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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 27 novembre 2024 : le journaliste, présentateur vedette du journal de 20 heures au Portugal, et écrivain, José Rodrigues dos Santos. Son roman "Oubliés" est publié pour la première fois en France aux éditions Hervé Chopin.

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Transcription
00:00Bonjour José Rodríguez Dos Santos.
00:02Bonjour.
00:03Journaliste, présentateur vedette du journal de 20 heures au Portugal,
00:06reporter de guerre depuis plus de 25 ans et vous êtes également écrivain,
00:10considéré comme l'un des plus grands auteurs de thrillers.
00:13Mais pas que, parce que vous écrivez aussi des romans historiques.
00:15Vos livres se revendent par millions, avec en tête de vos succès
00:19la formule de Dieu et la saga de Thomas Noronha traduite en 18 langues
00:24dans le monde entier.
00:25Votre plume, elle est précise.
00:26C'est un savant mélange entre la mémoire, l'histoire, les aventures.
00:31Tout est vérifié, renseigné, avec un soin apporté au décor,
00:35offrant au lecteur la possibilité d'endosser le rôle d'un de vos personnages
00:38et donc de s'imaginer au cœur d'une scène ou d'un paysage que vous avez décrit.
00:43Aujourd'hui, vous publiez Les Oubliés.
00:45Vous le publiez en France parce qu'il est déjà sorti au Portugal.
00:48Il est déjà considéré comme culte d'ailleurs.
00:50C'est l'histoire d'Afonso et à travers lui, de figures très emblématiques
00:56de soldats portugais qui ont été totalement délaissés dans les tranchées
01:01de Flandre pendant la Première Guerre mondiale, à une période,
01:04à un moment très stratégique mené par l'armée allemande.
01:08Un soldat, vous le prouvez à travers cette écriture, José Rodríguez,
01:12c'est d'abord un homme.
01:13Il est à la fois fragile et solide.
01:16Vous nous livrez ses pensées, là, en l'occurrence,
01:18ses moments d'espoir et même de désespoir.
01:20C'est plus qu'un roman historique, c'est aussi un énorme hommage,
01:23une énorme déclaration d'amour que vous faites à vos deux grands-pères.
01:26D'un côté, le grand-père maternel, le caporal Raul Campos Tettineau,
01:32qui est mort gazé pendant la guerre, et votre grand-père paternel,
01:36le capitaine José Rodríguez dos Santos, qui a servi le conflit en 14-18.
01:41C'était ça, d'abord, aussi ?
01:43C'était une façon de restituer la vraie histoire pour vous raconter
01:46votre propre histoire ?
01:47Oui, je dirais un petit peu ça, mais plus que ça.
01:52La Grande Guerre, toutes les familles au Portugal étaient touchées
01:55par la Grande Guerre, car tout le monde a quelqu'un de la famille
01:58qui était, soit en Flandre, soit en Angola ou au Mozambique,
02:03car il y avait des combats contre les Allemands aux colonies.
02:08Et le bizarre, c'est que mon bouquin, qui a été publié originalement
02:11en 2004, il y a 20 ans, fut le premier roman jamais publié
02:17au Portugal sur la Grande Guerre.
02:19Alors, c'est vraiment un sujet d'oublier.
02:22C'était un événement énorme qui a touché toutes les familles.
02:25Toutefois, on n'en parlait pas.
02:27Et je pensais qu'il fallait le parler parce que, premièrement,
02:32tout l'impact qu'il a dans la société portugaise et, deuxièmement,
02:36parce que ça a joué un rôle.
02:38Tout le monde parle de l'immigration portugaise en France
02:43dans les années 60 pour fouiller la guerre coloniale.
02:46Mais en effet, le premier grand mouvement, c'était ces soldats
02:49qui étaient en Flandre, isolés.
02:52Et évidemment, ils avaient des rapports avec la population française,
02:57les Françaises, les hommes étaient dans la guerre aussi.
03:02Alors, il y a beaucoup de descendants des Portugais en Flandre aujourd'hui.
03:07Et c'est toute une histoire humaine qu'il fallait raconter,
03:11je pense, et récupérer de sa mémoire, car elle est beaucoup ignorée.
03:17Quand je parle en France, bon, les Portugais étaient dans la guerre,
03:21la Grande Guerre, et ici, les gens ne savent pas.
03:24Ils ont joué un rôle dans la conclusion de la guerre
03:29avec la bataille de 9 avril 1918.
03:32Il y a un côté à l'ouest, rien de nouveau, d'Éric Maria Remarque,
03:36c'est-à-dire que vous nous offrez l'opportunité de nous mettre à la place du soldat.
03:40Vous citez cette phrase, d'ailleurs, où vous racontez que c'est très difficile
03:45pour un soldat de vivre avec les lettres des civils qui sont à plusieurs dizaines
03:50de kilomètres, voire des centaines de kilomètres du champ de bataille.
03:53C'est très difficile de rentrer en conflit avec ça.
03:56C'est très difficile de raconter, tant qu'on n'est pas sur le champ de bataille
04:00et donc au front, ce qui se passe vraiment.
04:02Oui, parce que tout le monde parle les héros et tout ça, l'héroïsme,
04:07le courage, mais ça n'existe pas quand on est dans la bataille.
04:11J'étais en tant que réporteur de guerre, j'étais dans un coin et on voit,
04:17c'est pas le courage.
04:19Ce qu'on parle de courage, ce sont des images qu'on a créées par le cinéma
04:23et tout ça.
04:24La guerre est tout à fait différente, beaucoup plus horrible.
04:27Souvent, les gens me demandent la question.
04:29Mais vous allez en guerre, vous allez en Ukraine, tout ça, et vous aimez ça ?
04:32Non, vous n'avez pas peur.
04:34Mais j'ai beau aussi, j'ai beaucoup de peur.
04:36Seulement un fou ou un inconscient n'a pas peur d'une chose telle que ça.
04:42Alors la guerre, c'est la même chose.
04:43Et les soldats de la Grande Guerre parlaient de ça.
04:47Les gens qui parlent du courage, de l'héroïsme, tout ça,
04:50ils parlent dans les bourreaux, à centaines de kilomètres derrière les lignes.
04:55Car quand on est dans les lignes, ça n'existe pas.
04:58C'est la seule chose qui existe, c'est essayer de survivre,
05:02essayer d'échapper à ce cauchemar, vraiment, parce que c'est un cauchemar.
05:08Il n'y a pas d'héroïsme, il n'y a pas de courage.
05:10Afonso, quand on regarde bien,
05:12il savait que la vie était un long fleuve incertain, un théâtre d'illusions.
05:16Vous écrivez un double jeu de miroirs.
05:19Mais pour lui, tout a toujours eu un sens.
05:21C'est un peu vous.
05:22Oui, oui, en effet, c'est intéressant.
05:25Je vous disais à peine que je lisais le livre après 20 ans,
05:30que je n'avais pas lu et j'ai remarqué que tous les sujets de mon oeuvre
05:37sont déjà présents dans ce livre-là.
05:40Parce que Somerset Maugham, le grand écrivain britannique né à Paris,
05:46il a un jour dit, tous les écrivains racontent la même histoire.
05:50Et quand j'ai lu cette phrase de Somerset Maugham, j'ai pensé,
05:53mais quelle est l'histoire que je raconte à chacun de mes romans ?
05:57Et en effet, c'est une quête du sens de la vie.
06:00Et on trouve cette quête dans les tranchées.
06:05J'ai oublié ce roman-là, mais dans tous les autres romans,
06:08soit la formule de Dieu, Immortel, Feuille divine, l'ultime secrète du Christ,
06:13Spinoza, l'homme qui a tué Dieu, à chacun de mes romans,
06:16je touche au même sujet, la quête de savoir pourquoi nous existons.
06:21Quel est le sens de notre existence ?
06:23Est-ce qu'elle est, comme je dirais Jacques Monod, un hasard ou une nécessité ?
06:29Si elle est une nécessité, ça veut dire qu'il y a un plan quelconque.
06:32Et alors, c'est ce sujet qui est très central dans ma littérature.
06:37Est-ce que, justement, l'écriture est un énorme besoin vital, presque vital ?
06:44Oui, j'entends beaucoup de gens qui disent,
06:47et y'en a plus, des écrivains qui disent, écrire, c'est très difficile.
06:53C'est vraiment un sacrifice, tout ça, et je ne comprends pas ça.
06:57Peut-être parce que j'écris professionnellement, dès mes 16 ans.
07:01J'ai démarré à la radio à Macao, une ancienne colonie portugaise en Chine.
07:05Et pour moi, écrire, et je pense que pour tous les journalistes, j'imagine,
07:11c'est comme respirer, c'est une chose naturelle.
07:14Alors, quand les gens disent écrire, c'est difficile, mais je ne comprends pas pourquoi.
07:18Parce qu'évidemment, je suis habitué, ça fait partie de ma vie.
07:21Et alors, je ne comprends pas ma vie sans écrire et sans lire.
07:25Ce sont des choses qui sont liées et c'est vraiment comme l'air qu'on respire.
07:30Vous terminez ce livre dix ans après 1918.
07:35En tout cas, Afonso a grandi, il a dix ans de plus.
07:39Il regarde, effectivement, il regarde dans le rétroviseur et il se rend compte de tout ce qui s'est passé.
07:43Il pense à tous ceux qu'il a vus mourir, notamment ses compagnons de route,
07:46notamment un, d'ailleurs, qui a été très marquant pour lui.
07:49Et en même temps, il est persuadé que le rêve lui permet de continuer à communiquer avec l'au-delà.
07:55Est-ce que c'est quelque chose que vous ressentez, vous ?
07:58Est-ce que le rêve sert aussi à ça ?
08:00Oui, le rêve, c'est l'illusion.
08:04Je me souviens, une fois, j'ai parlé avec José Saramago, l'écrivain portugais qui a gagné le prix Nobel.
08:10Et on parlait sur la fin des romans.
08:14Et il m'a dit bon, mes romans ne finissent jamais très bien.
08:18Ce qui est le cas avec le mien aussi.
08:21Pas mal, mais pas bien. Il y a une sorte de mélange.
08:23Et il m'a dit, vous savez pourquoi ?
08:25Parce que la vie, elle ne se termine jamais bien.
08:28C'est notre décès.
08:30C'est ça que la vie se termine, c'est jamais joli.
08:33Et nous avons besoin du rêve pour oublier ça.

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