"L'exécution provisoire" de la peine d'inéligibilité requise par le parquet du tribunal de Paris contre Marine Le Pen ce mercredi 13 novembre pourrait empêcher la députée RN de se présenter à l'élection présidentielle en 2027. Mais la décision ne devrait pas être connue avant plusieurs mois.
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00:00Avec nous Alexandra González du service police et justice de BFM TV qui a suivi ce procès pour BFM.
00:05Merci d'être là Alexandra, aux côtés de Laurent Neumann et de Mathieu Croissando.
00:10On les rappelle ces réquisitions qui sont intervenues hier soir peu après 20h.
00:14Le parquet a demandé 5 ans de prison, dont 2 ans de prison ferme aménageable contre Marine Le Pen,
00:20ainsi qu'une peine d'inéligibilité de 5 ans.
00:24On va d'abord écouter la réaction de Marine Le Pen à la sortie de la salle d'audience hier soir.
00:30Je pense encore une fois, une des parties qui démontre une volonté du parquet
00:36qui est celle en réalité de me priver, et même de priver les français disons,
00:41de la capacité de voter pour qui ils souhaitent.
00:45L'objectif c'est ça, on sent bien que tout ça avait peu d'intérêt pour le parquet.
00:51La seule chose qui intéressait le parquet c'était Marine Le Pen.
00:53Marine Le Pen pour pouvoir demander encore une fois son exclusion de la vie politique,
01:00avec exécution provisoire, et puis le rassemblement national pour pouvoir ruiner le parti.
01:06On a bien compris cela, en tout cas moi j'ai bien compris cela,
01:09ce que j'espère c'est que le tribunal ne suivra pas.
01:12Alexandra, pour bien comprendre ce dont on parle,
01:14je voudrais qu'on reprenne les arguments du ou des procureurs, il y en avait 2 au sujet,
01:19par exemple d'un des emplois fictifs, j'ai choisi celui de Thierry Légier.
01:22Thierry Légier c'est le garde du corps de Marine Le Pen,
01:25qu'on voit toujours dans l'ombre de Madame Le Pen.
01:27Alors que dit l'une des procureurs, elle dit on est sur un emploi fictif,
01:31certes ce monsieur a beaucoup travaillé, peut-être tous les jours,
01:34mais cette tâche n'était pas financée par la personne qui profitait de son travail,
01:38mais par le Parlement européen, et on est ici sur un détournement de fonds publics.
01:44De quelle somme globale on parle ?
01:46Alors au global, les procureurs ont rappelé hier qu'on parle d'un détournement de fonds publics
01:52qui avoisine les 4,3 millions d'euros.
01:54Une très légère partie a été remboursée déjà par le RN, 338 000 euros,
02:00et concrètement, de quoi on parle lorsqu'on parle d'emplois fictifs ?
02:04En réalité, en mars 2015, le Parlement européen s'est rendu compte
02:08qu'il versait tous les mois de l'argent au RN, qui était à l'époque le Front National,
02:14pour salarier les assistants parlementaires de tous les eurodéputés,
02:19et ils se sont rendu compte que ces salaires servaient en réalité
02:23non pas à rémunérer des tâches exécutées pour le Parlement européen,
02:27mais des tâches exécutées pour le parti.
02:28Et vous citiez l'exemple de Thierry Légier, et bien oui,
02:30Thierry Légier était considéré comme un assistant parlementaire sur le contrat,
02:37et en réalité, d'après l'accusation, et d'après ce qui a été dit hier,
02:41eh bien il était garde du corps, ce n'est pas une tâche d'assistant parlementaire.
02:46Donc l'argent qui servait à le salarié, qui était versé par l'Europe,
02:50c'est du détournement de fonds publics, c'est ce qu'ont dit hier les procureurs.
02:54On va citer d'ailleurs certains termes employés par les procureurs hier soir.
02:57La procureure dit « une machine de guerre a été montée et mise en place
03:02pour détourner les montants jusqu'à la dernière miette »,
03:06et elle affirme qu'il y avait un système.
03:09Oui, en fait, et Marine Le Pen serait à l'origine de ce système qui s'est renforcé,
03:15je cite les mots du procureur, ça devient systémique, systématique, organisé,
03:19lorsque Marine Le Pen reprend la main.
03:22Tout est fait pour ne pas perdre une seule miette des financements européens qui sont versés.
03:27Le moindre euro est réutilisé, est utilisé pour pouvoir rémunérer des gens du parti,
03:34et donc pour le parti, pour économiser de l'argent,
03:36puisque les salaires n'étant pas versés par le parti, mais par le Parlement européen,
03:40eh bien pour le parti, c'était une somme considérable économisée.
03:44Laurent, est-ce que cette description des faits est contestée par Marine Le Pen
03:48et les gens du Rassemblement national ?
03:50Alors, il faut être précis, les faits ne sont plus contestés,
03:54ce qui est contesté, c'est leur interprétation.
03:56C'est-à-dire qu'elle dit, au fond, quand on travaille pour un député européen,
04:00qu'il travaille au quotidien pour son travail à Strasbourg ou à Bruxelles,
04:04ou qu'il travaille à Paris ou ailleurs,
04:06en fait, il travaille tout le temps politiquement pour un parti politique.
04:10C'est son interprétation, ce n'est pas l'analyse qu'en font ni le parquet,
04:17ni les avocats du Parlement européen,
04:19qui considèrent, eux, que c'est un détournement de fonds publics,
04:22et c'est une incrimination extrêmement grave, puisqu'on en court 10 ans de prison au maximum.
04:26Mais dans ces conditions, c'est pour cette raison, en fait,
04:28que Marine Le Pen et le Rassemblement national
04:31disent qu'il s'agit de réquisitions, en quelque sorte, politiques.
04:34Alors, il n'y a pas de réquisitions politiques,
04:37cet argument-là, il est employé par tous les responsables politiques
04:41qui se retrouvent pris dans la machine judiciaire.
04:43C'était vrai pour l'affaire Fillon, par exemple, l'affaire Balkany,
04:47c'est vrai, à chaque fois, on dit « c'est politique ».
04:49La vérité, c'est que l'incrimination est grave,
04:52et que là, pour le moment, Marine Le Pen est présumée innocente,
04:55ce sont des réquisitions, ce n'est pas la décision du tribunal.
04:58Il y a beaucoup de preuves, pour le coup, qui ont été amenées pendant ces débats,
05:02qui ont montré par des mails, par des choses,
05:04des assistants parlementaires qui ne connaissaient pas, ou très peu,
05:07l'eurodéputé pour qui ils étaient censés travailler, par exemple.
05:10Alors, voilà la perception qu'ont les électeurs du Rassemblement national,
05:13à eux, ils pensent qu'il s'agit d'un complot.
05:15Il y a quand même 11 millions de Français qui ont voté pour elle.
05:19Ce serait dérangeant de l'enlever du paysage politique,
05:24parce qu'on y est vraiment habitués, elle est quand même mieux que son père.
05:26Ils sont après elle, c'est tout, point barre.
05:28De toute façon, ils veulent tout cela détruire.
05:30Alors, il y a la politique, et puis il y a la justice.
05:32Est-ce qu'il y a un risque réel que Marine Le Pen,
05:36d'ici la présidentielle de 2027, soit déclarée inéligible ?
05:40Alors, il y a un risque, un seul, c'est si elle est déclarée inéligible
05:44et que le tribunal décide que l'exécution est provisoire.
05:48C'est-à-dire que la peine, si elle fait appel, n'est plus suspensive
05:51et que cette inéligibilité commence dès la décision de première instance.
05:56Qui décide ça ?
05:57Le tribunal, en l'occurrence le tribunal judiciaire de Paris.
06:00Et si c'était le cas, elle aurait encore une petite voie de recours,
06:03extrêmement compliquée, elle pourrait encore faire appel.
06:05Mais c'est ce qui est demandé dans le réquisitoire, non ?
06:07C'est ce que demande le parquet, exécution provisoire.
06:10Ce n'est pas forcément ce que le tribunal décidera.
06:12Et si tel était le cas, elle pourrait encore se retourner
06:15vers le premier président du tribunal pour faire relever la peine et la faire annuler.
06:19C'est peut-être juste une question de procédure,
06:21mais est-ce que quand on est sous le coup d'une peine d'inéligibilité,
06:25on a interdiction de se présenter à une élection ?
06:27La réponse est oui si l'exécution est provisoire,
06:30tant que toutes les voies de recours n'ont pas été épuisées.
06:33Avec les délais, l'appel, la cour de cassation,
06:36et même peut-être encore d'autres voies de recours au niveau européen,
06:39ça nous ferait passer bien au-delà de l'élection présidentielle de 2027.
06:43Donc Marine Le Pen pourrait se prononcer, sauf, je le répète,
06:46si l'exécution est provisoire, donc immédiate, elle s'applique tout de suite.
06:50Je vous dis que vous... Pardon.
06:51J'ajoute juste un point.
06:53Si cette peine est prononcée en janvier,
06:56on pense que ce sera en janvier le délibéré,
06:59si elle est prononcée avec exécution provisoire,
07:01il y a une déchéance aussi immédiate des mandats locaux.
07:05Mais en revanche, elle pourra rester députée.
07:07Elle perdra immédiatement son mandat de conseillère régionale.
07:11Ça, c'était concerné par exemple des élus comme Louis Elio,
07:13le maire de Perpignan, qui pourrait être visé aussi par une peine d'inéligibilité,
07:17et lui, perdre sa mairie, alors que les parlementaires, les députés,
07:19Julien Roudoul, Marine Le Pen, conserveraient leur mandat.
07:21Mathieu, je voudrais que vous nous expliquiez le sens de la réaction de Gérald Darmanin.
07:25Voilà ce qu'il dit.
07:26Ancien ministre de l'Intérieur.
07:27Combattre Mme Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs.
07:29Si le tribunal juge qu'elle doit être condamnée,
07:31elle ne peut l'être électoralement sans l'expression du peuple.
07:35Et l'ancien ministre de l'Intérieur appelle à ne pas creuser davantage
07:38la différence entre les élites et l'immense majorité de nos concitoyens.
07:43Pourquoi cette réaction ?
07:44En tout cas, elle est dangereuse.
07:46Alors, on voit bien, c'est l'idée, il faut combattre.
07:48Ce n'est pas un tweet de soutien à Marine Le Pen,
07:50mais c'est combattons Marine Le Pen dans le jeu politique
07:53et non pas dans l'enceinte judiciaire,
07:55parce que les Français ne comprendraient pas ce qu'on a entendu tout à l'heure
07:58en écoutant les réactions d'électeurs du Rassemblement national
08:00qui disent qu'il y a un complot politique.
08:02Je trouve que ça accrédite cette idée-là.
08:04Non, il ne s'agit pas d'un procès politique,
08:06mais d'un procès d'une formation politique.
08:08Et on ne peut pas, quand on parle de l'expression du peuple,
08:11on rappelle que la justice est rendue au nom du peuple français.
08:13On ne peut pas opposer deux logiques,
08:14une logique électorale et une logique judiciaire.
08:16Les lois, par ailleurs, elles sont votées par les élus du peuple
08:19et les juges appliquent les lois votées par les élus du peuple.
08:22Donc, c'est assez surprenant.
08:23Mais on sait que Gérald Darmanin,
08:26il n'est pas suspect de complaisance avec le Rassemblement national.
08:28Marine Le Pen, c'est l'une de ses principales adversaires
08:30dans la région des Hauts-de-France.
08:33Mais, en revanche, on voit bien qu'il y a un signal envoyé
08:36à ce que lui considère être un électorat populaire.
08:39Il voit bien la différence entre les élites, il lui dit lui-même,
08:41et l'électorat populaire,
08:42qui ne comprendrait pas cette décision si jamais elle était rendue.
08:45Il est en train de dire qu'en fait,
08:46il est contre les peines d'inéligibilité, en fait.
08:48Oui, oui, globalement, il est en train de dire ça.
08:50Et puis, il est en train de saper l'autorité de l'institution judiciaire
08:53parce qu'on ne peut pas demander le respect des décisions de justice
08:56et en même temps, quand c'est des politiques...
08:58Juste un mot, quand un médecin est condamné
09:00et qu'on lui interdit d'exercer son métier
09:02et que l'exécution est provisoire, ça ne choque personne.
09:05Qu'il ne puisse pas retourner exercer son métier de médecin
09:08en attendant l'appel de la Cour de cassation, ça ne choque personne.
09:11Là, c'est une atteinte à la probité.
09:13Donc, ça touche un élu.
09:15Donc, il n'est pas anormal que cette peine d'inéligibilité existe.