Gérald Darmanin a été nommé ministre de la Justice par François Bayrou le 23 décembre. Deux jours après sa nomination et au lendemain de la passation de pouvoir, le garde des Sceaux était en déplacement sur le terrain à la rencontre des magistrats et du personnel de prison. Gérald Darmanin occupe déjà beaucoup l'espace médiatique, puisqu'il est le deuxième ministre avec le plus de visibilité sur les réseaux sociaux.
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00:00Et avec nous pour en parler, Laurent Demann du service politique de BFM TV et Véronique Ressoult, spécialiste de l'opinion et des réseaux sociaux pour Backbone.
00:13Et d'abord, on va regarder quelques images. Un double déplacement quand même le jour de Noël. Le ministre Gérald Darmanin est à la tâche avec une feuille de route. Il veut des décisions rapides, justes et fermes.
00:27Alors ça, c'est le discours, Laurent, d'une droite assumée. Une justice rapide et ferme. C'est à qui il parle à ce moment-là, Gérald Darmanin ?
00:35D'abord, il faut expliquer la séquence qu'on est en train de vivre. C'est du Darmanin pur jus. J'allais presque dire qu'il se met dans les pas de tous les anciens ministres de l'intérieur.
00:43Et toute la difficulté pour lui va être de changer de costume, de passer de l'intérieur à la justice. Aller sur le terrain, quand on vient d'être nommé, pardon, c'est la base en politique.
00:52Ça s'appelle de la communication politique. Mais là, dans le cas présent, il fallait vite faire oublier aussi les petites polémiques de sa nomination.
00:59Ses prises de position passées sur le procès Sarkozy, sur le procès Le Pen. Et puis rappeler quand même son ancrage populaire parce qu'on l'a complètement oublié.
01:08Mais Darmanin, lui, ce qu'il voulait, c'était Bercy. Pour aller s'occuper du pouvoir d'achat, pour parler aux classes populaires, il arrive à la justice.
01:14Qu'est-ce qu'il fait ? Il parle comme un ministre de l'intérieur en disant qu'il se met du côté des victimes et des Français.
01:19En tout cas, il est très Bruno Retailleau compatible. Ce sont deux épouvantailles un petit peu pour la gauche.
01:24Est-ce que ça veut dire qu'il faut y voir un signe que François Bayrou fait son deuil du non-censure de la gauche et que désormais, c'est auprès du RN qu'il va chercher à gagner du temps ?
01:33D'abord, je vous montre ça quand même. La une de Libé ce matin. Deux flics ami-ami avec un point d'interrogation.
01:40Oui, c'est vrai que Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, ils sont alignés sur les questions régaliennes, sur les questions de police.
01:47Mais en même temps, est-ce qu'ils ne vont pas devenir des concurrents ?
01:51Tant qu'il y avait Didier Migaud, un homme de gauche, et Retailleau à l'intérieur, un homme de droite, on pouvait dire qu'il y avait une forme de balance.
01:58Mais là, tout à coup, ils sont tous les deux sur la même ligne.
02:01Alors, les syndicats de police disent que c'est formidable parce que tout le monde va tirer dans le même sens.
02:05Mais politiquement, est-ce que ces deux-là, pardon pour l'expression, ne vont pas un peu se bouffer le nez et se marcher sur les pieds ?
02:12C'est l'avenir qui va le dire.
02:13Véronique Reissoult, à quel point le discours actuel de Gérald Darmanin résonne dans l'opinion ? Est-ce qu'il est en phase avec l'opinion ?
02:19Est-ce qu'il résonne tout simplement ? Étant donné la période, on ne peut pas dire qu'il y a une masse de personnes qui y suivent.
02:26Mais en revanche, ce que je regardais, c'est qu'il était le deuxième ministre en termes de visibilité au début, derrière M. Valls, et loin derrière.
02:33Parce que pour vous donner une idée, en proportion, il y avait à peu près 300 000 messages au moment de la nomination du gouvernement pour M. Valls et 150 000 pour M. Darmanin.
02:42Mais là, il est en train de remonter, donc sa stratégie de visibilité fonctionne.
02:46Ce qui est intéressant, c'est que dans les commentaires, il n'y a pas que du négatif, loin de là.
02:51Donc, pour répondre à votre question...
02:54Alors que pour Valls, c'était très négatif.
02:55C'est que du négatif, quasiment que du négatif.
02:58Est-ce que ça veut dire que son passage Place Beauvau est considéré comme un succès ?
03:02Alors, en fait, dans les principaux commentaires que je voyais, c'est qu'il y a deux ministres de l'intérieur.
03:07Maintenant, c'est comme ça que les gens le vivent.
03:09Donc, effectivement, comment ça va se passer après, voilà.
03:11L'autre chose, c'est que M. Migaud, quand il a fait le discours de passation, a rappelé que c'est un ministère où il ne faut pas trop parler.
03:18Et c'était clairement, on va dire...
03:20Une pierre dans le jardin de celui qui arrive.
03:22Voilà, et qu'il n'a a priori pas reprise, puisqu'il communique beaucoup.
03:27Pour autant, dans les commentaires que je pouvais regarder hier soir et ce matin,
03:31le fait qu'il ait parlé des nouveaux types de prison, qu'il a une approche pas que punitive, a plutôt plu, dans l'opinion,
03:39en disant que c'est un nouveau discours pour un ministre garde des Sceaux.
03:44Ce n'est pas que des critiques, puisqu'il a expliqué qu'effectivement, la justice est lente en France.
03:50Et ça, c'est effectivement quelque chose qui résonne dans l'opinion.
03:53Mais c'est le fait qu'il propose quelque chose de nouveau, qu'il explique qu'il y a une réalité d'un nouveau type de prison,
03:59que dans les communes, parce que vous savez que généralement, ce sont les maires qui ne sont pas toujours d'accord pour installer des prisons.
04:07Et surtout, rappelant que ça prend sept ans à construire une prison, que c'est compliqué, que c'est lourd, que ça coûte très cher,
04:14et qu'il y a des systèmes plus légers.
04:16Et ça, ça plaît plutôt dans l'opinion.
04:18Très important.
04:19Ça coûte très cher.
04:21Or, tout le problème de Gérald Darmanin, il est là.
04:24Est-ce qu'il va pouvoir sanctuariser le budget de programmation de la justice ?
04:28Certains ont beaucoup critiqué Éric Dupond-Moretti, mais sur un point, il a réussi.
04:32Il a obtenu des critiques qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait obtenues.
04:36Or, quand Didier Migaud arrive et que Michel Barnier dit qu'il faut couper dans toutes les dépenses publiques,
04:41il retire 500 millions d'euros, ce n'est pas rien, au budget de la justice.
04:45Or, qu'est-ce qui était promis ? 10 000 embauches d'ici 2027, 15 000 places de prison.
04:50Il n'y aura ni l'un ni l'autre.
04:53Et tout le problème de Darmanin, ça va être d'obtenir de la nouvelle ministre Amélie de Montchalin,
04:57la nouvelle ministre des Comptes publics, une sanctuarisation de son budget.
05:01Migaud, il avait récupéré 250 millions d'euros.
05:04Est-ce que Darmanin va faire mieux ?
05:06Tout se joue là pour passer des paroles aux actes.
05:10Et il la voit lundi matin.
05:11Il l'a dit hier après-midi.
05:13Si je traduis en langage profane ce que vous disiez, Véronique Raissoul,
05:16ça veut dire qu'il y a une espèce d'attente de l'opinion autour de Gérald Darmanin.
05:20Oui, d'abord parce que c'est une personnalité qui est toujours très visible,
05:25parfois controversée, mais en tout cas très visible.
05:28Ce qui est certain aussi, c'est que la sécurité n'est pas la première des préoccupations des Français.
05:34En ce moment, ils sont plutôt inquiets sur les conséquences du non-budget, en gros.
05:37Deuxième sujet, on a l'habitude de dire pouvoir d'achat,
05:40mais je note que dans les modalités d'expression, il y a un changement.
05:43Les gens parlent de difficultés financières plus que de pouvoir d'achat.
05:47Ce n'est pas tout à fait la même chose.
05:48Ce n'est pas tout à fait pareil.
05:49De tous les sacrifices qu'on doit faire pour tenir le budget,
05:52la complexité, par exemple, du logement.
05:55C'est plutôt ces sujets-là.
05:57Troisième sujet, c'est beaucoup autour de la santé.
05:59La sécurité arrive en 8e ou 9e position,
06:03mais ce qui compte pour eux, c'est plutôt le sentiment qu'ils vont être protégés.
06:08C'est plutôt le sentiment qu'il y a une forme de justice, justement.
06:11Les derniers propos, je pense que c'est aussi pour ça qu'ils étaient plutôt bien accueillis,
06:15de se dire que priver de liberté, c'est normal.
06:18Priver d'humanité, c'est un peu moins normal.
06:20Il y a quelque chose de positif, que vous soyez à droite ou à gauche, d'ailleurs.
06:24Très important pour ceux qui nous regardent,
06:25ça n'est que la deuxième fois qu'un ministre de l'Intérieur
06:29devient ministre de la Justice sous la Vème République.
06:31La fois précédente, c'était Michel Alviomari sous Nicolas Sarkozy.
06:35Vous vous souvenez ?
06:362007-2009, elle est à l'Intérieur.
06:38Un an plus tard, elle devient ministre de la Justice.
06:41Et toute la difficulté pour un nouveau ministre de la Justice
06:44qui est passé par la place Beauvau,
06:45c'est de ne pas parler comme un ministre de l'Intérieur
06:48et d'agir comme un défenseur de l'État de droit
06:51et de l'indépendance de la Justice.
06:53C'est l'autre problème de Gérald Darmanin.
06:55C'est qu'il est attendu, évidemment, au tournant par tous les syndicats de la magistrature.
06:59Il va falloir qu'il change de casquette,
07:01sans être en contradiction avec toutes les options politiques
07:04qu'il a défendues jusqu'à présent.