'on ne veut pas, justement, de langue de bois.
08:37Qu'on ne veut pas simplement du sparadrap
08:39pour apporter une réponse sur le très
08:41court terme, en disant, voilà, on viendra vous soigner de l'empathie,
08:43on veut des vraies réponses structurantes.
08:45C'est-à-dire, structurantes, ça signifie que,
08:47quelles réponses apportez-vous aux écarts qui sont encore flagrants,
08:49quelles réponses apportez-vous
08:51au fait que, si vous nous demandez d'accéder à
08:53ces fonctions, les moyens et les niveaux d'éducation
08:55ne sont pas encore ceux qui
08:57sont exigés pour d'autres départements moyens français.
08:59Et donc, il faut
09:01accélérer ce rattrapage, pas seulement
09:03quantitatif, mais aussi qualitatif.
09:05Et ça prendra des années, et c'est
09:07le serpent qui se meurt la queue, parce que si les
09:09profs ne veulent pas venir, les élèves ne sont pas
09:11formés, et les élèves,
09:13à l'âge adulte, ne pourront pas occuper
09:15ces postes dans la fonction publique. Alors, le
09:17problème, Philippe Jean-Pierre,
09:19donc, en plus de la
09:21quantité qui manque au niveau des
09:23profils de fonctionnaires, c'est aussi la
09:25qualité. J'ai moi-même été à
09:27Mayotte régulièrement, en reportage,
09:29j'ai croisé, écoutez bien,
09:31messieurs Stinville et Guybert, j'ai croisé
09:33un métropolitain qui était plombier
09:35à Londres, plombier à Londres, donc,
09:37d'accord, il était bilingue, il parlait parfaitement
09:39anglais, et donc, il a postulé
09:41au rectorat pour avoir un poste
09:43de prof d'anglais à Mayotte,
09:45et on lui a accordé
09:47quasiment, voilà,
09:49sans négocier. Et il me l'a
09:51avoué très honnêtement, cet homme, même s'il
09:53parlait très bien anglais, il n'était pas le meilleur
09:55pédagogue qu'il soit.
09:57Donc, on est, Philippe Jean-Pierre,
09:59sur un problème de quantité et de qualité,
10:01en fait. Bon, là, je parle
10:03de l'éducation nationale, mais je pourrais parler
10:05de tous les corps de la fonction publique.
10:07Tout à fait. On a les deux défis à la fois,
10:09les deux axes, qualité et quantité,
10:11sur la dimension, puisqu'on a
10:13affronté ce défi démographique, de l'accélération
10:15démographique, je reviens sur la
10:17dimension de la qualité que vous citiez, pour prendre une autre
10:19anecdote, sur le fait que nous avions,
10:21par exemple, au niveau de l'université de la Réunion,
10:23entrepris, dès les années 2000
10:25ces fameuses diplômes d'accès aux études
10:27universitaires et aussi de formation
10:29des maîtres et des instructeurs, et dans la mesure
10:31où nous étions amenés à, non pas à réduire,
10:33mais à ce que le département
10:35de Mayotte, qui n'existait pas à l'époque,
10:37mais ce que les autorités, le vice-rectorat de Mayotte,
10:39nous demandant, finalement, d'accepter
10:41une baisse du niveau pour permettre l'accès
10:43au niveau de formation de ces enseignants.
10:45Ce qu'on appelait chez vous, pardon,
10:47le diplôme cocotier, je crois.
10:49Ce qui
10:51pouvait s'appeler à l'époque comme cela,
10:53qui ne l'est plus, mais en tout cas, qui pouvait apparaître comme celui-ci
10:55à Mayotte, parce que...
10:57On nivelle vers le bas pour accéder aux études supérieures.
10:59Mais je ne suis pas sûr que ce nivellement par le bas
11:01soit tellement différent dans l'Hexagone,
11:03quand on a pu voir ces derniers mois,
11:05dernières années, qu'un certain nombre
11:07de professeurs, aujourd'hui, étaient recrutés
11:09quasiment par
11:11des entretiens,
11:13donc ce qui
11:15est une règle à Mayotte,
11:17peut-être, est en train
11:19aussi de devenir une réalité
11:21dans l'Hexagone.
11:23Vous devez, à Mayotte, vous devez particulièrement,
11:25à l'époque, mais on ne découvre pas
11:27ce problème aujourd'hui,
11:29équiper des classes, installer des personnels
11:31enseignants face à une démographie
11:33galopante. Donc il y avait une urgence,
11:35c'est que l'urgence d'il y a dix ans
11:37se transforme, on va dire, en problème
11:39structurel maintenant, et donc il faut bien lui apporter une réponse.
11:41Philippe Jean-Pierre,
11:43merci beaucoup, merci beaucoup,
11:45je crois qu'en plus il est tard sur l'île
11:47de la Réunion, 22h25,
11:49chez vous, alors
11:51qu'il est 19h25, ici, sur le
11:53territoire métropolitain. Merci pour votre
11:55éclairage, donc,
11:57sur les situations des régions
11:59ultra-périphériques, et notamment Mayotte,
12:01la reconstruction passera par
12:03la pérennisation des fonctionnaires
12:05sur l'archipel, des fonctionnaires
12:07qui ont du mal à venir,
12:09et qui n'hésitent pas à repartir
12:11dès qu'il y a des crises sociales,
12:13ou, évidemment, des chaos
12:15comme celui qu'on a vécu, il y a
12:17deux semaines, donc, à l'occasion de
12:19Chido, sur l'archipel.
12:21Messieurs Guybert et
12:23Stainville, alors, c'est vrai que c'est compliqué
12:25parce que, à Mayotte,
12:27et là on parlait du nivellement vers le bas
12:29pour les diplômes, à Mayotte,
12:31alors déjà en métropole, pour
12:33le bac, on parle de bienveillance dans la
12:35notation, à Mayotte, on parle
12:37d'hyper-bienveillance, on parle
12:39d'hyper-bienveillance, alors je ne veux pas dire
12:41par là qu'on donne le bac au
12:43Mahorais, non, certainement pas,
12:45mais il y a peut-être un peu plus de facilité pour justement
12:47les encourager à passer
12:49le cap des études supérieures
12:51et accéder à des postes à responsabilité, est-ce que
12:53c'est la solution, Philippe Guybert ?
12:55En tout cas, l'élévation
12:57du niveau d'éducation
12:59est certainement une des clés
13:01pour le développement de Mayotte, ça, ça ne fait
13:03pas de doute, et donc
13:05alors évidemment, les conditions
13:07à Mayotte sont spécifiques, parce que
13:09la comparaison avec l'Hexagone
13:11me semble quand même
13:13les conditions n'ont absolument
13:15rien à voir, mais l'éducation
13:17est tout à fait fondamentale,
13:19surtout compte tenu de
13:21cette démographie galopante
13:23dont parlait votre invité,
13:25j'entendais, je crois que c'était avec vous
13:27hier soir aussi, cet habitant, président
13:29d'une association, qui disait
13:31que la priorité, ce qu'elle attendait du gouvernement
13:33et de la visite de François
13:35Beyroux, c'était la remise
13:37en marche
13:39des écoles, leur première
13:41préoccupation est là, parce qu'il
13:43est bien évident que pour ce territoire
13:45l'éducation est vraiment la
13:47clé.
13:49Merci à tous les deux, vous restez ici, bien
13:51évidemment, dans quelques minutes
13:53on continuera de parler
13:55de Mayotte, évidemment, on
13:57évoquera tout simplement ce
13:59décalage de visite
14:01de François Beyroux et de ses 5
14:03ministres, on en parlera dans un instant, à tout de suite.

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