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Jeudi 7 novembre 2024, SMART IMPACT reçoit Pierre Hornych (Directeur de laboratoire, Université Gustave-Eiffel) et Pierre Delaigue (Directeur des projets de mobilité autonome, connectée et électrique, Vinci Autoroutes)

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00:00Recharger les poids lourds électriques sur autoroute, par induction ou par rail conductif, c'est l'innovation que l'on va découvrir tout de suite dans le débat de ce Smart Impact avec Pierre Delègue.
00:17Bonjour.
00:17Bonjour.
00:18Bienvenue. Vous êtes directeur des projets de mobilité autonome, connecté et électrique chez Vinci Autoroute. Pierre Ornige, bonjour.
00:24Bonjour.
00:24Bienvenue à vous aussi, directeur de laboratoire à l'université. Gustave Eiffel, on va peut-être commencer par le constat, le défi à relever, Pierre Delègue, le secteur des transports, c'est à peu près un tiers des émissions de gaz à effet de serre.
00:39L'essentiel vient de la route. Ça veut dire quoi ? C'est-à-dire qu'encore aujourd'hui, l'immense majorité des marchandises est transportée par la route. On peut commencer par faire ce constat ?
00:47C'est ça. L'immense majorité des émissions du secteur des transports, c'est la route. Et ça s'explique assez simplement parce qu'à peu près 85% des personnes et des biens en France sont transportés par la route.
00:57Donc, c'est assez logique. Et si on regarde le secteur du transport routier de marchandises, rien qu'à lui seul, il est responsable de 7% des émissions nationales. Donc, c'est ce problème auquel on s'attaque par notre projet.
01:07Oui. Donc, c'est une émission importante et donc un levier important d'économie potentielle. On l'a bien compris. Vous allez donc expérimenter une nouvelle technologie sur un tronçon de l'autoroute A10.
01:18On va commencer par peut-être décrire un peu le système, Pierre Orniche. Alors il y a 2 technologies que vous testez, si j'ai bien compris. L'induction, les rails conductifs, c'est 2 choses un peu différentes.
01:29Il y a des développements sur 2 technologies. La technologie par induction. Donc, ce sont des bobines qui sont installées dans la chaussée, une bobine émettrice dans la chaussée, une bobine réseptrice dans le poids lourd. Et donc, le chargement se fait sans contact par induction comme dans les appareils qu'on recharge par induction.
01:45Et la 2e technologie, c'est une technologie par rails conductifs qui sont placés en surface de la chaussée. Donc, le courant arrive dans les rails et il y a des collecteurs qui sont sous le camion et qui vont collecter le courant sur le rail.
01:59Donc, il y a une technologie sans contact enfouie sous la surface de la chaussée et l'autre technologie qui est en surface avec des avantages et des inconvénients différents. Donc, Vinci a souhaité évaluer les 2. Et dans le monde, les gens travaillent sur ces 2 technologies.
02:20Et donc, sur l'autoroute A10, les travaux ont commencé d'ailleurs. Vous en êtes où ?
02:23Les travaux démarrent la semaine prochaine. On démarre les travaux la semaine prochaine et les premiers roulages avec des véhicules au printemps 2025.
02:29Et donc, avec les 2 technologies, il y aura les 2 tests en parallèle ?
02:32On va commencer par l'induction. On a encore des essais préalables à faire pour la technologie par conduction. Mais l'induction, c'est ce timing-là, printemps 2025 pour les roulages.
02:41Et donc, on peut recharger des poids lourds. C'est ça quand même le défi assez génial dans lequel vous vous lancez. Vous l'avez testé sur le site de votre université ?
02:51Non. Alors, la partie recharge, c'est la société qui développe Electrion qui se charge de tester la partie recharge des véhicules. Et nous, on a testé l'intégration dans la chaussée.
03:02Vous imaginez que si on place ces systèmes sur l'autoroute sous la couche de roulement, ça peut modifier le comportement et la durabilité de la chaussée.
03:12Et donc, il fallait absolument, avant de déployer un démonstrateur sur autoroute, vérifier son comportement à échelle réelle. Et c'est ce qu'on a fait chez nous à Nantes par des essais sur ce qu'on appelle un simulateur de trafic.
03:27Alors, c'est quoi ? C'est un grand cercle d'autoroutes sur lequel vous avez fait rouler des camions ? Je veux bien essayer de comprendre, d'écrire ce que vous avez testé.
03:37C'est un grand équipement qu'on appelle le manège de fatigue. Donc, en fait, c'est une machine qui a une motorisation au centre et 4 bras qu'on peut équiper de roues de poids lourd.
03:47Et ces 4 bras vont circuler sur la chaussée et appliquer un trafic de charge de poids lourd parce que ce qui endommage les chaussées, ce sont uniquement les charges de poids lourd qui va simuler le trafic de l'autoroute.
04:01Et donc, on va pouvoir suivre le comportement de ces systèmes installés dans la chaussée sous un trafic accéléré. Et en 2 mois d'essai, on a pu reproduire le trafic qui va franchir ces bobines sur l'autoroute A10 pour vérifier qu'il n'y a pas de risque de dégradation.
04:21Bon, c'était évidemment une étape indispensable avant de vous lancer. Ça représente quel investissement et pourquoi vous faites cet investissement ?
04:29Je commence par le pourquoi. Pourquoi tout l'enjeu de ces technologies, c'est de réduire la quantité de batterie embarquée dans les véhicules.
04:35Donc, pour les impératifs de décarbonation, évidemment qu'il faut faire du véhicule électrique. Et tous les constructeurs sont partis sur des véhicules électriques à batterie.
04:43Il n'y a pas de remise en cause de ça. Mais l'inconvénient de ces véhicules, c'est les grosses batteries des poids lourds qui concentrent un certain nombre des inconvénients.
04:51Une grosse batterie, c'est lourd. Donc, le véhicule consomme plus. Ça fait que le véhicule est plus cher. Un poids lourd électrique aujourd'hui, c'est 3 fois le prix d'un poids lourd diesel.
04:59Des autonomies plus limitées, des temps d'immobilisation pour les charger.
05:03Donc, si on reste à ce premier constat, on n'y va pas, très clairement.
05:09On n'a pas le choix.
05:10Si ça coûte 3 fois plus cher de créer le camion, que c'est beaucoup plus long à recharger, etc.
05:17L'Europe impose des contraintes aux constructeurs de poids lourds et de véhicules légers. Donc, il faut partir sur les véhicules électriques à batterie.
05:25Il n'y a pas le choix dans les toutes prochaines années.
05:27Par contre, il faut aussi explorer – c'est ce qu'on fait dans notre projet – des solutions qui font encore mieux.
05:33Et donc, la route électrique, c'est la possibilité de réduire la quantité de batteries embarquées.
05:37Donc, de réduire proportionnellement tous ces inconvénients.
05:39Donc, c'est une technologie complémentaire dans le temps.
05:42Ce n'est pas pour tout de suite.
05:43Donc, tout de suite, il faut faire du véhicule électrique à batterie.
05:46Mais dans un deuxième temps, on pourrait encore améliorer ce bilan-là, le bilan environnemental et opérationnel pour les transporteurs, avec des systèmes qui se rechargent en roulant.
05:54Je n'élude pas votre question sur le coût.
05:56Le coût, on est de l'ordre de quelques millions d'euros du kilomètre pour deux sens de circulation.
06:02Ça, pour vous donner un ordre de comparaison, c'est à peu près un quart du coût de l'infrastructure autoroutière.
06:10C'est à peu près cet ordre de grandeur.
06:12Ce qui est intéressant de noter aussi pour le coût, c'est que le coût complet, c'est-à-dire infrastructure plus véhicules, est plus avantageux dans le cadre de la route électrique
06:21que dans le cas de véhicules de poids lourd avec des grosses batteries qui se rechargent sur des bandes statiques.
06:25Donc, certes, l'infrastructure est plus chère que des bandes statiques.
06:28Par contre, côté véhicules, vu qu'on réduit de beaucoup la quantité de batterie embarquée, finalement, on réduit de beaucoup le coût du véhicule.
06:34– Quand vous dites on réduit de beaucoup, c'est dans quelle proportion ?
06:38– Facteur 2 à 3. – C'est un peu trop tôt pour le dire ?
06:39– Facteur 2 à 3. – Facteur 2 à 3.
06:41Donc, c'est effectivement un facteur important.
06:42Je posais la question de l'avenir des poids lourds électriques, Pierre Horniche.
06:45Est-ce que sans un tel système, l'un ou l'autre d'ailleurs, est-ce qu'on peut douter de l'avenir des poids lourds électriques ?
06:52– Là, je ne sais pas parce que les batteries évoluent aussi très rapidement.
06:57Par contre, ce qui est sûr, c'est qu'il y a un bénéfice en termes de poids et de puissance de batterie de l'ordre de 3 à 4
07:05quand on fait un poids lourd qui se recharge par la chaussée.
07:08Donc, l'idée, c'est que sur l'autoroute, ils puissent se recharger
07:11et qu'ensuite, ils conservent une autonomie de l'ordre de 200, 250 km
07:16pour pouvoir aller à son point de livraison depuis l'autoroute.
07:21Donc, on gagne 3 à 4 sur la taille des batteries.
07:26Et je pense qu'au niveau global, il y a une économie de matériaux aussi qui est considérable.
07:32Donc, il n'y a pas que le coût, mais il y a la consommation de matériaux rares pour les batteries
07:37qui est aussi un facteur important.
07:39Et l'impact environnemental aussi d'aller chercher ces ressources en matériaux.
07:45Donc, je pense que c'est quand même une solution…
07:50Alors, il faut pouvoir la valider, la déployer, mais c'est une solution qui a du sens.
07:54– Et alors, ça veut dire quoi ?
07:57Imaginons le système 100, cette innovation sur laquelle vous travaillez.
08:01Pour recharger les batteries de poids lourd, ça suppose quoi ?
08:05Ça suppose des points de recharge beaucoup plus importants,
08:10des temps de recharge également très importants, c'est ça ?
08:12– Oui, le modèle qui va être déployé très prochainement, dans les prochaines années.
08:16On a déjà aujourd'hui des infrastructures de recharge sur les aires de service de l'autoroute
08:21et d'ailleurs bientôt sur les aires de repos également pour les véhicules légers.
08:24On va faire pareil pour les poids lourds très prochainement.
08:26Donc, ce sont des puissances plus élevées.
08:28Et pour les transporteurs, ce sont de la recharge rapide lors de la pause méridienne.
08:33Le conducteur s'arrête pour faire une pause tous les 4h30
08:36et puis c'est de la recharge plus lente lors de la nuit, lorsqu'il se repose la nuit.
08:41Donc, c'est ça le modèle qui va être déployé sur les toutes prochaines années
08:44qui pourrait être complété par de la route électrique
08:47pour compléter et puis améliorer encore le taux d'électrification du parc de Pôle Haut-Roland.
08:53– Est-ce que vous travaillez aussi sur d'autres techniques, par exemple l'hydrogène ?
08:57On a souvent reçu des représentants du secteur hydrogène qui disent
09:01que l'avenir du transport routier lourd, c'est l'hydrogène et pas l'électrique.
09:07– Oui, il y aura je pense à terme…
09:09– Ça va cohabiter ?
09:10– Ça va cohabiter.
09:11On va passer d'une solution d'énergie unique, qu'est le diesel pour les poids lourds,
09:15à un mix d'énergie possible, dont l'hydrogène.
09:19L'hydrogène ne représentera pas, à mon avis, la majeure partie du mix.
09:22Ça représentera une petite fraction.
09:25L'hydrogène se heurte à la disponibilité de l'hydrogène décarboné.
09:29Évidemment que l'hydrogène soit décarboné.
09:31Et donc il y a de la concurrence sur l'hydrogène vert avec d'autres industries,
09:34des industries lourdes comme les aciéries, les cimenteries, les engrais, etc.
09:38Et puis sur le coût.
09:40Le coût, une pile à combustible, c'est un élément cher.
09:43Donc il y a certains obstacles à l'hydrogène.
09:46Mais il y aura, dans le mix roulant en 2030, une cote-parte de poids lourd à l'hydrogène.
09:51Quel défi avez-vous dû relever pour prouver l'efficacité de cette technologie ?
10:00La question qui se posait, c'était la bonne intégration de ces éléments dans la chaussée.
10:07Il y a deux choses.
10:08Il y a de choisir des matériaux.
10:10Les bobines d'induction, ce sont des bobinages de câbles de cuivre.
10:14Il faut un matériau qui protège ces bobines
10:17et qui soit compatible avec la construction d'une chaussée.
10:20C'est-à-dire qui va résister au compactage, à l'installation dans la chaussée.
10:24Et après, il faut assurer le collage des bobines avec les couches de chaussée.
10:29En gros, si on n'a pas de collage,
10:31les couches minces qui se retrouvent au-dessus, qui font à peu près 10 cm,
10:35vont se dégrader beaucoup plus rapidement.
10:37Donc il faut assurer le collage entre les bobines et la chaussée.
10:41Il y a des études en laboratoire qui ont été faites pour choisir des matériaux.
10:45On avait trois solutions de matériaux de bobines et trois solutions de collage.
10:50Ensuite, on a comparé ces solutions dans nos essais sur le manège de fatigue.
10:55Il s'avère qu'il y a deux solutions qui se sont mieux comportées que les autres.
11:00C'était celle dont on pensait, après les essais de laboratoire,
11:03qu'elles étaient les meilleures.
11:06C'était plutôt encourageant parce qu'on était allé dans la bonne direction.
11:13On a comparé le comportement de ces sections avec le comportement d'une section de chaussée normale,
11:20sans bobines, et on a pu voir que le comportement restait très proche.
11:26Après, ce sont des essais à court terme.
11:29Ce qui fera foi, ce sont des essais beaucoup plus longs sur l'autoroute.
11:35C'est l'usage réel sur l'autoroute.
11:38Aujourd'hui, de ce qu'on a pu tester, on est confiants que ça pourra être déployé,
11:44que ça pourra bien se comporter sous trafic.
11:47Avec cette innovation, Pierre Delay, vous avez été lauréat d'un appel à projet de BPI France,
11:52financement de l'État dans le cadre de France 2030.
11:55L'idée, c'est de convaincre les pouvoirs publics d'investir massivement à vos côtés.
12:00Est-ce que c'est seulement à une entreprise privée de se lancer dans un projet comme celui-là ?
12:04Non. Nous, on répond à une feuille de route qui a été définie par le ministère des Transports en 2021.
12:09Il y a eu des études en 2021 sur les meilleures solutions technologiques pour décarboner les poids lourds.
12:14Ces études ont revu l'hydrogène, le biodiesel, le biogaz et la route électrique.
12:20Les conclusions de ces rapports du ministère des Transports sont que la route électrique est théoriquement la solution la plus efficace.
12:28Suite à ça, l'État, via BPI, via les investissements de France 2030, a lancé un appel à projet pour lequel on a été sélectionnés.
12:38Nous, on répond à cette feuille de route de l'État.
12:42Je rappelle son ambition, c'est une feuille de route très ambitieuse.
12:45Le ministère des Transports propose un déploiement de 9000 km de route électrique équipée sur le réseau autoroutier en France à l'horizon 2035.
12:54Nos projets vont pouvoir démontrer la faisabilité technique et économique avant un potentiel déploiement à l'échelle à l'horizon 2035.
13:03Merci beaucoup. Merci à tous les deux et à bientôt sur BeSmart for Change.
13:07On passe à notre rubrique Start-up tout de suite.

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