Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 21 décembre 2023 : l’écrivain, Christian Signol. En septembre dernier, il a publié "Une famille française" aux éditions Albin Michel.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 - Bonjour, Christian Signolet. - Bonjour.
00:02 - En 2015, vous avez été consacré comme étant l'un des dix
00:05 romanciers préférés des Français.
00:06 Il faut dire que depuis la sortie de votre roman "Les cailloux bleus"
00:09 en 84 et votre trilogie "La rivière espérance" adapté ensuite à la
00:13 télévision, vos ouvrages n'ont eu de cesse de trouver leur public.
00:16 Les grandes sagas populaires en plusieurs tomes nourrissent votre
00:19 écriture, certes, mais l'intime, l'enfance, la famille en sont l'ossature.
00:24 Il y a peu, vous avez publié "Une famille française", qui est donc
00:26 le mélange des ingrédients nécessaires à trouver l'essentiel.
00:29 En tout cas, c'est comme ça qu'on le comprend.
00:31 Avec des mots justes, cet art du simple et du vrai, diront certains.
00:34 Est-ce le livre qui vous correspond le plus, finalement, Christian Signolet,
00:38 qui traduit ces 40 années passées à nos côtés, à nous en tant que lecteur ?
00:42 - Sans doute, parce que c'est le roman qui ressemble le plus,
00:46 finalement, au chemin de ma famille, c'est-à-dire que mes grands-parents
00:52 étaient paysans.
00:53 Mes parents n'étaient pas enseignants, comme Antoine dans le livre,
00:56 mais ils étaient commerçants.
00:57 Le statut social était à peu près le même.
00:59 Et puis, mes frères et sœurs, nous avons tous fait, tous les quatre,
01:03 des études universitaires.
01:06 Et c'est effectivement le chemin qu'ont parcouru, à mon avis,
01:11 au moins, je dirais, 50 % des familles françaises, qui, passant de la paysannerie
01:18 à l'université, sont aussi passées des campagnes vers les villes.
01:21 - Quel est votre rapport avec l'écriture aujourd'hui ?
01:24 Qu'est-ce qui a le plus changé entre vos débuts, ces cailloux bleus
01:27 que vous avez semés ?
01:28 La première pierre, finalement, que vous avez semée,
01:30 et aujourd'hui, avec cette famille qui vous correspond tellement ?
01:33 - L'évolution a été lente.
01:38 Elle se traduit aujourd'hui beaucoup plus dans l'écriture,
01:42 qui est devenue une écriture plus rapide qu'elle n'était au début.
01:45 Parce que c'est vrai qu'avec les cailloux bleus, il y a si longtemps,
01:48 j'insistais davantage, par exemple, sur les paysages, sur les choses.
01:53 Encore aujourd'hui, un peu, mais beaucoup moins, quand même,
01:55 parce que c'est une nécessité.
01:58 Tout, aujourd'hui, est devenu tellement rapide.
02:00 Il faut réagir très, très vite et il faut aussi donner,
02:03 dans l'écriture, cette impression de rapidité,
02:05 sinon les gens décrochent, surtout les nouvelles générations.
02:09 Donc l'évolution de l'écriture, à mon avis, elle est là.
02:12 C'est devenu une écriture beaucoup plus rapide.
02:14 - Vous rendez hommage à l'importance d'être professeur,
02:17 d'être, évidemment, on pense aux deux professeurs assassinés
02:21 dans l'exercice de leur fonction, à Samuel Paty et Dominique Bernard,
02:26 prof de lettres, assassiné, lui, par un Tchétchène,
02:28 fiché S, ça vous évoque quoi ?
02:31 Ça, que dans une cour d'école, ou à la suite d'un cours,
02:35 on puisse être assassiné pour avoir exercé son métier ?
02:39 - C'est le monde d'aujourd'hui, vous savez, le terrorisme islamiste,
02:45 comment vous dire, moi, il y a quelques temps,
02:48 il me... quelques années, il me paraissait très lointain,
02:51 très vague, et puis, finalement, non, parce que moi,
02:54 j'avais un ami qui s'appelait Bernard Maris,
02:56 c'était le compagnon de Sylvie Genevoix avec qui je travaillais chez Albain Michel,
03:00 eh bien, il restait dans les locaux, Charlie Hebdo, il est mort.
03:05 Et donc, ce phénomène de terrorisme, moi, qui me paraissait vraiment très lointain,
03:11 tout d'un coup, au mois de janvier 2015, il est devenu très proche et très réel,
03:16 et pour moi, ça a changé quand même énormément de choses dans mon état d'esprit.
03:21 Je suis quand même devenu à ce moment-là beaucoup moins optimiste qu'avant,
03:25 d'autant plus que ce n'était pas seul, j'avais une autre connaissance
03:28 qui était aussi dans les locaux de Charlie Hebdo, c'était Philippe Lanson,
03:31 vous savez, celui qui en est sorti des figurés et qui a écrit "Le Lambeau",
03:34 je le connaissais aussi, mais c'était une connaissance,
03:36 ce n'était pas un ami comme Bernard Maris, mais enfin, il y en avait deux,
03:38 deux d'un coup, là, en janvier 2015.
03:42 Donc, à partir de ce moment-là, ma vision des choses, des événements de l'époque
03:49 a énormément changé.
03:51 – Vous qui rêviez d'écrire, de devenir écrivain,
03:53 vous l'êtes devenu aujourd'hui, au fil du temps,
03:55 vous êtes l'un des écrivains français les plus lus actuellement, Christian Signol,
04:01 est-ce que vous êtes fier de ce parcours, alors ?
04:04 – Je suis fier d'autant plus que c'était inespéré,
04:07 c'est-à-dire que pour un enfant du fin fond du département du Lot,
04:12 dans les années 60, début 60, imaginer un destin comme celui-là,
04:19 c'était absolument impossible.
04:22 Ceci dit, comme l'a écrit Jim Harrison,
04:25 qu'est-ce que le destin sinon la densité de l'enfance ?
04:28 Et je pense que mon enfance a été d'une densité extraordinaire,
04:33 d'une force extraordinaire et qui m'a permis finalement de réaliser ces rêves-là.
04:37 – Merci beaucoup, Christian Signol d'être passé dans le monde d'Élodie sur France Info,
04:41 s'appelle "Une famille française", sorti aux éditions Albain Michel.
04:44 Merci beaucoup.