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Frederic Laffont, Grand reporter et écrivain vient nous présenter "Au 24 faubourg Saint-Honoré". Un livre qui parle d'une maison d'artisanat, Hermès, de son histoire et de ce qui la nourrit. Un livre écrit alors qu'il se trouvait en Ukraine au cœur du conflit. Nous parlons de l'importance de défendre la culture, l'identité, et de sans relâche, transmettre.

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00:00Nous retrouvons à présent notre invité au cœur de l'info, Frédéric Laffont, grand reporter, cinéaste, écrivain habitué des scènes de conflits,
00:08a plongé au cœur d'une communauté, de son histoire, de ses rituels, de ses totems.
00:13Une communauté qui fait partie du CAC 40 et qui a une adresse au 24 Faubourg Saint-Honoré.
00:18C'est le titre de ce livre consacré à la maison Hermès.
00:21Un livre qui parle de famille, d'artisanat, de cheval et de chevaux au pluriel évidemment.
00:28Et des êtres qui animent tout cela.
00:30Un livre impossible à écrire, impossible à raconter, dont vous allez pourtant nous parler ce soir sur ce plateau.
00:35Bonsoir Frédéric Laffont.
00:37Bonsoir.
00:38Merci beaucoup de nous avoir rejoint.
00:39C'est vrai que vous abordez cette maison tel un ethnologue, cette maison c'est une tribu.
00:44Cette idée s'est-elle imposée à vous tout d'abord ?
00:47Ethnologue je ne le suis pas.
00:50J'ai été convié de visiter la tribu quand le président directeur général d'Hermès, Axel Dumas,
00:57décrit lui-même Hermès.
00:59On peut voir Hermès comme une tribu avec de nombreux codes.
01:02Et ce sont ces codes que j'ai eu accès de façon totalement fortuite aux archives d'Hermès.
01:08C'est une première.
01:09Jamais il n'y avait eu de livre sur Hermès et je ne suis pas sûr qu'il y en aura après celui-ci.
01:14Il y a eu une micro tentative.
01:15Il y a eu des tentatives.
01:17Il y a eu des demandes permanentes évidemment.
01:19Et j'ai eu la chance de découvrir à la fois l'armoire au refus de toutes les lettres des personnes
01:26qui souhaitent, avec des plumes bien plus prestigieuses que la mienne, écrire cette histoire d'Hermès.
01:30Et on m'a proposé d'écrire autour de l'adresse 24 Faubourg Saint-Honoré.
01:35Très vite évidemment l'écriture déborde du cadre qui a été fixé.
01:40Et je retrouve là la tribu d'Hermès avec ses codes qui sont très particuliers.
01:46Et celle qui vous permet de craquer peut-être ce code,
01:50c'est la directrice du patrimoine culturel de la tribu, Ménéoulde de Bazelaire.
01:55Alors il faut le préciser, dans votre livre, vous ne donnez que des prénoms.
01:58Tout le monde est au même niveau.
01:59C'est hyper important.
02:00C'est un code tribal.
02:01Je suis Frédéric, le PDG d'Hermès.
02:04Je suis Aude, le PDG d'Hermès.
02:05Et Axel.
02:06Et dans le respect des codes, on écrit.
02:09Et quand elle me reçoit, elle me dit, c'est quand même étrange qu'on ait pensé à vous pour écrire ce livre.
02:14Alors je souris et elle me dit, c'est peut-être la preuve qu'on en a envie,
02:17puis dans le même temps qu'on n'en a pas du tout envie de ce livre.
02:19Parce que peut-être ne se fera-t-il pas.
02:22C'est vrai que vous nous faites presque croire qu'il y a une hiérarchie horizontale chez Hermès.
02:26C'est le cas ou pas ?
02:28En tout cas, il n'y a rien qui, quand on rentre au 24 Faubourg Saint-Honoré,
02:32dans les bureaux qui demeurent au-dessus, puisque le 24 est devenu le 26, le 28, le 30, le 32.
02:37Les ateliers ne sont plus au cœur de Paris, mais à Pantin.
02:40Et puis le Faubourg que moi je décris, je commence avec moins d'une vingtaine de personnes au début du XXe siècle.
02:46Aujourd'hui, il y a plus de 16 000 salariés à travers le monde.
02:49Donc on imagine bien que la maison n'est plus tout à fait la même.
02:52Cependant, quand on rentre un peu par l'entrée des Artis dans une rue adjacente,
02:56là, il n'y a plus aucun code, il n'y a aucune nomenclature, il n'y a pas de nom sur les portes.
03:02Bref, on se perd dans un dédale de bureaux qui ont été au fil du temps rapiécés les uns sur les autres.
03:08Comme je fais une analogie avec la paperolle de Proust dans son roman.
03:12On met des ajouts, un voisin déménage, on reprend.
03:15Et bref, quand après deux ans de tribulation, d'exploration, quand même,
03:21je ne me promène pas librement avec une lance, un casque colonial.
03:25Je prends rendez-vous, on me conduit.
03:28Mais j'avoue, je ne sais jamais où je suis.
03:30C'est-à-dire que je me perds en permanence et que je regarde toujours dans la rue en bas
03:33pour savoir si je suis au deuxième ou troisième étage.
03:35Parce que même les ascenseurs du 24 Faubourg perdent les visiteurs et les personnels entre deux étages.
03:43Et ce dédale est un peu celui de mon exploration.
03:48Et de l'histoire que vous racontez, quand vous écrivez ce livre,
03:51vous êtes en Ukraine, vous êtes en train de tourner un documentaire.
03:55La manière dont le pays, l'Ukraine, ce pays résiste par sa culture, son identité.
03:59Et là, pour vous, malgré ce télescopage entre cette maison de luxe
04:03et cette réalité de la guerre que vous vivez, des liens se font.
04:08Oui. En fait, la maison Hermès aurait pu plusieurs fois disparaître.
04:13Notamment à la fin de la Première Guerre mondiale.
04:15À ce moment-là, beaucoup d'hommes sont morts.
04:18Le cheval aussi est mort.
04:20Les chevaux qui sont vraiment l'outil de travail de la paysannerie française
04:23et ce qui permettait à Paris de se déplacer.
04:25À la fin de l'été, 520 000 chevaux et mulets sont aussi réquisitionnés pour le front.
04:29Oui, en 1914.
04:30Et donc vont mourir sur le front.
04:31Et quatre ans après, le quartier, on pense, préservé de tout,
04:36pas très loin de l'Elysée, pour ceux qui ne le situeraient pas très bien,
04:40hé bien là, c'est une hécatombe.
04:41Tous les petits commerçants ont disparu.
04:43Et cette hécatombe ne va pas épargner Hermès,
04:45puisque son savoir-faire est celui du cheval.
04:47Cheval qui a disparu.
04:49Et à quoi sert de faire des harnais au moment où la voiture est en train de remplacer le cheval dans Paris
04:55et où tous les chevaux sont morts à la guerre de 1914 ?
04:58Et contre vraiment tous les faits, toute la raison,
05:02un des frères Hermès, Émile Hermès, contre son frère, va dire
05:06« Non, non, je continue. »
05:07Et on va continuer à faire des objets avec de la couture de ce poincelier.
05:12Et il croit à quelque chose qui est avant tout l'idée de ne pas voir disparaître un monde.
05:18Un monde du travail.
05:20Un monde de savoir-faire.
05:22Un monde d'artisans qui faisaient à la main des points de couture.
05:27Et il dit « Non, non, on ne va pas toucher à ça. »
05:29Alors là le chef 16e-16e génération vous dit
05:32« C'est touchant de voir que les techniques du paléolithique sont les mêmes que les nôtres aujourd'hui.
05:35La seule différence réside dans le fait que l'on est passé d'une aiguille en os à une aiguille en métal.
05:41Nous n'avons pas inventé la scèlerie non plus.
05:43Ce sont les Romains.
05:44C'est un héritage des Romains.
05:45Et c'est en gardant ces traditions ancestrales vivantes
05:48qu'Hermès parvient à être une valeur importante du CAC 40.
05:51Respecter la tradition, c'est ce qui permet de rester fort.
05:54C'est ce qu'on entend, c'est ce qu'on comprend quand on vous lit.
05:56Oui, je pense qu'au-delà de cette citation que vous devez faire,
06:00il y a quelque chose où il y a une croyance que derrière le geste, derrière l'objet,
06:05il y a quelque chose de l'humain.
06:07Et voilà, pour répondre à votre précédente question sur l'Ukraine,
06:11quand j'arrive à Kiev la première fois en novembre 2022,
06:17six mois après le début de l'invasion russe,
06:19je trouve refuge dans un petit musée d'histoire populaire
06:23où il y a aussi les mêmes petits objets,
06:26les mêmes savoir-faire autour de points de broderie.
06:28Et des personnes qui, au plus dur du conflit à Kiev,
06:32au tout début de la guerre,
06:33dans une question de vie ou de mort,
06:35les chars russes sont à une trentaine de kilomètres,
06:38on ne sait pas très bien ce qu'on peut faire.
06:40Ce qu'on peut faire, des gens ont passé leurs jours et leurs nuits à sauver des petits objets.
06:44Et c'est le cas d'Emile Hermès.
06:46Quand lui, il va créer un objet de choses qu'il ramassait pratiquement, on dit, dans les poubelles.
06:51Des choses qu'on jetait, qui appartenaient au XIXe siècle et qui ne veut pas voir disparaître.
06:56Et partout aujourd'hui en Ukraine,
06:58alors que la Russie cible de la même façon qu'elle cible les civils,
07:02les infrastructures hospitalières, les centres de production d'énergie,
07:08elle va cibler les lieux de culture, les églises, les musées, y compris dans le moindre village.
07:14Parce que l'objet, c'est ce qui fait la transmission, c'est ce qui perdure au-delà de l'humain finalement.
07:18Quand Vladimir Poutine déclare qu'il n'y a jamais eu d'Ukraine,
07:21que ces gens n'existent pas vraiment et qu'ils sont tous russes,
07:24tous ces objets sont des preuves, évidemment,
07:27le point de broderie, les champs, des choses matérielles et immatérielles,
07:31que les peuples existent indépendamment de ce que les personnes qui veulent détruire cela proclament.
07:38Et donc chez Hermès, tout part du cheval, vous le disiez.
07:40Le cheval est notre premier client.
07:42Vous dit-on, vous rencontrez aussi, Juan, un cellier.
07:46L'animal est notre premier client à nous, celui qui souffre si on ne fait pas les choses comme il faut,
07:51puisqu'il faut faire les réglages sur l'animal.
07:54J'ai quand même, dit-il aussi, l'espoir qu'un jour il en viendra un qui désossera nos selles
07:58et ce jour-là on dira ce n'est pas un cellier mais un artiste qui a fait ça.
08:03C'est vrai que ce n'est pas anecdotique.
08:05Quelle sera la prochaine selle ?
08:07C'est le fil rouge de la maison en 2024 encore.
08:11En fait, c'est l'idée de pas regarder le passé comme quelque chose qu'il faudrait préserver absolument
08:16parce que, de façon conservateur, c'est l'idée que le passé permet de regarder devant.
08:21Un propos qui, évidemment, en Ukraine, trouve toute sa résonance en ce moment.
08:26C'est-à-dire, il y a une phrase un peu étrange sur laquelle je suis resté pendant quelques semaines
08:30voir écrire, où il y avait l'invention du rétroviseur au début du XXe siècle.
08:35Et dans cette phrase, il dit, regardez comme les paysages semblent plus beaux,
08:39comme la route est plus belle quand on regarde derrière.
08:42Et ce rapport du passé au futur, elle est au cœur de la maison Hermès
08:46et de l'adresse du 24 Faubourg Saint-Honoré.
08:49Avec les racines, je recherche une maison qui capte l'air du temps avec ses racines.
08:54C'est ça, cette phrase qui nous dit beaucoup.
08:57On dirait qu'un courant passe de siècle en siècle, quelque chose nous traverse.
09:00On n'est que des passeurs.
09:02C'est vrai qu'il y a l'histoire de cette adresse qui est importante
09:05parce que c'est avant tout une maison familiale.
09:07Et c'est ce qui définit vraiment Hermès.
09:10Et on le voit dans sa manière de diriger aussi sa maison sur le plan économique.
09:15Hermès a traversé deux graves crises.
09:18Celle de 29, vous allez nous en parler.
09:20Et puis celle de 2010, je crois, quand il y a eu cette opération du numéro 1 du luxe français.
09:25On ne va pas le nommer, mais qui a essayé de racheter Hermès.
09:28Et cette famille a fait bloc.
09:30Et ça, c'est extrêmement rare dans ce milieu.
09:32Oui, les épreuves enceintes.
09:331871, commune de Paris.
09:35Paris est assiégée.
09:36Première guerre mondiale.
09:37Seconde guerre mondiale.
09:38Une activité très en ralenti.
09:40Pas question d'essayer de garder les artisans pour ne pas qu'ils passent au STO.
09:44Mais l'économie, elle est proche de zéro.
09:46Ce sont les clients qui, avec le peu de cuir qu'ils peuvent trouver,
09:50ou de faire encore des objets.
09:52Mais il n'y a plus de cuir à l'époque nulle part.
09:54Et on a aussi traversé les crises avec cette idée que,
09:58une fois de plus, c'est au-delà de l'objet fabriqué, au-delà de la vente.
10:05Il y a quelque chose d'un savoir caché de l'humanité.
10:08Encore aujourd'hui, la mesure pour coudre est le pouce.
10:13Alors pas le pouce de n'importe qui, le pouce de Charlemagne.
10:15On est quand même au 21ème siècle.
10:17Et on est dans une maison qui pense encore avec la largeur du pouce de Charlemagne.
10:20Je l'ai appris, 2,7 centimètres largeur.
10:24Il était grand, Charlemagne, apparaît-il.
10:26Et là-dessus, on va faire 14 points de cellier.
10:29Je suis évidemment, comme tout un chacun, incapable de faire le premier de ces points de cellier,
10:33de coudre dans le cuir avec deux aiguilles, de faire une danse.
10:37Et bien évidemment, quand on parle de ça, on ne parle pas de couture.
10:40On parle de qu'est-ce qui va rester.
10:43Voilà pourquoi l'analogie avec le paléolithique est juste, à un moment.
10:47Et cette question-là, une fois de plus, existentielle.
10:51Elle est posée chaque jour aux Ukrainiens.
10:53Et évidemment, c'est des choses que je n'avais pas prévues.
10:57D'écrire en même temps ce livre autour d'Hermès, et pas sur Hermès, mais à partir d'Hermès.
11:02Et d'aller souvent en Ukraine, je vois que ça résonne, évidemment.
11:07Quand j'arrive à Kharkiv, c'était la dernière fois, mai 2024.
11:14Le titre de tous les journaux partout dans le monde, c'est panique à Kharkiv.
11:18Les Russes étaient en train de relancer une offensive sur Kharkiv.
11:22Ils sont à moins de 20 kilomètres.
11:24Le danger est très, très grand.
11:26Et quand j'arrive dans la gare, l'armée est là.
11:28D'abord, le train arrive à la minute précise.
11:31C'est important.
11:32Ça veut dire qu'au moment, la société tient encore.
11:34Un moment où on décrit à juste titre un chaos et une panique.
11:39Mais non.
11:40Là, on passe sous la gare pour éviter les trop grandes concentrations humaines
11:43et qu'une bombe pourrait tomber dessus.
11:45Et la première chose que je vois, c'est évidemment sur cette grande place,
11:48la moitié des vitres ne sont plus là.
11:50Déjà remplacées par du contreplaqué.
11:52On ne va pas laisser les choses.
11:53La première image que j'ai de Kharkiv, qui fait la lune des journaux à ce moment-là,
11:56ce sont quatre femmes qui plantent des fleurs jaunes devant le petit jardin, devant la gare.
12:01Alors que les bombardements sont incessants.
12:03Bref, il y a aussi de la dignité humaine et quelque chose de l'humanité.
12:08Et dans quelque chose qui vient du 19e siècle avec Hermès
12:12et dans le combat des Ukrainiens aujourd'hui pour résister à l'agression de Vladimir Poutine.
12:18Le mouvement de vie qui est plus fort que tout.
12:20C'est de dire, j'existe dans ce que je fais.
12:22Et que planter des fleurs à Kharkiv aujourd'hui, évidemment, personne n'a le souci du jardinage.
12:27Et que si je passais deux ans de ma vie à écrire ce livre autour d'Hermès,
12:30je ne connais rien au luxe.
12:32Ça ne m'intéresse pas.
12:33Mais qu'il y a là quelque chose de la pâte humaine, plus grande que tout ce que l'on peut savoir
12:38et tout ce que l'on peut imaginer de la production des ateliers d'Hermès.
12:42Intéressons-nous à ce personnage que vous avez évoqué, Émile.
12:45Parce que c'est un collectionneur frénétique.
12:48Vous le disiez, il ramasse tout.
12:50On disait de lui, on en fera toujours quelque chose.
12:53Et donc du coup, même ses ouvriers faisaient la même chose.
12:55Parce que sait-on jamais, ça peut être une rencontre avec une idée
12:58et donc une création, quelque chose qui va en jaillir.
13:00Il y a chez Hermès ce musée, le musée d'Émile,
13:03qui n'est pas un musée, mais qui est l'agglomérat.
13:07Toutes ces impressions qu'il a ramassées et qui vont le définir,
13:10qui vont peut-être définir une identité à la maison.
13:12Et en même temps, c'est aussi ce visionnaire,
13:14le visionnaire avec la fermeture à glissières,
13:17qui va révolutionner, lancer la maison
13:19et lui permettre de s'installer dans le paysage parisien et international.
13:23Déjà dans le musée Hermès, il n'y a pas un seul objet Hermès.
13:26C'est quand même la base.
13:29On va trouver des selles, des étriers qui viennent du bout du monde,
13:33des statuaires...
13:35L'idée n'est pas...
13:36C'est tout ce qui inspire, tout ce qui nourrit.
13:38Absolument.
13:40J'ai oublié votre deuxième partie de question.
13:42Tout comme la communication.
13:43Non, à la fois le fait qu'il soit dans la tradition,
13:45dans l'inspiration,
13:47et la fermeture à glissières.
13:48Et le visionnaire.
13:49Quand il dit on va continuer,
13:51à ce moment-là, il avait, pour l'armée française,
13:54dans les premières guerres mondiales,
13:56visiter les usines, les premiers à travailler à la chaîne.
13:59L'armée française voulait produire des godillots,
14:01des selles et des harnais en grande quantité.
14:03Ce qu'il n'a pas répliqué dans sa maison.
14:05Il ne le fait pas chez lui.
14:06Parce qu'une fois de plus, c'est autre chose qui l'intéresse.
14:09Et à ce moment-là...
14:10Et ça c'est encore le cas.
14:11Il y a une cinquantaine de lieux de fabrication en France.
14:14Et maximum 250 salariés pour que chacun connaisse ses prénoms.
14:18C'est quelque chose qui reste important.
14:19Encore un code tribal.
14:20Encore un code tribal.
14:21La notion quasi existentielle de la transmission chez Hermès,
14:25est-ce que c'est encore une réalité ?
14:28Du moins...
14:29C'est ce qui vous a semblé ?
14:30C'est ce qui m'a semblé.
14:31En tout cas, le 24 faubourg Saint-Honoré
14:33est quelque chose qui demeure et qui a traversé les siècles.
14:37C'est vrai que ce qui distingue Hermès des autres maisons,
14:41c'est d'installer sa communication sur cette tradition
14:46et surtout de ne pas humer l'air du temps, finalement.
14:50On voit les autres mettre en avant des stars, des chanteurs, des acteurs.
14:53Ce n'est pas du tout le cas d'Hermès.
14:55Et même jusqu'à leur vitrine, on peut parler un peu d'Annie
14:59qui a incarné, qui a mis en place ces vitrines intellectuelles
15:03dans lesquelles les objets étaient essentiels,
15:05mais pas forcément le produit.
15:07Il fallait raconter une histoire, en fait.
15:09La littérature est importante dans leur narration.
15:11Elle avait mis du cretin de cheval, par exemple, dans les vitrines
15:17que les assistants changeaient tous les jours.
15:19Il y avait cette idée que la vitrine est un lieu de communication
15:22entre le travail et les passants de la rue.
15:25Et cette chose demeure encore aujourd'hui.
15:27C'est-à-dire qu'il y a, chaque trimestre, un lever de rideau pour révoiler...
15:32Et tout le monde est là.
15:34Comme on assiste à des cérémonies comme celle-ci à travers le monde,
15:37on retrouve la dimension tribale dans des communautés
15:39qui vont célébrer le retour du soleil, l'arrivée des pluies,
15:42les moissons qui commencent à germer.
15:44Il y a ça encore au cœur de Paris, au 24 Faubourg Saint-Honoré.
15:48Une fois de plus, on ne parle pas d'une anecdote,
15:52on ne parle pas d'une contrainte d'entretenir un rapport au passé,
15:56comme ça qu'on vénérait. Pas du tout.
15:58À un moment, on se dit que ce qui vient de là, des temps anciens,
16:01mérite de vivre demain.
16:04Accessoirement, ça crée des milliers d'emplois, par ailleurs.
16:07C'est vrai que je n'ai pas parlé des chiffres,
16:10mais les chiffres sont très impressionnants.
16:12Alors que l'économie du luxe ne se porte pas forcément très bien,
16:16en 2023, le groupe Hermès a doublé de taille par rapport à 2019.
16:19Le chiffre d'affaires du CELI est deux fois plus élevé qu'avant la pandémie
16:22et son résultat net a quasiment triplé,
16:25comme quoi l'aide temporelle permet de s'installer.
16:28Mais c'est vrai que c'est surtout l'artisanat,
16:30c'est la raison peut-être pour laquelle les clients poussent la porte.
16:34Vous parliez de jardins tout à l'heure, vous parliez de fleurs plantées à Kiev.
16:38Vous vous êtes arrêté évidemment sur ce jardin, dans cette maison
16:41dont une personne en prend soin.
16:44Et elle vous offre une citation de Grégoire de Nice,
16:47qui est un grand mystique, et qui dit ceci,
16:49celui qui monte ne s'arrête jamais d'aller de commencement en commencement
16:53par des commencements qui n'ont jamais de fin.
16:55Et ça m'a interrogé par rapport à vous, à votre métier de grand reporter.
17:00Vous allez de sujet en sujet, vous avez énormément traité les conflits,
17:04les zones de guerre.
17:06Et malgré tout, à chaque fois, il y a ce regard nouveau qui se dépose
17:09et surtout ces liens qui se font de manière invisible
17:12et que vous rendez visibles.
17:14La semaine dernière, je lisais un magnifique livre autour de Gilles Caron,
17:20figure emblématique du photo-reportage des années 60-70,
17:24disparu en 1970 au Cambodge.
17:26Et Gilles Caron dit à un moment, il n'est pas plus difficile pour moi
17:29que d'aller en Israël, il était parmi les premiers de rentrer
17:32avec les troupes israéliennes dans Jérusalem,
17:36que de faire l'ouverture, la première à l'Olympia.
17:41Alors bien évidemment, soyons clairs, on n'en faut personne,
17:45on ne confond pas Israël et l'Olympia.
17:49On ne confond pas le 24 Faubourg Saint-Honoré aujourd'hui
17:52avec les rues de Kharkiv bombardées par les russes en ce moment.
17:56Mais au moment, dans le regard du reporter,
17:58il y a quelque chose de qu'est-ce que je peux apporter.
18:01C'est modeste, c'est lent, un livre comme ça, c'est deux ans d'écriture.
18:05Aller à Kharkiv faire un documentaire d'une heure et demie,
18:07c'est deux ans de travail aussi, deux ans et demi de travail.
18:10Donc c'est très modeste, c'est une toute petite contribution,
18:13à un moment où il y a beaucoup de récits, beaucoup d'images,
18:15bien plus qu'au temps de Gilles Caron.
18:17Mais à un moment, on se dit qu'est-ce que je vais pouvoir proposer
18:20comme regard sur le monde qui va nous sortir un petit peu
18:23de ce que l'on sait déjà et d'un patrimoine commun dans notre humanité.
18:29Je trouve qu'aujourd'hui, c'est une question qui est juste fondamentale.
18:32Donc j'ai la chance d'avoir eu accès à ces archives d'Hermès,
18:36j'ai la chance d'avoir décidé d'aller en Ukraine pendant ces deux ans et demi.
18:41Très clairement, parce que pour moi, cette guerre est essentielle
18:45pour notre propre avenir, pour ce à quoi nous croyons.
18:48En tant que Français, en tant qu'Européens, en tant que Français,
18:51en tant que personnes dépris de liberté.
18:53Si jamais l'Ukraine ne devait pas gagner demain cette guerre,
18:56il est clair et c'est dit par Poutine que les prochaines cibles
19:01seraient les plus proches voisins, seraient les Pays Baltes, seraient la Pologne.
19:05Tout ça est annoncé.
19:07Donc à un moment, on dit, je ne sais pas me battre.
19:11Je peux faire des films, je peux porter un regard aussi.
19:14J'y vais, j'ai envie.
19:16Mais ce qu'on entendra, c'est la défense, la reconnaissance de l'altérité,
19:19la défense de la culture et de la transmission qui sont essentielles.
19:22Absolument.
19:23Je remercie beaucoup Frédéric Laffont au 24 Sainte Honorée.
19:27On le voit derrière vous, je le remontre à l'antenne.
19:29C'est un livre chez l'Iconoclaste, que j'ai beaucoup aimé,
19:33qui revêt beaucoup d'aspects qu'on n'a pas abordés.
19:36Ce sera à vous de lire si vous le souhaitez.
19:38Merci.

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