Une simple boîte aux lettres, c'est ce qui a permis de stopper le calvaire vécu par Lily et par tant d'autres enfants victimes de violences quelles qu'elles soient. Imaginées par Laurent Boyet et installées dans les écoles, elles permettent aux enfants dans le besoin d'y "écrire ce qu'ils ne peuvent parfois pas dire".
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00:00La gendarme me prend dans la salle d'attente et me dit
00:02« Voilà le petit mot que Lili a laissé dans une boîte aux lettres à l'école. »
00:05Le petit mot disait « Il met sa partie du bas dans ma partie du bas,
00:12j'essaye de m'enlever mais je n'y arrive pas. »
00:15Elle avait dix ans, quand j'ai su que c'était son grand-père paternel,
00:18on n'a pas de mots, on tombe de haut.
00:23Elle me dit « Mais maman, tu sais, des fois j'étais sous la douche,
00:28je me disais « Allez, je descends et je le dis. »
00:30Elle me dit « J'arrive en haut des escaliers, je n'arrivais plus à le dire. »
00:34C'était bloqué.
00:36Cette boîte aux lettres lui a vraiment permis de se libérer de ce poids-là.
00:43Voilà nos boîtes aux lettres.
00:47On a vraiment voulu un objet simple, une boîte aux lettres toute simple.
00:50La boîte aux lettres, quand on la déploie,
00:52on la met au milieu d'une affiche.
00:55Elle est vraiment posée comme ça, la boîte aux lettres.
00:57Ce qui fait que les enfants, ils ont déjà notre slogan,
00:59ce qu'on leur dit aussi pendant la sensibilisation.
01:01« Si tu ne peux pas le dire, écris-le. »
01:03On leur reparle à nouveau avec des petits pictogrammes très simples pour eux,
01:06des violences physiques ou des violences morales.
01:08On leur parle des violences sexuelles.
01:09On leur parle aussi du cyberharcèlement ou du harcèlement scolaire et du racket.
01:13Et puis à côté, on leur explique comment fonctionne notre boîte aux lettres.
01:17Les boîtes aux lettres papillons, principalement,
01:19on les déploie dans les écoles, mais aussi dans les clubs de sport.
01:22Elles ne sont jamais sur la voie publique, sur l'espace public.
01:24Elles ne sont pas non plus dans la cour de récréation.
01:26Elles sont toujours dans un endroit qui est un petit peu protégé du regard,
01:29où l'enfant peut mettre son mot tranquillement.
01:31Les petits mots, voilà, c'est ça.
01:33Ça, c'est les petits mots qu'ils vont avoir à leur disposition
01:36dans un distributeur de mots qui est posé juste à côté de la boîte aux lettres.
01:39Et voilà, parce qu'on leur dit que s'ils nous écrivent,
01:41c'est parce qu'ils ont besoin d'aide et que pour être aidés,
01:43nous, on a besoin de savoir qui ils sont.
01:44Est-ce qu'ils ont besoin d'aide pour eux ou pour quelqu'un d'autre ?
01:47Parce que ça, c'est très reconfortant aussi.
01:49On a beaucoup d'enfants aussi qui nous écrivent pour quelqu'un de leur famille
01:53ou pour un camarade de classe qui n'ose pas le faire.
01:55C'est plusieurs milliers de mots qu'on reçoit.
01:56J'ai eu l'idée de l'association Les Papillons
01:58parce que moi-même, j'ai été victime de l'âge de 6 ans jusqu'à l'âge de 9 ans
02:01de violences sexuelles par mon frère.
02:03Et quand j'étais victime, j'étais dans l'incapacité,
02:06non seulement de dire ce que mon frère me faisait,
02:08mais de m'entendre dire ce qu'il me faisait.
02:10En revanche, je l'écrivais dans une sorte de journal intime.
02:12Et moi, il m'a fallu 30 ans pour trouver la force, le courage de libérer ma parole,
02:16toujours par l'écrit.
02:17L'idée de la boîte aux lettres, ça vient d'essayer de trouver un outil
02:20qui soit au plus près des enfants.
02:21Nos agresseurs passent leur temps à nous dire,
02:23si tu parles, je vais te faire ça, si tu parles...
02:25Donc, il y a la notion de danger si on parlait quelque part.
02:28Notre inconscient nous dit, c'est interdit de parler.
02:30En revanche, écrire, personne ne nous l'interdit.
02:32N'importe où en France, une municipalité nous contacte.
02:34On va, au terme d'un process très strict et très précis,
02:38signer une convention, ce qui fait qu'on va former quelqu'un de la mairie
02:41à aller expliquer le dispositif des boîtes aux lettres papillons aux enfants.
02:44On va aussi la former au recueil de la parole
02:47et à la détection des signaux de maltraitance.
02:49Et puis, la mairie va désigner ce qu'on appelle des personnes de confiance
02:52qui, au moins deux fois par semaine, vont aller voir
02:54s'il y a du courrier dans les boîtes aux lettres.
02:55Et ce sont eux qui récupèrent les courriers, qui les scannent
02:58et qui nous les envoient via une boîte mail sécurisée
03:01à notre pôle psychologique.
03:02Ils craignent beaucoup les suites qui vont arriver après leur mot.
03:07Donc, il y a beaucoup besoin de les rassurer, de les déculpabiliser
03:11parce que le fait d'avoir écrit, pour certains,
03:14ça va chambouler tout un système familial
03:19même s'il est défaillant, c'est le leur, c'est ce qu'ils connaissent.
03:23La boîte aux lettres, finalement, c'est un chair,
03:25c'est quelqu'un qu'on ne connaît pas.
03:26Se confier à son parent, par exemple, si c'est le grand-père qui fait quelque chose,
03:31on sait qu'on va venir détruire un système, c'est compliqué.
03:37C'est une responsabilité que l'enfant pense qu'il a, qu'il prend sur ses épaules
03:41et du coup, c'est plus simple de pouvoir différer
03:44et solliciter quelqu'un extérieur à la situation familiale.
03:47Quand on fait un signalement, on sait la plupart du temps
03:50que le procureur a bien saisi un service de police ou de gendarmerie
03:54parce que ce service va nous demander l'original du mot.
03:56Donc, on sait qu'il y a des enquêtes qui sont faites derrière
03:59quasiment systématiquement après nos signalements.
04:01Après, c'est vrai que la suite, on ne la sait pas,
04:03sauf quand, notamment ça a été le cas avec l'affaire de Lili,
04:08sauf quand la famille Lila nous contacte
04:09et là, on peut établir un lien et on peut suivre un petit peu le dossier avec eux.
04:12L'avocat général avait demandé 15 ans, il a été retenu 12 ans.
04:17Il a sauvé ma fille.
04:18C'est les boiteaux de lait de papillon, mais c'est Laurent,
04:21parce que c'est Laurent qui a vécu tout ça
04:23et c'est grâce à lui que cette association existe.
04:26Ça a vraiment sauvé Lili, ouais.