Ils s’appellent souvent Julien ou Nathalie, ont 36 ans, pratiquent le yoga, aiment voyager et son férus d’art contemporain. Vous aurez reconnu les vedettes incontestées des présentations powerpoint et des études marketing : les persona. Encore une fausse bonne idée sur laquelle les marketers se ruent les yeux fermés. Et voici pourquoi il faut s’en méfier. [...]
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00:00Ils s'appellent souvent Julien ou Nathalie, ont 36 ans, pratiquent le yoga, aiment voyager
00:13et sont férus d'art contemporain.
00:15Vous aurez reconnu les vedettes incontestées des présentations PowerPoint et des études
00:21marketing, les personas.
00:22Encore une fausse bonne idée sur laquelle les marketeurs se ruent les yeux fermés.
00:27Et voici pourquoi il faut s'en méfier.
00:30Parler de client en termes de masque, puisque telle est son étymologie, ne semble pas une
00:36idée judicieuse, à moins de considérer que tel Ulysse, son client n'est personne.
00:41Et puis, derrière cette façade, se cache-t-il vraiment une vérité sur les comportements
00:46d'achat ? Oui, Julien peut aimer le bio et Nathalie les soirées entre amis, mais
00:51qu'est-ce que cela permet d'expliquer de leur schéma de consommation ?
00:54Segmenter la clientèle en fonction de ses caractéristiques superficielles ne fait
01:00que nous éloigner de la réalité mouvante et souvent irrationnelle de leur décision
01:05d'achat.
01:06Ce qu'on attend d'une variable de segmentation, c'est qu'elle soit à la fois discriminante
01:10et prescriptive, c'est-à-dire qu'elle permette non seulement de faire des différences
01:15significatives entre des groupes d'individus, mais qu'elle puisse également prédire
01:19leurs achats.
01:20Rien n'est moins sûr avec les personas, qui ne sont que des descriptions finalement
01:25abstraites et très conventionnelles, alors qu'ils sont censés donner un peu de chair
01:30à ce consommateur que l'on ne rencontre en fait jamais quand on est marketeur.
01:35Les marketeurs se sont laissés séduire par la promesse d'une vision claire et prévisible
01:40du consommateur, comme Ulysse, cherchant à dévoiler l'identité de son interlocuteur
01:45masqué.
01:47Mais dans un monde où les variables de situation comme le moment de la journée, l'état
01:52du temps ou même l'humeur influencent plus que les goûts déclarés, la segmentation
01:56traditionnelle atteint ses limites.
01:58Incarner le consommateur pour le comprendre part d'une bonne intention.
02:03Comprendre son mode de vie est un élément intéressant, mais pas forcément explicatif
02:09dans une société de plus en plus atomisée.
02:12Imaginez Nathalie décidant d'acheter du fromage un jour de pluie pour se réconforter
02:17ou Julien cédant au chocolat pour une soirée impromptue avec des amis.
02:21Leurs choix ne suivent pas un schéma préétabli, mais répondent à des scénarios personnels
02:28et souvent imprévus.
02:29Si nous voulons réellement comprendre ce qui pousse les consommateurs à agir, il est
02:34temps d'abandonner ces portraits figés et de se tourner vers une approche plus dynamique.
02:40Plutôt que de sculpter des avatars, il est préférable d'explorer les récits et les
02:45contextes qui façonnent leurs décisions, en se souvenant que les gens n'achètent
02:50pas des produits, mais des scénarios.
02:52Il est d'ailleurs peut-être temps de se demander si la segmentation est encore un
02:57outil pertinent à partir du moment où cela ne permet souvent pas de comprendre et a fortiori
03:03de prédire des comportements d'achat.
03:05Mais c'est une autre histoire.