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Lundi 18 novembre 2024, SMART IMPACT reçoit Grégory Quenet (Président, conseil scientifique de l’Observatoire Monuments historiques & développement durable)

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00:00Générique
00:06L'invité de Smart Impact, c'est Grégory Kennett. Bonjour.
00:10Bonjour.
00:11Bienvenue. Vous êtes professeur en histoire de l'environnement à l'université Versailles 51 Paris-Saclay
00:15et président du Conseil scientifique de l'Observatoire Monuments Historiques et Développements Durables,
00:21observatoire qui vient d'être créé par la demeure historique
00:24et la plus ancienne association de défense et de préservation du patrimoine habité et vivant.
00:29Alors, ça nous passionne évidemment. Nous, c'est notre thème, l'impact et tous ces enjeux environnementaux.
00:35Mais alors, pourquoi lier patrimoine et environnement ?
00:37Eh bien, justement, parce qu'ils ont été séparés.
00:39C'est-à-dire que la séparation entre patrimoine culturel et patrimoine naturel
00:43a coupé les monuments historiques de leurs parcs, pas tout à fait, mais disons de leurs forêts,
00:50de leurs étangs, de leurs champs, de leurs prairies, qui existent toujours
00:54et qui, en fait, ne sont pas prises en compte aujourd'hui dans la valorisation et dans le récit qui est raconté.
00:59Et donc, l'idée, c'est très simplement, au moment où il faut réussir la transition écologique,
01:03mobiliser toutes les forces, eh bien, il y a un potentiel considérable qui remporte,
01:07qui remplit déjà des services, mais qui pourrait en remplir encore plus
01:11en construisant cet observatoire, ces indicateurs et une démarche de progression.
01:16Quand vous parlez d'un potentiel considérable, ça représente quoi, des milliers, des dizaines de milliers d'hectares ?
01:22Pour vous donner une idée, Terre de Liens, qui est à l'installation de jeunes agriculteurs,
01:26depuis qu'ils existent, ont réussi à mobiliser dix mille hectares.
01:30Dix mille hectares, ce sont simplement les 112 personnes qui forment les audacieux du patrimoine
01:34et, comptant que la demeure historique a trois mille adhérents,
01:37potentiellement, c'est trois cent mille hectares qu'on peut mettre en mouvement.
01:40Qui peut dire aujourd'hui, je peux mobiliser trois cent mille hectares de forêts, d'étangs,
01:45de zones humides, de prairies, qui remplissent déjà des services
01:49et qui vont en remplir encore plus pour soutenir la biodiversité et nos territoires.
01:54On va essayer de comprendre comment, justement, il pourrait rendre encore plus de services.
01:59La mission de cet observatoire, quelle sera cette mission ?
02:02La mission de cet observatoire, c'est une démarche scientifique,
02:05c'est-à-dire qu'il y a cette hypothèse, cette proposition,
02:07mais il faut l'établir de manière robuste, quantifiée.
02:10Il ne s'agit pas simplement d'avoir des mots d'ordre.
02:13Chacun des critères qui sont proposés donnera lieu à une évaluation
02:17et pour certains d'entre eux, à la création d'une méthode scientifique.
02:20Par exemple, aujourd'hui, vous avez des éléments sur la biodiversité,
02:26mais qui sont centrés sur les espèces remarquables, les chauves-souris, les oiseaux, etc.
02:30Mais qu'en est-il de tous les petits organismes beaucoup plus communs
02:33qui remplissent des services extraordinaires ?
02:35Qu'en est-il du sol, de ses composants ?
02:37Eh bien, ça, il va falloir le mesurer.
02:39Et de quelle manière la présence des êtres humains dans ces domaines
02:43profondément modifiés enrichit la complexité de la nature et sa fonctionnalité ?
02:48Ça, aujourd'hui, on n'a pas la méthode pour le mesurer. Il faudra la créer.
02:51D'accord. Donc, vous créez la méthode.
02:53Et ensuite, si je comprends bien, l'objectif, ça va être de donner une sorte de feuille de route ?
02:56Ou de proposer une feuille de route ?
02:58Absolument. Parce que ce qui est durable, c'est la capacité à se transformer.
03:02Et donc, il faut mesurer pas simplement un résultat à un moment donné,
03:05mais la démarche de progression.
03:07Et à partir de cinq monument tests que l'on a retenus,
03:09on proposera une feuille de route pour tous les propriétaires gestionnaires
03:12et les capacités, eux-mêmes, de s'engager dans cette démarche,
03:15qui, pour certains, existe déjà par bribe,
03:17mais qui n'a pas cette cohérence d'ensemble et, comment dire, cette méthodologie.
03:23Alors, il y a près de 46 000 sites et immeubles,
03:27et puis, sans compter les objets, 280 000 objets mobiliers,
03:30qui sont protégés, protégés, au titre des monuments historiques.
03:33Sur ces 46 000 sites et immeubles, il y en a, je crois,
03:37un quart qui sont en mauvais état, voire en péril.
03:41Je me pose la question du financement.
03:43C'est-à-dire que, quand on a déjà du mal à trouver du financement
03:46pour, parfois, remettre en état les bâtiments, eux-mêmes,
03:49est-ce qu'on va réussir à trouver l'argent pour transformer les parcs,
03:54les forêts, les étangs qui sont autour ?
03:56Mais si, parce que, justement, ce n'est pas le même guichet de financement.
03:59D'accord.
04:00C'est-à-dire que le guichet de financement qui est consacré au patrimoine bâti,
04:03il a ses limites, on le sait, même s'il faut le soutenir.
04:05En revanche, vous avez des leviers de financement qui existent aujourd'hui
04:09pour la transition écologique, qui pour certains, d'ailleurs, sont sous-utilisés,
04:12et qui pourraient, justement, être mobilisés par ces monuments.
04:16Donc, non, au contraire, vous avez un levier qui est absolument considérable,
04:21et en particulier pour des fonds européens.
04:23On sait que la France ne mobilise pas suffisamment ses capacités
04:25par rapport aux fonds européens.
04:27Tous les jours, vous avez des programmes de soutien
04:29à la transformation des terres agricoles,
04:31à la transformation en transition énergétique, etc.
04:33Et donc, ça fait partie aussi de la méthodologie et de l'objectif
04:37que les propriétaires gestionnaires puissent repérer,
04:39comme ceci, ces nouveaux guichets de financement,
04:42et soutien, et mécènes aussi, à mobiliser.
04:44Alors, justement, qui sont ces propriétaires gestionnaires ?
04:47Il y a beaucoup de privés, d'entreprises privées, ou de propriétaires privés ?
04:52Alors, non, ce sont des personnes privées.
04:54Alors, certaines ont été amenées, peut-être, à constituer une société
04:57pour des raisons familiales, de transmission, etc.
04:59Et ce qui est particulier, ce sont des monuments habités.
05:02Et ça, c'est un élément essentiel de la méthodologie,
05:04c'est-à-dire que la durabilité ne peut pas être simplement
05:07de mettre sous cloche des monuments pour les transformer en musées
05:10ou en hôtels de luxe, ce qui a ses limites financières et quantitatives.
05:15Mais le fait d'être habité veut dire qu'ils sont à la fois entretenus,
05:19transmis, et c'est ça qui fait la durabilité.
05:23Donc, vous voyez, encore une fois, la méthode,
05:25c'est qu'on ne considère pas simplement un moment donné,
05:27mais regarde la capacité à se transformer.
05:29Et se transformer, c'est tout simplement s'adapter.
05:31Et aujourd'hui, s'adapter, c'est s'adapter aux enjeux environnementaux et climatiques.
05:35– À quel point ce sont des parcelles de biodiversité,
05:37les sites, les lieux dont vous nous parlez ?
05:40– Alors, on le sait par un certain nombre d'indicateurs,
05:43je dis les espèces remarquables.
05:45Certains propriétaires, de leur côté, ont engagé des démarches très volontaristes.
05:48Par exemple, le château de Bétange, qui fait partie des cinq monuments,
05:52ils ont classé leur allée de marronnier,
05:55ils ont conseillé ce qu'on appelle un or,
05:57c'est avec la LPO pendant 99 ans.
05:59– Donc avec des olives de protection des oiseaux.
06:01– Exactement.
06:03Donc ce sont des éléments qui mesurent, mais on peut aller beaucoup plus loin.
06:08Vous avez une discipline qui s'appelle l'écologie fonctionnelle,
06:11qui a été créée il y a quelques années,
06:12Sandra Lavorel a eu la médaille d'or du CNRS l'année dernière pour ceci,
06:15qui a démontré que ce qui fait la richesse d'un écosystème,
06:18ce ne sont pas des espèces remarquables,
06:20c'est que l'on voit, ce qu'on admire,
06:22mais c'est la diversité de tous les organismes et les liens fonctionnels entre eux.
06:25Et donc ça, il faudra l'étudier,
06:27parce qu'il n'a encore jamais été fait pour un monument historique.
06:29– Et justement, ces sites-là,
06:31à quel point ils sont eux-mêmes impactés par le changement,
06:35le réchauffement climatique ?
06:37– Alors ils sont déjà dedans,
06:39c'est les modifications pour la question des arbres,
06:43les variétés d'arbres, la disponibilité en eau,
06:47mais justement, une des hypothèses que l'on veut tester,
06:49c'est que la particularité de ces monuments,
06:51c'est qu'ils existent depuis des siècles,
06:53qui n'ont pas arrêté de se transformer en réalité,
06:55ce qu'on raconte souvent en termes patrimoniaux,
06:57en imaginant un état idéal figé dans le temps.
06:59Et donc, ils ont une capacité à se transformer qui peut être mobilisée,
07:05mais ça aussi, il va falloir l'établir.
07:07C'est une hypothèse,
07:09ils ont une capacité peut-être supérieure à d'autres types de bâtiments.
07:13On sait que les bâtiments des années 70-80
07:15ont de très faibles capacités d'adaptation, par exemple,
07:17ce qui n'est pas le cas de ceux-là,
07:19qui ont une inertie thermique,
07:21qui ont des aérations naturelles,
07:23mais il faut changer complètement le regard et le référentiel.
07:27Quand vous parliez de la ligue de protection des oiseaux tout à l'heure,
07:31ça concerne aussi des cathédrales,
07:35des châteaux qui se retrouvent avec des espèces protégées
07:39dans leurs combles,
07:41et qui au moment où ils engagent des travaux,
07:43doivent les prendre en compte ?
07:45Bien sûr, ça c'est quelque chose
07:47qui est déjà bien pris en compte par les propriétaires gestionnaires,
07:49parce que dès que vous engagez des travaux,
07:51vous vous rendez compte que les combles,
07:53qui ne sont généralement pas aménagées,
07:55qui sont même un petit peu trouées
07:57ou un peu aérées,
07:59abritent un tas d'espèces.
08:01Par exemple, les chauves-souris,
08:03on connaît très bien le rôle que jouent les monuments
08:05pour la préservation des espèces menacées de chauves-souris
08:07sur le territoire français.
08:09Un certain nombre d'oiseaux aussi.
08:11Et ça vaut pour les monuments publics aussi.
08:13Et ces lieux, qui sont des lieux de patrimoine,
08:15ils peuvent, d'après vous,
08:17aussi être des lieux de sensibilisation
08:19aux enjeux du dérèglement climatique ?
08:21Bien entendu.
08:23Et là, je pense qu'il y a
08:25un levier en France
08:27qui n'a jamais été mobilisé.
08:29La particularité de la France,
08:31c'est cet attachement à l'histoire,
08:33au patrimoine, une histoire commune
08:35entre tous les êtres vivants
08:37qui habitent ce territoire.
08:39Et il y a la possibilité de constituer
08:41une sorte de lieu de mémoire, de sensibilisation,
08:43montrant que dans certaines situations,
08:45les êtres humains, par leur présence,
08:47enrichissent la complexité,
08:49font du bien à d'autres êtres,
08:51se font du bien à eux-mêmes.
08:53Et c'est un nouveau discours, en fait.
08:55L'écologie a une matrice
08:57étatsunienne qui est
08:59celle de la séparation entre
09:01les êtres humains et la nature.
09:03Le paradis perdu, l'homme qui est en expulsion,
09:05cette version puritaine et protestante,
09:07très sombre, qui est là.
09:09Et il y a autre chose,
09:11une autre voie, qui est une forme de coexistence,
09:13d'alliance, mais qui demandait
09:15et qui n'a jamais été portée, politiquement d'ailleurs,
09:17très très peu. En France, c'est tout à fait étrange.
09:19Merci beaucoup, c'était passionnant.
09:21Merci Grégory Kenneth et Al.
09:23Et à bientôt sur BeSmart for Change.
09:25C'est l'heure de notre débat. On parle souveraineté des données tout de suite.

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