"La chance que j'ai eue, c'est que les galères, je les ai vécues très tôt."
BRUT FOOD. Il est l'une des sensations de cette dernière saison de Top Chef. Son parcours et sa maladie, ses influences… Brut a passé une journée avec le chef Valentin Raffali chez lui, dans son restaurant à Marseille, le Livingston.
À l'occasion de l'arrivée de la flamme olympique à Marseille ce 8 mai, Brut consacre une semaine spéciale à cette ville.
BRUT FOOD. Il est l'une des sensations de cette dernière saison de Top Chef. Son parcours et sa maladie, ses influences… Brut a passé une journée avec le chef Valentin Raffali chez lui, dans son restaurant à Marseille, le Livingston.
À l'occasion de l'arrivée de la flamme olympique à Marseille ce 8 mai, Brut consacre une semaine spéciale à cette ville.
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00:00Moi, je n'aime pas faire l'apologie de la galère parce que c'est plus facile de parler de ce qui ne va pas plutôt que de ce qui va.
00:05La chance que j'ai eue, et où je ne changerais rien, c'est que les galères, je les ai vécues très tôt.
00:08De toute façon, tu le vois sur la caméra, c'est mon œil droit, c'est le cancer que j'ai eu.
00:12Ce que ça m'a apporté, c'est que je sais ce que ça fait de ne pas être en capacité de changer les choses.
00:17Quand tu as un handicap, ou que tu perds ton œil, moi, je ne peux pas le refaire pousser mon œil, je ne peux pas le jeter sur eBay.
00:22C'est dommage. D'ailleurs, s'il y en a un qui regarde la vidéo et qui peut faire ça, je suis preneur.
00:26Est-ce que ça va passer ? Je ne suis pas sûr.
00:28Vas-y.
00:32Vas-y.
00:32Je guide les livreurs, mais je n'ai même pas le permis, gros.
00:38Vas-y.
00:40Moi, je dis vas-y, mais autant, il va la démonter la clé.
00:43C'est un peu comme ma chambre ici.
00:44Ça se voit, regarde, je ne sais pas si tu regardes un petit peu les décos, il y a toutes les photos.
00:47Il y a tous les gens que j'aime.
00:49La première personne qui est sur le mur ici, c'est Sékou, mon apprenti.
00:53Pour son anniv', on lui a fait floquer le maillot de Livingston, le maillot de l'OM.
00:56C'est important pour moi, en tout cas, notre décoration, c'est nous, tu vois.
00:59Je l'adore pour ses qualités et ses défauts.
01:00Ce n'est pas très clean.
01:01Quand je dis que ce n'est pas très clean, c'est qu'on a gardé les tables et les chaises de l'ancien propriétaire.
01:06Tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a construit ce grand comptoir entreposte.
01:09Et j'ai accroché tout ce que j'avais dans mon appart dans le resto.
01:12Tu vois, toutes les affiches.
01:14Il y a tous les refs, en fait, de ce que j'aime, tu vois.
01:16Tous les bouquins, il y a des références.
01:18Kuzama, Virgil Abloh, Pharrell.
01:21Là, il y a une affiche de Star Wars.
01:22J'en parle avec amour parce que c'est du temps, si tu veux.
01:24En fait, on n'a pas créé le resto et on n'a pas tout affiché comme ça, tu vois.
01:27Et il y a aussi ce rapport à ne pas avoir beaucoup.
01:30Tu vois, quand on a ouvert, il n'y avait pas un budget de fou.
01:32La morale, c'est, je pense que quand on a trop d'argent ou trop de...
01:35Quand on a trop, souvent, on crée des projets qui n'ont pas d'âme.
01:38Et quand tu manques, le ventre vide un peu,
01:42tu te retrouves avec un truc avec de l'âme et un truc qui sent quelque chose de vrai.
01:52Attends, là, l'équipe, ils sont trop timides, ils ne veulent pas sortir.
01:54Attends.
01:56Tu veux que je te présente l'équipe, d'ailleurs ?
01:58Ça, c'est Guillaume, du coup.
02:00Je présente Ségou.
02:02Ségou, c'est comme mon fils, mon apprenti.
02:03Donc, on a ouvert ensemble, on a toujours été là.
02:06C'est ma doublure.
02:08Ségou, c'est ma vie.
02:09Donc, voilà, ça, c'est l'Anne, c'est un peu le bateau pirate, quoi, tu vois.
02:21Il n'y a jamais vraiment eu de CV, nous, c'est toujours des vibes, tu vois.
02:23Je crois qu'on n'a jamais eu de personnes qui ont été recrutées avec un CV.
02:29Ça, de toute façon, après, tu attires les gens, tu vois.
02:31Tu attires les gens et, en général, toute l'équipe, on se ressemble.
02:35Et c'est pour ça qu'il n'y a pas de CV, tout ça, nous, on s'en fout, tu vois.
02:37Bonjour.
02:39Allez.
02:41Bonjour.
02:42Ouais, c'est un quartier qui me tient à cœur, à fond.
02:43Ici, il y a l'espace Julien, c'est une salle de concert que j'aime trop.
02:46Et...
02:47Mais c'est un hasard, hein.
02:48Si on a trouvé le restaurant ici, je s'y amènerais après.
02:50Il y a un bar que j'aime bien, c'est la Brasserie Communale.
02:53Je buvais une bière avec mon associé.
02:54On a marqué local commercial et on est tombés là-dessus.
02:57Tu vas bien ?
02:58C'était rapide, hein.
02:59Ouais, ça va ?
03:00Bonjour, ça va ?
03:01Ouais, ça va.
03:03La vérité avec le concert que j'ai eu, c'est pas le...
03:06C'est pas de perdre un oeil ou de perdre l'équilibre.
03:08Ça a été vachement compliqué au début, parce que les angles, je les vois différemment.
03:12Et mine de rien, quand tu commences...
03:13Tu sais, moi, j'ai commencé dans un parcours étoilé avec un chef meilleur ouvrier de France que j'adore.
03:17C'est sûr qu'il comprenait pas forcément.
03:18J'avais un manque de précision qui était surtout lié à mon handicap.
03:23En fait, j'ai appris de mon côté sans trop en parler à comment parler à ces faiblesses-là.
03:27Il y a deux concerts, tu vois, que t'as.
03:28Il y a celui que tu vis, mais il y a celui que tu découvres à travers le regard des autres.
03:31Je me sentis très différent tout de suite.
03:33Donc au final, le vrai concert, il est là, tu vois.
03:35Le concert, c'est pas de perdre un oeil.
03:37C'est de se sentir différent.
03:38Et c'est là où le parcours, il est pas tout lisse.
03:40C'est qu'il y a beaucoup de choses que tu gardes pour toi quand t'as un vécu, tu vois.
03:42Et je fais pas partie de ces gens, en tout cas, qui font pleurer sous les cheminières.
03:46Tu vois, j'ai pas envie de marqueter le malheur que j'ai eu.
03:48Tu vois, moi, je viens pas de ça.
03:49Nous, on se plaint pas, quoi.
03:50Quand c'est la merde, on réagit et on fait au mieux avec ça.
03:55Je vais te montrer la cave en bas, elle est assez cool.
03:57C'est un petit peu sombre, donc je sais pas si...
03:59Tu as mon flash ?
04:00Ouais, t'as ton flash ?
04:01Donc ici, c'est un peu la caverne des pirates, quoi.
04:04Regarde.
04:06Et ça, c'est une des raisons de pourquoi on a pris le resto aussi.
04:08Avant, c'était une salle de resto en bas.
04:10Je te vois comment ils faisaient, les mecs.
04:11Mais...
04:13Et voilà, donc...
04:16C'est un restaurant où il y a beaucoup de monde.
04:17Et on fait au mieux pour ranger.
04:19Il faut toujours s'adapter à l'environnement,
04:21mais il faut jamais adapter l'environnement à ce qu'on a envie de faire, tu vois.
04:24Ici, on est quand même assez limité, on n'a pas beaucoup de place.
04:26On fait beaucoup de monde, on a tout le vin, tout est déplacé.
04:30La cuisine, j'ai pas beaucoup de place non plus,
04:31donc le menu, en fait, il est designé souvent avec les défauts de ma cuisine.
04:34Et ça, c'est un challenge.
04:35Si tu veux cuisiner chez nous, ça va pas être facile, hein.
04:44Alors, j'ai pas toujours voulu être cuisinier.
04:45Quand j'étais gamin, du coup, j'ai grandi à l'Institut Curie, tu vois, à Paris.
04:48J'ai pas grandi, j'ai passé beaucoup de temps, tu vois.
04:49Donc naturellement, je voulais être médecin, du coup.
04:52Parce que ça a été mes premiers modèles, tu vois.
04:54Et c'est marrant parce que ce qui a tout changé, c'est...
04:56J'étais au collège et j'ai toujours été très bon à l'école.
04:58Et à un moment, j'ai décidé que je serais plus beau en maths, tu vois.
05:00Donc j'ai éliminé l'idée de devenir médecin, tu sais.
05:02Et puis après, il y a eu la cuisine.
05:03Ma grand-mère, elle a travaillé au Plaza Athénée toute sa vie, presque, tu vois.
05:06Et toute ma vie, j'ai grandi avec ses grandes histoires, tu vois.
05:09Elle me parlait de Gainsbourg, le soir au relais.
05:11Elle me parlait de tout ça.
05:12Et puis elle a plein de souvenirs.
05:12Elle a gardé des cuillères, elle a gardé des tailleurs, tout ça.
05:15Et puis aussi, on a toujours bien mangé, sans opulence,
05:17mais ça a toujours été important.
05:19Moi, j'ai grandi qu'avec...
05:20J'ai grandi avec ma mère et ma grand-mère, tu vois.
05:22Ma sœur, mon frère et ça et tout.
05:24En tout cas, manger, ça a toujours été au milieu de la table.
05:26Enfin, au milieu de la table, évidemment.
05:28Manger, ça a toujours été important pour nous.
05:31Et si je fais de la cuisine, c'est parce que ma mère et ma grand-mère...
05:34Beaucoup de conversations en cuisine.
05:36Beaucoup de... Tu sais, je suis avec ma grand-mère, elle me raconte sa life.
05:38Moi, je prends mon petit-déj.
05:39Et puis aussi, je suis d'une maison où tout le monde travaillait beaucoup.
05:42Donc en fait, j'ai été responsabilisé très vite.
05:44Mais c'est de la cuisine que j'adore, moi.
05:46Mais c'est genre, tu sais, le bois de ravioli,
05:47mettre dans un plat avec plein de gruyères et mettre ça au four.
05:49C'est un truc que ma mère, elle me demandait par texto quand j'étais au collège.
05:52Et je le faisais. Et c'est ça, ma première introduction à la cuisine.
05:55C'est sortir la baguette congelée du congélateur, la mettre au four.
05:58J'avais déjà l'impression de cuisiner.
05:59Là, il y a un gros soleil, là.
06:01Ça change de ces deux jours, là.
06:03Ah, c'est clair. C'est clair.
06:05Voilà, ça, c'est Marseille, tu vois.
06:07Bon, cela dit, c'était aussi Marseille quand il faisait gris.
06:09En fait, j'ai un peu fait top chef pour fuir aussi, moi, un peu, à un moment.
06:12Parce que d'être tout le temps dans mon resto, là, c'est un truc que j'ai adoré.
06:16Mais pour moi, c'était un peu l'école buissonnière, tu vois.
06:19Je me suis dit, allez, je me casse à Paname.
06:20Et ça s'est très bien passé.
06:21C'est une grosse introspection. Moi, je n'ai jamais fait de compète.
06:23Et moi, j'ai kiffé.
06:24J'ai vécu ma vie. J'étais à l'hôtel.
06:25La journée, je faisais les épreuves.
06:26Le soir, j'étais dans ma chambre, je bossais.
06:28J'adore être seul. Donc là, c'était trop bien.
06:29Et puis en vrai, je n'avais rien d'autre à faire que d'écrire des recettes.
06:32Après, c'est stressant quand même.
06:33C'est stressant et la partie technique, maintenant, la partie cuisine,
06:36ça n'a pas été évident parce que cuisiner et créer dans ces conditions,
06:40ça n'a rien à voir avec ma façon de vivre, tu vois.
06:45Je crois que je ne suis pas fan de l'urgence.
06:46Et je pense que la création, il y a besoin de temps.
06:48Juste avant Livingston, j'étais à New York.
06:50Je vivais là-bas, il y a eu le Covid et j'ai dû rentrer, tout simplement.
06:53Et là, je suis encore censé être à New York.
06:54Et c'était un petit peu le...
06:56En tout cas, c'était la version bêta de Livingston.
06:59C'était le début des assiettes à partager, tout ça.
07:01Sans New York, je n'aurais pas ouvert Livingston.
07:03Parce que ça m'a...
07:05J'ai adoré mon indépendance, en fait.
07:06C'était la première fois que je pouvais écrire quelque chose ou cuisiner
07:09sans demander la permission.
07:10Tout ce qu'il fallait, c'était que ce soit très bon, tu vois.
07:12Et le truc, c'est que si tu donnes un petit peu d'indépendance à un créatif,
07:16tu en deviens addict.
07:17En fait, ce que New York, ça m'a apporté, ça ne concerne pas vraiment la cuisine,
07:19tu vois, c'est la culture.
07:21On voit ce que je faisais, j'avais que le dimanche de repos.
07:23Donc, on se faisait amuser.
07:25Et après, je marchais un petit peu sur les pas des choses que j'aimais beaucoup.
07:28Donc, Notorious Big à Brooklyn,
07:30aller au Shop Supreme, aller au Shop Girl pour m'acheter une planche.
07:32Et là, on ne l'a pas vu, mais il y avait la playlist aussi qui n'était pas allumée.
07:35Mais Livingston, c'est ça, c'est la cuisine,
07:37mais c'est un projet alternatif qui inclut de la musique.
07:47De PNL pour des sons très atmosphériques,
07:49ou nos jabbees aussi.
07:52Ou typiquement des sons de S.A.H. comme auto ou fusil.
07:56Beaucoup de nos sons comme ça.
07:57Je sais typiquement que Sekou, il adore.
07:59Il adorait MHD quand on a ouvert la première année.
08:01Et puis après, il avait une grosse lubie avec SDM, tu vois.
08:03Donc, je sais que si je vois Sekou qui n'est pas au max parce qu'il est fatigué
08:06ou parce qu'il a joué au foot la veille,
08:07je sais que je vais envoyer Yaka Leno, tu vois, de SDM.
08:11Et je sais que ça va le mettre bien.
08:13Donc, au final, c'est aussi une forme de management, je trouve.
08:15La culture, il y a une vraie influence sur nous.
08:17En tout cas, moi, c'est un de mes outils qu'on a vraiment besoin.
08:20Et en plus, tu te fais trancher dans ton cuisine s'il n'y a pas de musique, tu vois.
08:23Est-ce que tu veux rajouter quelque chose ?
08:25Non, il ne faut pas faire la phrase de Brut, là.
08:26Salut Val, c'est Brut.
08:27Vas-y, fais-la, fais-la.
08:29Merci, Brut.
08:30Je ne sais pas si c'est la meilleure façon de le dire,
08:31mais moi, j'ai passé une très bonne...
08:33Non, j'ai passé un très bon moment, Guillaume.
08:34Merci, merci, Brut.