• le mois dernier
Les ministres de l'Intérieur Bruno Retailleau et de la Justice Didier Migaud sont à Marseille vendredi pour annoncer en fin de matinée des mesures destinées à renforcer la lutte contre le narcotrafic, fléau grandissant contre lequel l'exécutif appelle à une "mobilisation générale".

Category

🗞
News
Transcription
00:00Monsieur le maire, Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs pris en vos grades et qualités,
00:14Mesdames et Messieurs, je peux d'abord excuser nous pour notre retard. Nous étions avec les victimes d'attentats et nous avons vécu un moment d'émotion intense.
00:39en écoutant leur témoignage. Leur témoignage était important pour nous et il était essentiel qu'on puisse les entendre, qu'ils puissent s'exprimer, formuler un certain nombre de propositions
00:59et on peut comprendre, bien sûr, leur immense douleur et leur colère face à ce qu'ils ont vécu et continuent de vivre.
01:09Il a été dit au printemps par les magistrats de Marseille, dans le cadre d'une commission d'enquête qui avait été initiée par mon collègue ministre de l'Intérieur et qui alors présidait le groupe LR au Sénat,
01:33que nous étions en train de perdre la guerre contre le narcotrafic. Constat terrible. Et si nous sommes ici aujourd'hui, le ministre de l'Intérieur et moi-même, c'est pour conjurer le sort,
01:53prouver qu'il n'y a pas de fatalité et montrer que la volonté politique est une arme puissante pour lutter contre cette criminalité organisée. Car la menace que cette criminalité organisée représente est multiforme, grandissante, tentaculaire,
02:18elle touche des innocents et sape les fondements de notre République. Nous n'arrêtons pas de le dire. Et c'est un nécessaire sursaut dont nous avons besoin pour reprendre les mots de la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic.
02:36Je salue le président Jérôme Purin et le rapporteur Étienne Blanc, qui sont dans la salle parmi nous aujourd'hui. Le combat de l'État contre la criminalité organisée doit se faire désormais à armes plus égales, avec la même agilité, avec la même sophistication, avec la même détermination qu'elle,
03:01sans renier jamais, bien sûr, nos principes et notre état de droit, même si on aura l'occasion d'y revenir. Notre législation doit évoluer pour prendre en considération, justement, cette situation.
03:15Les pouvoirs publics doivent resserrer les rangs. Nous devons faire front commun. Et notre venue commune ici à Marseille, ministre de l'Intérieur, ministre de la Justice, en est la parfaite illustration.
03:28J'avais proposé ce déplacement à Bruno Retailleau lorsque nous étions à une séance de questions d'actualité sur les bancs du Sénat, et je suis vraiment très heureux qu'il ait accepté de venir ici et que nous puissions présenter ensemble un certain nombre de mesures.
03:49Le dispositif de lutte contre la criminalité organisée que nous annonçons aujourd'hui mobilise, bien sûr, d'autres membres du gouvernement, sous l'autorité et l'impulsion du Premier ministre, qui nous a d'ailleurs réunis hier. Il comportera un grand nombre de mesures.
04:06Et nous allons, ce matin, vous présenter, l'année l'autre, les principaux axes du plan de chacun de nos deux ministères. Alors, vous le savez, nous aurons besoin de la loi. Et cela prendra nécessairement un peu de temps, quelques mois sans doute.
04:28Et il ne faut pas attendre pour prendre un certain nombre de mesures immédiates, et ce sont celles que je vais en premier lieu, avant le ministre de l'Intérieur, vous présenter, avant d'évoquer dans un second temps une phase législative qui nous est tout à fait nécessaire pour nous armer davantage.
04:45Ces mesures immédiates sont simples, fortes à toutes les étapes de la chaîne. Je veux, comme garde des Sceaux, donner les moyens de prévenir, d'investiguer, de poursuivre, de juger, de sanctionner et de réparer. Je veux donner les moyens de prévenir.
05:05Il faut prévenir par l'information de la population. Il faut un électrochoc. Nous en sommes complètement convaincus avec le ministre de l'Intérieur. Pas seulement. Il faut des campagnes de communication qui soient lancées pour révéler les liens entre l'usage de stupéfiants, les violences des trafiquants et les infractions qui en découlent. Il faut que ceux qui ne l'ont pas encore fait ouvrent les yeux sur l'ampleur du phénomène. Et là, nous avons des marges de progrès.
05:31Il faut une action sur les consommateurs sans qu'il n'y ait pas de trafic de stupéfiants et donc de réseaux et donc de criminalités organisées. On le sait, il y a des amendes. Il faut qu'elles soient davantage prononcées, systématiquement recouvrées. Et là aussi, il y a des marges.
05:45Il faut également prévenir en évitant que les trafics prennent appui sur les entreprises comme sur les administrations, en agissant ainsi sur les risques de corruption. Le nouveau plan anticorruption élaboré par la FA, dont je salue la directrice générale Isabelle Gégouzeau, sera présenté par mon collègue Laurent Saint-Martin et moi-même dans quelques semaines.
06:11Et il devrait comporter des mesures utiles aussi contre la criminalité organisée. Je veux donner des moyens d'investiguer. Les investigations judiciaires sont au commencement de l'enquête et la clé de sa réussite. Nous avons des outils numériques.
06:27Il faut bien plus utiliser et développer notamment les techniques d'enquête numérique judiciaire de l'Antenne J. Il faut démanteler les rouages financiers des organisations criminelles en systématisant les investigations financières en la matière pour remonter les circuits financiers, en particulier en mobilisant plus systématiquement les groupes interministériels de recherche.
06:49Mais il ne s'agit pas que de nouveaux moyens. En France, il nous faut plus de mobilisation européenne et internationale, car la criminalité organisée ne s'arrête pas, malheureusement, à nos frontières. Vis-à-vis des États refuges, il nous faut tenir un langage de vérité pour obtenir des résultats concrets en termes d'entraide et d'extradition.
07:09Le ministère de la Justice va projeter un nouveau magistrat dans un État source des trafics, avec l'installation d'un magistrat de liaison à Bogota. A chaque fois que cela sera nécessaire, des assistants dédiés à la saisie des avoirs criminels viendront prêter main-forte aux magistrats déployés à l'étranger.
07:29Parallèlement, nous devons mobiliser nos partenaires européens, qui tous, on le voit bien aussi bien au niveau des réunions que mon collègue peut avoir que celles que je peux également avoir au niveau des ministres de la Justice, sont à des degrés plus ou moins avancés, affectés par ce fléau.
07:47Nous renforcerons la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne par un quatrième magistrat dédié à la criminalité organisée. Le ministère de la Justice défendra la création d'un bouclier judiciaire européen en la matière, en mobilisant les procureurs européens et les hôtes portuaires, en facilitant l'accès par les services enquêteurs aux données numériques des réseaux criminels et en imposant le rehaussement des standards judiciaires dans la lutte contre la criminalité organisée.
08:15Troisièmement, je veux donner les moyens de poursuivre. C'est le rôle des parquets. Tous les parquets de France sont concernés par la criminalité organisée, qui constitue désormais un contentieux de masse. La coordination, la centralisation de l'information et la spécialisation des équipes sont les leviers essentiels de la lutte.
08:37Or, nous ne partons pas de rien. Le traitement judiciaire de la criminalité organisée repose sur une organisation à trois niveaux, une juridiction nationale, que l'on appelle la Junalco, des juridictions interrégionales, les JIRS, et enfin toutes les autres juridictions dites infragIRS.
08:53Cependant, ce système censé être pyramidal n'est presque pas articulé à l'heure actuelle. Il faut changer cela radicalement. Et comme je l'ai annoncé il y a quelques jours, je suis favorable à un pilotage fort constitué autour d'un véritable parquet national.
09:13Il donnera beaucoup plus de visibilité et d'efficacité aux équipes remarquables qui oeuvrent déjà aujourd'hui sans relâche au sein du parquet de Paris, je salue ma procureure de la République de Paris, contre la criminalité organisée au niveau national et que nous devons aider et renforcer.
09:31Pour mettre en place cette nouvelle structure, le Parlement devra légiférer, mais plusieurs leviers déterminants sont déjà à notre main. Et même à ma main en tant que garde des Sceaux, elle ne tremblera pas pour mobiliser dès à présent toute la puissance de l'appareil judiciaire et structurer tout ce qui doit l'être sans attendre.
09:49Il nous faut, je l'ai dit, une coordination. Elle passe par un chaînage et une transmission systématique de l'information de la base au sommet, des parquets locaux jusqu'au Girs au niveau régional et à la Junalco au niveau national. Cette transmission d'informations sera désormais pleinement obligatoire.
10:09Cette coordination s'appuiera aussi sur une interconnexion des parquets autour d'un système d'information dédié, sirocco, au sommet, c'est-à-dire au parquet de Paris qui tient lieu aujourd'hui de parquet national. J'instituerai dans les prochaines semaines, vraisemblablement en présence du Premier ministre, une cellule de coordination nationale chargée de dresser un état de la menace, fixer une stratégie opérationnelle et la mettre en œuvre.
10:37Elle sera composée de magistrats, mais aussi, je le souhaite, de représentants des autres ministères concernés, intérieurs, finances, notamment, et d'analystes criminels. Je sais que la procureure de Paris est pleinement mobilisée pour que cette montée en puissance réussisse et que nous avançons très vite vers ce pilotage national dont nous avons tant besoin et qui sera, je l'ai dit, renforcé par l'intervention du législateur le moment venu.
11:03Cela passera aussi par le renforcement de ses effectifs. Les équipes du parquet de Paris travaillant sur la lutte contre la criminalité organisée au niveau national seront ainsi renforcées de 40 % au niveau de leurs effectifs. De même, les effectifs dans les Girs seront sanctuarisés sur l'ensemble du territoire, et notamment à Marseille, et nous renforcerons également les parquets qui en ont besoin.
11:29Quatrièmement, je veux donner les moyens de juger. Cela ne suffit pas de renforcer l'investigation et les poursuites si nous ne sommes pas capables de juger. J'ai déjà eu l'occasion de tirer la sonnette d'alarme sur nos délais d'audiencement criminels et correctionnels. Les jugements des affaires de criminalité organisée ne font pas exception.
11:49Nous créerons ainsi cinq postes de juges supplémentaires à Paris, et l'équipe autour des magistrats sera consolidée. Nous renforcerons également ce qui doit l'être dans les Girs.
12:01Cinquièmement, je veux donner les moyens de punir. En matière de criminalité organisée, punir signifie le plus souvent incarcérer. Pour ne pas faire de la détention une caisse de résonance de ces réseaux criminels, comme ça l'est parfois en ce moment, il est nécessaire d'instaurer un dispositif de détection fine des profils de détenus du haut du spectre.
12:27Il faut aussi adapter leur prise en charge avec la création de quartiers spécifiques pour empêcher la poursuite de l'activité criminelle depuis les murs de nos prisons, ce qui est inentendable à la fois pour les responsables politiques que nous sommes, mais également pour les citoyens.
12:45En complément, il faut identifier les établissements en mesure d'accueillir ces détenus à la dangerosité élevée, établir un plan de sécurisation des quartiers d'isolement et renforcer les outils opérationnels permettant d'entraver toute action depuis les détentions, notamment avec les dispositifs de lutte anti-drone.
13:03Des mesures spécifiques sont déjà menées à Marseille et sont des exemples à suivre, comme le quasi-doublement des places de quartiers d'isolement au Baumette, la mise en place d'une équipe cynotechnique, le déploiement de dispositifs de brouillage mobile efficace au sein des quartiers d'isolement, la tenue de réunions mensuelles entre la GIRS de Marseille, les forces de sécurité intérieure et l'administration pénitentiaire.
13:29Enfin, la livraison aujourd'hui des premiers véhicules d'extraction judiciaire nouvelle génération aux équipements renforcés permettra de garantir, de mieux garantir la sécurité des personnels pénitentiaires, notamment dans les affaires de criminalité organisées.
13:45Ce sont les mesures qui ont été prises, malheureusement, après le drame d'un quart vide.
13:52Au-delà de l'incarcération, nous sommes conscients aussi qu'il faut frapper les criminels au portefeuille en renforçant les possibilités de saisie, de confiscation judiciaire pour que le crime, et particulièrement le crime organisé, ne paie pas.
14:05Et punir, cela doit prendre des formes adaptées lorsqu'il s'agit de mineurs. On a vu à travers, malheureusement, les exemples qui nous ont été cités par les victimes que les mineurs sont très concernés.
14:20L'un des aspects dramatiques de cette criminalité est qu'elle concerne des mineurs, impliqués parfois dès le plus jeune âge dans l'effet d'une violence et d'une gravité impensables.
14:29Beaucoup a déjà été fait par la protection judiciaire de la jeunesse et par les acteurs de la justice des mineurs, notamment aussi à Marseille. Il faut aller plus loin.
14:37Il est indispensable de diversifier les réponses en fonction du degré d'implication en développant le dispositif de getter mineurs, ici à Marseille, en mettant en place un accueil de jours dédiés,
14:47en multipliant les capacités d'accueil en centre éducatif fermé pour les mineurs les plus ancrés dans la délinquance. En complément, l'accord cadre justice armé, déjà existant, sera consolidé et étendu aux forces de sécurité intérieure,
15:02afin que ces dernières puissent intervenir dans la prise en charge des mineurs délinquants aux côtés de la protection judiciaire de la jeunesse.
15:09Sixièmement, je tiens à ce qu'on n'oublie pas les victimes. Vous le savez, le garde des Sceaux est le ministre chargé des victimes. Nous venons de rencontrer les familles, les associations.
15:21Je veux leur dire, bien sûr, tout mon soutien et la mobilisation de la chancellerie. Une mission particulière sera confiée à la déléguée interministérielle, à l'aide aux victimes, Alexandra Louis, qui est présente ici,
15:32pour évaluer les besoins spécifiques des victimes de la criminalité organisée au plus près du terrain, sur l'ensemble du territoire. Il est de notre devoir de ne pas les laisser seules face à ce fléau.
15:45Nous devons soutenir les associations, mais aussi partout ailleurs. Ces associations font un travail remarquable, à Marseille et partout ailleurs, et il faut pouvoir, bien sûr, les encourager.
16:00Ce sont des partenaires essentiels de la justice qui se mobilisent, dans l'urgence, mais également sur le long terme, pour aider celles et ceux qui souffrent des conséquences d'actes extrêmement violents
16:09et de la stigmatisation qui peut en découler, simplement parce qu'ils vivent et travaillent sur les lieux pris pour cible par les trafics.
16:17Le principe du « prendre au criminel pour rendre aux victimes » sera favorisé à travers notamment les affectations sociales des biens confisqués, à l'exemple d'une maison, là aussi, confisquée à Marseille, un trafiquant de stupéfiants,
16:30au profit de l'accueil et de l'hébergement de victimes d'infractions en 2023.
16:35Et puis, c'est l'autre volet, nous devons, avec les parlementaires, faire évoluer l'arsenal législatif, notamment à travers ou à partir de la proposition de loi qui vise à sortir la France du piège du narcotrafic,
16:52dont les sénateurs Étienne Blanc et Jérôme Durin sont les auteurs.
16:58Les dispositions les plus structurantes pour le garde des Sceaux que je suis sont celles qui permettent d'améliorer le régime des repentis.
17:06Ce régime est en effet à repenser en créant un statut du collaborateur de justice, en intégrant de nouvelles infractions et des niveaux de peine plus incitatifs,
17:16d'étendre certains moyens d'enquête dérogatoire.
17:19L'application du régime procédural complet relatif à la criminalité de délinquance organisée pourrait être étendue aux faits de corruption commis en lien avec des organisations criminelles
17:30ou envisager une hyper prolongation médicale des gardes à vue dans le cas des mules.
17:36Permettre aussi le partage des informations judiciaires au service de renseignement.
17:41La transmission au service de renseignement d'informations recueillies dans les dossiers judiciaires pourrait être étendue aux infractions liées à la criminalité organisée afin d'exploiter leur potentiel.
17:53D'autres mesures pourraient être envisagées et nous les soumettrons aux parlementaires.
18:00Je pense notamment à l'extension du champ des cours d'assises spécialement composé.
18:06Le champ des cours d'assises spécialement composé, déjà prévu pour les affaires de terrorisme, gagnerait, je pense, à être étendu aux crimes en bande organisée et aux crimes d'associations de malfaiteurs en vue de commettre ces crimes.
18:21Cette professionnalisation des cours permettrait d'éloigner le risque de pression exercée sur les jurés en vue d'orienter la décision judiciaire finale.
18:34Il me semble qu'il faudrait aussi créer une infraction d'associations des malfaiteurs au niveau criminel.
18:41Cette nouvelle infraction d'associations de malfaiteurs pour les crimes en bande organisée devrait pouvoir être étendue aux assassinats et être assortie d'une peine de réclusion criminelle.
18:52Enfin, adapter le cadre judiciaire aux mineurs concernés tout en conservant bien sûr la spécificité de la justice des mineurs.
19:00Il faut mettre un terme à l'idée fausse selon lesquelles minorité serait synonyme d'impunité.
19:07Les conditions permettant d'écarter l'excuse de minorité seront assouplies pour les plus de 16 ans et les infractions les plus graves commises en situation de récidive légale.
19:16Une déclinaison de la comparution immédiate pour les mineurs de plus de 16 ans et les infractions les plus grandes devrait en outre être créée.
19:26Le Premier ministre l'a proposé dans le cadre de sa déclaration de politique générale et nous sommes en train de réfléchir à un certain nombre de propositions qui pourraient aller dans ce sens.
19:38Il y a également des propositions de loi qui sont déposées.
19:42Vous l'aurez compris, ce plan d'urgence ambitieux, je crois, de lutte contre la criminalité organisée est à double détente.
19:49Des mesures immédiates, puis des mesures législatives pour une justice totalement mobilisée contre ce fléau.
19:58Merci pour votre attention et je cède la parole et le relais au ministre de l'Intérieur.
20:06Merci cher Didier, merci Monsieur le Garde des Sceaux.
20:11Pour être précautionneux avec votre patience, je vais m'adresser simplement à vous tous en vos grades et qualités.
20:21Je pense qu'avec Didier, nous avons été bouleversés des témoignages de ses mères de famille que nous avons, il y a quelques instants, entendus.
20:33Nous sommes bouleversés chaque jour, puisqu'au ministère de l'Intérieur, malheureusement, il parvient, matin, midi et soir, des informations qui sont souvent dramatiques,
20:44qui sont de véritables tragédies dont une partie simplement parvient à percer la surface médiatique.
20:50J'étais à Rennes il y a quelques jours et un enfant de 5 ans se bat toujours contre la mort avec deux balles dans la tête.
21:00Oui, nous avons atteint un point de bascule et, comme Didier le rappelait il y a quelques instants, lorsque nous avions initié au Sénat cette commission d'enquête,
21:12il y a 18 mois, je salue moi-même son président Jérôme Durand, de gauche, son rapporteur Étienne Blanc, LR, de droite.
21:24Quand nous avions initié cette commission d'enquête, intuitivement, nous sentions bien que quelque chose était en train de basculer, sans en réalité en mesurer l'ampleur ni la profondeur.
21:39Et cette commission d'enquête a été pour moi un révélateur, au-delà de ce que je pouvais imaginer, révélateur d'ailleurs, qui désormais, jour après jour, est conforté par les drames, les tragédies dont je vous parlais il y a quelques instants.
21:55Cette commission d'enquête avait qualifié le phénomène de véritable submersion.
22:03Depuis une dizaine d'années, les saisies de cocaïne ont été multipliées par cinq.
22:09Et je veux féliciter le travail des enquêteurs, de la justice, parce que si on prend des coups, on en donne aussi, on défère.
22:20Et récemment, nous avons eu, et nous en aurons encore dans quelques jours, des succès.
22:25Cinq fois plus de saisies en dix ans, cocaïne.
22:28Et désormais, les drogues les plus dures, les plus dures, sont disponibles partout, tout le temps.
22:35Partout, bien sûr, à Marseille, dans les villes, dans les quartiers, partout aussi, je peux en témoigner, dans la ruralité, dans nos villages.
22:46Et tout le temps, avec les îles, les points d'îles, mais aussi avec la formidable extension, les nouveaux moyens,
22:57et notamment de ce que l'on appelle improprement d'ailleurs, l'huberchit, les livraisons à domicile.
23:03Aujourd'hui, le point de bascule, c'est un rajeunissement, un effroyable rajeunissement de ceux qui tuent et de ceux qui sont tués.
23:14On appréhende la pieuvre qui déploie ces tentacules, souvent à partir de Marseille.
23:21Elle est en train de conquérir des villes moyennes, partout en France, comme je l'indiquais,
23:29et on ne pourra la combattre, non pas avec les outils d'hier, mais avec des nouveaux outils qu'on doit forger aujourd'hui.
23:37Et j'espère que ce temps-ci marquera une vraie rupture et qu'il y aura un avant et un après, comme le terrorisme.
23:52J'ai souvent pris cette comparaison. Je conclurai d'ailleurs par là.
23:57La menace que représente le narcotrafic, le crime organisé, est bien entendu une menace en termes de sauvagerie, de violence.
24:08C'est une cause racine de tant d'autres délits et de crimes.
24:13Mais c'est une menace existentielle contre nos institutions, contre notre démocratie.
24:21La pieuvre menace désormais, notamment à travers le phénomène de corruption, les intérêts fondamentaux de notre nation.
24:33Mais il n'est pas trop tard pour réagir, bien évidemment.
24:38C'est ce qu'ont proposé les sénateurs.
24:42Cette semaine, la conférence des présidents du Sénat a inscrit à l'ordre du jour le véhicule législatif sur lequel nous allons nous appuyer.
24:50Il faudra sans doute compléter en bonne entente gouvernement, exécutif, législatif, sénateur.
24:57Ce sera un point qui sera extrêmement important.
25:02Très rapidement, sur ce véhicule législatif et sur les points dont on devra discuter, sur ce texte qui sera très rapidement adopté au Sénat et j'espère ensuite à l'Assemblée nationale,
25:15avec une procédure accélérée qui nous permettra d'aller plus vite, qui permettra un seul passage dans chaque chambre, un certain nombre d'idées, de mesures législatives.
25:27Didier a proposé celles qui dépendent de son ministère. Je vais m'en tenir à celles qui dépendent de mon ministère, même si les deux ministères coopèrent.
25:37Quand il y a une enquête, nous fournissons les moyens, les enquêteurs de l'investigation, sous le contrôle évidemment du parquet et des magistrats.
25:46Premier point qui est important, il faudra une nouvelle organisation.
25:52Bien sûr, la spécialisation de la chaîne judiciaire, c'est le travail du garde des Sceaux, dans la loi.
25:58Mais aussi, devra en miroir y répondre une nouvelle organisation administrative pour le ministère de l'Intérieur, et je pense particulièrement à l'OFAST, à l'Office français de lutte contre les stupéfiants.
26:13On va, y compris d'ailleurs à Marseille, je l'annoncerai, renforcer ces moyens.
26:19L'OFAST, c'est 24 antennes et détachements, et nous renforcerons notamment dans les territoires les moyens affectés à ces antennes, 15 antennes et ces 9 détachements.
26:34C'est fondamental, sur un rôle de pilotage, sur un rôle de coordination, sur un rôle aussi d'enquête et d'investigation.
26:43Ça, c'est le premier dispositif qui sera important.
26:47Deuxième dispositif, il nous faut des nouveaux moyens d'enquête.
26:51Je vais vous dire ma conviction, c'est qu'aujourd'hui, on doit mener un combat, mais qui a une totale asymétrie.
26:58Les policiers, les gendarmes, les magistrats, qui obtiennent des résultats, je les ai ici sous forme arithmétique, mais qui sont très parlants.
27:10Ils obtiennent des résultats, je vais les féliciter, mais ils sont totalement submergés.
27:15Et l'asymétrie dont je veux vous parler, c'est qu'ils ne luttent pas à armes égales.
27:20D'un côté, on a des réseaux qui sont très pyramidaux, très structurés, et de l'autre côté, on a un État en silo, trop dispersé.
27:31Asymétrie, pas d'armes, là encore, équivalentes, puisqu'on a d'un côté une puissance financière colossale, et de l'autre, parfois, une impuissance à briser des écosystèmes économiques.
27:45Pas d'armes à égalité lorsque les moyens technologiques dont je parlais tout à l'heure permettent à ces réseaux d'utiliser désormais les drones pour les livraisons.
27:55Évidemment, les réseaux les plus modernes, cryptés. Évidemment, maintenant, des imprimantes 3D pour faire à domicile des armes.
28:03Des armes, oui, des armes. Et donc, nous, on doit se mettre à niveau.
28:08Ce deuxième point qui sera inscrit dans la proposition, en tout cas dans la loi, qui sera, j'espère, bien votée, les nouveaux outils d'enquête.
28:18Il y aura sans doute un statut de repenti qui est important pour les enquêteurs, qui est important aussi pour la justice.
28:25Il faut qu'on protège les enquêteurs qui sont au contact d'informateurs.
28:30Moi, j'ai un commissaire à Paris qui a fait être condamné parce qu'il était en contact avec un édicateur.
28:38Si vous n'avez pas d'informateurs, vous n'obtenez pas de résultats. Je souhaite qu'on puisse avoir un cadre légal qui protège ce travail.
28:50Ensuite, il nous faut des techniques spéciales de renseignement.
28:55Et je me souviens très bien dans les années passées, dans les années 2000, où on a forgé des nouvelles... Dans la loi, bien sûr.
29:04On a forgé des nouveaux instruments d'enquête, notamment de captation à distance de son et d'image, parfois aussi avec des logiciels qui vous permettent de déformer la voix,
29:17de déformer le visage pour pénétrer virtuellement dans les réseaux.
29:23L'idée du coffre-fort, d'une procédure qui permette, au moment de l'enquête, de faire en sorte que les narcotrafiquants n'aient pas accès, au nom des informateurs,
29:39à certaines techniques, parce que sinon, elles seront grillées totalement, est une bonne idée qu'il faudra, évidemment, reprendre.
29:46De même que la généralisation de la pseudonymisation de nos enquêteurs.
29:53Et enfin, un autre point, je ne peux pas les citer tous, il faudra, pour les enquêteurs, avoir la possibilité d'utiliser, là encore, une identité d'emprunt numérique.
30:05Ça, c'est le deuxième bloc qui concerne plus spécifiquement des techniques d'enquête qui vont nous mettre à niveau, y compris de renseignements,
30:14pour capter des informations à grande échelle, comme on a fait exactement, comme on le fait, et encore aujourd'hui, où je peux vous dire que tous les mois,
30:24nos services sont en train de neutraliser des tentatives d'attentats terroristes.
30:30Et on le fait avec des techniques d'enquête qu'on doit pouvoir transposer sur la criminalité organisée.
30:36Le troisième point, le troisième bloc de ces mesures, c'est le patrimoine des trafiquants.
30:40Bien entendu, Al Capone est tombé sur une enquête fiscale et non pas sur une enquête stupéfiante.
30:45Il faut, là aussi, frapper au portefeuille. Didier l'a indiqué tout à l'heure.
30:50Il faut donner au préfet le pouvoir de fermer des commerces de blanchiment.
30:54Un préfet aujourd'hui, un préfet de Marseille, ne peut fermer qu'un certain nombre de commerces, notamment avec des débits de boissons.
31:00Mais quand on a d'autres commerces dont on sait parfaitement que ce sont des machines à blanchir, alors là, on ne peut pas y toucher.
31:06Est-ce que c'est normal ? Est-ce que c'est compréhensible ? Non, bien entendu. Donc, il faudra le faire.
31:14Soumettre les lois de véhicules aux obligations de vérification de l'origine des fonds.
31:18Croyez-moi, pour cela, les gendarmes, les policiers savent très bien de quoi je veux parler.
31:23Créer une injonction de justification de ressources inexpliquées.
31:27Évidemment, tu roules en grosse cylindrée. Très bien, on inverse la charge de la preuve.
31:33Fais-nous la preuve, donne-nous la preuve du financement de cette acquisition.
31:39Rendre obligatoire l'ouverture d'une enquête patrimoniale dans des affaires de stupéfiants.
31:44Scanner l'ensemble du patrimoine, parce qu'on attendra des choses intéressantes.
31:50Et créer une procédure administrative d'urgence de gel des avoirs. C'est fondamental.
31:57Il faut que le jeune qui vend de la drogue ait l'interdiction de paraître sur et autour de son point de deal.
32:06Fondamentale, cette notion de territoire.
32:09Il faut que le délinquant qui trafique puisse être expulsé de son logement.
32:15Il n'a plus rien à faire, y compris dans les logements sociaux. Plus rien à faire.
32:20Il faut que le commerçant qui est véreux et qui blanchit subisse, là encore, la fermeture de son commerce.
32:28Et il faut que le voyou qui roule en grosse cylindrée puisse, là encore, s'expliquer sur le financement de son véhicule.
32:35Quatrième et avant-dernier point, assainir des zones de non-droit.
32:41Prononcer des interdictions de paraître sur les points de deal, je viens d'en parler.
32:46Permettre l'expulsion de leur logement des délinquants qui trafiquent et les couper des aides sociales.
32:52Je veux féliciter le préfet de police, puisqu'on généralisera, il n'y a pas besoin de la loi pour le faire.
32:59Je vous en parlerai des enquêtes à 360 degrés.
33:01Comment est-il concevable qu'une famille connue pour ses antécédents,
33:088 ou 9 membres, puisse avoir chaque mois, non pas 9 000 euros comme je l'ai annoncé dans un média hier, mais 15 000 euros d'aides sociales ?
33:19Est-ce que ce n'est pas choquant ? Bien sûr.
33:23Et lutter contre la livraison à domicile en créant une procédure de demande de retrait par Pharos,
33:28plateforme que vous connaissez bien et qui fonctionne bien,
33:31des sites promouvant la vente de produits stupéfiants.
33:35Parce qu'aujourd'hui, au moment où je vous parle, on pourrait les uns avec les autres, avec un grand écran,
33:40vous montrer comment on trouve les prix, les moyens de se procurer les drogues, etc.
33:49Et enfin, lutter contre la corruption.
33:52C'est un immense chantier, corruption qui touche la sphère publique, qui touche aussi les sphères privées,
34:00notamment en organisant une procédure sur la criminalité organisée spécifique qui permettrait d'arranger la garde à vue.
34:09En tout cas, pour les enquêteurs, ce serait précieux, jusqu'à 96 heures.
34:13De même que, dès le début de l'enquête, on devrait pouvoir éloigner des agents publics du lieu où ils travaillent lorsqu'ils sont suspectés de corruption.
34:24Pour terminer, ce que je veux vous dire, c'est que ce vecteur législatif n'épuise pas toute la lutte contre cette pieuvre.
34:36Il faudra, bien entendu, d'autres mesures.
34:39Il faudra des mesures d'investigation.
34:41Nous allons renforcer la filière d'investigation, les enquêteurs, de façon numérique, mais aussi qualitative.
34:49Le renseignement, autant en termes de terrorisme.
34:53Moi, j'ai connu le temps où on avait des services de terrorisme qui ne se parlaient pas, qui coopéraient mal, dans les années, il y a une dizaine d'années.
35:01Aujourd'hui, sur la criminalité organisée, on doit beaucoup, beaucoup mieux organiser nos instruments, nos outils de renseignement.
35:11Il faudra détruire, briser les écosystèmes économiques.
35:15Quand je vous parle des enquêtes à 360 degrés, c'est interministériel.
35:19Ça concerne, évidemment, la justice.
35:22Ça concerne une réponse policière, gendarmerie.
35:25Ça concerne les douanes.
35:26Ça concerne le fisc.
35:27Ça concerne le social, etc.
35:30Pour que, dans des quartiers, sur des zones, on puisse avoir une enquête en profondeur à 360 degrés.
35:38C'est évident.
35:40Et je présenterai, dans quelques semaines, un plan antistupéfiant qui devra tirer des leçons de tout ce que j'ai pu vous dire.
35:48Pour terminer, c'est une cause nationale.
35:53Si j'ai souvent utilisé le parallèle avec les terrorismes, ce n'est pas seulement par souci de pédagogie.
36:01Je pense que la menace existentielle, c'est la même chose.
36:04On a plus de victimes, d'ailleurs, entre nous, chaque année qui passe, en matière de criminalité organisée.
36:10Mais on voit bien que la conquête de territoires, c'est la même logique.
36:13La conquête des esprits, c'est jeune, souvent déstructuré.
36:18Le contrôle des esprits, c'est fondamental.
36:22Et par conséquent, on doit élever cette cause à une cause nationale.
36:26C'est un combat national qui prendra des années.
36:29Avec Didier Migaud, nous ne sommes pas venus vous dire que parce qu'on fait une conférence de presse aujourd'hui,
36:34parce qu'on va, demain, voter une loi, après-demain, la pieuvre périra.
36:41Il faudra des années.
36:43C'est le combat, vraisemblablement, de 10, 15 ans ou 20 ans.
36:47Mais lorsqu'il y a une volonté politique, ce combat, on peut le gagner.
36:52L'exemple de l'Italie.
36:54D'autres, nous le gagnerons.
36:57Mais il sera difficile et il devra engager l'ensemble des forces de l'État.
37:02L'ensemble des forces de l'État.
37:04Il ne faut pas méconnaître ces difficultés.
37:06Et je terminerai en disant qu'on a besoin, quand on engage un combat de cette sorte-là, qu'on gagnera, bien sûr, d'unité nationale.
37:17Combat national, cause nationale, unité nationale.
37:21Et je suis très heureux, moi, qu'il y ait un texte de loi qui soit porté par la droite et par la gauche.
37:27Et je suis certain, le Sénat c'est un peu plus facile, il y a une majorité, à l'Assemblée il n'y en a pas,
37:33mais je suis certain qu'à l'Assemblée, ce texte de loi trouvera aussi une très large majorité,
37:39la majorité de tous les députés, tous les parlementaires,
37:43toutes celles et ceux qui ont chevillé au corps le sens de l'intérêt général et de l'intérêt supérieur de la nation.
37:50Merci de votre attention.

Recommandations