Dans le cadre du Carrefour du cinéma d’animation 2024. 21e édition, du 22 au 29 novembre 2024.
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Court métrageTranscription
00:00Donc on va essayer, contrairement au personnage du film, de re-rentrer dans le cadre du tableau
00:15pour revenir sur cette histoire, parce que c'est un film qui est un peu singulier dans
00:20votre carrière, dans votre travail, que ce soit par cette forme qui met l'édifice en
00:25forme d'animation, mais aussi parce qu'au départ c'est un des rares films dont vous
00:29n'avez pas écrit l'histoire, c'est vous qui l'avez rédigé Annick. Le point de départ
00:34c'était quoi ? Qu'est-ce qui vous a amené cette idée en tête, cette histoire ?
00:39Alors je pense une très grande inconscience. Je me demandais par moments d'où venait
00:50cette idée de création, pourquoi vouloir raconter des choses, d'où ça venait, comment
00:56ça circulait, comment ça arrivait, et je me suis dit que le mieux c'était d'écrire
01:01une histoire sur ce sujet sans me rendre vraiment compte de la complexité du sujet, ni savoir
01:09même si ça pouvait aboutir à quelque chose. Donc il a fallu choisir évidemment un art
01:17pour parler de l'art, et j'ai choisi la peinture parce que j'adore la peinture. Et bon après,
01:25ça a été une longue aventure, ça m'a pris quand même deux bonnes années pour mettre
01:29ça en place. Et quand j'ai commencé à faire bouger mes personnages et à les faire rentrer
01:38dans un tableau, s'en sortir, tout ça, après c'est devenu un jeu. Et ça s'est fait tout
01:43seul, il n'y avait plus qu'à suivre les personnages, à voir toutes les idées qu'ils pouvaient avoir
01:48et puis il n'y avait plus qu'à les suivre en fait, et utiliser tout l'univers de la
01:53peinture. Enfin bon, il y avait plein de pièges. Sauf qu'il n'y a pas que l'univers de la peinture,
01:59parce qu'il y a plusieurs manières de lire le film. Il y a d'un côté une lecture potentiellement
02:05qui peut être une lecture sociale, politique, sur un côté de système de classe entre les
02:08personnages des tout-peints, des pas finis et des refs, et il y a aussi une histoire d'amour. Et les
02:13deux ont autant d'importance. Mais j'aimerais savoir pour vous deux, laquelle avait le plus
02:17d'importance ? Qu'est-ce que vous tenez le plus à raconter ? C'est une histoire d'amour ou une
02:21lecture, quelque part, sociale ?
02:29Quand on travaille ensemble avec Jean-François, on aime bien quand même qu'il y ait plusieurs niveaux de
02:34lecture sur une même histoire. Donc, il y avait toujours avec l'animation le problème de
02:42savoir si on faisait un film pour les enfants ou pas. Parce que les producteurs, quand même,
02:47ils sont très attachés à ce genre de détails. Nous, un peu moins, beaucoup moins même. Donc, je
02:54m'étais dit qu'il fallait quand même qu'un public d'enfants puisse comprendre cette histoire qui
03:00n'était pas forcément une histoire qui s'adressait aux enfants, a priori. Parler de la création,
03:06c'est pas trop leur truc. Et puis, finalement, ça permet aussi de parler de plusieurs choses à la
03:15fois. Jean-François ? Excusez-moi, je suis un petit peu ému parce que j'étais pris au dépourvu. Je n'avais pas
03:29vu ce film depuis... Plusieurs années. Oui, une dizaine d'années au moins. Et puis là, on est dans un cas un peu
03:40particulier. C'est-à-dire, je suis vraiment en fin de carrière. Donc, je fais pas mal d'avant-premières avec mon dernier film.
03:52Et revoir ce film ce soir, ça m'a fichu un coup, je vous l'ai dit. C'est vraiment le plus beau film. Alors, c'est idiot de dire ça quand on parle de son
04:05propre travail. D'abord, parce que c'est le plus beau scénario qu'on a pu avoir pour faire les 7 longs-métrages. Et puis, voilà, je suis un petit peu sous le...
04:24A la fin du film, sous cette barbe et cette moustache de patriarche, c'est vous.
04:29Donc, c'est vous, le peintre et le créateur du film, mais qui dit qu'on n'abandonne pas ces personnages. Pourquoi ils ont été abandonnés ?
04:39Est-ce que vous, pour revenir sur cette idée d'émotion là, est-ce que vous abandonnez vos films ? Je veux dire qu'on ne les abandonne jamais vraiment.
04:45Mais quel rapport on a avec ces films, ces personnages au gré des années ?
04:52Oui, la notion d'abandon, je l'ai traitée dans plusieurs histoires. C'est quelque chose qui me touche pas mal.
05:01Mais pour répondre plus précisément à votre question, oui, l'abandon est effectif. Et c'est pour ça que c'est une grande surprise de retrouver ses enfants ce soir.
05:17Je ne sais pas si pour Annick, c'est la même chose.
05:19Bah si, en fait. Mais moi, ça fait quand même 20 ans que j'ai écrit cette histoire. Parce qu'entre le moment où on écrit une histoire et où le film sort,
05:28déjà, il se passe un certain temps. On ne va pas appuyer sur ce qui fait mal. Ça dure longtemps. Et puis, de les retrouver, oui, c'est vrai que les personnages des films,
05:40ce sont nos enfants de papier, un peu, si je puis dire. Et on y est attachés. En même temps, ils nous ont quittés, on les a lâchés.
05:49C'est vrai, on était bien contents de passer à autre chose. Mais on les retrouve et on a de l'affection pour eux. C'est bizarre.
05:57Tu trouves pas qu'ils se sont même enrichis eux-mêmes ?
06:02C'est-à-dire qu'on en a marre de les voir à la fin du film. Quand on les retrouve après, on est content. On les voit autrement.
06:10Oui, je les trouve plutôt mieux que quand on les a créés.
06:14Bah oui, c'est ce que je te dis.
06:16Ils se sont finis eux-mêmes.
06:19Voilà, ils se sont arrangés tout seuls, sans nous.
06:22On va revenir sur les motifs de la peinture, des influences. Mais je vais faire une petite divergence sur le côté politique,
06:30sans aller sur le discours politique du film. Mais j'avais lu, à l'époque, que pour le personnage du Grand Chandelier,
06:36vous vous étiez inspiré d'Edouard Balladur pour faire cette forme-là. Est-ce que c'est vrai, d'une part ? Et pourquoi Edouard Balladur ?
06:45Parce que c'était lui qui était au pouvoir, je suppose, à l'époque. Je me rappelle pas très bien.
06:54Moi, j'aimais beaucoup Edouard Balladur. Physiquement, je veux dire. Politiquement, un peu moins.
07:01Mais oui, on s'est inspiré de sa façon de parler aussi, qui était un petit peu enrobée.
07:12Et donc, pour aller sur la peinture, il y a beaucoup de motifs et de peintres dont on repère les influences dans le film.
07:18Mais c'est jamais didactique. C'est jamais voulu comme une leçon de peinture.
07:23Par contre, ça correspond à une époque particulière de la peinture.
07:26Les peintres qu'on voit, de Modigliani à Matisse, en passant par Serge Picasso, par exemple,
07:31ça correspond à une époque qui était plus ou moins les années folles, plus ou moins le Paris des années 1920.
07:36Donc avant qu'on arrive à l'art abstrait. Est-ce que ça, c'était important pour vous ?
07:41Pourquoi avoir choisi de situer le film, en tout cas, pris des peintres de cette période-là ?
07:46Quand j'écris une histoire, je me casse pas trop la tête pour savoir comment elle va être dessinée après.
07:52Et j'avais imaginé un peintre qui pouvait être Picasso, par exemple,
07:58avec des reuves qui pouvaient être les petits personnages de Picasso,
08:01comme le joueur de Dio, des petits croquis comme ça, très jetés, et voilà.
08:08Je m'étais dit que les pas finis, ça pouvait être des Toulouse-Lautrec,
08:12un petit peu colorés, mais pas vraiment terminés.
08:16Et puis que les tout-peints, bon ça, c'était plus ouvert, ça pouvait être pas mal de choses.
08:22Et quand Jean-François a lu le scénario, il a fallu qu'il m'a dit,
08:28non mais c'est pas possible, on peut pas mélanger picturalement des styles tellement différents
08:37qu'on va pas s'y retrouver. Il a dû carrément créer le personnage du peintre et son œuvre
08:43pour trouver une unité stylistique. Bon, on avait quand même décidé que c'était le début du XXème.
08:50Et puis, ça s'est pas fait tout seul. C'est vraiment l'apport de Jean-Paul Ansteyn,
09:00le chef décorateur du film, qui a été essentiel.
09:05En revoyant le travail qu'il a fait, je suis assez épaté.
09:11Alors, l'histoire, oui, c'est la peinture, il y a Chagall aussi.
09:18On avait envie de donner un petit coup de chapeau, comme ça.
09:21Mais en effet, comme vous le dites, de ne pas aller trop loin dans l'évocation précise de ces peintres-là,
09:31parce qu'on voulait rester aussi un petit peu extérieur.
09:37Il y a l'histoire d'amour, en effet, qui est importante, l'histoire politique.
09:43Il y avait parfois même trop de choses.
09:49Il a fallu choisir. Le scénario était tellement riche, tellement ouvert.
09:55Il y avait tellement de pistes à explorer que voilà.
10:02Comme vous disiez, à un moment, ça a failli être impossible.
10:05Est-ce que le véritable pari du film, c'était justement de trouver l'équilibre
10:09entre tous les univers, non seulement les influences graphiques, mais aussi formellement ?
10:13Parce que ce n'est pas votre première expérience en prise de vue réelle.
10:16Vous aviez fait deux courts métrages en prise de vue réelle à vos débuts.
10:19Mais par contre, c'est votre premier film où il y a mélange prise de vue réelle, animation, mélange 2D et 3D.
10:25J'ai cru comprendre que vous préférez qu'on dise animation numérique que 3D.
10:28Mais est-ce que le vrai pari, il n'était pas là, justement, de maintenir ces univers-là,
10:34tout en en créant quelque part un supplémentaire ?
10:36Oui, mais c'est le scénario qui le nécessitait.
10:41Et c'était assez excitant de dire on va créer trois images vraiment différentes.
10:50Donc, il fallait que les personnages soient relativement stylisés, abstraits,
10:55pour que quand ils pénètrent dans le tableau, ils pénètrent dans une première réalité.
11:01Pas dans le tableau, dans l'atelier du peintre.
11:05Ils pénètrent dans une réalité, mais ne pas aller trop loin non plus dans cette réalité.
11:13Donc, c'était assez difficile à doser, sachant qu'ils allaient dans une troisième étape pénétrer dans la prise de vue réelle.
11:25Et même cette prise de vue réelle, je me suis quand même arrangé pour la truquer un petit peu.
11:32C'est un petit peu faux.
11:33Ce qui fait qu'on peut imaginer dans le scénario d'Anik, je me rappelle bien que la petite Lola,
11:41elle arrivait dans le dernier plan jusqu'au cadre du tableau et qu'elle grimpait et pénétrait dans la salle de cinéma.
11:52Oui, c'était prévu pour être en hologramme, mais la technique n'était pas au point.
11:57On n'est pas allé jusque-là, on s'est arrêté un peu avant.
12:01Mais ça pose la question, parce qu'à l'époque où est sorti le film,
12:04on est dans une période où il y a une nouvelle mode du cinéma en relief, du cinéma en 3D.
12:10Est-ce que ça vous aurait plu d'aller vraiment jusqu'au bout de l'expérience et de faire un film avec un vrai relief, une 3D holographie, par exemple ?
12:19Peut-être pas. Je crois que les difficultés que l'on a eues me suffisaient amplement.
12:26La 3D, je détestais la 3D à l'époque. Il faut dire que ce n'était pas terrible.
12:34Et puis le producteur qui était Blue Spirit, qui avait des studios à Angoulême, m'a dit
12:46« Écoute, moi je ne peux pas faire autrement. J'ai un studio équipé en 3D avec les gens qui ont appris la 3D, qui l'ont découverte, qui l'ont enrichie.
12:57Et on fait le film en 3D ou on ne le fait pas. »
13:00Alors je lui disais « Mais ce n'est pas possible, c'est de la peinture. On ne pourrait pas faire de la peinture animée, vraiment en 2D ? »
13:09C'est l'histoire d'un peintre, ce n'est pas l'histoire d'un sculpteur.
13:14Je lui dis « Peut-être que la 3D, qu'un sculpteur, ça pourrait marcher. »
13:18Il me dit « Bon, c'est comme ça. »
13:20Et en fait, ils nous ont bluffés, parce qu'ils ont fait une première étude sur l'atelier du peintre.
13:31Et quand j'ai vu ça, je ne pensais pas qu'on pouvait aller aussi loin.
13:36Avec une dimension supplémentaire qui fait qu'un film en 3D, ça nécessite beaucoup de gens, généralement.
13:42Quand on voit les génériques des films, aujourd'hui en relief ou les films d'animation, il y a vraiment beaucoup de postes.
13:48Ce film-là, il reste sur une équipe qui est assez réduite. Il reste sur une idée d'artisanat.
13:53En quoi c'était important pour vous de rester sur cette échelle, pas réduite, mais en tout cas une échelle plus petite ?
14:00Parce que je ne peux pas travailler autrement, je ne peux pas travailler avec des grosses équipes.
14:06J'ai envie qu'on n'ait pas besoin de se parler beaucoup.
14:12J'ai fait des films en été 6, comme le film qui va passer ce soir.
14:19Et puis d'autres, beaucoup plus difficiles pour moi, comme « Le château des singes », où je pense que 300 personnes ont travaillé dans le film.
14:29Non, non, je préfère les solutions plus artisanales.
14:35Oui, absolument.
14:39Mais est-ce que cette application technique, parce que derrière vous allez revenir à quelque chose de plus 2D,
14:46en quoi ça a changé votre travail, en quoi ça a changé votre vision potentielle du travail de réalisateur d'animation ou même de scénariste d'ailleurs ?
14:55Qu'est-ce que cette technique a changé pour vous ?
14:58De toute façon, j'ai du mal à parler technique pour une raison très simple.
15:04C'est-à-dire que quand je suis passé du court-métrage au long-métrage, j'ai compris que la technique devait passer derrière l'histoire.
15:17Ce sont d'abord des histoires que j'ai voulu raconter dans chacun de mes films.
15:23Et à ce moment-là, le tableau, c'est l'exemple même d'un film qui tient sur quelque chose, qui est écrit vraiment.
15:34Et le public, il s'en fiche finalement que ce soit en 2D, en 3D, en 5D, vraiment, il attend qu'on lui raconte quelque chose.
15:47Donc moi, finalement, après, je ne me suis pas interrogé davantage sur la technique.
15:53Ça dépendait vraiment de la production. Un film qui était en coproduction avec le Canada.
16:01Donc il fallait travailler d'une façon ou d'une autre.
16:06Du moment qu'on arrive à communiquer une émotion, les personnes à choix sont riches.
16:14Si l'important, c'est de raconter une histoire, donc ce film-là qui parle d'un créateur que vous finissez par jouer,
16:21il est question d'un autoportrait aussi dans le film.
16:24Forcément, ça raconte aussi votre histoire quelque part.
16:28Et dans ce film-là, par le passage sur la forêt, par le passage à Venise, ça ramène à deux choses qui sont un rapport à la nature qui est très présent dans vos films,
16:36qui est un thème qui est souvent là, et un rapport au théâtre qui était une de vos premières passions.
16:41Dans quelle mesure ce film-là, quelque part, c'est celui qui raconte le plus de choses de vous à travers cette histoire-là ?
16:50Et peut-être qu'il faut un regard extérieur dessus.
16:52Alors déjà, le film, il commençait par beaucoup plus de choses en amont.
17:01C'était la prise de pouvoir du Grand Chandelier, les autres qui se faisaient virer, tout ça.
17:08Jean-François, il m'a dit, non, moi, je veux commencer à un moment un peu choc, comme ça.
17:13Et tu me fais, si tu peux me faire une présentation théâtrale.
17:19Donc j'ai dû me plancher un peu sur la façon dont au théâtre, on amenait l'ouverture d'une pièce, par exemple,
17:30et pour lui écrire un prologue et commencer le film à ce moment-là.
17:35Mais l'entrée n'était pas la même.
17:38Tu te souviens de ça ?
17:39Oui, j'aime beaucoup l'entrée comme ça.
17:41Oui, tu me l'as demandé, j'espère que tu as le mien.
17:48Donc, par exemple, ça, c'est en lien avec le théâtre, complètement.
17:53Et puis, l'autre chose, c'est quoi ?
17:55C'est cette idée que quelque part, c'est un film qui parle aussi de Jean-François,
17:58par ce rapport à la nature qui est quand même une thématique qui est très présente,
18:02de Pigouenne, dans le château des singes, dans l'île de Blackmore.
18:05Il y a un vrai rapport à la nature, mais qui existe là aussi dans certaines parties du film.
18:09Oui, je crois qu'on a ça aussi en commun, ce lien à la nature.
18:14Et puis, à un moment donné, je me suis dit aussi, finalement, la peinture, peut-être qu'elle a bouclé la boucle.
18:25Qu'est-ce qu'on peut imaginer comme prolongement à la peinture aujourd'hui ?
18:31C'est difficile, on dirait qu'on a bouclé cette boucle-là.
18:35Et à un moment, je me suis dit, peut-être que le peintre, justement, c'est l'animateur.
18:40C'est celui qui va donner vie à la peinture.
18:43Et j'ai commencé à m'attacher à ce que ce soit Jean-François qui joue le rôle du peintre.
18:50Il n'était pas trop d'accord pour tout vous dire.
18:53Et finalement, ça s'est fait comme ça.
18:57Et je trouve que c'est assez bien.
19:01Je me suis dit, peut-être le cinéma d'animation, c'est la petite extension qu'on pourrait faire à la peinture.
19:10Mais bon, ce n'est pas sûr.
19:13Non, non, on parle beaucoup mieux que moi.
19:16Mais je reviens sur cette séquence finale, parce qu'il y a une séquence qui est assez inhabituelle pour vous,
19:20qui est cette vraie combinaison de prise de vue réelle et d'animation avec votre main et ce personnage qui arrive dedans.
19:26Est-ce qu'à un moment, parce que vous venez quand même de quelque chose qui est plus graphique et plus manuel, qui est le dessin.
19:32Est-ce qu'à un moment, vous vous êtes dit, ça ne va pas marcher, le résultat ne sera pas ce qu'on espère.
19:38Est-ce qu'à un moment, vous avez eu des craintes de ne pas pouvoir arriver au résultat que vous souhaitiez.
19:42Oui, mais comme je le disais, ce n'était pas très grave.
19:47C'était un peu faux.
19:49Et je crois que la séquence montre bien que ce personnage.
19:55Moi, je ne suis pas comédien, donc je ne pouvais pas jouer ça d'une façon très convaincante.
20:02Je crois que ce n'est pas grave dans le film.
20:06Il y a quelque chose qui passe dont je suis vraiment content.
20:13Je m'en mords, je suis très sévère avec mes derniers films parce qu'ils sont encore trop présents en moi.
20:23Et celui-ci a pris beaucoup de distance et je le trouve très beau.
20:29Je te félicite.
20:30Je crois que vous n'êtes pas le seul.
20:41Si on parle de distance, une histoire d'amour entre deux personnes de classe qui essayent de sortir de leur cadre social et autre.
20:49Forcément, ça fait lien avec la bergère et le ramoneur ou le roi et l'oiseau de Grimaud dont vous avez été l'assistant.
20:56Qu'est ce qui vous en est resté?
20:57Oui, non, je n'ai pas été assistant de Paul Grimaud du tout.
21:03J'ai connu Paul Grimaud au moment où il allait.
21:07Il essayait de reprendre la bergère et le ramoneur, qui est la première version du roi et l'oiseau.
21:14Et pour pouvoir le refaire, puisque le film lui avait été retiré par les producteurs à une certaine époque, il n'avait pas pu le terminer.
21:27Donc Jacques Prévert et Paul Grimaud avaient été exclus complètement de ce film.
21:34Et c'est le moment où Paul essayait de redessiner en faisant d'ailleurs des animatiques qui n'étaient pas sauvages,
21:44mais qui étaient un petit peu où il redessinait les plans qui, selon lui, avaient été gâchés par l'équipe qui avait fini la bergère et le ramoneur.
21:54Donc, ça a été une période de formation, mais je n'ai pas travaillé avec lui.
22:00Mais j'étais là. Et être avec Paul Grimaud ou Jacques Prévert à cette époque-là, c'est quand même extraordinaire.
22:09Sur le final du film, le peintre dit, mais en fait, ça n'a pas d'importance.
22:17Vous vous estimez que certains personnages ne sont pas finis, mais en fait, ils se sont finis eux-mêmes.
22:21Ça pose quand même la question de votre rapport à vos personnages.
22:24À quel moment vous savez qu'un personnage, justement, il est complet, il est totalement incarné, que ce soit à l'écriture ou à la réalisation ?
22:32À quel moment vous dites, OK, c'est bon, ce personnage-là, il me va ?
22:37Non, il ne va jamais. En fait, il n'est toujours pas fini.
22:42C'est-à-dire que c'est le problème que les peintres connaissent bien ou les dessinateurs aussi.
22:50Donc on les abandonne. En effet, une peinture n'est jamais finie, elle est abandonnée.
22:58Et naturellement, c'est nécessaire pour que l'œuvre soit visible.
23:04Mais là, on vient de terminer un film qui traite une fois de plus du même sujet, de l'abandon.
23:16C'est l'histoire d'un bateau qui n'est pas fini dans le jardin.
23:23Est-ce que ça veut dire que pour vous, un film n'est jamais totalement fini ?
23:25Oui, bien sûr.
23:29Il y a cette idée de présence de pas mal de peintres dans le film.
23:35Mais il y a aussi quelque chose d'autre qui est au-delà de l'idée de ne pas imiter, mais de reproduire certains tableaux,
23:40d'une utilisation de la couleur particulière.
23:42Il y a une guerre à un moment qui arrive dans le film, et quelque part, c'est la guerre des rouges contre les verts.
23:47Comment vous avez basé cette idée d'utilisation de la couleur et des choix des couleurs,
23:52qui ont quand même une vraie importance à tout niveau dans le film, que ce soit graphique ou même dans l'histoire ?
23:57Oui, oui. Et ça, c'est toi qui peux en parler.
24:01Oui, à partir du moment où on traite d'un univers, il y a le côté pictural, il y a la couleur,
24:11il y a la forme, il y a le fini, le pas fini.
24:14C'est tout un ensemble d'éléments qui font que le scénario, il devient organique et il roule un peu tout seul.
24:24On utilise tout.
24:26Donc, même le nom des personnages, même Magenta, c'est à la fois une bataille et une couleur.
24:34Annick, en plus, a fait la recherche couleur, non seulement sur ce tableau-là, mais sur les autres également.
24:46Donc, c'était son travail alimentaire.
24:51Il y avait 300 personnages. J'ai dit, bon, OK, je vais les mettre en couleur.
24:55Puis, on joue avec son histoire, on joue avec les personnages.
25:02Quand ils se refont, ils se refont dans une autre époque picturale, avec Miro, avec d'autres petites références comme ça, Clé, d'autres peintres.
25:12Et puis, on peut jouer à l'infini comme ça, avec un sujet.
25:18Et tout à l'heure, j'ai même pensé que parfois, il y avait trop d'idées dans ce film.
25:24Mais c'est le premier long-métrage que j'ai écrit, je voulais tout mettre dedans.
25:33Je reviens sur cette idée des choix des couleurs, parce que le film joue vraiment beaucoup là-dessus, y compris dans les textures.
25:39Il y a des moments où il a un côté très aquarelliste, d'autres un moment, la 2D, 3D donne une sensation différente d'incarnation.
25:45Comment ça s'est fait, ce travail-là ?
25:47C'est un travail d'équipe.
25:49Alors là, vraiment, on dit toujours que le cinéma, c'est un travail d'équipe.
25:54L'animation encore plus.
25:56On est plusieurs créateurs sur le plan.
26:02Une fois que l'écriture est terminée, il y a un travail qui va durer.
26:07Alors, selon le temps qu'il faut au producteur pour trouver le financement, ça peut prendre des années.
26:17On est à deux ou trois à travailler sur l'image.
26:21Donc, les décorateurs comme Palanstin, l'assistant réalisateur Rémi Chaillet, et puis d'autres, on a travaillé sur les personnages, on les a développés.
26:35Donc, je ne suis pas du tout auteur de ce genre de choses.
26:40C'est un groupe.
26:42A partir de là, puisque vous êtes revenu plusieurs fois sur l'idée d'une oeuvre collective,
26:47c'est un film qui parle du rôle des créateurs, du créateur.
26:51Parce qu'on peut voir une écriture, pas religieuse, mais quelque part, le peintre, c'est un peu un dieu qui laisserait un peu ses créations se débrouiller par elles-mêmes.
26:59Ça veut dire quoi, un créateur, pour vous ?
27:01Pour vous deux, d'ailleurs, qu'est-ce que ça veut dire ?
27:03Je ne sais pas du tout, mais dans le film, on ne le voit pas, le créateur.
27:07Il est quelque part au-delà du cadre.
27:11Il est hors-champ.
27:13Je ne peux pas en dire plus.
27:15Il y a une idée, si le film s'appelle Le Tableau, ça c'est moi qui écarle peut-être quelque chose dessus,
27:21mais c'est un titre qui, là aussi, est à multiples couches, parce qu'en gros, c'est comment est-ce qu'on voit les tableaux sous les tableaux.
27:28Est-ce que vous diriez que, quelque part, c'est votre film le plus dense, dans ce côté de la variété de thématiques, sa variété de lecture ?
27:36Oui, bien sûr.
27:38Le plus compliqué.
27:41Vous le trouvez ?
27:43Le plus riche.
27:47Pour paraphraser la dernière phrase du film, ou presque, et maintenant,
27:51maintenant c'est d'autres films, parmi les vôtres, qui vont être projetés pendant le reste du café d'animation.
27:57Je vous recommande de vous reprenez au catalogue.
27:59Et j'ai envie de dire, soyons des éponges, effectivement, et nourrissez-vous des films que vous allez pouvoir voir ici.
28:05Merci à vous deux.
28:07Merci à vous.