Xerfi Canal a reçu Valérie Moatti, professor, supply chain management & strategy, ESCP Business School, pour parler de sourcing à bas coup.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Valérie Moati. Bonjour Jean-Philippe Denis.
00:11Valérie, vous êtes professeure de supply chain management et stratégie à ESCP Business School.
00:16Tout à fait. Je suis retombé sur un papier de vous.
00:19Ah bon ? 2009, dans l'expansion management review.
00:23Et là, qu'est-ce que je lis ? Sourcines de points gare au surcoût des bas coûts.
00:28C'était donc en 2009, donc il y a une quinzaine d'années, que vous nous disiez,
00:34attention les chaînes de valeurs globales, il y a un petit problème.
00:37C'est-à-dire tout ce que la planète entière a découvert, et notamment en France,
00:40à l'occasion de la crise sanitaire, vous nous l'expliquiez en fait avec douze ans d'avance,
00:45en gros, à peu près. Tout à fait. C'est une façon de le dire.
00:49Et à vrai dire, ce papier a été sorti d'une étude qui a été faite en 2005,
00:53donc c'est même encore plus ancien que ça. Et effectivement, à l'époque déjà,
00:57quelques années après l'entrée de la Chine dans l'OMC, qui a vraiment propulsé l'éclatement
01:04de ces chaînes de valeurs et la délocalisation dans ce qu'on appelait à l'époque les bas coûts,
01:09on ne dit plus trop ça. Donc, les CPI, ou le coût de la main d'œuvre notamment,
01:14étaient beaucoup moins chers, ce qui était la raison essentielle de délocaliser.
01:17Pour un certain nombre de secteurs, je pense notamment au textile à la mode,
01:21sur lequel j'ai énormément travaillé, mais aussi le jouet, par exemple,
01:24qui a été un des premiers secteurs, ou l'électronique, parce que l'idée,
01:28c'était qu'on pensait que le coût de la main d'œuvre qui est important dans la chaîne de
01:35valeur de ces produits-là, puisqu'il y a encore beaucoup de tâches manuelles,
01:38notamment dans le textile, il suffisait de baisser cette partie-là pour qu'on ait gagné au global
01:45la partie et que le coût de revient soit soi-disant beaucoup moins important et les marges plus élevées.
01:50Évidemment, je pense que c'est là où vous voulez en venir, je peux déjà anticiper,
01:55mais il y a un certain nombre de surcoûts et notamment de coûts cachés.
01:59C'est exactement là où je voulais en venir.
02:01Donc, allons-y, que ce soit à l'époque ou que ce soit aujourd'hui.
02:06Donc, il y a notamment l'autre chose qu'on n'a pas prise en considération à l'époque,
02:11qu'on a prise plutôt, mais en le sous-estimant, c'est la partie logistique et supply chain,
02:17parce que ces produits que j'ai cités, encore plus le textile que le jouet, c'est plat,
02:22c'est léger, c'est facile à transporter.
02:26Donc, on s'est dit, le coût de transport est relativement faible,
02:30même si on éloigne l'endroit de production par rapport à l'endroit de consommation,
02:34on s'en sortira très bien.
02:36Alors, c'était vrai, sauf qu'il n'y a pas que du transport dans le coût logistique et supply chain,
02:41il y a aussi beaucoup de stock et le fait d'éloigner les chaînes de production,
02:47on multiplie les zones de stock, ça c'est déjà la première raison.
02:50Ensuite, le transport n'est peut-être pas aussi faible que ce qu'on a pu estimer à l'époque,
02:56avec les urgences qui sont faites en avion parfois, au lieu de prendre du bateau,
03:01ce qui rend les choses plus du tout rentables, il faut le savoir.
03:03Alors, certains produits de luxe peuvent se le permettre, mais pas tous.
03:06Et puis après, il y a tous ces autres coûts qui sont notamment la réactivité,
03:11pour des produits là aussi, je cite à nouveau la mode, c'est un peu mon dada,
03:15mais je pense que sur ce sujet-là, c'est très opportun,
03:18où il y a des changements continus de tendance qui se sont énormément accélérés.
03:25Il faut savoir que Zara, au début des années 2000, c'était encore relativement petit,
03:29mais sous l'effet de Zara et d'autres acteurs de ce style, H&M est moins fort quand même là-dessus.
03:36Il y a eu un renouvellement, on est passé de quatre saisons par an à huit saisons par an,
03:40et aujourd'hui, on est à quasiment une saison toutes les deux semaines pour un acteur comme Zara.
03:46Faire ce réapprovisionnement-là, petit un, quand on produit à l'autre bout du monde,
03:51je mets qui que ce soit au défi de le faire.
03:54Petit deux, être capable d'anticiper les tendances quasiment un an avant,
04:01parce que toutes les contraintes de prise de commande,
04:05de contrat avec tel ou tel fournisseur prestataire qui va pouvoir le faire,
04:12les contraintes de quantité, donc on produit en très grande quantité,
04:16puis derrière, on se rend compte que finalement, on ne va pas les vendre.
04:18Et je passe les sujets qu'on a vus pendant le Covid et depuis,
04:23tous les sujets géopolitiques, sanitaires, qualité, etc.
04:29Et les sujets aussi de contrefaçon dont on ne parle pas énormément.
04:32Mais par exemple, dans le jouet, il y a des tas et des tas d'exemples croustillants
04:37de telle épée Star Wars qui a été copiée exactement la même par le fournisseur chinois
04:43qui a inondé tous les grands distributeurs de la planète, etc.
04:47Merci à vous, Valérie.