La commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité a compilé les relevés des ARS (agences régionales de santé) concernant la présence de tritium dans l'eau du robinet. 44 communes en Drôme-Ardèche sont concernées.
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00:00Jusqu'à 9h, ici Matin, sur France Bleu Dromardèche.
00:048h moins le quart, la radioactivité dans l'eau de nos robinets, on en parle avec notre invité Emmanuel Champal.
00:10Bonjour Julien Sirène, co-directeur de la CRIRAD, la commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité basée à Valence.
00:17Près de 10 millions de personnes boivent de l'eau qui contient du tritium en France, selon les chiffres de l'ARS 2018-2024 que vous avez compilé.
00:27D'abord le tritium c'est quoi précisément ?
00:29Alors le tritium c'est un atome d'hydrogène qui a la particularité d'être radioactif, ça veut dire qu'il a un trop-plein d'énergie qu'il va avoir tendance à libérer en émettant un rayonnement.
00:38C'est donc dangereux ?
00:40Alors disons, le tritium effectivement est un vecteur disons d'exposition à la radioactivité, donc comme en matière de radioactivité il n'y a pas de seuil d'inocuité,
00:49même si on est face à de très faibles doses, on est quand même face à une exposition à la radioactivité.
00:54Alors on va y revenir plus précisément, 44 communes touchées en Drôme-Ardèche, en tout cas selon les chiffres de l'ARS,
01:00Pierre Latte dans la Drôme, une seule commune, 43 communes plutôt dans le Nord-Ardèche.
01:06Pourquoi toutes ces communes dans le Nord-Ardèche ? Pourquoi plus dans le Nord-Ardèche que dans la Drôme ?
01:10Alors très probablement parce que les mesures qui ont été faites dans le Nord-Ardèche étaient plus précises que dans le reste de la vallée du Rhône,
01:16et si on avait fait des mesures avec la même précision dans l'ensemble de la vallée,
01:20on aurait très probablement détecté également du tritium tout le long de la vallée du Rhône, à Valence également, etc.
01:26Vous savez pourquoi on n'a pas cherché plus que ça dans la Drôme ?
01:29Alors de manière globale en France, les mesures réglementaires de tritium, le contrôle de tritium est obligatoire depuis 2005,
01:36mais ces mesures sont généralement très souvent trop peu précises, trop peu sensibles,
01:41pour détecter une contamination de tritium certes faible, mais tout de même présente,
01:45et c'est ce qu'on voit entre Anona et Pierre Latte.
01:49Le tritium, c'est présent à l'état naturel, mais ça vient aussi des centrales.
01:54Celui dont on parle, il vient d'où ?
01:56Alors effectivement, on a sur Terre une petite quantité de tritium, le tritium se mesure en becquerels par litre,
02:02donc ce qu'on va appeler le bruit de fond, c'est moins de 2 becquerels par litre,
02:06donc quand on a des valeurs qui dépassent ce 2 becquerels par litre, on est face à un impact des centrales nucléaires,
02:12parce qu'en fonctionnement normal, les centrales vont produire du tritium,
02:16ce tritium est quasiment impossible à piéger,
02:18les centrales sont contraintes de le rejeter dans l'environnement, principalement dans les cours d'eau.
02:23Comment il est impossible à piéger ?
02:24Parce que c'est de l'hydrogène, donc l'hydrogène c'est le plus petit des atomes,
02:28c'est un des composants de l'eau, avec l'oxygène, l'eau c'est hydrogène et oxygène,
02:32donc il va se mêler aux molécules classiques d'eau,
02:37et on ne va pas pouvoir faire la différence entre l'eau radioactive et l'eau non radioactive,
02:41si bien qu'on ne va pas être en capacité de le piéger, on va devoir le rejeter.
02:45Julien Sirène, vous êtes co-directeur de l'ACRIRAD,
02:47quelles sont les mesures, vous disiez au-dessus de 2 becquerels par litre, c'est ça ?
02:51Oui, disons qu'à partir de 3, 4, 5 becquerels par litre,
02:54on est face à un impact des centrales,
02:56donc dans les communes que vous avez citées en nord Ardèche,
03:00on est autour de 5, 6 becquerels par litre,
03:02à Pierre Latte on est à 10 becquerels par litre,
03:04mais très probablement qu'à Valence et autour,
03:08on est dans les mêmes valeurs, simplement les mesures généralement indiquent
03:11non détectées inférieures à 8 ou 9 becquerels par litre.
03:14Ça veut dire qu'on ne l'a pas vu,
03:16mais qu'il peut tout à fait y en avoir en dessous de ces valeurs.
03:19Il faut s'en inquiéter ?
03:20Alors, on est vraiment dans le domaine des très faibles doses,
03:25donc il n'y a pas de panique, il faut vraiment rassurer les consommateurs.
03:29Je peux continuer de boire l'eau du robinet ?
03:30Vous pouvez continuer de boire l'eau du robinet,
03:32même si on est malgré tout face à un risque qui n'est pas nul,
03:35qui s'ajoute à l'exposition à la radioactivité naturelle.
03:38C'est quoi le risque ?
03:39Alors le risque à terme d'exposition à tous les polluants radioactifs,
03:43c'est d'augmenter le taux de cancer dans la population qui est exposée.
03:49Je le rassure toujours, dans des proportions faibles,
03:52mais malgré tout qui ne sont pas nulles.
03:54Quelles sont les limites fixées par l'OMS, l'Organisation Mondiale de la Santé ?
03:58Les limites sont très élevées,
03:59puisque l'OMS a fixé une limite à 10 000 becquerels par litre,
04:02mais une étude critique de la CRIRAD avait montré que ce seuil était beaucoup trop élevé,
04:06en particulier si on le compare aux limites et aux risques tolérés
04:10pour les polluants chimiques cancérigènes,
04:12puisqu'on est dans des risques disons 300 fois plus élevés,
04:15tolérés pour l'euthricium que pour les polluants cancérigènes chimiques.
04:18Pour vous, il faut que l'OMS revoie ses bases de calcul ?
04:21Oui, alors de manière plus générale,
04:24il faut effectivement que jusqu'à présent,
04:26le risque lié au tritium était sous-évalué,
04:28et il faut disons réévaluer ce risque à sa juste valeur.
04:32Je reviens à cette question,
04:34parce qu'effectivement les gens qui nous écoutent ce matin vont se poser la question.
04:37Vous, vous allez dans le Nord-Ardèche, dans une des communes concernées,
04:39ou à Pirlate, vous prenez de l'eau du robinet,
04:41vous vous en buvez sans aucun problème ?
04:43Oui, très probablement, je le répète,
04:45parce qu'à Valence, je vais avoir les mêmes taux,
04:47simplement l'euthricium n'a pas été mesuré.
04:49Merci à vous, Julien Sirène,
04:51co-directeur de la CRIRAT,
04:53de la commission de recherche et d'information sur la radioactivité basée à Valence.
04:56On retrouve commune par commune les relevés de l'ARS
04:59et sur votre site internet, évidemment.
05:01Merci à vous, passez une bonne journée.
05:02Je vous en prie.
05:03Et voilà l'interview que vous retrouverez dans quelques instants,
05:05sur l'application pour la réécoute ici, ICI, par France Bleu et France 3.