• il y a 10 heures
Elles font partie des employées que l’on classe souvent dans la catégorie des « Invisibles », ces métiers de l’ombre, peu reconnus, peu considérés et trop peu payés... Les aides à domicile, un emploi à 95% féminin, accompagnent ceux qui en ont besoin, souvent des personnes âgées, dans le quotidien à domicile.S’habiller, faire sa toilette, faire des courses, un peu de ménage, préparer un repas… Comment vont ces professionnelles accompagnent les plus fragiles ? Travaillent-elles dans de bonnes conditions ? Pourquoi parle-t-on d’un secteur en souffrance ? Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production :

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Transcription
00:00Les Vaillantes de Xavier Champagnac. Voilà un film qui dépeint presque sans filtre la réalité de quatre femmes aides à domicile.
00:10Une réalité faite de moments intimes et intenses, parfois joyeux, parfois sombres et même un peu tendus.
00:17Pourquoi le secteur est-il dit en souffrance ? On va en parler avec nos invités.
00:21Jocelyne Guidès, bienvenue à vous. Vous êtes sénatrice centriste de l'Essonne, secrétaire de la commission des affaires sociales.
00:27Vous avez été co-rapportrice au Sénat de la proposition de loi sur la société du bien-vieillir et de l'autonomie,
00:32texte dans lequel a été créée notamment une carte professionnelle pour les aides à domicile.
00:37François Ruffin, bienvenue à vous également. Vous êtes député écologiste et social de la Somme, essayiste et documentariste.
00:43Votre tout dernier film s'appelle Au boulot, co-réalisé avec Gilles Perret, de même que le précédent Debout les femmes,
00:49où vous êtes notamment allé à la rencontre d'auxiliaires de vie sociale.
00:53Anne Lossègue, bienvenue à vous. Vous êtes fondatrice du collectif national La Force Invisible des aides à domicile.
00:59Vous êtes assistante de vie depuis sept ans et demi. Vous travaillez dans un groupe privé à Bordeaux.
01:03Vous avez fait le tour des différentes facettes du métier, aide à domicile de jour, de nuit, comme en ce moment,
01:08responsable de secteur et assistante de coordination.
01:11Annie Dussuède, bienvenue à vous. Vous êtes enseignante chercheuse en sociologie à l'université de Nantes,
01:16spécialiste de l'emploi féminin dans les services associatifs et des transformations du travail auprès des personnes âgées.
01:22Co-autrice avec François-Xavier Devéter et Emmanuel Puissant de Aides à domicile, un métier en souffrance,
01:28sortir de l'impasse aux éditions de l'Atelier.
01:31Merci beaucoup à tous les quatre d'être ici. Anne Lossègue, parce que vous représentez la profession sur ce plateau,
01:35je voudrais avoir d'abord votre regard sur ce que montre le film, le rythme, la quantité de travail, les trajets.
01:41Tout cela, tout ce que l'on voit dans ce documentaire, vous a-t-il semblé fidèle à la réalité des aides à domicile en général
01:47et à la vôtre en particulier ?
01:48Alors, quand j'étais deux jours, oui, c'est la réalité. Le nombre de kilomètres par jour, les bénéficiaires qu'on voit,
01:57plusieurs en fait. Dans une journée, on peut en voir sept, le week-end, dix, voire doublé par rapport à la semaine.
02:06Les temps de prise en charge qui sont courts.
02:09Globalement, vous vous êtes reconnue dans ce que vivent ces quatre femmes que l'on voit dans ce documentaire.
02:14Annie Dussué, que l'on soit en Normandie, comme dans le documentaire, ou ailleurs en France,
02:18cette réalité est globalement la même pour toutes les femmes. Aides à domicile, dix femmes, parce que c'est 95% de femmes
02:24qui font ce métier.
02:25Oui, beaucoup de femmes, effectivement, quasi uniquement. Mais je crois que ce film montre bien à la fois l'intensité
02:37et la difficulté du métier. On voit bien comment ce sont des gestes très ordinaires qui sont faits auprès de ces personnes âgées,
02:51pour la plupart. Mais malgré tout, on voit aussi la difficulté de ces gestes. On voit qu'il faut soulever les personnes,
03:01les déplacer du lit au fauteuil. Alors, c'est des gestes très ordinaires, mais finalement, qui font aussi ce que j'oserais appeler
03:08la pénibilité du métier. Donc, ça, c'est une chose que je trouve intéressante dans le film. Et puis, ce qu'on voit aussi très bien, je trouve,
03:16et là, je rejoins Anne Lozèque, c'est les trajets. Aller à domicile, ça veut dire se déplacer.
03:26Se déplacer en milieu rural, ça peut être dans des toutes petites routes, parfois enneigées, parfois verglacées, comme ces derniers temps.
03:36Il y a toute cette difficulté, avec aussi la difficulté à concilier les différentes interventions dans une journée, pour avoir un planning
03:49qui soit tenable, en quelque sorte.
03:53Pénibilité, vous retenez ce mot, vous aussi, Jocyne Guidez ? On peut parler d'un métier pénible.
03:58Alors, c'est certain, ne serait-ce que justement le temps de route. Donc, c'est vrai que le temps de trajet, et c'est bien ça, et c'est certainement pour cela
04:05qu'après, les personnes n'ont pas trop le temps de rester chez la personne âgée, parce que pour la personne âgée, le plus dur, c'est l'isolement.
04:13Et elles attendent avec impatience de voir leur aide à domicile arriver, ne serait-ce que pour échanger, discuter, et rompent un peu cet isolement.
04:21Et quand, malheureusement, le temps n'est que pour une demi-heure, ça passe très vite, parce qu'il faut faire le ménage, il faut préparer un peu la cuisine aussi, le repas.
04:31Et ça, c'est très compliqué. Donc, j'ai vu, là, dans le documentaire, 130 kilomètres par jour, ça paraît impensable.
04:42Voilà, et c'est pour ça qu'on a aussi du mal, comment dire, à trouver aussi des aides à domicile, parce qu'elles n'ont pas le permis de conduire,
04:50parce que c'est aussi un métier assez précaire. Donc elles n'ont pas le permis de conduire, et c'est pour ça que j'ai déposé un amendement
04:57pour que les départements, comme pour les jeunes, puissent offrir le permis de conduire à ces femmes qui n'ont pas l'opportunité de se le payer, voilà.
05:07Alors, plus que ça, effectivement, j'allais y venir, les élus ont voté ces derniers mois et années des choses sur la question de la route,
05:13et je vais vous interroger évidemment là-dessus, François Ruffin. Depuis le 1er octobre 2022, les aides à domicile se voient rembourser leurs frais de déplacement
05:20à hauteur de 38 centimes d'euros par kilomètre, contre 35 auparavant, et dans le cadre de la loi Bienveillir, les sénateurs ont aussi adopté un article
05:28prévoyant le versement d'une aide financière annuelle aux départements pour soutenir les frais de transport des professionnels.
05:34Ça veut dire que ça bouge ? Alors oui, je vous vois souffler, je vous vois faire la mousse, c'est très insuffisant, François Ruffin.
05:39Soit on prend le titre de documentaire au sérieux, les vaillantes, soit on pense qu'elles sont l'un des piliers de la société et du bienveillir dans notre pays,
05:46et à ce moment-là, ça veut dire revenu statut, ça veut dire salaire horaire, et pas une augmentation de 3 centimes du kilomètre.
05:53Et ce qu'on entend dans le documentaire, c'est à la fois un dévouement, c'est en même temps des journées qui sont à rallonge, avec,
06:03il y a une chose qui n'est pas dans le documentaire, on ne sort pas l'affiche de paye dans le documentaire, des longues journées comme ça non récompensées,
06:09et comment penser qu'on va réussir à construire dans notre pays, qui vieillit, et qui va vieillir encore davantage,
06:18de l'aide à domicile stable sur un salariat qui est exploité.
06:25Quel est le salaire, Anne Nossègue, d'une aide à domicile ?
06:27Ça dépend si elle est diplômée ou pas diplômée, ça dépend de la convention collective, parce que la problématique, c'est qu'on a beaucoup de conventions collectives.
06:38Là, vous parlez de 38 centimes, c'est pour le privé, en associatif, c'est 50 centimes, vous voyez, il y a déjà des différences entre statut juridique et...
06:49Quel est la fourchette, alors, de salaire, pour qu'on se rende compte ?
06:52Un temps partiel, c'est ce qui représente 60% des auxiliaires de vie, c'est 1 000 euros par mois.
07:01C'est 1 000 euros par mois.
07:02Et encore, avec les kilomètres, ils sont compris dedans.
07:05Si on enlève les kilomètres, on descend.
07:07Il y avait un rapport de Christine Hérault, économiste du travail, sur les 17 métiers de la deuxième ligne, qui disait que le salaire, il y a 2-3 ans, était en moyenne de 762 euros.
07:16Mais évidemment, tout ça, c'est du temps partiel, le problème, c'est que c'est du faux temps partiel.
07:20C'est du salaire partiel, mais qui correspond, en vérité, à un temps plein, parce qu'on leur demande, ça se voit dans le film,
07:26de se lever le matin, de faire le lever, le laver, le coucher, ouvrir les volets, préparer le petit déjeuner, tout ça en une demi-heure.
07:33Oui, on est sur des amplitudes horaires de 12, 13, 14 heures.
07:36Et puis, il faut revenir le soir pour...
07:38Moi, si j'ai une proposition à faire, c'est d'en finir avec ça.
07:41Il faut qu'on soit, le travail, il y a la tournée, qu'il y ait une équipe qui vienne de 7h à 14h, une équipe qui vienne de 14h à 21h,
07:49parce que ça présente deux avantages, ça fait temps plein, salaire plein, le temps de déplacement est pleinement compté à l'intérieur,
07:55et ensuite, ça permet quelque chose, qui est simplement d'avoir une vie sociale, d'avoir une vie familiale à côté.
07:59Parce que là, quand on discute, c'est pas trop dans le film, leur propre intimité, on est dans l'intimité des personnes âgées, on n'est pas dans leur intimité,
08:08et quand on discute de ce que ça signifie pour elles, ou comme pour d'autres professions qui multiplient les contrats, comme les femmes de ménage, par exemple,
08:15de comment on élève ces enfants en même temps, comment on a encore une vie conjugale, comment on peut avoir un engagement associatif à côté,
08:23alors qu'on va avoir deux week-ends sur trois qui vont être pris, enfin voilà.
08:27Jours fériés, week-ends...
08:29Je le dis, je pense que, j'y reviendrai, mais je pense que c'est un gros sujet pour les femmes elles-mêmes,
08:35500 000 auxiliaires de vie aujourd'hui, mais on en a besoin de 800 000, et il en faudra 800 000 demain.
08:39Les 300 000 supplémentaires, comment on va les trouver, si jamais le métier ressemble à ça ? On ne va pas les trouver.
08:45On va les trouver, mais on va les perdre aussitôt.
08:47C'est un métier très très précaire, avec effectivement beaucoup de turnover, CDD, temps partiel, Annie Dussuet, on se l'explique comment ?
08:54Les conditions de travail et les conditions d'emploi, ce n'est pas tout à fait la même chose.
08:59Les conditions de travail, on voit donc des horaires fragmentés, avec des emplois du temps, des plannings à trous,
09:07qui effectivement ne permettent pas d'avoir un temps plein, donc un salaire plein, mais un salaire partiel pour un temps qui n'est pas partiel,
09:19ça c'est vraiment une problématique tout à fait essentielle dans ce métier.
09:23Et puis, il y a une question de reconnaissance des compétences aussi, parce qu'on l'a vu, on le voit dans le documentaire,
09:32ça n'est pas simplement faire du ménage, être intervenante à domicile, être aide à domicile.
09:39Cette image qu'on nous colle, femmes de ménage, parce que le propre du métier, c'est l'accompagnement de la personne.
09:46On n'est pas là pour faire la place, on l'accompagne pour qu'elle garde son autonomie le plus longtemps possible.
09:52Vous avez l'impression qu'on vous considère comme des femmes de ménage ?
09:54Mais oui.
09:54Mais qui ?
09:55Les familles ?
09:57Alors parfois les aidants, parfois la famille, la société. Il y a une mauvaise image du métier.
10:07Et je reviens sur un truc qu'on n'a pas encore parlé, qui fait partir les jeunes aussi, c'est la charge mentale qu'on a dans ce métier-là.
10:17Et les premières blessures, parce qu'au bout d'un an, deux ans, on a déjà eu des blessures.
10:22Les blessures corporelles, vous les trouvez ?
10:24Oui, on est le premier secteur accidentogène, parce qu'il n'y a pas de réelle prévention sur ce métier.
10:33La prévention, c'est la formation des auxiliaires de vie, c'est la formation des aidants aussi, pour dire il faut enlever un tapis parce que c'est dangereux et nous on peut tomber aussi.
10:48C'est aussi avoir une relation avec les autres professionnels qui accompagnent les personnes en disant on est auxiliaire de vie, pas femme de ménage, on est des vrais professionnels.
11:05Et ça, il faut changer aussi cette image qu'on a pour attirer les jeunes.
11:10L'hiver, des fois on n'a pas le temps de rentrer chez nous, on est dans la voiture, on mange.
11:15On a plusieurs pathologies dans une même journée et on peut passer d'une maladie d'Alzheimer très calme à une maladie d'Alzheimer avec des violences.
11:29On peut passer à une maladie de Parkinson, je ne vais pas toutes les citer, mais on peut passer à quelqu'un qui est alcoolique, qui est suicidaire.
11:40Vous épongez tout ça.
11:42On éponge tout ça à la fin et on recommence parce que quand on rentre, M. Ruffin l'a dit, la vie sociale, on est fatigué.
11:50Quand on a 12 heures et quand on a eu des journées compliquées, la seule chose, c'est notre vie qui nous intéresse et la vie sociale, familiale, elle en prend un coup.
12:04Tant qu'on ne prendra pas ça aussi en compte, la vie sociale et la vie professionnelle doit être en connexion avec le métier.
12:17Jocelyne Guidès a l'impression d'un métier assez peu encadré, un peu dans une zone grise, il y a beaucoup de flottement.
12:22Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit en effet par rapport à la reconnaissance et que l'aide à domicile, on pense que c'est la femme de ménage.
12:31Ça c'était vrai, il y a de ça quelques temps en arrière et c'est certainement pour cela qu'on s'est vite rendu compte que l'aide à domicile n'était pas qu'une femme de ménage.
12:41Et qu'on a demandé aussi que vous puissiez en tout cas passer les petits examens pour qu'il y ait une certaine reconnaissance par rapport à tout ce que vous faites.
12:51Alors après il y a une autre chose.
12:53Attendez, les petits examens, c'est la carte professionnelle dont vous parlez ?
12:56Non, non, non.
12:57C'est quoi ?
12:58C'est les diplômes.
12:59Les petits diplômes.
13:00D'accord.
13:01Pour encadrer un peu le métier et la formation.
13:03Et puis en même temps c'est une reconnaissance par rapport à ça.
13:05Le care dirait les Américains ou les Anglais.
13:07Par contre la seule grosse difficulté quand même c'est que justement c'est un métier quand même qui est épuisant et résultat il y a beaucoup d'arrêts de maladies.
13:16Et résultat pour tenir des plannings en tout cas c'est très compliqué.
13:20Alors justement, je vais vous donner la parole, si vous permettez je vais enchaîner parce que tout ce qu'on vient de dire explique effectivement les problèmes de recrutement dans le secteur
13:27alors que les besoins en accompagnement à domicile devraient augmenter de 20% d'ici 10 ans et de 60% d'ici 30 ans.
13:33Il manquerait, selon Franck Nataf, président de la Fédération Française de Service à la Personne et de Proximité, citée dans Le Monde, il manquerait 60 000 salariés.
13:42Les employeurs du secteur parlent d'une situation dramatique, en détresse, en souffrance, au bout du bout.
13:48La séquence qui illustre ces difficultés est peut-être celle-ci, regardez.
13:52On n'a pas de personnel, vraiment.
13:56Là j'ai 5 arrêts maladies avec Stéphanie qui vient de s'ajouter, je n'ai personne en extérieur pour les remplacer.
14:06C'est Schmitt ?
14:08Bah oui, il me reste, non mais là je ne sais pas comment je vais faire.
14:12Je sais.
14:13Dolorès arrêté, j'ai encore le planning de Schmitt à partir de demain.
14:18J'ai encore tout le planning à...
14:21à comment elle s'appelle ?
14:24à Noémie, à partir de jeudi.
14:29Bref, bref, bref, bref.
14:34Voilà, un désarroi qui dit beaucoup, François Ruffin.
14:36D'abord c'est une charge mentale aussi pour les coordinateurs ou coordinatrices qui doivent gérer ça.
14:41Et avec la culpabilité en face, la personne âgée qui va avoir personne pour la lever.
14:46Moi j'ai vu des directrices d'associations, le samedi matin,
14:50ayant personne, prenant la voiture pour aller...
14:53Le faire elle-même.
14:54Le faire elle-même.
14:55Maintenant, je vais tourner en boucle.
14:58Pas trop quand même.
15:00Tant qu'on n'en a pas fait un vrai métier, il faut le respecter.
15:02Et ce qu'on voit dans le film, c'est que vous faites coiffeur, vous faites du travail administratif,
15:06on ne le voit pas là, mais remplir les feuilles d'impôts.
15:08Les jeux de société.
15:09Aller faire les courses, fleuristes.
15:11Bon, il y a tout.
15:13Mais si on ne pose pas qu'on veut qu'il y ait statut, revenu, salaire, horaire,
15:19ce qu'on voit dans le film, ça ne fait qu'empirer.
15:23Et en plus, quand ça part mal, ça rend pire,
15:27parce que la charge de travail, elle est reportée sur les collègues,
15:30qu'on rappelle au dernier moment pour dire...
15:32Ce soir, tu dois venir.
15:33Ils doivent bouleverser leur planning.
15:35J'avais une fourdure avec mes enfants, c'était trop chouette.
15:37Ben non, tu l'annules parce qu'il va falloir passer chez mamie.
15:40Bon, ben voilà.
15:41Et donc, du coup, en cascade, il y en a marre.
15:43Et donc, l'enjeu, c'est nous.
15:47Vous, les élus.
15:49L'enjeu, c'est nous.
15:50Si jamais on ne met pas...
15:52Alors, ça a été chiffré à 10 milliards d'euros,
15:54l'investissement qu'il faut sur la dépendance,
15:57à la fois sur le domicile et sur l'EHPAD.
15:59Mais s'il n'y a pas du budget...
16:00Parce que je pense qu'on a gagné une bataille culturelle.
16:02Moi, quand j'ai commencé à m'engager sur ce sujet-là, c'était il y a 15 ans,
16:06vous étiez vraiment invisibles.
16:08Vous étiez méconnues.
16:09C'était une ombre qui rentrait à l'aube dans la maison des personnes âgées.
16:13Mais depuis, ça a changé.
16:15Vous êtes applaudies sur les plateaux télé.
16:17Je ne sais pas si tout le monde est d'accord.
16:18Regarde le titre du film.
16:19Les vaillantes.
16:20Vous voyez, mais ça m'évoque un autre truc.
16:21Quand le président de la République, Emmanuel Macron, est venu à Amiens,
16:23je lui ai présenté des auxiliaires de vie de chez moi, Annie, Sylvie et compagnie.
16:27Elles ont raconté comment elles vivaient.
16:29Et il a dit, vous êtes des saintes.
16:31Et c'est tout le problème.
16:32C'est tout le problème.
16:33C'est qu'on ne demande pas que ce soit des saintes.
16:36On demande à ce qu'elles aient l'amour du métier et de l'humanité, certes,
16:38mais que derrière, ce ne soit pas une vocation.
16:41Parce que des saintes, ça veut dire...
16:42Pas payées.
16:43Vous allez être payées avec de l'eau fraîche, en gros.
16:47Annie Dussuet.
16:48Il faut que les gens puissent vivre de leur travail,
16:49que ces femmes puissent vivre de leur travail
16:51et qu'on ne demande pas à avoir des saintes sur terre.
16:53Annie Dussuet.
16:54Deux choses.
16:55D'abord, sur les diplômes, dont on a parlé très rapidement tout à l'heure.
17:02Et je pense qu'il faut quand même remarquer que les diplômes,
17:06ce n'est pas nouveau dans le secteur.
17:08Le CAFA, d'autrefois, dans les années 80, 1980,
17:14et puis le DEAVS, c'est quand même 2002.
17:19Donc, maintenant, ça fait plus de 20 ans.
17:22Mais pourquoi on a toujours cette absence de reconnaissance
17:28des compétences et des qualifications nécessaires pour travailler dans ce domaine ?
17:36Parce qu'on n'a aucun diplôme nécessaire.
17:40D'accord.
17:41Ça, c'est un problème.
17:42Oui, c'est un problème.
17:43Parce que ça veut dire qu'il y a un niveau d'entrée dans le secteur
17:49qui est le SMIC, point.
17:52Et que donc, il y a toujours cette tentation dans les organismes prestataires
17:59ou du côté des employeurs particuliers d'aller au moindre coût
18:05et donc d'utiliser les services de salariés qui vont être payés au SMIC
18:13parce qu'ils n'ont pas de formation.
18:15Avec cette idée qu'il n'y a pas besoin d'une formation.
18:18D'accord.
18:19Et est-ce que c'est toujours un choix, Anne Lossègue ?
18:22Est-ce que, autour de vous, les collègues le font toujours par choix ?
18:26Non, ça peut être une reconversion.
18:29Ça peut être un accident de la vie qui fait qu'on rentre dans ce métier-là.
18:38Un divorce, il faut retravailler.
18:41Donc, c'est parfois un non-choix ?
18:43C'est parfois un non-choix mais qui après devient un métier.
18:50Moi, j'ai des collègues qui n'ont pas de diplôme,
18:56qui n'ont pas de formation et qui se révèlent d'excellentes auxiliaires de vie
19:02parce qu'au départ, elles avaient des compétences
19:06qu'elles ne soupçonnaient pas pour rentrer dans ce métier.
19:09Et s'il y avait formation, s'il y avait ces petites étapes avant,
19:12elles y seraient allées quand même ?
19:13Vous pensez que c'est aussi parce que c'est facile d'y accéder qu'elles y vont ?
19:16Non, je ne pense pas ça.
19:19Après, moi, je fais attention à ça parce qu'il y a des gens qui rentrent.
19:29Celles qui y rentrent parce qu'il faut un salaire à la fin,
19:33elles partent très vite parce que c'est un métier…
19:36Trop difficile.
19:37C'est un métier difficile, c'est un métier d'humain.
19:40C'est voir des personnes en fragilité, c'est voir un corps nu,
19:45c'est le rapport à l'autre.
19:47Ce n'est pas donné à tout le monde.
19:50On ne peut pas envoyer dans ces métiers-là,
19:52alors je parle du métier de l'humain, on ne peut pas envoyer n'importe qui.
19:56Il faut une approche avant pour celles qui ne sont pas diplômées.
20:01Moi, je ne suis pas diplômée, j'ai des formations à côté,
20:04mais je n'ai pas un diplôme dans le métier.
20:09Je suis des formations, on me donne des formations.
20:20Quand on rentre sans formation, c'est de les faire évoluer
20:26et que ces formations soient comptabilisées sur un bulletin de salaire.
20:30Juste un mot, l'IGAS, l'Inspection Générale des Affaires Sociales,
20:33parle d'une situation de sous-financement structurel
20:36et d'insuffisante priorisation.
20:38De quoi parle-t-on, Jocelyne Guidez ?
20:40Je crois que c'est complexe, ce système de financement,
20:42des aides à domicile.
20:44C'est très complexe.
20:46Sans être trop technique, on fait appel à de l'argent public,
20:49indirectement et directement, c'est ça ?
20:51C'est ça.
20:53Je crois qu'aujourd'hui, on s'en est rendu compte.
20:56On s'en est rendu compte quand on a commencé à travailler
20:59sur la loi Bienveillir.
21:01Il y aura des départements qui vont pouvoir expérimenter
21:04et mettre des choses en place autres que par rapport
21:07à ce qu'il se passe aujourd'hui.
21:09Dans ce moment d'économie à tout prix,
21:12ça veut dire que c'est un secteur
21:14qui va être encore plus fragilisé ?
21:16Je pense qu'on ne peut pas faire des économies sur tout non plus.
21:19On est d'accord, mais est-ce que vous pensez
21:21que c'est un secteur qui va souffrir des économies qu'on cherche ?
21:24Je pense qu'aujourd'hui, il y aura peut-être des économies
21:26à faire, mais pas dans ce secteur-là.
21:28Je pense qu'il est grand temps...
21:30On en parlait tout à l'heure, toutes les trois.
21:32Si je parle sur la santé en règle générale,
21:35on s'aperçoit que, que ce soit dans les hôpitaux,
21:38moi je disais qu'on va injecter encore 3 milliards d'euros,
21:40on s'aperçoit que plus on injecte de l'argent,
21:43et ce n'est pas ça qui fait que ça marche mieux.
21:45D'accord.
21:46Ça fait trois ans que je dis qu'il serait peut-être grand temps
21:48qu'on se mette autour d'une table et que l'on travaille
21:51pour voir ce qui ne fonctionne pas et ce qui fonctionne,
21:54et peut-être changer les choses.
21:55Je pense qu'on est au bout du bout
21:57et qu'il va falloir se le dire et être franc aussi.
22:01Dans le monde du soin, vous voulez dire ?
22:03Dans le monde du soin.
22:04Donc pas moins financé, mais mieux financé,
22:06c'est ce que je comprends.
22:07Plus financé.
22:08Plus, c'est sûr.
22:09Si jamais on ne met pas de l'argent,
22:10le secteur qui est déjà catastrophique, en vérité,
22:13quand il y a des spécialistes de la comparaison
22:17de secteur professionnel
22:19et qui découvrent le secteur de l'aide à domicile,
22:21moi j'en ai eu un qui m'a dit, j'ai cru que c'était Zola,
22:24je suis tombé de ma chaise.
22:25Parce que voilà, c'est la personne qui a mis en place
22:27une plateforme pour que les aides à domicile
22:29puissent appeler en cas de difficulté.
22:31En termes de comparaison.
22:32Moi je veux dire, et ce qu'on voit dans le film,
22:34c'est une résignation aussi.
22:36Les auxiliaires de vie qui ne sont pas comme vous,
22:38parce que vous êtes une lutteuse,
22:40mais qui viennent dire, c'est comme ça,
22:43c'est notre métier, on n'a rien sans rien.
22:46Le c'est comme ça est vraiment la marque d'une résignation.
22:48Moi je pense qu'il y a une histoire à ça.
22:51Il y a une histoire qui est, d'abord,
22:55quand Emmanuel Macron disait, vous êtes des saintes,
22:58c'est une vocation.
22:59C'est l'histoire finalement d'un prolongement,
23:01d'un mouvement religieux,
23:03et où il s'agissait de données,
23:04et c'était les Bonnes Sœurs qui faisaient ce travail-là.
23:06Et nous, quelque part, on demande aux femmes
23:08d'être un peu les Bonnes Sœurs encore.
23:10Je pense que c'est des gens,
23:12on recrute des gens qui cumulent les fragilités,
23:14populaires, femmes,
23:17et on ne le voit pas dans le film,
23:18mais dans les métropoles,
23:19c'est pour beaucoup d'origines étrangères.
23:21Et donc, c'est pas les travailleuses elles-mêmes
23:24qui viennent revendiquer, qui viennent exiger,
23:26qui viennent demander, qui viennent protester.
23:28Il ne faut pas croire que le monde politique se bouge
23:30et que se disent, on va aller mettre des milliards
23:32dans ce secteur-là.
23:33Oui, on va construire des vrais horaires, des vrais salaires.
23:35Ça ne peut pas venir de l'extérieur, quelque part.
23:37Il faut qu'il y ait une pression qui naisse de l'intérieur.
23:40Donc, je pense que c'est un gros enjeu
23:42d'aider à structurer un mouvement syndical,
23:45un mouvement qui parte des auxiliaires de vie elles-mêmes.
23:49Parce que je crains que,
23:51si on attend que ça vienne seulement de l'extérieur,
23:53ça ne viendra pas.
23:54Ça n'arrivera jamais.
23:55Moi, je voudrais revenir quand même
23:57sur la question du financement et de l'argent public.
24:02Parce que oui, effectivement, c'est de l'argent public
24:05qui sert à financer les interventions
24:08des aides à domicile.
24:09Mais c'est de l'argent public
24:11qui n'est pas versé aux services directement.
24:15C'est de l'argent public
24:17qui passe par un système d'allocations
24:19qui sont versées aux bénéficiaires.
24:22Et donc, l'idée qui a été promue
24:24depuis plus de 20 ans dans ce secteur,
24:27c'est qu'il s'agissait d'un marché.
24:29Et qu'on allait donc solvabiliser les demandeurs,
24:34les personnes qui ont besoin de ces services.
24:38On allait les solvabiliser grâce à des allocations.
24:41Et qu'ensuite, ils choisiraient les services
24:44qui leur conviennent le mieux.
24:46Et donc, on a multiplié le type d'offreurs
24:49sur ce marché avec, en particulier,
24:52l'entrée des services privés commerciaux.
24:57Les acteurs privés.
24:58Mais aussi et surtout, en soutenant massivement
25:02les emplois directs par des particuliers employeurs.
25:08Et ça, ça a comme résultat,
25:10ce que disait Madame Lossec tout à l'heure,
25:12cette multiplication des conventions collectives
25:16qui fait qu'au fond, il y a toujours moins cher,
25:21finalement, en changeant de mode d'emploi.
25:24C'est pour ça que tout à l'heure,
25:26je parlais des conditions d'emploi.
25:28Parce qu'il y a des formes d'emploi différentes
25:31dans ce secteur.
25:32Et certaines sont plus avantageuses que d'autres
25:37pour les aides à domicile.
25:39C'est-à-dire avec des conditions de travail
25:41qui sont un peu moins mauvaises.
25:44Je vais dire ça comme ça.
25:45Au-delà des chiffres,
25:46cette profession, c'est évidemment de l'humain avant tout.
25:49On voit des femmes dévouées
25:50qui créent un lien assez fort
25:52avec les personnes dont elles s'occupent.
25:54Et on a même parfois l'impression
25:55qu'elles sont un peu des membres de leur famille,
25:57avec les bons, évidemment,
25:58et les moins bons moments que cela suppose.
26:00On regarde un petit extrait.
26:01Ça va ?
26:03Non, tu m'as énervée, Philippe.
26:07C'est pas grave.
26:08Si tu veux plus que je vienne, tu le dis, Philippe.
26:10Parce que si c'est pour me mettre dans la tronche
26:13tous les jours que j'ai un gros cul,
26:14j'ai pas besoin de toi pour que ça va.
26:16Je me regarde tous les jours.
26:18Tu me dis que je suis un mec comme un clou ?
26:22Il faut que je mange.
26:26Anne Lossègue, on n'en a pas encore beaucoup parlé,
26:28mais c'est vrai que la pénibilité,
26:30ce qui fait partie de la pénibilité de ce métier,
26:32c'est qu'on est aussi face à des personnes
26:33qui sont parfois sans filtre.
26:34Et donc, c'est des relations presque familiales,
26:36mais aussi avec parfois des insultes.
26:38On l'entend, là, dans ce film.
26:39Oui, on l'entend, mais on l'entend aussi.
26:42Moi, j'ai un autre regard.
26:48Le monsieur lui dit qu'elle a un gros cul.
26:50Et dans la suite, il lui dit aussi,
26:55vous m'avez dit...
26:56Que j'étais trop maigre.
26:57Que j'étais trop maigre.
26:58Pour lui aussi, ça a dû être quelque chose de dur.
27:02Qu'est-ce que ça veut dire ?
27:03Que les relations sont quand même aussi
27:04un peu parfois tendues, difficiles,
27:06avec les personnes qu'on aide ?
27:08Suivant les pathologies, oui.
27:10Ça peut être difficile, ça peut être tendu.
27:12Il y a de la violence dans le maintien à domicile.
27:15Vous dites violence.
27:16On peut aussi parler de maltraitance, ou pas ?
27:18Alors, moi, je...
27:19Vous n'aimez pas ce mot ?
27:20J'aime pas ce mot parce que, pour moi,
27:25il a deux sens.
27:26Quand on est maltraitant,
27:28c'est qu'on veut être maltraitant.
27:30Quand on est maltraitant,
27:32parce que c'est un mot à la mode,
27:34quand on est maltraitant par une situation.
27:37C'est un système...
27:38Par un système.
27:39Il vous semble maltraitant ?
27:40La professionnelle n'est pas le maltraitant.
27:42Elle fait ce qu'elle peut avec les moyens qu'elle a.
27:45Donc, moi, je fais la différence entre les deux.
27:48D'accord.
27:49Parce que la personne,
27:52on ne sait pas si elle a travaillé 5 jours à la suite,
27:54on ne sait pas si elle est en retard,
27:56on ne sait pas si elle a que...
27:58Elle avait peut-être 45 minutes,
28:00quand on lui a réduit,
28:01elle n'a que 30 minutes.
28:02Donc, elle est obligée d'aller plus vite,
28:06d'être un peu plus brusque avec la personne.
28:11Encore brusque, voilà.
28:13Mais il faut faire la différence.
28:16Jocelyne Guydet, ça veut dire que tout ce qu'on vient de se dire
28:18et toutes les difficultés rencontrées par ce métier,
28:21dans ce métier,
28:22montrent qu'il y a un système
28:23qui pourrait nous faire dévier vers de la maltraitance
28:25ou de la violence.
28:26Attention à ça.
28:27Moi, maltraitance, je suis d'accord avec vous.
28:31Malheureusement, si on en arrive là,
28:33c'est ça ma question.
28:34C'est certainement parce qu'on les presse.
28:37C'est-à-dire qu'on ne prend pas le temps
28:39de rester avec la personne âgée,
28:41discuter, la laver.
28:43Tout ça, ça prend du temps.
28:45Et comme on les presse sans cesse,
28:47on peut peut-être dévier sur de la maltraitance.
28:50Je voudrais aussi parler de la violence.
28:52C'est pas acceptable, bien sûr.
28:53De la violence inverse.
28:55Et des fois, c'est eux qui sont violents vis-à-vis de nous.
28:59Et ça, on le cache.
29:01C'est pour ça que j'ai aussi mis en exemple cet extrait.
29:04C'est lui qui lui dit ce mot terrible.
29:06Je parlais de la plateforme tout à l'heure
29:08qui avait été mise en place.
29:09L'une des remontées de la plateforme,
29:11c'est le racisme et le harcèlement sexuel qui existent.
29:17Il ne s'agit pas de se concentrer là-dessus,
29:19mais de savoir que ça existe.
29:20Moi, j'ai demandé que dans chaque département,
29:22il y ait un médiateur qui permette aux auxiliaires de vie
29:25d'avoir quelqu'un à appeler,
29:26parce que c'est pas facile
29:27quand on est dans un rapport où on est maltraités.
29:29Comment on en réfère à ces hiérarchies ?
29:31Tout ça, c'est pas toujours évident.
29:33Et en sens inverse, c'est évidemment la question du temps.
29:36Moi, j'ai des auxiliaires de vie qui me racontent
29:38comment elles se sentent forcées
29:40de donner la soupe beaucoup trop vite,
29:42parce qu'il y a le chrono qui tourne.
29:45La maltraitance, quand elle existe,
29:47et y compris en EHPAD,
29:49elle naît pour beaucoup de la pression du temps.
29:53C'est pas les personnes qui sont maltraitantes,
29:54c'est un système qui rend les situations violentes.
29:57C'est le manque de personnel aussi, justement.
29:59Le manque de temps, je pense qu'il faut insister vraiment sur ça.
30:04Il y a eu une volonté politique depuis plus d'une vingtaine d'années
30:11d'industrialiser le secteur,
30:13avec cette idée qu'on allait faire des économies,
30:16qu'on allait aboutir à des coûts moins importants.
30:22Le résultat, ça a été un émiettement des tâches,
30:28un fractionnement du travail,
30:31et des emplois du temps, des plannings,
30:36avec la difficulté qu'on a dite déjà de travailler à temps plein,
30:42même si on a des amplitudes très importantes.
30:45Dans la prise en charge, en fait,
30:48tout ce qui est détaillé, c'est les actes techniques,
30:53c'est-à-dire le lever, les courses, le ménage.
30:56Mais pour faire une bonne prise en charge,
30:59il faut créer du lien.
31:01Et le lien, ça ne se quantifie pas.
31:03Le lien, ça peut se faire en 30 secondes,
31:07comme des fois on a des liens qui se font sur une semaine,
31:11deux semaines, et le lien, ça prend du temps.
31:14Et ça, ce n'est pas quantifié dans une prise en charge.
31:18Et nous, les auxiliaires de vie, on passe beaucoup de temps
31:21sur créer du lien, parce qu'on sait que derrière,
31:23pour l'amener à la douche, c'est tout un...
31:27Quand le monsieur, il ne veut pas aller prendre sa douche,
31:30mais on ne voit pas le travail que l'auxiliaire a fait
31:33pour l'amener à la douche.
31:36Et la patience qu'il a fallu.
31:37Et qu'il a fallu, exactement.
31:38Est-ce qu'on arrive à ma dernière question,
31:40à une question conclusive ?
31:41Conclusive, ça veut dire qu'il faut réhumaniser,
31:44pour vous, ce système ?
31:45Jocelyne Guidaise, pour conclure.
31:48Moi, je dirais l'humaniser si on leur donne plus de temps.
31:53Parce que je pense qu'il est déjà humanisé par ces personnes,
31:56par les aides à domicile.
31:57Il y en a une qui dit comme ça,
31:59si on n'aime pas ce métier-là, il ne faut pas le faire.
32:02Et je trouve qu'elle l'a bien résumé.
32:05Alors évidemment, le système, il y a tout à revoir.
32:08Et on le ressent, on le ressent au travers du film,
32:11on le ressent aussi par rapport à nos discussions.
32:13Si aujourd'hui, on ne revoit pas le temps de travail,
32:16le temps de prendre le temps avec ces personnes âgées,
32:20eh bien, on n'arrivera à rien.
32:21Elle le sait.
32:22Moi, c'est la prise en charge, au départ, de la personne.
32:26Quand le département vient faire son évaluation,
32:29est-ce qu'elle réalise vraiment le temps qu'on passe ?
32:33Est-ce qu'elle connaît vraiment le métier de l'auxiliaire de vie ?
32:36Est-ce qu'elle connaît tout ça ?
32:38C'est le temps, Annie Dussuet et François Ruffin, pour conclure.
32:42Je pense que si on veut améliorer les choses,
32:46il y a aussi la dimension collective du métier
32:51qui pourrait être une amélioration
32:55dans les conditions de travail, des aides à domicile,
32:59parce qu'elles sont le plus souvent seules à domicile,
33:04seules, en face à face, avec des gens qui ne sont pas toujours...
33:07Commodes.
33:08Commodes, exactement.
33:11Et donc, le fait d'avoir des collègues,
33:14le fait d'avoir une hiérarchie, un collectif autour de soi,
33:20ça, ça paraît tout à fait essentiel dans ce métier.
33:23Et ça, ça n'existe que quand il y a certaines formes d'emploi,
33:28ça n'existe pas dans d'autres.
33:31Donc, ça, je pense que c'est quelque chose qui est à repenser.
33:34C'est demandé, ça, d'ailleurs.
33:35Madame Lausselaise disait le temps, le temps, le temps,
33:38qu'il faudrait du temps pour échanger, du temps de parole,
33:41et ainsi de suite.
33:42Le temps, c'est de l'argent.
33:43Et donc, si à un moment, il n'y a pas de l'argent
33:45qui est mis sur ce secteur-là, ça ne fera qu'empirer.
33:48Et je dis que pour moi, c'est un enjeu, évidemment,
33:50pour les 500 000 salariés elles-mêmes,
33:53pour qu'elles puissent bien vivre de leur travail,
33:55et bien le vivre.
33:56C'est un enjeu, parce qu'on a un défi demographique devant nous
33:59et que ce mur-là, on n'arrivera pas à le franchir
34:02avec un travail en miettes et des salariés qui sont écrasés.
34:07Mais pour moi, c'est un enjeu démocratique aussi.
34:09Et en particulier, la montée du Rassemblement national.
34:13Pourquoi ?
34:14Parce que si ce qu'on a à proposer aux classes populaires,
34:17c'est ce travail-là,
34:19un travail où on ne peut pas bien vivre de son travail
34:22et où on est en souffrance,
34:25ça fait suite, chez moi,
34:27déjà à un emploi industriel qui a disparu.
34:30Et il y a une étude qui vient d'être rendue
34:32qui montre que quand il y a un emploi industriel qui disparaît
34:35et que les personnes se retrouvent dans ces emplois de service-là,
34:37ils perdent la moitié de leur salaire.
34:39Donc, si jamais on ne crée pas un socle de stabilité
34:43qui permet aux classes populaires de bien vivre de leur travail,
34:46et je pense que ce métier-là, avec d'autres,
34:48mais ce métier-là en est une clé...
34:50On crée de la colère.
34:51Oui, on crée de la colère, on crée des ressentiments.
34:54Et la question, c'est pourquoi ces longues journées
34:58pour, à la fin, ne pas être récompensés, quand même ?
35:01Eh bien, on s'arrêtera là.
35:02Merci, merci beaucoup à tous les quatre
35:04d'avoir participé à cet échange.
35:05Merci à vous de nous avoir suivis,
35:06comme chaque semaine, sur Public Sénat.
35:08À très vite.
35:09Évidemment, émission à retrouver en replay
35:11sur notre plateforme publicsenat.fr.
35:13À bientôt.
35:23Sous-titrage Société Radio-Canada

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