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00:00Chers téléspectateurs, chers auditeurs, bienvenue dans ce nouveau numéro d'Ongle de vue.
00:24Près d'une heure en notre compagnie pour découvrir une personnalité que vous pensez
00:29déjà connaître.
00:30Et pour mener cet échange, à mes côtés, Mélinda Boulet, rédactrice en chef de France
00:34Anti, et Kathleen Bilas-Copette, rédactrice en chef de RCI.
00:37Pour ce nouveau portrait, nous accueillons sur ce plateau une braqueuse d'un mètre
00:4193.
00:42Elle a commencé à briller sur les parquets martiniquais avant de s'envoler pour une
00:47carrière internationale et laisser une empreinte XXL dans le monde du basket.
00:51Sandrine Grudraix, merci d'avoir accepté notre invitation pour retracer une carrière
00:57d'exception.
00:58Nous allons bien sûr parler de votre île, où tout a commencé, de votre palmarès
01:02avec les Bleus, de l'équipe de France et de la vie d'après, lorsque le haut niveau
01:05s'arrête.
01:06Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, Mélinda Boulet va croquer votre portrait.
01:10Sandrine Grudraix, bienvenue.
01:121m93 de talent, vous êtes née en 1987 à Cannes, vous êtes la dernière d'une fratrie
01:18de trois filles.
01:19Votre papa Ulysse Grudraix, ancien pivot international sélectionné sept fois en équipe
01:24de France et coach par la suite, va vous transmettre sa passion.
01:28Vous êtes même conditionnée à devenir une championne.
01:30Vous avez un an et demi lorsque votre papa décide de rentrer en Martinique avec ses
01:33trois filles après le décès de votre maman.
01:35Vous grandissez à Saint-Joseph, dans la maison familiale, aux côtés de votre grand-mère,
01:40votre père et vos sœurs.
01:41Petite, vous n'étiez pas particulièrement grande et puis en grandissant, vous prenez
01:4725 cm entre 9 et 11 ans.
01:49Vous jouez au Golden Lion, vous intégrez le Pôle espoir de Trinité, vous êtes très
01:54douée et à 14 ans, vous êtes appelée à rejoindre le CREPS, le centre de ressources
01:58et d'expertise et de performance sportive de Toulouse, puis l'INSEP.
02:02Vous êtes très vite repérée par les meilleurs clubs professionnels et vous intégrez l'US
02:07Valenciennes en 2005.
02:08Vous brillez sur les terrains, mais l'adaptation en France est difficile.
02:12Vous avez envie d'abandonner et de rentrer en Martinique et c'est votre grand-mère
02:16Gabou, qui était pourtant contre votre départ à Toulouse, qui vous dit « tu as commencé
02:21et tu dois aller jusqu'au bout ».
02:23Et vous irez jusqu'au bout, avec cette phrase de votre mamie toujours en tête.
02:27Et puis là, plus rien ne va vous arrêter, championne de France en 2007 à seulement
02:3219 ans.
02:33Vous partez ensuite pour la Russie, rejoindre l'un des plus grands clubs d'Europe.
02:37Vous y restez 9 ans, durant lesquels vous remportez 8 fois la Super Ligue russe et 2
02:42fois l'Euroleague.
02:43Tout au long de votre carrière, vous jonglez entre la WNBA et les ligues européennes.
02:48Vous êtes persévérante et déterminée.
02:51Ce sont les mots qui vous qualifient le mieux.
02:53Vous êtes la basketteuse de tous les records.
02:556 fois championne de Russie, championne de WNBA, 2 fois vainqueur de l'Euroleague, vainqueur
03:01de l'EuroCup.
03:02Au niveau de l'équipe de France, vous détenez le record de points marqués et de sélection.
03:07Vous avez entre autres été médaillée d'argent au JO de Londres, de bronze au JO de Tokyo,
03:13médaillée d'or au championnat d'Europe en 2009, 4 fois médaille d'argent, 2 fois
03:18médaille de bronze et en août 2024, vous avez décidé de mettre fin à votre carrière
03:22de basketteuse.
03:23En 2014, les médecins vous diagnostiquent une endométriose et vous décidez de mettre
03:28votre notoriété au service de cette maladie afin de la faire connaître.
03:34Si vous vivez loin de votre île, vous y êtes fortement attaché et investi.
03:38Vous organisez des camps de basket en direction des jeunes durant les grandes vacances.
03:43Vous avez créé et vous présidez l'association Jeux et Enjeux en 2020 pour les jeunes de
03:4815 à 18 ans où vous proposez des stages à travers le sport et le développement personnel.
03:52Ce que l'on sait moins de vous, c'est que vous êtes une passionnée du mannequinat
03:57et que vous adorez défiler et que petite, vous vouliez faire comme Naomi Campbell.
04:01Est-ce que ce portrait est fidèle, Sandrine ?
04:03Waouh ! C'est quand même impressionnant.
04:06Oui, ce portrait est très fidèle.
04:08Merci beaucoup.
04:10Vous avez porté votre maman très jeune.
04:12Comment s'est passée votre enfance entourée de votre grand-mère, votre papa et vos soeurs ?
04:17Une enfance simple, modeste, mais remplie de valeurs puisque ma grand-mère…
04:24Je pense que tout enfant qui grandit avec sa grand-mère dirait la même chose, remplie de valeurs.
04:30Elle m'a inculqué le respect, la discipline, la bienveillance, etc.
04:36Très contente de l'avoir eue à mes côtés et de l'avoir eue aussi pour les moments les plus challengeants.
04:44Vous partez de la Martinique très jeune, à 14 ans.
04:47Cela a été un choix difficile de quitter votre terre natale aussi jeune ?
04:50Tout à fait, très difficile.
04:52C'est un déracinement.
04:53Il y a eu un déchirement émotionnel, même si au basket ça allait bien,
04:59même si à l'école aussi ça allait très bien.
05:01Mais émotionnellement, j'avais juste envie de tout plaquer et de rentrer à la Martinique.
05:04Parce que du coup, vous avez aussi quitté votre papa, votre mamie, vos sœurs ?
05:07Oui, tout à fait.
05:08La difficulté, c'est que je n'avais aucun membre de ma famille à Toulouse.
05:12Donc, on est un peu livré à soi-même.
05:14Même si j'avais un cursus fédéral, j'étais dans un centre et j'étais prise en charge,
05:20mais enfin, d'un point de vue émotionnel, moral, c'était quand même assez compliqué.
05:26Cela vous a obligé à grandir peut-être plus vite que d'autres enfants ?
05:29Oui, tout à fait.
05:30J'ai dû en vivre en pleine autonomie à 15 ans.
05:33Et c'est vrai que ce n'est pas simple, parce qu'on te lance dans la grande cour
05:37et tu décides par toi-même, tu arbitres aussi la vie par toi-même.
05:41Ce n'est pas simple.
05:42Et c'est d'ailleurs ce qui m'a inspirée à créer Jeu et Enjeu.
05:45Si vous n'aviez pas été sportive de haut niveau, vers quoi vous seriez dirigée ?
05:50Professeure des écoles, j'ai envie d'enseigner, transmettre aux jeunes depuis petite.
05:57Tout au long de votre carrière, vous n'avez jamais coupé les liens avec la Martinique.
06:02Vous y êtes revenue régulièrement, vous continuez à y revenir régulièrement.
06:05Vous faites d'ailleurs figure d'ambassadrice de notre île, partout où vous vous êtes trouvée.
06:11Est-ce que vous trouvez justement que la Martinique vous le rend bien ?
06:16Alors, je ne me suis jamais posé la question, mais oui, oui.
06:20En tout cas, ce que j'obtiens d'eux me contente.
06:24Donc voilà, quand je me balade dans les rues et que je rencontre quelqu'un qui me reconnaît,
06:29tout de suite, j'ai des messages de soutien, des témoignages de soutien et ça réchauffe le cœur.
06:35Est-ce que c'est une reconnaissance qui est importante pour vous ?
06:37On dit souvent « Nul n'est prophète en son pays » et vous portez les couleurs de cette île partout.
06:43Est-ce que c'est important pour vous qu'ici aussi on reconnaisse votre parcours, votre carrière
06:49et tout ce que vous avez pu faire à la fois pour vous, mais finalement pour les couleurs de votre île ?
06:56C'est important pour la jeunesse.
06:59Voilà ce que moi, je réponds à ça parce que pour moi en soi,
07:02je n'ai pas besoin de reconnaissance pour être bien dans ma vie.
07:05Maintenant, pour la jeunesse, parce qu'en fait, on n'a pas beaucoup de modèles de réussite
07:09et donc eux, ils en ont besoin.
07:10Donc oui, il faut parler davantage de toutes les personnes qui s'expatrient
07:14ou alors qui restent ici également et qui arrivent justement à transformer un rêve en une réalité.
07:20C'est une pression de faire figure de modèle justement pour cette jeunesse.
07:24Vous le vivez comme tel parfois ou pas du tout ?
07:26Vous êtes très détaché justement de tout ce que vous pouvez inspirer à cette jeunesse ?
07:30Non, ce n'est pas une pression parce que je suis naturelle, je suis qui je suis.
07:34J'expose mes forces et mes faiblesses sans crainte, je ne joue pas de rôle en fait.
07:40Donc voilà, si j'en inspire certains, tant mieux.
07:44Si je n'inspire pas d'autres, ce n'est pas grave.
07:46D'autres personnalités vont pouvoir prendre le relais.
07:49Alors vous qui justement avez vécu un peu partout dans le monde,
07:51on y reviendra tout à l'heure en développant votre carrière,
07:55on a parfois tendance effectivement à penser que l'herbe est plus verte ailleurs
07:59et qu'il faut partir pour réussir.
08:01C'est malheureusement ce qu'on entend si souvent ici sur notre île.
08:04Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ou au contraire en totale opposition ?
08:09Je ne pense pas qu'il faille absolument partir pour réussir.
08:12Néanmoins, tout dépend de ce qu'on veut faire et accomplir dans la vie.
08:16Je pense que le plus difficile au final pour nous
08:18peut être justement la séparation émotionnelle et familiale.
08:22Et donc, on va dire, ne plus avoir…
08:27Enfin, couper court à ses rêves pour pouvoir rester ici.
08:30Moi, j'ai parlé justement avec certains jeunes que j'encadre
08:33et qui me disaient, voilà, si je n'ai pas les moyens forcément pour partir
08:37et être chirurgienne, parce qu'elle voulait être chirurgienne,
08:40cette jeune fille, elle m'a dit ça avec beaucoup de mélancolie plutôt
08:46et j'ai trouvé ça quand même plutôt triste
08:48parce qu'elle avait vraiment envie de faire ça et me dit,
08:50on verra bien si mes parents peuvent suivre
08:52et si moi-même, je vais réussir à vivre sans eux.
08:55Donc, pour moi, c'est ce que j'observe étant sur le terrain.
08:59Alors, parfois, c'est vrai aussi que c'est quand on part
09:01qu'on se rend compte de ce qu'on laisse, de ce qu'on quitte.
09:04Est-ce que vous, quand vous êtes partie et que vous avez vu tous ces pays différents,
09:08des cultures différentes, des paysages différents,
09:10est-ce que vous vous êtes dit que vous veniez d'un territoire
09:14qui avait énormément d'atouts ou pas,
09:17peut-être des atouts que vous n'aviez pas identifiés en y vivant tout simplement au quotidien ?
09:23Je pense que lorsqu'on quitte chez soi,
09:27on renforce notre amour pour là d'où on vient, en fait.
09:32Je pense que c'est vraiment ce qui s'est passé pour moi.
09:34Je ne suis pas rentrée dans une comparaison de ce qu'il y avait à Martinique
09:37et ce qu'il n'y avait pas ici.
09:39Pour moi, ça a simplement renforcé mon attachement culturel,
09:42mon attachement à mon île.
09:44On vous sait très proche de votre famille, votre papa, vos sœurs, votre mamie.
09:49Est-ce que ça aurait été sans leur soutien ?
09:51Est-ce que vous auriez eu une aussi belle carrière ?
09:53Absolument pas.
09:55C'est important ?
09:55Très important, très important.
09:57Et c'est vrai que je le dis tout le temps en conférence,
09:59qu'il faut effectivement que l'enfant rêve,
10:00mais il faut que l'environnement rêve autant que l'enfant.
10:03C'est pour ça qu'au sein de votre association,
10:05la partie développement personnel est très importante ?
10:07Ah oui, clairement.
10:10Alors, c'est vrai que cette partie-là, comme je l'ai dit tout à l'heure,
10:12je m'en suis inspirée de mon expérience personnelle.
10:16Je pense, et que vous le savez aussi,
10:18c'est que ce sont les jeunes qui migrent massivement
10:22depuis la Martinique vers le Canada ou la France.
10:25Ils ne sont pas armés pour vivre en toute autonomie.
10:27Souvent, les parents ne suivent pas.
10:29Donc, l'idée, c'était de pouvoir les outiller à être dans un environnement nouveau,
10:33à trouver des repères et à être suffisamment équilibrés émotionnellement
10:36pour aller au bout de leur mission.
10:39On parle beaucoup de la jeunesse que vous accompagnez.
10:42Vous-même, un jour, vous rêvez aussi de fonder votre propre famille ?
10:46Oui, éventuellement.
10:47Alors, je suis atteinte d'endométriose,
10:48donc il y a des chances que je ne puisse pas procréer.
10:52Maintenant, pour moi, ce n'est pas non plus un objectif de vie.
10:56J'en ai d'autres,
10:57mais c'est vrai que celui-là n'est pas un poids, en tout cas, psychologiquement.
11:02Écoutez, on va marquer une première courte pause, Sandrine Grudat,
11:04et on va, bien évidemment, dans la deuxième partie de cette émission,
11:07parler de votre parcours sportif des parquets Joséphins
11:10aux plus grands titres internationaux.
11:12À tout de suite.