Une mode qui envahit nos bibliothèques, et surtout l’esprit de nos adolescentes : la dark romance. Ce genre littéraire, qui représente désormais 17% du marché du livre, a tout pour séduire : des histoires captivantes, des personnages torturés… et pourtant, il véhicule des messages problématiques.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-cecile-mailfert-en-toute-subjectivite
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00:00Et Anne-Cécile Meyfer, ce matin, c'est une chronique sur une mode littéraire inquiétante.
00:05Une mode qui envahit les bibliothèques et surtout l'esprit de nos adolescentes.
00:09La dark romance.
00:10Ce genre littéraire qui représente désormais 7% du marché du livre, a tout pour séduire.
00:15Des histoires captivantes, des personnages torturés et pourtant, ils véhiculent des
00:20messages problématiques.
00:21Prenez un titre comme Captive, une saga qui a déjà conquis des millions de lectrices.
00:26Sous des airs de romances passionnées, ces récits banalisent les violences les plus
00:29graves.
00:30Manipulation, domination et même viol, présentés comme des preuves d'amour.
00:34Et le plus inquiétant, c'est que ces livres sont principalement consommés par des jeunes
00:38filles, parfois dès 14 ou 15 ans.
00:40Mais pourquoi ils attirent autant ces ouvrages ?
00:41Parce qu'ils s'appuient sur des stéréotypes profondément enracinés dans notre imaginaire
00:45collectif.
00:46Comme le montre laissait désirer la violence de Lord Murat, nous vivons dans une culture
00:50où la violence est érotisée, romantisée.
00:54Ces fictions exploitent ce terrain fertile en glorifiant des figures masculines toxiques
00:58et en suggérant que, comme dans La Belle et la Bête, l'amour pourrait sauver des
01:03relations abusives.
01:04Et ce n'est pas un hasard, Lord Murat explique que la fascination pour la violence naît
01:08d'un système culturel qui associe le désir au pouvoir et où les femmes sont souvent
01:12mises en scène comme des proies ou des objets à conquérir.
01:15Ces représentations ne sont pas anodines, elles participent à la reproduction de la
01:19culture du viol.
01:20Et les conséquences sont bien réelles.
01:22Souvenez-vous que près d'une jeune de moins de 25 ans sur 5 en France a déjà subi des
01:27violences dans une relation amoureuse.
01:29C'est d'ailleurs la tranche d'âge la plus à risque.
01:32Ces chiffres ne sont pas des abstractions, elles reflètent la confusion entre conflit
01:36et violence, jalousie et passion, amour et dépendance qu'entretiennent ces livres.
01:41Et alors que peuvent faire les parents face à ce phénomène ?
01:43D'abord être vigilants, ouverts au dialogue, discuter avec les adolescentes pour déconstruire
01:47ces clichés et faire émerger un esprit critique.
01:50Et à l'approche des fêtes de Noël, si on vous commande « Captive », choisissez
01:54plutôt le livre « Cucu », une nouvelle humoristique qui tourne en dérision justement
01:59ces romans de dark romance et apporte une grille de lecture drôle et intelligente
02:03sur le phénomène et interroge aussi la responsabilité des éditeurs.
02:07Ou alors privilégier des œuvres qui érotisent le respect, l'égalité, le consentement.
02:12Comme Naomi Klein le rappelait récemment, il est urgent d'imaginer des futurs désirables.
02:17Car le changement commence par nos représentations.
02:20Et ça peut cartonner.
02:21Dernier exemple, la série « Everybody wants this » sur Netflix qui traite d'une relation
02:26équilibrée où les émotions naissent de la complicité.
02:29Ces récits participent à changer notre imaginaire collectif.
02:32Oui, les mecs « gentils » sont « sexys ».
02:35La culture du viol n'est pas une fatalité, ces actes individuels sont à notre portée
02:40mais ils doivent s'accompagner d'actes politiques forts.
02:43C'est le combat que mènent 60 associations réunies en coalition pour une loi intégrale
02:47contre les violences sexuelles.
02:48Elles seront demain, 23 novembre, en manifestation partout en France contre les violences faites aux femmes.