Dans Tout Public du jeudi 7 novembre 2024, le sociologue Éric Fassin décortique la victoire de Trump et la défaite du parti démocrate.
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00:00Et dans tout public, Frédéric Carbone, le jour d'après cette élection de Donald Trump
00:04aux Etats-Unis.
00:05La question du genre au cœur de la campagne est peut-être aussi, Frédéric, du vote
00:09des Américains.
00:10Absolument, avec cette impression d'une répétition de l'histoire, huit ans après
00:132016.
00:14Déjà, les grossièretés sexistes de Donald Trump ne l'avaient pas empêché de battre
00:18Hillary Clinton.
00:19Et là, le ton ouvertement masculiniste de sa campagne ne l'a pas empêché non plus
00:24d'être élu face à Kamala Harris, d'être même le premier républicain depuis 20 ans
00:28à remporter le vote populaire.
00:29Bonjour Éric Fassin, vous êtes sociologue, la question du genre est un objet d'étude
00:34pour vous depuis longtemps, vous connaissez parfaitement la société américaine puisque
00:38vous avez enseigné aux Etats-Unis.
00:39Je disais, Éric Fassin n'a pas empêché, mais ne faudrait-il pas dire, a permis à
00:43Donald Trump de gagner cette tonalité-là.
00:45Effectivement, on avait déjà constaté en 2016 que, par exemple, les révélations
00:51sur les propos les plus sexistes de Donald Trump, d'attraper les femmes par leur sexe
00:56pour le dire poliment, eh bien, loin de faire baisser dans son électorat Trump, ce que
01:02beaucoup d'experts attendaient, eh bien, ça l'a fait monter.
01:05Et là, pareil, la même chose.
01:09Exactement, et il le revendique, il l'explicite, c'est-à-dire que dans ses discours de campagne,
01:15il dit « mes conseillers me disent de ne pas dire toutes ces choses-là, eh bien, je
01:18vais vous les dire ». Autrement dit, le fait de tenir des discours sexistes mais aussi
01:23racistes, bien sûr, des discours xénophobes, c'est une manière de faire campagne.
01:29Ce ne sont pas des dérapages.
01:31Au fond, c'est pour ça que les gens votent pour Trump.
01:35Et c'est pour ça aussi qu'il y a un tel abattement dans une partie de la population.
01:40On se souvient, en 2016, il y avait eu d'immenses manifestations pour la cause des femmes après
01:44l'élection de Donald Trump.
01:45Et hier, par exemple, Farida Noir, notre reporter, a rencontré Mona à Washington, au réveil,
01:51après le vote.
01:52Une grande tristesse, le cœur brisé, de la peur.
01:58Je suis triste que tant de personnes aient réélu un homme qui veut fondamentalement
02:02priver de droits de nombreuses personnes.
02:04Et le sentiment avec lequel je me réveille, c'est que l'Amérique déteste plus une femme
02:09qu'un homme agresseur sexuel.
02:10C'est ce que je ressens.
02:11J'ai vu beaucoup de femmes abattues ce matin, et des hommes qui les importunaient, dans
02:15la rue, tout fiers, qui se sentent tout puissants à cause de cette élection.
02:19Et ça me brise le cœur encore plus.
02:21Je suis juste détruite, triste, très émue.
02:27On l'entend, Eric Fassin, on est au-delà d'une forme de déception politique, à une
02:30souffrance intime, impression de mur d'incompréhension pour ces femmes-là.
02:36Il y a eu une sorte de renversement par rapport aux attentes.
02:40Lorsqu'il y a eu la décision de la Cour suprême des Etats-Unis, DOPS, qui en finissait avec
02:44un droit fédéral à l'avortement, eh bien, on a vu une forte mobilisation des femmes
02:51aux Etats-Unis.
02:52Autrement dit, ça a été une mauvaise affaire pour les Républicains de perdre ce droit
02:57à l'avortement.
02:58Ça s'est traduit aux élections intermédiaires de 2022.
03:01Effectivement, les femmes ont pesé dans le sens de faire élire des démocrates pour
03:07espérer rétablir le droit à l'avortement.
03:10Mais bien sûr, il y a aussi toutes les insultes sexistes, etc.
03:13Or, là, qu'est-ce qui se passe ? C'est qu'en fait, les femmes ne se sont pas tant
03:18que ça mobilisées.
03:19Pour quelles raisons ?
03:20Alors, ce qu'on peut constater d'abord, et je crois que c'est quelque chose qui
03:23n'a pas été assez souligné, c'est que la grande différence avec 2020, c'est-à-dire
03:29avec Biden contre Trump, c'est qu'en 2020, il y a beaucoup plus de gens qui ont voté.
03:34Oui, taux de participation bien inférieur, là.
03:37Et combien de personnes ont disparu du côté de Trump ? Parce que Trump a apparemment moins
03:42de voix aujourd'hui qu'il y a quatre ans, peut-être un million.
03:46Mais combien du côté de Kamala Harris ? Eh bien, ça peut être 13 ou 14 millions.
03:52Autrement dit, il y a eu un effondrement du vote démocrate.
03:56Ce n'est pas seulement les femmes, c'est que les gens qui ont voté, c'est toujours
04:01les mêmes du côté de Trump, mais de moins en moins du côté démocrate.
04:05Et ça, ça ne joue pas seulement sur les femmes, ça joue aussi, par exemple, du côté
04:09des Hispaniques.
04:10Les Hispaniques qui ont voté en particulier du côté des hommes, eh bien, ce sont des
04:14hommes qui ont voté presque à égalité entre Trump et Harris.
04:19Justement, puisque vous parlez de ça, Eric Fassin, évoquons la question de l'intersectionnalité.
04:24C'est un mot qui peut être vague, mais si je le résume, vous m'arrêtez si je ne résume
04:28pas bien, c'est pour les minorités qui ont des droits à faire progresser, les causes
04:33peuvent être communes.
04:34Là, qu'est-ce qu'on constate ? On constate qu'effectivement, jamais autant de Latinos
04:37n'ont voté pour Donald Trump, jamais autant d'Africains et Américains n'ont voté
04:42pour Donald Trump.
04:43Et vous le disiez, les femmes avaient plus voté Biden que Kamala Harris.
04:47La raison probable, parce qu'on n'a pas tous les éléments pour en juger, mais la
04:52raison probable, c'est tout simplement que beaucoup de gens ne sont pas allés voter.
04:55Autrement dit, les gens se mobilisent bien pour Trump grâce à son discours masculiniste,
05:02grâce à son discours raciste.
05:04Et en revanche, ils ne se mobilisent pas beaucoup pour Kamala Harris.
05:09Parce que le discours est trop « faible », parce qu'elle n'insiste pas assez là-dessus
05:15ou parce qu'elle en fait trop ?
05:16Bien entendu, on est dans l'interprétation et donc je spécule un peu.
05:23Mais ce qui me paraît clair, c'est que pour ce qui la concerne, elle a misé sur
05:30la question de l'avortement.
05:31Autrement dit, elle a misé sur la question du genre.
05:33Et qu'est-ce qu'on voit ? On voit un « gender gap », c'est-à-dire un écart
05:35entre les sexes dans le vote, qui finalement est plutôt moindre que dans l'élection présidentielle précédente.
05:41Autour de 10%, 55-45, quelque chose cet ordre-là.
05:43Et ce qui est intéressant, c'est qu'apparemment, il y a un équilibre, c'est-à-dire combien
05:48de femmes votent pour elle, combien d'hommes votent pour lui.
05:52Sauf que normalement, il y a plus de femmes que d'hommes, premièrement, et deuxièmement,
05:57les femmes votent plus que les hommes.
05:59Donc comment on arrive à ce résultat ? Eh bien, ça veut dire que les femmes se sont
06:02moins mobilisées que les hommes.
06:03Donc il y a eu un vote masculiniste, qui était en partie et en particulier un vote d'hommes,
06:08mais il y a eu aussi un vote masculiniste de femmes, de femmes républicaines, parce
06:12qu'au fond, les femmes blanches, puisque c'est une sous-catégorie, elles ont voté
06:18pour Trump.
06:19Si on parle des jeunes, parce que je crois que c'est assez passionnant également, je
06:22cite de mémoire, mais je crois que les jeunes, en gros 18-28 ans aux États-Unis, 30% de
06:29plus votent Trump là, par rapport à il y a 4 ans.
06:32Sur ce discours-là, la jeunesse, cette jeunesse-là, sans mot, la jeunesse elle est diverse, mais
06:38ses propos parlent aussi aux jeunes.
06:40Je ferai l'hypothèse, puisque malgré tout, l'écart reste favorable aux démocrates,
06:45largement favorable.
06:47C'est même la catégorie d'âge où l'avantage est grand pour les démocrates.
06:53Mais je ferai l'hypothèse que c'est tout simplement que beaucoup de jeunes ne sont
06:55pas allés voter.
06:56Je vais prendre un exemple.
06:57Trois États qui sont des États solidement démocrates.
07:01L'État de New York, la Californie, l'Illinois, dans ces trois États, Trump fait à peu près
07:07la même chose qu'il y a 4 ans.
07:09Sauf que, par exemple à New York, Kamala Harris perd un million de voix par rapport
07:15à Joe Biden.
07:16En Californie, beaucoup plus encore.
07:18Donc, en fait, ce qu'on voit, c'est que, comme toujours, on sous-estime la question
07:24de l'abstention.
07:25Le problème, ce n'est pas seulement qui, Trump, arrive à mobiliser, mais qui, Kamala
07:30Harris, n'arrive pas à mobiliser.
07:31Ce n'est pas un jeu à somme nulle où les gens passeraient d'un côté ou de l'autre.
07:35Il y a tous les gens qui ne vont plus voter.
07:36Et c'est là que ça se joue.
07:37Pour ma part, j'avais écrit en 2016, après l'élection, un texte qui s'appelait « C'est
07:43l'abstention imbécile », c'est-à-dire un écho de « C'est l'économie stupide ».
07:48Eh bien, je crois qu'on sous-estime toujours et on voit très peu les chiffres sur les
07:52taux de participation, alors que c'est la clé de la défaite majeure des démocrates.
07:57Eric Fassin, Hillary Clinton, battue par Donald Trump en 2016, Kamala Harris, battue largement
08:03par Donald Trump en 2024, est-ce que ça veut dire que chez les démocrates, on va se dire
08:08une candidate femme allée avec son présidential, on va attendre un peu ?
08:11Je ne sais pas quelles conclusions les démocrates vont en tirer, mais un des enjeux, c'est
08:14de savoir est-ce que les démocrates devraient se positionner davantage à gauche ? C'est
08:18ça la bataille qui va se jouer.
08:19Parce qu'au fond, pourquoi y a-t-il une désaffection pour les démocrates ? Eh bien, c'est parce
08:24que les démocrates, ça apparaît un peu comme un parti pour qui le monde va bien,
08:30et le monde va bien parce que le néolibéralisme, finalement, c'est pas mal.
08:33Manifestement, le néolibéralisme, c'est pas une si bonne affaire pour beaucoup de
08:37gens aux Etats-Unis, comme en France d'ailleurs, et donc ça démobilise des gens.
08:42Autrement dit, face à une radicalité, un populisme, Trump, il faudrait une radicalité,
08:47un populisme de gauche.
08:48C'est l'équation, c'est la question qui est posée.
08:51On appelle aujourd'hui radicalité le fait d'être pour plus d'égalité.
08:54Je crois que Naguère, c'était être modéré.
08:58Donc en fait, je pense que ce qui se passe aux Etats-Unis, c'est le rappel qu'on a
09:02oublié que des politiques d'égalité, ça devait être désirable, et que c'était
09:08un objectif.
09:09Pas simplement de remédier au fait que la vie est difficile pour des gens, non, plus
09:13d'égalité.
09:14Et plus d'égalité, ça se joue dans tous les domaines, c'est-à-dire c'est entre
09:17les sexes, mais c'est aussi entre les gens selon leurs origines ou leurs couleurs de
09:21peau, mais c'est aussi en termes de classe.
09:23Donc c'est en ce sens-là qu'on peut parler, comme vous l'avez fait à juste titre, d'intersectionnalité.
09:28Donc là, c'est moins de droit qui a gagné, et peut-être plus d'égalité un autre jour.
09:31C'est un désir d'inégalité, parce que le vote Trump est un vote de ressentiment,
09:36la preuve.
09:37Il y a une jouissance dans toutes ces insultes qui sont proférées contre une partie de
09:40la population.
09:41De ressentiment, mais d'adhésion aussi à Trump, on s'en rend compte au fil des ans.
09:44Merci infiniment, Eric Fassin, d'être passé par le studio.
09:48Arrêtons-nous à présent sur une figure féminine majeure en France, qui a traversé
09:52un siècle de luttes, de combats, de résistances, c'est Madeleine Riffaut, évidemment décédée
09:56à l'âge de 100 ans, poète aussi, elle avait choisi le nom de Rainer dans La Résistance,
10:01hommage à Rilke.
10:02Et celui qui lui rend hommage, c'est l'écrivain Jean-David Morvan, co-auteur de la BD Madeleine
10:07Résistante.
10:08Et ce que lui a d'abord demandé Lucie Barbarin, c'est ce qui lui était venu spontanément
10:12à l'esprit en apprenant cette disparition.
10:15Que je ne la verrais plus ?
10:17J'ai passé 7 ans avec elle, j'habitais chez elle quasi 2 ou 3 jours par semaine,
10:23puisque moi je ne suis pas de Paris, elle habitait dans le Marais à Paris.
10:25C'était un de mes meilleurs potes, je ne pensais pas avoir un meilleur pote de 45 ans
10:31de différence d'âge, et qui avait vécu tant de choses, et qui avait tant de choses
10:34à m'apprendre, c'était magnifique.
10:36Qu'est-ce qui forçait le plus votre admiration chez elle ? Qu'est-ce que vous admiriez le plus ?
10:42Chez Madeleine, c'est sa capacité de résistance.
10:45La série s'appelle Madeleine Résistante, mais ce n'est pas juste parce qu'elle était
10:48dans la résistance, c'est parce que c'est son caractère premier.
10:50C'est-à-dire cette capacité, moi je l'ai vécu à dire non en premier lieu, à se révolter
10:55tout de suite.
10:56Quand je l'ai appelée pour lui demander si elle voulait faire de la bande dessinée,
10:58elle m'a dit « n'importe quoi, on m'aura mise à toutes les sauces ».
11:01Et puis finalement, elle a accepté, c'était un changement de vie incroyable.
11:07Je pense que je ne rencontrerai jamais plus quelqu'un comme ça.
11:11Vous entendez, je suis encore amoureux d'elle, mais c'est vraiment…
11:14C'est stupide à dire, c'est paradoxal, mais elle nous aurait entendus puisqu'elle
11:18écoutait France Info toute la journée.
11:20Une auditrice fidèle à l'heure de France Info.
11:24Exactement, elle savait en plus, elle disait « moi je l'écoute aussi le soir », parce
11:27que le soir, les journalistes ils disent des trucs qu'ils n'osent pas dire dans
11:30la journée parce que leur rédacteur, il ne les écoute pas forcément.
11:33La ministre de la Culture lui a rendu hommage, Rachida Dati, en saluant la mémoire de cette
11:37héroïne au courage admirable et exemplaire.
11:40Elle avait reçu la Légion d'honneur en 2001, est-ce que d'après vous, elle mérite
11:43un hommage peut-être national ?
11:45Je suis content qu'elle dise ça, parce qu'on lui a demandé pour l'affaire Chevalier
11:50des Arts des Lettres et on n'a jamais eu de réponse.
11:52Mais c'est sûr que Tom Cruise, c'est sans doute plus intéressant.
11:54On vous sent contrarié ?
11:58Non, mais c'est un peu dommage à mon avis.
12:01Et donc un hommage de la nation ?
12:04Bah écoutez, ce sera à la nation de décider.
12:07Moi, je crois qu'elle mérite largement ça parce qu'elle a raconté une sorte de
12:10contre-histoire du roman national de la fin du XXe siècle et que c'est très intéressant
12:15de se plonger dedans.
12:16Vraiment.
12:17Et vous écrivez aussi dans ce petit texte hommage que vous avez co-écrit qu'elle
12:20était une femme exceptionnelle qui n'aimait pas beaucoup qu'on lui dise ce que vous
12:24lui avez dit.
12:25Beaucoup dit, trop dit.
12:26Jean-David Morvan ?
12:27Non, on ne lui a jamais trop dit, mais à chaque fois, elle levait sa petite épaule
12:30et elle faisait n'importe quoi.
12:32Donc, ce n'est pas moi l'héroïne, c'est mes copains qui sont morts.
12:35Voilà, l'hommage de Jean-David Morvan à Madeleine Riffaut, sa BD Madeleine Régistante
12:43que l'on trouve bien évidemment encore aujourd'hui dans 2 minutes sur France Info.
12:46Un autre grand de la BD tardie.
12:48Après le Fil info à 13h46 et c'est avec Marine Clete.
12:54La sécurité au cœur du discours d'Emmanuel Macron ce midi lors de la réunion de la
12:58Communauté Politique Européenne.
13:00« Nous n'avons pas à déléguer pour l'éternité notre sécurité aux Américains », a déclaré
13:05le président français.
13:06Une quarantaine de dirigeants de l'Union échangent en ce moment avec leurs voisins
13:10européens.
13:11L'homme suspecté d'avoir pris part à la fusillade à Poitiers est présenté à
13:14un juge d'instruction.
13:15Il peut être mis en examen notamment pour assassinat et trafic de stupéfiants.
13:19Le procureur précise que l'homme de 25 ans est déjà connu pour narcotrafic et
13:23violence.
13:24Lors de cette fusillade, un mineur de 15 ans a perdu la vie, quatre autres ont été
13:27blessés.
13:28L'ex-compagnon d'Iris Mittenaar, Miss France et Miss Univers 2016, a été condamnée
13:32à un an de prison, dont six mois avec sursis, pour violences conjugales, des coups et des
13:36menaces dans une soirée de septembre.
13:38L'homme sera six mois sous bracelet électronique.
13:40Bruno Pella avait déjà été condamné pour ce type de violences sur une autre compagne.
13:44Et puis elle a résonné lors des Jeux Olympiques cet été.
13:47La cloche Paris 2024 a été installée ce matin au cœur de la cathédrale Notre-Dame
13:52de Paris.
13:53Les athlètes champions olympiques allaient traditionnellement la faire sonner après
13:56leur titre.
13:5711 cloches ont été mises en place en tout, un mois avant la réouverture prévue du monument.
14:10C'est un retour qui marque aussi une disparition dans le monde de la BD.
14:14Revoilà donc Jacques Tardy, mais après Adèle Blansec, c'est son deuxième personnage
14:18emblématique, Nestor Burma, qu'il fait disparaître.
14:22Ultime volet de ses aventures, du Riffifi à Ménilmontant.
14:26Et ça tombe bien parce qu'il joue à domicile, Tardy, dans ce 20e arrondissement Augustin-Rivée
14:30où vous l'avez rencontré.
14:31Oui, alors la principale différence avec Adèle Blansec, c'est qu'Adèle, c'est
14:35lui qui l'avait créée.
14:36Il a bien d'ailleurs précisé à la fin du tome 10 qu'il ne souhaitait pas qu'elle
14:39soit reprise par un autre.
14:40Alors que Nestor Burma, c'est un romancier qu'il a imaginé.
14:44Léo Mallet, disparu depuis presque 30 ans, Tardy a adapté quatre de ses romans.
14:49Et il avait même du vivant de Léo Mallet, déjà inventé une histoire à lui, ça s'appelait
14:53Une gueule de bois en plomb.
14:54Ce qui lui a permis d'obtenir de l'auteur l'autorisation de s'approprier vraiment
14:58le personnage.
14:59Donc, on rappelle Nestor Burma, c'est un détective privé, très cynique, qui évolue
15:04dans le Paris des années 50.
15:05Chaque histoire se passe dans un arrondissement différent.
15:08Il se trouve que Léo Mallet ne s'était jamais penché sur le 20e, la même où vit
15:12le dessinateur et où je l'ai rencontré dans son atelier plein de documentations.
15:16Il raconte là une histoire de règlement de compte qui décime les dirigeants d'un
15:19labo pharmaceutique dont on va découvrir les coulisses.
15:23Il est question de tests scientifiques sur les animaux.
15:25Bref, je lui ai demandé s'il se rappelait de sa rencontre avec Léo Mallet.
15:29Ça remonte au début des années 80.
15:31Je ne sais plus exactement comment ça s'est passé, mais on s'est rencontrés par hasard
15:35dans une librairie.
15:37Le libraire m'a dit c'est monsieur Léo Mallet, etc.
15:41J'avais lu un seul roman, donc je n'étais pas un connaisseur de l'œuvre de Léo.
15:47Bon, et puis on a discuté comme ça, on a dû échanger nos numéros de téléphone et
15:52tout. Mais on n'a jamais vraiment parlé bande dessinée parce que je crois que ça
15:56ne l'intéressait pas beaucoup.
15:57Je crois que ce n'était pas son problème.
15:59Il disait la bande dessinée, c'est vous, moi, les romans.
16:02Bon, vous êtes libre, vous faites ce que vous voulez.
16:04Voilà nos conversations au niveau du dessin, du graphisme, tout ça, nous n'en avions
16:09pas. A part ça, vous avez une relation assez distendue avec cette série Nestor Burma.
16:13On va dire que la périodicité est aléatoire.
16:16Qu'est ce qui fait qu'on y revient là? Pourquoi est ce que vous vouliez y revenir?
16:20J'ai commencé il y a très, très, très longtemps ce récit actuel et je l'ai abandonné
16:25aussi. Et il n'y a pas très longtemps, il y a un an ou deux, j'ai retrouvé les toutes
16:28premières planches et je me suis dit que c'était dommage de les laisser comme ça,
16:33zoné dans un tiroir.
16:35Donc, voilà, je me suis calé sur les premières planches.
16:38Il y a un Père Noël qui passe dans le fond.
16:41Je pensais plutôt l'utiliser dans les grands magasins.
16:44Voyez les Pères Noël qu'en photographie, avec des enfants sur les genoux, etc.
16:48Bon, c'est parti dans une autre direction.
16:51Bon, donc, c'est pas les Pères Noël dans les grands magasins.
16:53Finalement, ça parle de souffrance animale, d'expérimentation, des laboratoires
16:57pharmaceutiques. C'est ce que vous vouliez traiter pour cet album?
17:01Oui, bon, l'expérimentation animale, la souffrance animale, etc.
17:06Les abattoirs, on a tous vu ces images monstrueuses de bœufs pendus et ventrés,
17:13gigotants, etc., c'est à dire à peine étourdis et tout.
17:17C'est absolument révoltant.
17:20Bon, on a vu aussi ces cages remplies de singes, de lapins, etc., dans des
17:27laboratoires attendant.
17:29En plus de ça, je ne sais si ces expérimentations aboutissent vraiment à
17:36quoi que ce soit.
17:37Et bon, au-delà de cette cause et de ce message là, il y avait quand même une
17:39forme de récréation, j'imagine, avec cet album qui était de montrer votre
17:42quartier.
17:43Oui, j'aime arpenter Paris.
17:46Oui, oui, c'est un plaisir.
17:48À ça s'ajoute le fait qu'habitant dans le 20e arrondissement, c'était bien
17:52pratique. Je n'avais pas à traverser Paris pour aller faire mes repérages.
17:55Reconstituer le 20e, le point de départ de tout ça, c'est ce film.
18:03Tenez, Pierre vient de me téléphoner.
18:04Je lui ai dit que j'attendais le fric.
18:05Purifié chez les hommes.
18:07De Jules Dassin.
18:08Oui.
18:10Et ce film se termine là, à 20 mètres de l'endroit où nous sommes
18:15actuellement. Il y a un figurant qui évite la voiture.
18:18J'ai mis Nestor Burma dans ce rôle.
18:21Burma qui passe là et qui assiste à ça.
18:24Donc, pour moi, c'est un véritable plaisir de reconstituer ça.
18:29C'était comme ça. C'était pas autrement.
18:31Il y avait un bistrot là, il a disparu.
18:33Bon, de la même façon, pas très loin, il y a un cinéma qui m'a posé problème
18:42parce qu'actuellement, c'est un supermarché.
18:45La façade n'a pas bougé, mais je n'avais pas la typo du truc.
18:50J'ai mis un temps fou et c'est un copain qui m'a refilé des photos du
18:55Menil Palace.
18:56Voyez, vous pourriez travailler aux archives départementales.
19:01Paris, ça vous plaît toujours?
19:03J'y habite, si j'habitais Clermont-Ferrand, mes histoires se
19:06dérouleraient à Clermont-Ferrand.
19:08Il faut garder quand même une petite liberté d'action.
19:12Il ne s'agit pas de dessiner frénétiquement les rues de Paris.
19:16Ça serait même à la limite.
19:17Ou alors, aller faire de la peinture à l'huile, installer son chevalet.
19:20Voilà, c'est autre chose.
19:22Merci.
19:23Du riz fifi à Menil-Montant, vous l'avez compris.
19:26Jacques Tardy, dernier épisode des aventures de Nestor Burma, inventé par
19:32Léo Mallet, publié chez Casterman.
19:34Et visiblement, Frédéric, le cinéma de genre se porte très bien en France.
19:38Et il s'incarne souvent par des femmes réalisatrices.
19:40Nouvelle preuve avec The Substance, film hollywoodien en casting 5 étoiles.
19:46Films d'horreur sont donc sortis hier, après avoir été Matteo Maestraci
19:50présenté à Cannes, où il avait secoué la critique et les spectateurs.
19:58Commençons par le début, à savoir l'histoire du film.
20:01C'est celle d'Elizabeth Sparkle, une actrice américaine qui a été
20:04une star, mais dont l'étoile a fini par palir sur Hollywood Boulevard.
20:08Ce qui est d'ailleurs représenté en image dans un prologue génial.
20:11Notre vedette, incarnée par Demi Moore pour le côté méta de l'affaire,
20:15s'est reconvertie en présentatrice télé d'une émission de fitness
20:19ringarde à souhait.
20:20Elle apprend, pile le jour de ses 50 ans, qu'elle est virée et reçoit au
20:24même moment une étrange proposition, acquérir The Substance.
20:28Un procédé lui permettant de se dédoubler dans une version plus jeune,
20:32plus belle, plus énergique d'elle-même.
20:34Grâce à une modification de son ADN, Coralie Fargeat n'a pas eu à chercher
20:38bien loin son inspiration première.
20:41Point de départ, je pense que ça a été ma manière de vivre, d'habiter
20:45ce monde en tant que femme et la manière dont j'ai de me sentir au
20:50cours de toute ma vie, à tous les âges différents et sur le regard
20:55que j'ai pu avoir sur mon corps, sur mon apparence.
20:57Et à quel point ce qui nous environne peut forger notre propre
21:03estime de nous-mêmes et l'envie de balancer un bon coup de pied dans
21:07la forme linéaire de tout ça.
21:08Et en fait, quand on y pense, c'est vrai, c'est malheureusement, je pense,
21:13une extrême violence encore dans plein de domaines différents qui,
21:19voilà, ça bat encore sur les femmes et quelque part, la violence du
21:24film d'horreur est là.
21:25Ouais, une expression assez forte pour parler de ça.
21:34Et l'histoire et le film lui-même, Mathéo, vont totalement vriller
21:40au premier grain de sable dans cette belle machine.
21:42En effet, les deux versions d'Elisabeth, la vraie et sa doublure sous,
21:46jouée par Margaret Qualley, doivent alterner toutes les semaines.
21:49Mais la plus jeune, ambitieuse, qui va récupérer la présentation de la
21:52fameuse émission de télé, veut prolonger ce temps et le plaisir au
21:56point de gripper le système et de provoquer des dérapages génétiques
22:00qui finissent dans un bain de sang insensé, sans trop en dévoiler.
22:03On voit même apparaître une créature difforme, digne des meilleurs
22:06films de série Z.
22:08Et c'est justement ce qui enchante les amoureux du film et du genre dont
22:12je fais partie et dégoûte ses contemplateurs, un jusqu'au boutisme
22:15dans le soi-disant mauvais goût et le gore assumé, ironique et
22:19totalement jouissif qui convoque de nombreuses références, sans
22:23l'ironier, ni avoir peur des monstres qu'ont Ali Farja.
22:26Moi, pour moi, le genre, c'est vraiment cette liberté-là de ne pas
22:31se prendre au sérieux et ce qui permet de pouvoir pousser tous les
22:33curseurs sans avoir à se soucier ni du réalisme, ni parfois du
22:38bon goût, en effet.
22:40Et je pense, ça, c'est ma vision personnelle du genre et ce qui
22:44m'a fait aimer le genre, c'est que le genre flirte toujours avec le
22:47grotesque. Il y a comme ça toujours une sorte de surenchère et une
22:52ligne assez fine sur laquelle on navigue comme un funambule.
22:56Et moi, je pense qu'il ne faut pas avoir peur de la titiller pour
23:00avoir justement cette décharge de sincérité qui nous fait sortir
23:08d'un réalisme, d'un quotidien et qui permet d'explorer des choses
23:12qu'on ne vivrait pas dans notre vraie vie.
23:14Donc, ce prix est attribué à un film osé un peu fou, le film de
23:25Cornelius Farja.
23:26Ce Substance est en tout cas reparti de la croisette avec le prix
23:29du scénario, une belle exposition.
23:31Et d'ailleurs, avant sa sortie en France, il a bien marché ailleurs,
23:34à l'étranger, avec 44 millions de dollars de recettes dans le monde
23:38pour un budget estimé à 17 millions.
23:41Let's go !
23:42Let's go ! A vous, à présent, de vous faire une idée d'aller frissonner
23:45devant The Substance de Coralie Farja.
23:48Frédéric Carbone, tout public revient demain, vous serez au Sable d'Olonne ?
23:51Absolument, le départ du Vendée Globe, culture mère, il y a tant de choses
23:54à dire et on célébrera le fait que les champs marins sont désormais
23:58inscrits au patrimoine mondial de l'humanité.
24:00Ben oui, j'en apprends des choses.
24:01On en entendra sans doute s'imaginer demain.
24:04Vous imaginez bien.
24:04A demain Frédéric !
24:05A demain !