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00:00Europe 1, vous vous souvenez de cette enseignante à Tourcoing, giflée pour avoir demandé à une élève de retirer son voile qu'elle venait de mettre dans l'établissement, Frédéric.
00:12C'est la professeure en question, elle a décidé de prendre la parole ce matin sur Europe 1.
00:17La lycéenne poursuivie pour avoir menacé et frappé en octobre, l'enseignante a été condamnée la semaine dernière à 4 mois d'emprisonnement avec sursis.
00:26Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du parquet qui réclamait 140 heures de travaux d'intérêt généraux, 4 mois d'emprisonnement en cas de non-exécution.
00:34L'adolescent a reconnu avoir porté des coups mais pas une gifle.
00:39L'enseignante est avec nous et je la salue et je la remercie.
00:44Bonjour Frédéric.
00:45Bonjour Pascal.
00:46Et merci parce que vous avez très peu pris la parole, pour ne pas dire pas pris la parole, j'ai entendu votre avocat.
00:53Vous avez repris le travail le 8 novembre, vous avez reçu des menaces de port, votre famille a été menacée, je voulais savoir comment vous alliez.
00:59Eh bien on se reconstruit, ça va quand même mieux qu'il y a un mois et encore mieux qu'il y a deux mois.
01:09Cependant ça va être un long chemin, il faut que je réapprenne à ne plus avoir peur, il faut que je réapprenne à aimer mon métier,
01:19il faut que je réapprenne à avoir confiance en mes élèves et ça, ça va prendre du temps.
01:24Alors vous êtes dans un lycée, vous êtes prof dans quelle discipline ?
01:27Moi je suis prof en lycée professionnel en sciences et techniques médico-sociales, donc j'ai des futurs soignants ou travailleurs sociaux.
01:35Et donc cet élève avait quel âge ?
01:38Cet élève était majeur, il avait 18 ans, alors moi je l'ignorais au moment d'effet parce que nous avons 1300 élèves,
01:46nous avons également un lycée général dans les mêmes locaux, donc forcément 1300 élèves, je ne peux pas connaître tout le monde.
01:54Elle, elle est en métier de l'accueil, donc son travail consiste à être au standard, à l'accueil de divers bâtiments publics ou privés.
02:07Et donc elle avait 18 ans et quelques jours quand elle a commis l'agression.
02:15Vous la connaissiez cette élève ?
02:17Pas du tout.
02:18C'est la première fois qu'elle venait dans votre cours ?
02:20Ah mais elle n'était pas dans mon cours.
02:22Elle était à la sortie bien sûr.
02:24Elle était dans un bâtiment, j'ai beaucoup lu qu'elle était à la sortie à un mètre de la grille, non c'est pas le cas.
02:31Elle était dans le bâtiment ?
02:32Dans un bâtiment.
02:33Vous ne la connaissiez pas ?
02:34Pas du tout.
02:35Moi j'ai fait comme je fais avec tous les élèves que je croise et qui font une entorse au règlement.
02:41Je m'arrête, je leur appelle le règlement et je leur demande de se remettre en conformité, que ce soit pour le voile ou autre chose.
02:481300 élèves, est-ce que vous étiez déjà intervenu dans cet établissement pour demander à une élève de retirer son voile ?
02:58Des centaines de fois.
03:00Des centaines de fois ?
03:02Bien sûr.
03:04Dans votre établissement, il y a des centaines de jeunes filles ?
03:07Sur 1300 personnes, il y a combien de jeunes femmes ?
03:12On a une bonne moitié.
03:15600.
03:16Bonne moitié.
03:17Alors évidemment, vous ne tenez pas un carnet de bord, mais sur ces 600 jeunes femmes, vous diriez qu'il y a une proportion importante de jeunes femmes qui portent le voile ?
03:25Oui, on a une grande communauté musulmane, oui.
03:29Mais il y avait des communautés musulmanes qui existaient il y a 40 ans et elles ne portaient pas le voile.
03:34Tout à fait.
03:35Donc sur ces 600 jeunes femmes, je ne sais pas combien d'ailleurs appartiennent à la communauté musulmane.
03:42Je vais poser la question différemment, est-ce qu'il y a des jeunes femmes musulmanes qui ne portent pas le voile ?
03:48Sûrement. En fait, tout le principe de la laïcité, ce n'est pas le savoir.
03:54Est-ce que vous voyez dans les talismans des jeunes femmes qui sont musulmanes et qui ne portent pas le voile ?
04:00Si elles respectent bien la laïcité, je ne sais pas si elles sont musulmanes ou pas.
04:05J'ai des jeunes filles maghrébines qui ne sont pas musulmanes pour autant et j'ai des jeunes filles qui ne semblent pas avoir des origines qui traiteraient être musulmans.
04:17Et ils le sont.
04:18C'est une communauté ouverte et c'est très bien d'ailleurs.
04:20Mais le propre de la laïcité, ce n'est pas le savoir.
04:24Oui, j'ai plein de jeunes filles pour lesquelles je n'ai aucune idée de leur religion et c'est top.
04:30Normalement, ça ne drape pas.
04:32Et quand vous dites que vous êtes intervenue des centaines de fois, il n'y a jamais eu un souci à chaque fois ? La jeune femme a retiré son voile ?
04:40Jamais. Mais juste avant de me faire agresser par cette jeune fille, j'étais intervenue trois fois.
04:48En l'espace de dix minutes, j'interviens trois fois.
04:51Elle, c'était la quatrième jeune fille que j'ai interpellée cet après-midi.
04:55Et les trois autres, il n'y a pas eu de souci.
04:58Mais on peut imaginer qu'elles enlèvent le voile et puis une fois que vous êtes passée, elles le remettent.
05:04Pour le coup, j'ai une petite anecdote.
05:08Il y a une jeune fille comme ça qui, il y a trois ans, m'avait fait ça.
05:14Déjà, elle tardait.
05:15Elle, pour le coup, on était en plein milieu du bâtiment, premier étage, devant la salle des profs.
05:19Et j'ai senti qu'elle allait le remettre parce qu'elle a déjà eu beaucoup, beaucoup de mal à le retirer.
05:24Et donc, je lui ai dit « Vous sortez, mademoiselle ? »
05:27Elle m'a dit « Oui, oui, je rentre chez moi ».
05:29Je lui ai dit « C'est bien, je vais vous accompagner, parce que comme ça, on va faire un bout de chemin ensemble ».
05:33Et ça l'a fait sourire.
05:36Et cette jeune fille, sur les trois années, d'ailleurs, c'était une jeune fille de la même filière que celle qui m'a agressée.
05:44Après, elle venait systématiquement me dire bonjour.
05:47Le jour de ses résultats de bac, elle est venue et elle m'a fait un gros câlin.
05:51Et normalement, ça se passe comme ça.
05:54Vous voyez, on en fait une affaire de laïcité.
05:56Bien sûr, on a un problème avec la laïcité.
05:58Mais on a surtout un gros problème avec le respect du règlement.
06:03Il est là, le souci.
06:05Moi, je vois plus ça comme un outil pour ne pas respecter le règlement.
06:11Ce n'est pas la religion en soi qui est problématique.
06:15C'est juste qu'aujourd'hui, dès l'instant où on frustre un petit peu ces jeunes élèves,
06:21on se prend des gifles, on se prend des chaises pour garder l'actualité.
06:24Il y a un signal aussi qui est envoyé forcément.
06:26Et le voile est un signal qui est envoyé et qui est vécu comme un asservissement.
06:31En tout cas, beaucoup le prennent comme ça.
06:35Ce n'est pas neutre, le voile.
06:36Je voudrais que vous m'expliquiez précisément comment ça se passe lorsqu'il y a l'agression.
06:41Vous allez vers cette jeune femme que vous ne connaissez pas.
06:43Vous lui dites, est-ce que vous pouvez, je ne sais pas si vous la tutoyez ou vous la vouvoyez.
06:48Pour le coup, je tutoie mes élèves.
06:50Mais quand je ne les connais pas, je les vouvoie.
06:52Est-ce que vous pouvez enlever votre voile ? C'est ça que vous lui dites.
06:54Exactement.
06:55Et qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?
06:57Elle s'exécute dans la seconde.
06:59Elle avait un voile qui était juste noué.
07:03Donc, elle le fait glisser sur l'arrière de ses cheveux.
07:07Dans la seconde, il n'y a plus de voile.
07:09Moi, je vous dis, en fait, on en a tellement.
07:13Si je m'amusais à faire un rapport et à prendre l'identité pour chaque élève à qui je fais repérer un voile,
07:17je n'en aurais pas terminé.
07:19Donc, j'étais en train de repartir.
07:21J'avais déjà fait quelques pas.
07:23Sauf qu'alors que j'étais en train de repartir,
07:25elle m'insulte.
07:29Elle me dit « Ouais, vous faites chier. »
07:32Donc, je fais trois pas en arrière et je lui demande de répéter.
07:35Elle me dit « Non, ce n'est pas vous, ça fait chier. »
07:37Je dis « Oui, mais vous n'avez pas la possibilité de répondre comme ça.
07:41Ce n'est pas entendable. »
07:43Et là, elle me coupe et elle me dit « Ouais, c'est bon, c'est bon.
07:47Vas-y, j'ai un bus à prendre, je suis pressée. »
07:49Et elle m'écarte un peu de son bras pour faire ça.
07:52Et donc là, je lui dis « Ben non.
07:54Non, du coup, vous allez attendre pour votre bus.
07:56On va prendre bien notre temps.
07:58Et vous allez dans un premier temps me donner votre carnet
08:01afin de recueillir son identité et sa classe. »
08:04Et là, ça n'a plus été possible pour elle.
08:06Elle a refusé.
08:10Elle m'a poussée d'abord dans une première porte
08:12qui mène à la sortie vers la cour.
08:15Elle m'a repoussée à nouveau.
08:17Donc à chaque fois, avec son épaule,
08:19dans des escaliers qui mènent à la grande porte.
08:23Et après, bousculade, elle m'attrape par les bras
08:29jusqu'à ce fameux moment où elle me gifle.
08:33Je lui rends la gifle instantanément.
08:36C'est sur la vidéo.
08:38Vous voyez que c'est en une fraction de seconde.
08:41Et de là, elle devient dingue.
08:44Elle donne son téléphone,
08:46parce qu'il fallait surtout protéger ce précieux téléphone
08:49à sa camarade qui était avec nous depuis le début.
08:52Elle lui dit de tenir le téléphone pour mieux pouvoir me frapper.
08:55Et donc là, je serre les poings,
09:00je me protège comme je peux
09:02et je la laisse me frapper jusqu'à ce qu'elle se calme.
09:05Tout ça en proférant des insultes.
09:07Et quand après, je saisis mon téléphone
09:09qui était dans ma poche intérieure de veste
09:11pour appeler la police,
09:14dans l'émotion, je déclenche une capture d'écran.
09:17Vous voyez le son que peut faire une capture d'écran.
09:20J'imagine qu'elle pense que je la prends en photo à ce moment-là.
09:24Et donc, elle se retourne,
09:27elle me pointe du doigt
09:29et elle me dit, je te préviens,
09:31si j'apprends que tu as une photo de moi, je te crame.
09:37Que dit la personne qui témoigne de cela,
09:40qui est son amie manifestement ?
09:42Est-ce qu'elle intervient ?
09:44Son amie, j'ai également déposé plainte avec Maître Catelin
09:49puisqu'elle n'intervient pas du tout
09:51pendant toute cette histoire.
09:53Ne fait rien.
09:56Cependant, elle ira au commissariat.
09:59Elle, pour le coup, vraiment modifiait les faits
10:01puisqu'elle dit que j'ai arraché le voile,
10:03que j'ai tiré les cheveux de sa camarade.
10:09J'ai également fait un dépôt de plainte.
10:11Ces deux élèves ont été exclus, j'imagine, de l'établissement ?
10:14Pas du tout.
10:16C'est-à-dire que ces deux élèves sont toujours dans l'établissement aujourd'hui ?
10:19Alors, celle qui m'a agressée, elle a été exclue.
10:22Elle a bien eu une exclusion définitive.
10:24Elle est mise dans un autre établissement.
10:26Mais elle est dans un autre établissement aujourd'hui ?
10:28Bien sûr, bien sûr.
10:31Et par contre, celle qui a fait un faux témoignage,
10:35je n'ai pas eu l'opportunité de la voir
10:38et tant mieux, parce qu'elle est en stage.
10:41Cependant, à la rentrée de janvier,
10:44elle sera à nouveau dans sa classe, dans l'établissement.
10:46Et j'imagine que vous avez eu un échange sur ce sujet
10:49avec, je ne sais pas si c'est un proviseur ou une proviseure,
10:52mais comment justifier, après ce que vous nous racontez,
10:56que cette jeune femme soit encore dans cet établissement ?
10:59Vous savez, quand vous voyez qu'une de mes collègues
11:02a reçu des menaces de mort en plein cours
11:05devant moult témoins par une élève
11:08qui a juste eu une exclusion avec sursis,
11:11la fameuse élève qui finalement porte plainte,
11:15enfin, pas porte plainte, porte un faux témoignage
11:18en dehors de l'établissement,
11:20c'est pas l'établissement de le juger.
11:22Et donc, c'est une dénonciation calomnieuse,
11:29mais l'établissement ne va pas juger ça.
11:32Mais vous regardez là, dernièrement,
11:35c'est hyper récent, le 15 décembre en Alsace,
11:38j'ai un de mes collègues qui prend une chaise
11:42il y a 15 jours d'ITQ,
11:44l'élève au conseil de discipline a pris un sursis.
11:47Il est là, notre problème.
11:49C'est pas compliqué de...
11:51Quand je vous dis qu'il y a des centaines d'attentes à la laïcité,
11:54oui, comme il y a des centaines de déclenchements d'alarmes,
11:58de violences verbales ou physiques,
12:00mais en fait, le gros, gros, gros problème,
12:03c'est qu'on ne fait rien.
12:04Et vous savez, le pire,
12:06c'est que même quand on arrive à les exclure avec sursis,
12:09l'éducation nationale doit retrouver à ses chers petits bonbons
12:13un établissement qui va les accueillir.
12:15Et l'établissement qui va accueillir ce type d'élèves
12:19ne sera même pas au courant du motif d'exclusion.
12:25Ça veut dire que mes collègues qui vont nous recueillir
12:28vont se retrouver à nouveau dans une situation dangereuse.
12:32Frédéric, là encore, c'est assez rare
12:36quand nous avons des témoignages aussi forts,
12:39et il y en a deux dans l'émission,
12:40mais moi je pense qu'il faut prolonger ce témoignage.
12:42Donc, il y a le cadeau Boubou qui était prévu à 12h05,
12:46donc je pense qu'on va décaler un peu notre cadeau Boubou
12:49pour terminer avec Frédéric,
12:51parce que le témoignage de Frédéric, d'abord,
12:53vous n'avez quasiment pas pris la parole dans l'espace médiatique,
12:57donc ce que vous nous dites nous passionne.
13:00A tout de suite, Frédéric, merci.
13:02Et vous êtes sur Europe 1, c'est un témoignage très fort.
13:05Vous vous souvenez de cette enseignante à Tourcoing,
13:07giflée pour avoir demandé à une élève de retirer son voile
13:09qu'elle venait de mettre dans l'établissement.
13:11Et vous venez d'entendre pendant quasiment une dizaine de minutes,
13:15peut-être plus, ce témoignage sidérant de Frédéric
13:19qu'on va poursuivre après la pause.
13:20A tout de suite.
13:21Et vous pouvez aussi réagir au 01-80-20-39,
13:2321h13h.
13:24Vous écoutez Pascal Prouet, vous sur Europe 1.
13:28Europe 1, 11h13h, Pascal Prouet et vous.
13:35C'est une première puisque vous l'entendez depuis une quinzaine de minutes.
13:40Frédéric, qui est enseignante à Tourcoing, prend la parole.
13:43Elle a été giflée pour avoir demandé à une élève de retirer son voile
13:46qu'elle venait de mettre dans l'établissement.
13:48Je retiens beaucoup de choses de ce que dit Frédéric.
13:50D'abord que dans cet établissement, il y a une forte communauté musulmane.
13:56Et j'ai envie de dire que cette communauté musulmane se voit à travers le voile
14:00et que Frédéric nous disait qu'elle est intervenue des centaines de fois
14:04pour demander à ses élèves d'enlever le voile.
14:06C'est vrai que dans la majeure partie et plus que cela de cas,
14:10il n'y a pas de souci.
14:11Et puis, elle nous a raconté par le menu, si j'ose dire,
14:14comment s'est passée l'altercation.
14:15Aujourd'hui, la jeune femme qui avait giflé Frédéric,
14:19d'abord a été condamnée à quatre mois d'emprisonnement avec sursis.
14:22Elle n'est plus dans l'établissement.
14:23Mais en revanche, la personne qui était témoin,
14:26elle est toujours dans l'établissement.
14:28Et c'est ça qui m'avait étonné.
14:29Alors, deux, trois choses que j'ai envie de savoir Frédéric.
14:32D'abord, la communauté des professeurs.
14:36Est-ce que vous avez eu le sentiment d'être soutenu,
14:38d'être aidé par la hiérarchie et par vos collègues ?
14:42Oui, pour le coup, oui.
14:44Et ils ont été particulièrement bienveillants,
14:49particulièrement présents.
14:53Je me suis aperçue en retournant au lycée
14:57que finalement, ça les a impactés différemment de moi, forcément.
15:03Mais cependant, j'ai quand même eu des collègues
15:07qui m'ont pris dans leurs bras, qui ont pleuré.
15:10Vraiment.
15:12Et ils m'ont dit, heureusement que tu es revenu,
15:14il fallait que tu reviennes.
15:15Parce que quand moi, on m'a giflé, on les a giflé aussi.
15:20Parce qu'ils ont peur, parce qu'ils voient la violence quotidienne monter.
15:25Combien de temps vous êtes restée en dehors de l'établissement ?
15:29Un mois.
15:31Et c'est votre premier poste ?
15:33Oui, c'est mon poste de titulaire.
15:36Et c'est indiscret de vous demander l'âge que vous avez ?
15:39J'ai 41 ans.
15:40Est-ce que vous avez imaginé arrêter ?
15:42J'imagine que c'est une question qu'on se pose.
15:44Il y a un moment, je ne sais pas le salaire que vous avez.
15:48Ça ne vaut pas un BAC plus 5.
15:50Donc voilà, si c'est pour se faire gifler, insulter,
15:54perdre sa confiance en soi, être dans un état de violence, etc.
15:57Il faut vraiment avoir la foi en l'enseignement.
16:01C'est ça.
16:02Mais c'est ce que j'avais en arrivant.
16:04Avant, vous m'auriez dit des dizaines de fois,
16:07en plus je viens de l'hôpital,
16:08donc j'ai encore énormément d'amis en milieu hospitalier,
16:11mais quand même, tu es à Tourcoing.
16:14Je leur dis mais non, c'est des petits chats,
16:16ils sont adorables nos élèves.
16:18Ils sont juste brisés par le système,
16:20ils ont besoin de nous,
16:21ils ont besoin qu'on croit en eux.
16:22Et jusqu'à présent, je croyais en eux.
16:25Aujourd'hui, c'est plus compliqué,
16:27même si j'ai eu pareil de la part de mes élèves,
16:30un soutien incroyable,
16:32et que c'est grâce à une de mes classes que j'ai survenu.
16:34Contre avis médical.
16:36Les parents de cette jeune femme par exemple,
16:39ils ont une démarche vers vous pour s'excuser peut-être ?
16:42Pas du tout, mais cette jeune femme non plus,
16:44c'est à excuser.
16:45Le jour du tribunal, en plus de nier les faits,
16:49alors qu'est diffusé dans la salle de tribunal
16:53les images de la vidéosurveillance,
16:55parce qu'il faut bien avoir conscience que,
16:57bien sûr, moi j'ai été soutenue.
16:59J'ai été soutenue jusque auprès de la ministre,
17:02les recteurs, les sénateurs, les députés,
17:05j'ai été soutenue.
17:08L'opinion publique était plutôt très favorable,
17:13plutôt de mon côté en tout cas, pour me défendre.
17:16Mais parce qu'il y a une vidéosurveillance,
17:18sinon j'aurais été molestée,
17:20sinon c'était moi sur le banc des accusés,
17:22sinon c'est moi qui aurais pris,
17:24et à mon avis, pas du sursis.
17:28J'ai juste eu la chance qu'il y avait cette vidéosurveillance.
17:31Ce que vous dites est absolument intérim.
17:33Mais la famille, cette jeune femme,
17:35personne n'a fait une démarche.
17:37La seule démarche qui a été faite par sa famille,
17:40alors c'était très tôt par rapport au fait,
17:44c'est sa sœur qui avait organisé
17:46une sorte de manifestation devant mon établissement
17:52pour dénoncer la violence que j'aurais eu
17:56à l'encontre de sa sœur,
17:58et le fait qu'elle était à ce moment-là
18:01encore en garde à vue, ce genre de choses.
18:05Très peu de monde se sont mobilisés.
18:07La police était là pour s'assurer
18:09qu'il n'y ait pas de débordements.
18:11Ce jour-là, il y avait à nouveau pas court,
18:13mais l'ensemble de mes collègues étaient réunis
18:16pour parler des faits,
18:18pour parler de la stratégie à adopter,
18:20tout ça en présence des personnes du rectorat
18:23et de ma direction.
18:26Et en parallèle, certains de mes collègues
18:29étaient accusés d'avoir soutenu l'élève dans la presse.
18:33Et ça, ça a été une grande violence pour eux également.
18:37On va terminer avec la peine qui a été prononcée.
18:40Quatre mois d'emprisonnement avec sursis.
18:42On peut trouver évidemment que c'est assez léger,
18:44mais surtout, le tribunal était au départ.
18:47Les réquisitions, c'était 140 heures de travaux.
18:50C'est sidérant.
18:51Je ne peux pas vous dire autre chose.
18:53Je trouve ça sidérant.
18:55C'est-à-dire qu'aujourd'hui,
18:57on n'a pas compris que la bienveillance,
18:59ça pouvait être mettre un cadre ferme.
19:01On confond tout.
19:04Ce jour-là, son avocat réclame une peine pédagogique.
19:09Mais la pédagogie, on en fait depuis des années
19:11avec cette jeune fille.
19:12Ça fait minimum 12 ans qu'elle est dans le circuit scolaire.
19:15Elle avait déjà des antécédents judiciaires,
19:20ou disciplinaires ?
19:22Non, disciplinaires, pas directement.
19:26Elle avait eu un rappel à la laïcité le 4 septembre,
19:30où elle a été reçue avec son papa
19:32dans le bureau de la direction,
19:34puisqu'elle n'avait pas une tenue républicaine.
19:37Elle avait été amenée à rentrer chez elle
19:39et à adopter une tenue coracle.
19:43Par contre, on sait qu'il y a quelques stages
19:45qui se sont mal passés,
19:46dont un dans mon établissement.
19:48Enfin, un seul, d'ailleurs, pas d'autres.
19:51Avant, elle était côté lycée général,
19:53où mes collègues m'ont expliqué
19:55que ça n'avait pas toujours été facile.
19:57Mais c'était plus une élève qui était dans le...
20:01un peu la réponse à tout.
20:03Mais comme elle s'est montrée au tribunal,
20:05où elle a une certaine fierté,
20:07et donc dès l'instant où...
20:09C'est une bonne élève, sinon, d'un point de vue scolaire.
20:11Et donc, dès l'instant où
20:13ses compétences peuvent être remises en cause,
20:16ou son avis peut être remis en cause,
20:18là, elle devenait plus pénible.
20:20Après, on est en lycée pro, nous,
20:22donc c'est un peu notre quotidien, ça.
20:25Écoutez, je veux vous remercier.
20:27Je veux vous remercier parce que c'est...
20:29C'est vraiment un témoignage
20:31passionnant, là encore,
20:33et instructif.
20:35Et puis, la manière dont vous en parlez
20:38est très forte.
20:40Il y a à la fois de l'engagement chez vous,
20:42il y a évidemment de l'émotion,
20:44il y a peut-être de la tristesse,
20:46il y a des interrogations, il y a une foi aussi,
20:48une énergie, dans ce que vous dites,
20:50de remonter sur le cheval.
20:52Quand on tombe de cheval, on remonte sur le cheval.
20:54C'est vrai que
20:56c'est un cas isolé.
20:58Ce que je retiens aussi, c'est combien
21:00vos élèves vous ont aidé. C'est peut-être
21:02le plus important, ça. Plus encore que la hiérarchie
21:04et vos collègues. C'est peut-être ce qui vous a
21:06le plus touché, que les élèves vous disent
21:08on est avec vous. Parce que
21:10le cœur de votre engagement, il est avec les élèves.
21:12Donc j'imagine que ça,
21:14ça vous a touché
21:16fortement.
21:18Oui, j'imagine.
21:20Vous voyez, même moi, en en parlant,
21:22je ne veux pas dire que j'ai les larmes aux yeux,
21:24mais je vois que c'est important
21:26que les élèves vous aient dit
21:28oui, madame, on est
21:30avec vous, on vous comprend, etc.
21:32Qu'ils comprennent.
21:34À mon retour, ils se sont
21:36tous levés, j'ai fondement larmes,
21:38et ils se sont
21:40tous levés pour venir
21:42autour de moi et faire un énorme
21:44câlin collectif.
21:46Ça, normalement, c'est nos élèves.
21:48Non, mais ce que vous nous dites
21:50me touche, en tout cas, et doivent
21:52toucher, j'imagine, également
21:54les auditeurs. Géraldine, vous savez qu'il y a
21:56à côté de nous, tous les jours,
21:58à côté de moi, tous les jours, qui est prof.
22:00Oui, j'ai enseigné pendant trois ans,
22:02et ce que vous dites, Frédéric,
22:04la foi que vous avez d'être venu
22:06aussi pour vos élèves,
22:08je comprends tout à fait votre état d'esprit
22:10et votre ressenti. Vous êtes de quelle région
22:12de France au départ,
22:14si j'ose dire, avant d'aller à tout coin ?
22:16J'ai toujours été lilloise. Je suis roubaisienne
22:18de naissance, mais j'ai toujours habité
22:20en métropole lilloise.
22:22Bon, je vais remercier Lionel Gougelot,
22:24puisque c'est Lionel qui est notre correspondant
22:26d'Europe 1 dans la région,
22:28qui a mis Laurent Tessier
22:30en relation avec l'avocat de Frédéric.
22:32Je ne sais pas ce que vous avez
22:34prévu de faire à Noël,
22:36Frédéric, si vous allez prendre quelques jours ?
22:38Oui, je vais profiter de mes proches,
22:40parce que là, tout a été en pause.
22:42J'ai pas fait l'anniversaire de mon mari, celui de mon fils.
22:44On n'est pas partis en vacances,
22:46donc là, on va essayer de se retrouver.
22:48Bon, votre fils, il a quel âge ?
22:5010 ans.
22:52Et vous n'avez qu'un garçon ?
22:54Non, j'ai une fille de 14 ans également.
22:56Bon, alors là, on est en plein cadeau de Noël,
22:58en pleine préparation.
23:00On a du travail encore !
23:02Ils ont dû être ébranlés de voir leur maman
23:04en difficulté, forcément,
23:06et puis votre mari vous a aidé, j'imagine.
23:08Les premiers mots de mon fils
23:10après l'agression, c'est
23:12je retourne au lycée, je veux pas que tu te prennes des coups de couteau.
23:14Ben oui, évidemment, il a raison.
23:16Alors, le père Noël, parce qu'il y a des jeunes gens
23:18qui nous écoutent, c'est le père Noël, bien sûr,
23:20qui donne les cadeaux, et c'est pas autre chose.
23:22N'imaginez même pas autre chose.
23:24Bon, ben écoutez, ça nous fait plaisir.
23:26Ça nous fait plaisir, parce que
23:28cette antenne est là pour ça, pour faire
23:30vivre des témoignages
23:32aussi forts que celui qu'on vient d'entendre.
23:34Donc, on vous souhaite un joyeux Noël.
23:36Vraiment, Frédéric.
23:38On vous embrasse fort.
23:40On vous fait des câlins.
23:42Oui, comme vos élèves.
23:44Vos élèves, trop câlins.

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