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Une proposition législative veut reporter le Règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) de 6 mois. Un règlement qui vise à lutter contre les produits issus de la déforestation en demandant aux entreprises plus de transparence. Dû aux pressions économiques et politiques, la Commission européenne prévoit de le décaler d'un an. Julie Stoll, déléguée générale du collectif Commerce Équitable France et Boris Patentreger, directeur France de Mighty Earth décryptent ce report.

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Transcription
00:00La déforestation, c'est un enjeu européen. On en parle tout de suite avec Julie Stoll. Bonjour.
00:11Bonjour.
00:12Bienvenue. Vous êtes déléguée générale du collectif Commerce équitable France. Et puis, on est également en duplex avec Boris Pattenreger,
00:19directeur France de Mighty Earth. Bonjour. Et bienvenue à vous. Présentation rapide de vos organisations, ce collectif Commerce équitable.
00:29C'est quoi ? On est le collectif des entreprises et des associations françaises qui œuvrent pour un commerce équitable à la fois dans le monde,
00:37sur les filières qu'on connaît, le cacao, le café, la banane, etc., mais aussi dans les filières françaises. Et l'idée, c'est d'organiser les filières économiques
00:46avec des règles commerciales entre les différents maillons de la chaîne de manière à ce que tout le monde vive dignement de son travail et aussi que
00:53chaque maillon puisse faire son travail, investir dans la transition écologique. C'est devenu un des piliers forts du commerce équitable inscrit dans la loi française
01:01sur le commerce équitable. Et donc, notre collectif a vocation à défendre et promouvoir le commerce équitable dans ses différentes dimensions.
01:07Mais des labels, il y en a beaucoup ? Des labels de commerce équitable, il y en a 7. D'accord. On s'y perd un peu parfois. Alors, des labels de durabilité,
01:15il y en a 20 000. Donc, 7 labels de commerce équitable, c'est OK ? Ça va. C'est OK. On est bien. Alors, je veux bien que vous me présentiez aussi Mighty Earth,
01:22Boris Patten-Roger. Oui, bonjour. Donc, Mighty Earth, c'est une ONG de protection de l'environnement et en particulier des forêts. Donc, on lutte contre la déforestation,
01:32principalement liée à la déforestation aux boeufs et aux soja, qui ont lieu notamment en Amérique du Sud et qui participent à cette déforestation,
01:41notamment de l'Amazonie. Et donc, on sensibilise les entreprises. On fait des actions, des rapports où on montre en fait la déforestation récente
01:49que l'on retrouve dans la chaîne d'approvisionnement. Et on est aussi impliqués sur les questions de déforestation portées au niveau européen
01:55et au niveau français. Et alors, on est réunis pour parler des conséquences d'une nouvelle qui n'est pas une bonne nouvelle, le report par l'UE
02:03de l'entrée en vigueur de ce règlement de lutte contre la déforestation. On peut peut-être essayer d'expliquer, je dis le seul, ce qu'on perd ou ce qu'on retarde.
02:11Que prévoit ce règlement ? Alors, c'est la première loi internationale qui dit sur notre territoire, on ne veut plus consommer de produits qui ont participé
02:21à la déforestation. Et la loi dit également que c'est aux entreprises qui mettent ces produits sur le marché de le prouver. Et donc, ça concerne le café,
02:30le cacao, l'huile de palme, le bœuf, le cuir, le soja et le caoutchouc. Et ce sont des filières qui, un, participent généralement énormément à la déforestation,
02:41le bassin de l'Amazonie, le bassin du Congo, les forêts du Golfe de Guinée, etc. Et qui sont extrêmement opaques. Donc, pour pouvoir prouver que ces filières-là,
02:52que ces produits ne sont finalement pas issus de la déforestation, ça entraîne des changements très importants. Parce qu'on passe de filières très opaques à des filières où on demande
03:00toute la transparence. Donc, ce report...
03:03Ça explique le report ?
03:04Le report, il est dû, je pense, à la fois à des pressions politiques, économiques, de dire « Ah, ça nous embête ». Mais à la fois aussi à des difficultés qui sont réelles.
03:17Donc, c'est un peu difficile, aujourd'hui, de tirer le bilan définitif. Est-ce que c'est un enterrement de deuxième classe ou est-ce que c'est, au contraire, l'opportunité
03:26de travailler dans des meilleures conditions ? Nous, on va tout faire pour que ce soit la deuxième option.
03:29Oui. Vous avez décidé de faire de ce report une opportunité, si je comprends bien. Qui sont les premières victimes de cette déforestation, Boris Patten-Régé ?
03:38Alors, il faut savoir qu'on a accueilli, l'an dernier, un collectif d'Autochtones, notamment les Autochtones du Brésil, avec l'APIB, qui sont venus en France et en Europe
03:48pour pouvoir dire « Cette réglementation est importante pour nous. Elle va nous permettre de protéger nos forêts qui sont menacées par ces matières premières,
03:58le soja, l'huile de pâme, le bois, etc., le bœuf. » Et donc, en fait, les principales victimes, ce sont les populations autochtones qui sont aussi les plus grands défenseurs
04:07des forêts. Elles ont été mises à l'honneur lors de la COP en Colombie. Et donc, voilà. Envoyer un signal, en fait, que cette réglementation ne sera pas mise en place
04:16à court terme, c'est, chaque mois, rajouter la déforestation d'à peu près la ville de Paris qui impacte donc, bien évidemment, ces populations.
04:24Le report du RDUE joue à notre titre sur les enjeux. C'est évidemment le sigle européen pour ce règlement de lutte contre la déforestation.
04:34— Si on fait un zoom sur les petits producteurs de café, de cacao, Julie Stoll, je me mets à la place d'un producteur local. Ils en ont entendu parler de ce règlement.
04:47Ils en espèrent quelque chose. Vous voyez ce que je veux dire ? Ou alors, ça leur passe très très loin.
04:50— D'abord, je voudrais revenir sur les victimes de la déforestation. On est tous victimes de la déforestation, parce que la déforestation, ça participe à l'accélération
04:57du réchauffement climatique. Ça freine nos capacités d'adaptation. Et c'est un facteur d'effondrement de la biodiversité. Et donc on sait aujourd'hui que tout ça,
05:05ça participe au dérèglement de nos climats et du système de la biosphère dont on dépend. Donc on est tous concernés. C'est aussi pour ça que c'est intéressant
05:15de regarder ces questions de commerce international, de ces matières premières, parce qu'effectivement, ça nuit aux populations autochtones
05:21qui vivent dans les forêts, qui protègent les forêts. Mais ça nuit aussi à notre... On n'a qu'à voir aujourd'hui les inondations en Espagne. Voilà.
05:30Les conséquences du dérèglement climatique, elles impactent absolument tout le monde. Maintenant, pour revenir aux petits producteurs de café et de cacao,
05:36c'est vrai que... Bon, par rapport au soja, par exemple, qui est une matière première qui est issue en général de très grandes entreprises qui ont les moyens
05:44de stopper leur activité ou de la faire autrement. Pour les producteurs de café et de cacao, on parle de millions de familles paysannes qui ont entre 2 et 4 hectares
05:54et qui vivent en général avec moins de 2 dollars par jour. Donc les défis à surmonter pour transformer leur système de production et pour pouvoir apporter
06:05la preuve de la non-déforestation à travers des dispositifs de traçabilité très complexes, ça a un coût et ça demande plus d'équité dans le commerce.
06:14Ça demande que ces petits producteurs puissent s'organiser dans des coopératives robustes qui vont organiser ces systèmes de traçabilité et qui vont aider aussi
06:23à l'adaptation des modes de production pour stopper les fronts pionniers qui entraînent cette déforestation. Et donc pour ça, il faut pouvoir investir.
06:30Et pour pouvoir investir, il faut qu'ils captent une meilleure partie de la valeur ajoutée sur ces filières-là qui sont des filières extrêmement inéquitables
06:37et qui sont un frein justement à l'adaptation et à la mise en conformité avec ces exigences.
06:42Boris Patente-Régé, un peu la même question sur l'attente, sur ce règlement et on ne va pas l'enterrer. Il y a certainement un levier, je vous entendais dire ça tout à l'heure,
06:55à activer pour le rendre peut-être même plus efficace. Qu'est-ce qu'ils en attendent, ces producteurs ?
07:01Alors c'est intéressant parce qu'il y a en effet les petits producteurs et il y a un enjeu en effet concernant ces petits producteurs.
07:06Mais il faut savoir que le gros de la déforestation, c'est aussi des très gros producteurs, comme ça a été dit, des producteurs de soja qui sont de très gros producteurs.
07:14C'est aussi des secteurs qui sont déjà prêts. En fait, le secteur de l'huile de palme, par exemple, qui a été sur le devant de la scène durant les années 2010,
07:21est désormais prêt à mettre en place ce type de règlement. Il y a des entreprises qui sont déjà transparentes, il y a des entreprises au niveau français et européen
07:31qui sont également prêtes, qui font de la traçabilité. Donc voilà, les secteurs sont globalement prêts.
07:37Ce règlement, qu'il faut rappeler, va être voté au niveau du Parlement le 13 novembre. Donc en fait, le 13 novembre, le report va être discuté,
07:47mais aussi la possibilité d'intégrer des amendements qui risquent de menacer l'ensemble du texte et potentiellement réouvrir tout le texte et repartir de zéro,
07:54ce qui serait une catastrophe, bien évidemment, pour les forêts du monde. Et donc voilà, ce qu'il faut se dire, c'est que les entreprises sont globalement prêtes.
08:00Et ce qu'il faut voir, en fait, avec ce règlement, c'est que c'est un signal. C'est un signal qui est envoyé au pays producteur que le marché le plus exigeant,
08:07donc l'Union européenne, ne souhaite plus de déforestation. Et par ailleurs, il faut aussi se rendre compte que ce règlement, c'est une opportunité pour les producteurs français
08:16et européens qui, eux, ne participent pas à la déforestation. Et donc, en fait, décaler ce règlement, c'est vraiment se tirer une balle dans le pied aussi au niveau européen,
08:28parce qu'en fait, c'est une protection également pour les producteurs français. Je pense notamment aux producteurs de bœuf français qui ne participent pas à la déforestation
08:35et qui, grâce à ce règlement, vont pouvoir finalement avoir un avantage par rapport aux producteurs de bœuf, notamment brésiliens, qui, eux, participent à la déforestation.
08:46– Julie Stoll, la demande des consommateurs, elle est stable ? Comment elle évolue ? Parce qu'on a vu que sur le bio, il y avait eu une période difficile avec l'inflation.
08:55Qu'est-ce qu'il en est pour justement ces labels de commerce équitable ?
08:59– Alors, le commerce équitable, il a continué à être en croissance l'année dernière. Alors, une croissance modeste de à peu près 2%.
09:07Sur les filières françaises, on est au-delà, on est à presque 6% de croissance. Donc, il n'y a pas de désamour des consommateurs pour le commerce équitable.
09:15Je pense qu'il y a une demande sociétale générale pour plus d'équité dans l'économie en général et à travers les modes de consommation quand c'est possible.
09:24– Et alors, avec qui vous bataillez là ? Avec quels lobbies vous bataillez au niveau européen pour finalement faire en sorte que ce règlement rentre en vigueur
09:34et soit peut-être un peu plus exigeant ?
09:37– On est dans des coalitions collectives, y compris avec Mighty Earth, des coalitions d'organisation de la société civile
09:44qui luttent pour des relations économiques qui préservent la biosphère et qui préservent notamment les forêts.
09:50– Et en face de vous ?
09:51– En face de nous, c'est difficile parce qu'en fait, on a cette loi qui est la même loi et qui s'applique de la même manière
09:59pour des secteurs qui sont finalement très différents. Et donc, les leviers d'action ne vont pas du tout être les mêmes.
10:03On parlait du soja qui est issu de très grandes entreprises avec des très gros capitaux qui participent aussi à l'éviction des familles paysannes.
10:12Et puis, on parle aussi du café et du cacao où là, on est face à plusieurs millions de familles de petits producteurs sur des très petites parcelles.
10:20Et les leviers ne sont pas les mêmes et les motivations ne sont pas les mêmes.
10:24On n'a pas du gain d'un côté et puis on a la lutte contre la pauvreté de l'autre.
10:28Donc ça, c'est quelque chose sur lequel on est même… Je ne sais même pas s'il faut parler de lobby.
10:36On a besoin de travailler à des leviers inclusifs pour s'assurer que les petits producteurs vont pouvoir rentrer dans des dispositifs de traçabilité.
10:45Et c'est là où je différais un tout petit peu. Pour moi, les secteurs du café et du cacao, ils se sont activés beaucoup, mais ils ne sont pas prêts.
10:52C'est vrai qu'ils ne sont pas prêts, mais il y a des choses à faire pour qu'ils le soient.
10:56On va rester sur cette note un peu plus optimiste.
10:59Merci beaucoup. Merci à tous les deux d'avoir participé à ce débat.
11:02Je vous dis à bientôt sur BeSmart 4chan.
11:04C'est l'heure de notre rubrique Startup, tout de suite.

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