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L’ancien président de la République François Hollande était l’invité de “Face à Duhamel” ce lundi soir pour évoquer l’élection présidentielle américaine et la vie politique française, notamment à gauche

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Transcription
00:00François Hollande qui est avec nous, avec un livre, le défi de gouverner, la gauche et le pouvoir de la faire dreyfus jusqu'à nos jours, c'est aux éditions Perrin.
00:08On va débattre de ce livre, de la gauche, de l'avenir de la gauche, du vôtre aussi, avec Alain Duhamel. Bonsoir Alain Duhamel.
00:14Bonsoir.
00:15Entre ce face-à-duel, juste avant de vous parler des élections américaines, juste après ce débat, on retournera aux Etats-Unis.
00:22Commençons par l'actualité immédiate, on est à J-1 de ce scrutin, ô combien important bien sûr pour les Américains, mais pour le monde et pour l'Europe.
00:30Alain Duhamel, c'est le choix entre Kamala Harris et Donald Trump. Prenons l'hypothèse de l'élection de Donald Trump. Est-ce que c'est un danger pour la France ?
00:36Bon, alors je dirais d'abord d'un mot que moi ce qui me frappe dans cette campagne que je suis évidemment comme tout le monde de près, c'est à quel point ça ressemble moins à une élection présidentielle qu'à un plébiscite pour ou contre Trump.
00:50Et que c'est vraiment ce qui écrase le reste. Ensuite, le degré de grossièreté, d'invective, de violence est quand même assez consternant, d'autant plus qu'on appartient à la même partie du monde.
01:05Bon, pour le reste en ce qui concerne la France, évidemment, selon que c'est Kamala Harris ou que c'est Donald Trump, les risques ne seront pas du tout comparables.
01:15Il y a des risques de toute façon, mais Kamala Harris, elle serait protectionniste comme l'a été Biden. Elle serait pro-temps comme l'a été Biden.
01:28Elle serait très pro-israélienne comme l'a été Biden. Et disons qu'on ne serait pas au centre de ses intérêts internationaux, mais on aurait des relations cordiales comme avec Biden.
01:40Si c'est Trump, c'est évidemment tout à fait différent. C'est tout à fait différent parce que d'abord, il a une théorie personnelle du chaos.
01:49Il considère qu'avec lui, brusquement, l'univers doit s'organiser autrement. Et pour ne prendre qu'un exemple, ce qu'il propose explicitement s'il l'emporte en matière de droits commerciaux internationaux,
02:05on sait déjà que c'est créateur de crise instantanée, puisqu'il propose d'augmenter tous les droits de 20% et s'il s'agit de la Chine, de 60%.
02:16Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'immédiatement, il y a une crise supplémentaire. Bon, et on sait que sur l'OTAN, il n'est pas de parole,
02:24puisque lui-même laisse créer un soupçon, une inquiétude, alors qu'une alliance, ça doit reposer sur de la confiance.
02:34Et c'est difficile d'avoir de la confiance dans ces cas-là. Disons que le risque Trump est gigantesque.
02:41Alors, même question. C'est un danger pour la France, Trump ?
02:45Jamais une élection présidentielle américaine n'aura eu autant de conséquences ou pourrait avoir autant de conséquences sur la France, sur l'Europe et sur le monde.
02:55Il y a eu des élections qui ont eu des effets. Quand Nixon gagne, ça a eu un effet sur ce qu'a été la guerre au Vietnam.
03:04Mais ensuite, là, avec Trump, ce n'est pas simplement la répétition de ce que nous avons connu dans le premier mandat, si tant est qu'il y ait un deuxième mandat.
03:14Là, il y aurait, comme l'a dit Alain Duhamel, une augmentation immédiate des droits de douane, donc un protectionnisme comme jamais on l'a connu,
03:22dont les Européens, pas simplement les Chinois, seraient les victimes.
03:25Donc, en termes d'activité économique, on peut prévoir que si c'est Trump qui gagne, il y aura une augmentation du chômage et une croissance plus faible,
03:36et même une inflation peut-être plus forte, parce qu'il y aura un déficit budgétaire américain très important, sans doute une politique monétaire qui l'accompagnera,
03:45parce qu'il faut bien financer le déficit américain. Et donc, là, il y a des conséquences économiques.
03:50Deuxième conséquence, la guerre en Ukraine, elle s'arrêtera sans doute si Trump gagne, mais au bénéfice de Poutine. Poutine aura gagné.
03:58Et si Poutine gagne, il ne s'arrêtera pas, il ira un peu plus loin. Géorgie, c'est en train d'être fait, Moldavie, nous verrons bien,
04:06mais l'Arménie est déjà sous son contrôle, la Zimbabwe sous sa tutelle, bon voilà, Poutine avancera.
04:14Troisième conséquence, l'affrontement avec la Chine se produira, alors peut-être sur un domaine essentiellement commercial et économique,
04:22mais peut-être aussi sur un domaine militaire. Par ailleurs, il a quand même des comportements étranges.
04:27Le lien qu'il avait établi avec le président de la Corée du Nord, ça induira sûrement un relâchement de ce qu'est la solidarité atlantique.
04:38Donc pour toutes ces raisons, en tant que Français, nous devrions tout faire pour que Kamala Harris gagne, mais nous ne pouvons rien faire,
04:46si ce n'est peut-être déplorer. Et d'ailleurs, plus on intervient pour dire que ça doit être Kamala Harris, j'imagine que les Américains,
04:56ceux qui soutiennent Trump, doivent dire raison de plus pour voter Trump.
04:59Et vous comprenez le vote Trump ?
05:01Alors le vote Trump, il est, de ce point de vue-là, intéressant parce qu'il est anticipateur de ce qui peut se produire aussi en Europe,
05:09ce qui s'est déjà produit en Europe. C'est-à-dire, c'est le vote de personnes qui pensent qu'ils sont méprisés,
05:15qu'ils sont abandonnés par une élite américaine et qu'ils vivent une façon d'exister en famille qui est menacée par le wokisme.
05:27Donc, ce sont des gens qui veulent renverser le système.
05:31Ça peut paraître tout à fait contradictoire parce que Donald Trump est le système, un milliardaire qui a construit sa fortune sur l'immobilier, etc.
05:40Mais c'est ainsi. C'est-à-dire, tous ceux qui se sentent méprisés sont derrière Trump.
05:44Et plus on attaque Trump en disant « c'est un fasciste », ce qui, pour certains, n'est pas quand même complètement établi,
05:51mais pour d'autres, réellement, eh bien, ils se disent « puisque vous le méprisez aussi, nous sommes avec lui ».
05:56Et justement, ce qui se passe aux Etats-Unis, on a le coutume de dire que ça arrive en France quelques années plus tard.
06:01Est-ce que si Trump gagne, c'est l'arrivée en Europe d'une vague populiste qui renverra tout, même si elle est peut-être là déjà ?
06:09Trump est très typique, d'abord, de ce qu'on appelle l'illibéralisme.
06:15C'est-à-dire qu'il a un souverain mépris pour le droit, pour les libertés constitutionnelles.
06:23Et il est prêt, il l'a démontré d'ailleurs, quand il a refusé sa défaite, c'en était la démonstration la plus éclatante.
06:29Il est prêt à bousculer tout le système juridique.
06:33Ensuite, c'est un type de personnage, alors évidemment, lui, ce sont les autres au carré ou au cube,
06:42parce que sa personnalité est tellement explosive qu'elle se différencie les autres.
06:46Mais c'est un de ces personnages qui ont à la fois du charisme, des ambiguïtés, des contradictions énormes, un style invraisemblable,
06:55mais qui sont annonciatrices de quelque chose.
07:00Le fait qu'à un moment de l'histoire, on voit ce genre de personnage s'imposer à ce niveau-là,
07:06c'est-à-dire que peut-être que dans 48 heures, on nous dira « oui, c'est lui ».
07:11Ce genre de personnage, ça prouve à quel point on entre dans une période qui risque d'être une période de convulsion.
07:17Puis derrière ça, d'ailleurs François Hollande y faisait allusion, il y a une dimension proprement sociologique
07:24que j'appellerais de « déséquilibre sociologique ».
07:29C'est-à-dire qu'on a l'impression qu'il y a des pans entiers de la société, et ça c'est vrai aux États-Unis, mais c'est vrai en France,
07:36c'est vrai en ce moment en Allemagne, ça a été vrai en Italie, on en a des démonstrations en Europe sans arrêt.
07:43– Il y a eu le Brexit aussi en Bretagne.
07:45– De plus en plus, et où on voit des blocs de gens qui habituellement étaient plutôt de gauche sociologique,
07:53qui étaient avec une base populaire, et qui maintenant basculent vers ces formes de charisme vindicatif.
08:03Et ça, il faut bien dire que d'une part ça annonce probablement une période de convulsion,
08:09et d'autre part que malheureusement ça rappelle l'apparition de ce genre de personnages et des convulsions qui vont avec,
08:16et des transformations des votes complets, de votes populaires à leur bénéfice, ça rappelle aussi les années 30.
08:23– On peut faire cette comparaison-là ?
08:25– Oui, je pense qu'on ne peut pas comparer le mouvement,
08:28mais on peut comparer les tendances qui pouvaient valoir à une certaine période,
08:34c'est-à-dire des citoyens qui jusque-là avaient montré leur attachement à la République,
08:39et qui d'un seul coup basculent vers la revendication de l'autoritarisme,
08:44pas de l'autorité, l'autorité elle est légitime, de l'autoritarisme,
08:47c'est-à-dire des solutions d'ordre parce que le désordre devient insupportable.
08:51Ce qui est intéressant à relever, c'est que jusque-là la démocratie,
08:56c'était la confrontation de plusieurs rationalités,
09:00des arguments qui pouvaient être avancés pour des conclusions différentes,
09:06là la rationalité, notamment dans le camp de Trump, a disparu,
09:10il n'y a pas de théorie de Trump, c'est une forme d'émotion,
09:16ou d'expression, de passion, de délire, qu'il exprime lui-même avec force.
09:23Et que des gens qui jusque présent avaient été rationnels basculent,
09:29parce que pour faire 50%, même s'il n'y aura pas forcément ça en vote populaire,
09:33mais pour faire la moitié du peuple américain,
09:35ça veut dire qu'il n'y a pas que des gens qui sont dans le désarroi,
09:38dans le refus du système, qui votent Trump.
09:40Il y a le besoin d'aller chercher une solution extravagante,
09:44c'est ça qui est inquiétant.
09:46Les démocraties qu'on pensait extrêmement solides,
09:49la démocratie américaine...
09:50Donc c'est l'échec des gens raisonnables aussi.
09:52Ça veut dire que les gens raisonnables doivent se poser la question
09:55comment faire de la politique aujourd'hui.
09:56Mais monsieur le Président et Alain Duhamel, regardez les thèmes,
09:59on les retrouve ici, immigration, inflation, pouvoir d'achat,
10:04sécurité, insécurité, même si l'Amérique a d'autres paradigmes
10:08sur la sécurité et l'insécurité, mais c'est les mêmes thèmes
10:10que l'on a en France, et où les Français ont l'impression
10:13qu'on n'arrive pas à apporter de réponses concrètes.
10:15Que ce soit la gauche, la droite, vous en parlez d'ailleurs
10:17dans votre livre, François Hollande.
10:18Donc il faut apporter des réponses si on veut éviter
10:20que les populistes excessifs, justement, prennent la main.
10:24C'est pour ça que la question de savoir s'il y a en France
10:29des alternatives crédibles à ce qui pourrait s'apparenter
10:34de près ou de loin à un mouvement comme celui de Trump,
10:37c'est une question extrêmement actuelle,
10:39et c'est une question extrêmement concrète.
10:42Bon, en France, on a le rassemblement national
10:45qui avance et qui multiplie des gains,
10:52qui en plus se professionnalise, ce qui n'était pas du tout
10:56le cas il y a cinq ans.
10:57Quand on regarde la façon dont il se comporte à l'Assemblée
10:59aujourd'hui, on a l'impression qu'on a une armée de soldats
11:05de plomb qui sont infiniment plus disciplinés
11:08que n'importe quel autre groupe parlementaire.
11:10François Hollande peut certainement en témoigner.
11:14Même que tous les autres, que ceux de l'ex-majorité aussi.
11:20Ceux de l'ex-majorité passent leur temps,
11:22ils ressemblent à un jeu de micado.
11:23C'est-à-dire qu'on a l'impression que c'est l'assemblage
11:26de tout petits bâtons dont la chute de l'un entraîne tout.
11:37C'est aussi un refus du parlementarisme classique.
11:42On s'est dit il y a un an, au fond on va peut-être
11:45revenir au parlementarisme maintenant.
11:47Je ne suis pas sûr que la démonstration aujourd'hui
11:51soit absolument idéale sur les bienfaits du retour
11:54au parlementarisme.
11:55Le spectacle qu'on donne nous en France,
11:57avec cette France qui paraît ingouvernable.
11:59Est-ce qu'elle est d'ailleurs ingouvernable cette France
12:01jusqu'à la prochaine présidentielle ?
12:03Non, elle n'est pas ingouvernable, il y a un gouvernement.
12:06Il a théoriquement une majorité dans laquelle
12:10le rassemblement national est partie prenante.
12:13C'est en ce sens que ce n'est pas si simple
12:15pour le parti d'extrême droite de se retrouver soutenant
12:20un gouvernement qui est lui aussi appuyé principalement
12:25par l'ancienne majorité.
12:26Donc il y aura des contradictions qui vont se nouer
12:29à un moment ou à un autre.
12:30Mais pour rester sur le sujet de l'alternative,
12:32parce qu'il y a une extrême droite qui progresse partout
12:35en Europe, pas simplement aux Etats-Unis.
12:38Elle progresse sur les thèmes que vous avez évoqués,
12:40c'est-à-dire l'immigration et ce qu'elle peut générer
12:44comme difficultés, l'inflation même si elle a beaucoup baissé,
12:48mais c'est quand même un pouvoir d'achat qui s'est amputé
12:51ces derniers temps.
12:52La peur du déclassement.
12:53Et la peur de tout, d'une certaine façon.
12:55C'est la peur de tout.
12:56Et le rejet de tout.
12:57Et qui dit peur, dit le repli.
13:00C'est en ce sens que, je ne souhaite pas,
13:02mais si Trump devait l'emporter, c'est peut-être la pire nouvelle
13:06pour le Rassemblement national.
13:07Pourquoi ?
13:08Parce que ça voudrait dire, on va voir,
13:10compte tenu des conséquences que ça aurait y compris
13:12sur la situation de la France, c'est une forme de préfiguration.
13:18D'ailleurs, c'est pour ça que vous avez remarqué
13:20que Mme Le Pen ou ses amis sont extrêmement discrets
13:25sur ce qui se passe aux Etats-Unis.
13:27Contrairement à la dernière fois.
13:29À la dernière fois, elle s'était réjouie de la victoire de Trump.
13:32Donc c'est bien que ces solutions-là sont quand même dangereuses.
13:35Et donc le choix qui va se faire un moment ou un autre,
13:38c'est de dire, bon, est-ce que vous êtes pour le repli ?
13:41C'est une solution qui existe en Europe.
13:43Je pense que dans quelques années, la moitié des pays européens
13:46seront aujourd'hui sur la théorie du repli.
13:49Ou est-ce qu'il y a une force qui est capable d'émerger de cette situation ?
13:54Ça, ça dépend beaucoup de la France et de l'Allemagne.
13:56C'est pour ça que la stabilité de la France et la stabilité de l'Allemagne
13:59sont tout à fait décisives pour la suite.
14:01Est-ce que l'Europe-puissance, ça peut exister ou ça n'existe pas ?
14:04Si ça n'existe pas, les solutions de repli l'emporteront sur les solutions d'ouverture.
14:09Est-ce que c'est la gauche qui peut justement apporter une réponse différente ?
14:13Je dirais que ça n'est pas cette gauche-là.
14:15Ça met une gauche.
14:17C'est la gauche française ?
14:18Une gauche, une gauche.
14:20Bon, je veux dire, en France, il y a toujours eu besoin,
14:24il y a besoin, mais dans l'histoire, puisque votre livre porte sur l'histoire,
14:28dans l'histoire, il y a toujours eu une gauche réformiste.
14:32La gauche n'a jamais gouverné que quand c'est la gauche réformiste
14:36qui l'emportait sur la gauche, disons, de rupture,
14:39pour ne pas employer de mots polémiques.
14:42Si ça n'est pas la gauche réformiste qui l'emporte,
14:45la gauche ne gouverne pas.
14:47Ça, c'est la première des conditions.
14:48C'est-à-dire la gauche que peut incarner M. Hollande qui est face à vous ?
14:51Par exemple.
14:52La social-démocratie ?
14:53La social-démocratie, on peut appeler ça comme ça.
14:55C'est ça que vous l'appelez ?
14:56La gauche réformiste.
14:57La gauche réformiste aussi.
14:59Oui, mais si je n'ai pas employé le mot la social-démocratie,
15:01c'est parce que, classiquement, quand on parle de social-démocratie,
15:04on parle d'une alliance organique avec les syndicats.
15:07Et en France, il n'y a jamais eu ça.
15:09Les syndicats sont toujours restés à l'écart.
15:11Ce qui explique d'ailleurs, en bonne partie, en tout cas je le crois,
15:14pourquoi l'électorat populaire a pu se détacher aussi facilement du Parti socialiste.
15:19C'est qu'il n'y avait pas d'union organique avec les syndicats
15:23pour les arrimer à la gauche réformiste.
15:26Donc je disais, première chose,
15:28il faut que ce soit la gauche réformiste qui l'emporte.
15:32Deuxième chose, il faut que la gauche réformiste ait des idées.
15:35Bon, elle en a eu.
15:37Elle en a eu même assez souvent.
15:39Quelquefois, elles étaient bonnes.
15:40Quelquefois, elles étaient beaucoup moins bonnes.
15:42Mais aujourd'hui, les idées neuves de la gauche,
15:45il y a la France des insoumis.
15:47Bon, la France des insoumis fait des propositions
15:50que, personnellement, je trouve inapplicables,
15:52mais chacun a le droit de penser ce qu'il en veut.
15:55Mais la gauche réformiste n'est plus productrice d'idées.
16:00D'ailleurs, la preuve, c'est qu'elle a ratifié le programme
16:03que lui proposait Jean-Luc Mélenchon,
16:05même si, au fond, j'imagine que beaucoup d'éludes, vous le savez bien,
16:09ont des réserves.
16:10Ça, c'est la deuxième condition.
16:12Mais ça n'est pas suffisant.
16:14La troisième condition, et ça nous amène tout droit à François Hollande,
16:17la troisième condition, c'est qu'il ne faut pas simplement
16:21que la gauche réformiste soit plus forte que la gauche qui ne l'est pas.
16:24Il ne faut pas simplement que la gauche réformiste
16:26retrouve des idées, ce que, pour l'instant, elle ne fait pas.
16:29Il faut que la gauche réformiste s'incarne dans un leader.
16:32Parce que la gauche n'a jamais gagné
16:35que si elle avait un leader qui la personnifiait.
16:38Ça a été vrai depuis qu'elle existe.
16:40Bon, donc, le leader...
16:43Avant le leader, peut-être les idées ?
16:45Non, mais reprenons le fil dans l'histoire,
16:49et c'est le sens du livre que j'ai écrit.
16:52Il y a toujours eu deux gauches.
16:54Ce n'est pas une affaire récente, les deux gauches.
16:57C'est, finalement, dès l'origine, dès l'affaire Dreyfus,
17:00il y a deux gauches.
17:01Une gauche qui considère que...
17:02Même dès la Révolution.
17:03On peut dire même dans la Révolution.
17:05Mais dans la Révolution, ça ne se situait pas
17:07autour de la question sociale, notamment.
17:10Donc, il y a une gauche qui considère
17:12que la question sociale, c'est tout à fait décisif,
17:15mais qu'au-delà de la question sociale,
17:17il y a la liberté, il y a la nécessité
17:20de soutenir un capitaine juif innocent.
17:24Et puis, il y a une gauche qui considère
17:26que ça, c'est une affaire subalterne,
17:28que ce qui compte, c'est l'insurrection,
17:30c'est la défense du monde prolétaire, etc.
17:34Et puis, ça s'est ensuite figé
17:36dans le rapport PC-PS,
17:38qui a quand même structuré la vie politique française
17:41à l'âge d'un spécialiste jusqu'au milieu des années 80.
17:46Puis après, il y a eu d'autres formes
17:48de gauches radicales extrêmes.
17:51On se souvient quand même des résultats
17:53d'Arlette Laguillet ou de Besan Snow
17:56dans l'élection qui a fait perdre à Lionel Jospin
17:58la possibilité de devenir président de la République en 2002.
18:00Avec l'aide de Chevènement.
18:01Avec l'aide de Chevènement.
18:03Mais ça n'aurait pas suffi.
18:06Ensuite, ça s'est organisé autour du mouvement
18:10de Jean-Luc Mélenchon.
18:12Donc, il y a toujours eu de gauches.
18:14Mais comme Alain dit, il a raison.
18:16C'est la gauche radicale qui produit des idées.
18:18Ce n'est pas la gauche réformiste en ce moment.
18:20Non, je ne dis pas ça.
18:22Je dis qu'en ce moment,
18:24la gauche réformiste ne produit pas d'idées.
18:26Alors que dans le passé, elle a produit des idées.
18:28Pour qu'elle produise des idées,
18:30il faut encore qu'elle existe politiquement.
18:34Et donc, les partis,
18:36ça fait partie de l'espace démocratique.
18:40Et donc, la première condition que je pose,
18:43c'est qu'il convient que la gauche réformiste
18:45se donne, comme ça a été le cas dans le passé
18:47avec le Parti Socialiste,
18:49un grand parti.
18:50Un grand parti parce que c'est là que s'élaborent
18:52les idées, que se sélectionnent les candidats,
18:54que s'organise le débat public,
18:56que ce travail de...
18:58Il faut changer les têtes du Parti Socialiste.
19:00Il y a une étape qui est le congrès du Parti Socialiste.
19:03Et ensuite, il y a l'étape suivante.
19:05Qui est prévue par les statuts.
19:07Donc, qui est de droit.
19:09Mais je ne doute pas d'ailleurs qu'il aura lieu.
19:11Ensuite...
19:13Mais je veillerai à ce qu'il ait lieu.
19:15Vous voulez un congrès pour faire changer la direction ?
19:19Oui, mais pour faire partir l'idée de force.
19:21Si c'est simplement pour faire changer une direction,
19:22ça n'a pas beaucoup d'intérêt.
19:23C'est pour faire que cette force réémerge,
19:26s'élargisse.
19:27Il y a Raphaël Guzman, Cazeneuve, d'autres encore,
19:29qui peuvent la rejoindre.
19:31C'est pour réveiller la gauche réformiste.
19:33Et pour que la gauche réformiste soit la première en France,
19:36de manière à ce qu'elle puisse permettre l'alternative,
19:39c'est-à-dire l'accès au pouvoir.
19:41Oui, mais justement, Alain Duhamel disait
19:42qu'il y a les idées et il y a l'incarnation.
19:43Du coup, comme François Hollande est en face d'Ouest,
19:45est-ce que François Hollande est l'incarnation
19:47du futur de la gauche ?
19:49Ou du passé ?
19:50Alors, je vais répondre à peut-être Alain Duhamel.
19:53J'ai été cette incarnation.
19:55Parce que si j'ai gagné l'élection présidentielle en 2012,
19:59après des primaires qui n'étaient pas forcément
20:01le meilleur mode de sélection,
20:03c'est parce que j'ai été l'incarnation à un moment.
20:06Et l'incarnation, ça ne se proclame pas.
20:08À un moment, ça se forme autour d'une personnalité
20:12qui émerge.
20:13Elle émergera.
20:14Est-ce que vous voulez être cette personnalité ?
20:17Mais moi, je l'ai déjà été.
20:18Je ne veux pas donner l'impression que...
20:20Vous êtes trop devenu député.
20:22En dehors de moi, il n'y aurait pas de salut.
20:24Vous avez dit vous-même que vous veillerez
20:26à ce que vous personnalisez quand même.
20:28C'est presque que 2027 se passe de la meilleure des façons,
20:30c'est-à-dire avec une incarnation.
20:32Ce qui veut dire quoi ?
20:33Ce qui veut dire que ce grand parti socialiste
20:35qui doit émerger dans quelques mois,
20:37qui doit s'élargir, doit avoir un candidat
20:40ou une candidate à l'élection présidentielle.
20:42Il n'y a pas de candidat unique de la gauche
20:45et il ne peut pas y avoir une candidature LFI
20:47qui puisse permettre la victoire de la gauche.
20:50Il n'y a pas une candidature unique de la gauche
20:55et il n'y a de succès de la gauche
20:57dans une présidentielle que si c'est
20:59le candidat de gauche réformiste qui est en tête.
21:02Est-ce que c'est François Hollande, l'homme de la situation ?
21:04Écoutez, il y a plusieurs hypothèses.
21:06Pour l'instant, il n'y a personne.
21:07Je n'y peux rien.
21:08Mais à la tête du parti socialiste,
21:10dans l'état-major du parti socialiste...
21:11Il y a des noms.
21:12Raphaël Huxman qui a fait un bon résultat.
21:14Bernard Cazeneuve qui part en campagne.
21:16Vous m'écoutez mal parce que vous écoutez tellement
21:18et avec tellement de passion François Hollande
21:21que vous n'écoutez pas mes réponses.
21:23C'est de ma faute.
21:24Vous n'écoutez pas mes réponses.
21:27Je dis qu'il faut que les socialistes soient plus forts
21:31que ceux qui sont à la gauche de rupture.
21:34Il faut qu'il y ait une personnalité qui s'impose
21:36au parti socialiste.
21:38Bon, au parti socialiste,
21:40la seule personnalité que je connais,
21:42c'est François Hollande.
21:43Je veux dire qui existe au niveau national.
21:46Au niveau national...
21:47Vous avez cité Bernard Cazeneuve ?
21:48Bernard Cazeneuve et Raphaël Huxman
21:52qui sont deux personnalités tout à fait estimables
21:55avec du talent l'une et l'autre.
21:57Huxman a fait à mes yeux en tout cas
22:00la meilleure campagne pour les élections européennes
22:03et a obtenu un résultat étonnamment encourageant
22:06compte tenu de l'état de la gauche réformiste.
22:09Et Bernard Cazeneuve a démontré à vos côtés
22:13qu'il avait des qualités d'homme de gouvernement
22:15incontestables.
22:17Il aurait pu l'être et peut-être il pourrait le redevenir.
22:21Donc Hollande 2027 c'est possible.
22:23Alors ce que je pense c'est que
22:26il y a...
22:27Je ne vois pas de quatrième nom
22:29mais il y en aura peut-être.
22:30D'ailleurs s'il y a des gens nouveaux y compris des femmes
22:32parce que dans les noms en question il n'y a que des hommes.
22:35Donc ça serait bien qu'il y ait aussi une femme qui émerge.
22:37Ça s'est déjà produit quand même au parti socialiste.
22:40Ça n'a pas été idée.
22:41Mais non mais il y a eu Ségolène Royal.
22:43C'est ce que je dis.
22:44Mais à un moment il y a eu Martine Aubry aussi.
22:46Il y a un moment on a pensé que Martine Aubry
22:48devait être la présidentiable.
22:50Et ça aurait pu être.
22:51Bon il n'y a pas de raison que ça ne se retrouve pas maintenant
22:54avec d'autres femmes.
22:55Donc pour l'instant c'est François Hollande.
22:56Mais je dirais que pour l'instant
22:58ayant un niveau national susceptible
23:02d'entraîner quelque chose
23:04ils ne sont pas 150.
23:06Il y a au parti socialiste
23:08il y a François Hollande.
23:10Bon tel qu'il est devant nous.
23:12Et aux portes du parti socialiste
23:15il y a Glucksmann d'un côté
23:17qui n'est pas socialiste
23:19mais qui est social-démocrate, réformiste
23:22et qui pourrait très bien incarner la gauche réformiste.
23:25Et puis il y a Bernard Cazenave.
23:27Et François Ruffin ?
23:28François Ruffin c'est autre chose.
23:30Dans la dernière enquête
23:32sur qui incarne bien la gauche
23:34François Ruffin sort en tête.
23:36Moi la dernière fois que j'ai éclaté de rire
23:37en lisant un article politique
23:38en général ça ne fait pas éclater de rire
23:40les articles politiques
23:41c'est quand j'avais lu la déclaration de François Ruffin
23:44dans le Nouvel Observateur
23:46disant je suis un social-démocrate.
23:48Quand on se rappelle ce qu'il avait dit toute sa vie
23:50et ce qu'il avait écrit dans je ne sais combien de livres
23:52bon, ce n'est pas le cas.
23:54François Ruffin ce n'est pas lui qui va incarner la gauche réformiste.
23:57Mais il faut aussi convaincre le peuple de gauche
24:00ou les électeurs de gauche
24:02dans ce sondage effectivement
24:03le nom de Glucksmann, de Ruffin
24:05même Fabien Roussel est bien placé
24:07François Hollande vous arrivez derrière.
24:08Mais ça c'est une question de sympathie.
24:10Roussel, Jean-Luc Mélenchon et François Hollande.
24:12Mais il n'y a pas de victoire possible pour la gauche
24:16dans l'état où elle est aujourd'hui.
24:18Quand vous faites 35% mais tout bien pesé
24:22dans des élections européennes
24:24puisque c'est le dernier scrutin national
24:26et encore moins aux élections législatives
24:30vous ne pouvez pas dire je vais gagner la présidentielle.
24:33Il faut donc non seulement parmi toutes les conditions
24:36qui ont été posées
24:37que le parti socialiste se réanime
24:39qu'il trouve des idées
24:41et il y en a
24:43il y en aura peut-être
24:45mais il y en aura.
24:47Il n'y a pas d'autre manière de faire
24:49que de travailler et de rencontrer les Français.
24:52Et la troisième condition
24:54c'est de s'élargir à d'autres
24:56c'est-à-dire de convaincre des électeurs
24:58qui aujourd'hui dans tous ces baromètres
25:00vous disent qu'ils ne sont pas nécessairement de gauche
25:03mais qu'ils pourraient peut-être le faire
25:04dans un certain nombre de circonstances.
25:06Face à qui ?
25:07Parce que c'est ça la question.
25:09Face à qui ?
25:10À une droite qui est en train de se reformer.
25:12Malgré tout je ne m'en plains pas.
25:14Il faut qu'il y ait une gauche, il faut qu'il y ait une droite.
25:16Avec le gouvernement de Michel Barnier
25:18elle est recomposée.
25:19Mais il y a une extrême droite.
25:21Et aujourd'hui l'extrême droite
25:23ça ne me plaît pas de le dire
25:24c'est le premier parti de France.
25:26Donc ça veut dire que...
25:27Et c'est celui qui a la dynamique.
25:29Et c'est celui en tout cas
25:31qui a la tendance longue
25:33de ces dernières années en sa faveur
25:35et ce n'est pas propre à la France.
25:37Parce que les peurs sont plus fortes.
25:39La force de la gauche
25:40ce n'est pas de cultiver la peur
25:41c'est de donner de l'espoir crédible.
25:43Donc la question ça va être
25:45de faire en sorte que le parti socialiste se réanime
25:47qu'il trouve des idées, une incarnation
25:49et qu'il s'élargisse.
25:51Et c'est en ce sens que la place
25:53que n'occupe plus la majorité sortante
25:55et Emmanuel Macron
25:57laisse une force possible
26:01pour la gauche réformiste.
26:03Justement, parlons de cette gauche réformiste là.
26:05La gauche réformiste d'aujourd'hui
26:07c'est celle qui légalise le cannabis
26:09ou c'est celle qui prend en compte
26:11l'insécurité, la peur des français
26:13et qui envoie l'armée comme l'avait évoqué
26:15Ségolène Royal à une époque.
26:17Il y a un clivage au sein de cette gauche aujourd'hui.
26:19On parle de l'armée là maintenant.
26:21Il y a des clivages au sein de la gauche.
26:23Il y a des clivages entre la gauche de rupture
26:25et la gauche qui était une gauche de gouvernement
26:27et je le disais tout à l'heure
26:31la gauche réformiste n'a pas produit
26:33beaucoup d'idées récentes
26:35et en particulier
26:37sur les sujets qui sont les plus sensibles
26:39pour les gens, ceux qui ont justement
26:43provoqué
26:45des blocs sociaux entiers
26:47changeant de côté.
26:49Ça ne se produit pas très souvent dans l'histoire.
26:51C'est pour ça qu'on a une période
26:53qui est intéressante mais extrêmement dangereuse.
26:55Quand il commence à y avoir
26:57des blocs sociologiques brusquement,
26:59on le voit aux Etats-Unis, on le voit en France,
27:01on le voit dans toute l'Europe d'ailleurs.
27:03Aujourd'hui, dans ces cas là,
27:05il faut s'interroger sur les raisons
27:07pour lesquelles un électorat populaire
27:09qui traditionnellement votait à gauche
27:11bascule à l'extrême droite.
27:13Aujourd'hui, c'est le cas
27:15et pour l'instant, sur les trois
27:17dernières élections, c'est le mouvement.
27:19C'est une réalité,
27:21elle fait plaisir, elle ne fait pas plaisir,
27:23c'est autre chose, mais c'est une réalité.
27:25Et sur la sécurité justement alors ?
27:27Et la lutte contre le trafic de drogue ?
27:29Non, non, mais j'y arrive.
27:31Peut-être que j'y arrive trop lentement
27:33mais j'y arrive.
27:35C'est un raisonnement quand même.
27:37On l'écoute attentivement.
27:39Mais j'allais vers la conclusion, c'est pour ça.
27:41Oui, vous anticipez.
27:43Si la gauche, je pense, veut
27:45non pas simplement se recomposer
27:47à l'intérieur du Parti Socialiste
27:49quitte à l'ouvrir,
27:51mais veut retrouver un électorat
27:53populaire qu'elle a perdu,
27:55si elle veut ça,
27:57il faudra évidemment
27:59qu'elle regarde, qu'elle parle autrement
28:01et qu'elle fasse d'autres propositions
28:03sur ce qui a provoqué
28:05la mutation
28:07de blocs sociologiques entiers.
28:09Autrement dit, en clair,
28:11sur l'immigration,
28:13sur la violence, sur l'insécurité.
28:15Là, on parle beaucoup du narcotrafic
28:17avec des propositions.
28:19Il faut envoyer l'armée.
28:21D'autres disent au contraire, légalisons le cannabis
28:23parce qu'on n'y arrivera jamais.
28:25Quelle est votre position, François Hollande ?
28:27La gauche réformiste, si elle veut parvenir
28:29de nouveau au pouls, parce qu'elle a gouverné
28:31ces 30 dernières années à plusieurs reprises
28:33et elle a affronté des
28:35sujets difficiles.
28:37Elle a connu des épreuves, je peux en témoigner.
28:39Et elle a montré qu'elle était capable
28:41de les surmonter.
28:43Elle doit faire un double effort, un effort vers les quartiers
28:45populaires, ceux-là même
28:47que Jean-Luc Mélenchon
28:49et les filles ont eu
28:51comme cible, autour
28:53du thème qui est essentiellement
28:55la Palestine aujourd'hui, ou du thème
28:57identitaire.
28:59La gauche réformiste doit montrer à ses
29:01populations, à ses électrices
29:03et ses électeurs, que la question sociale
29:05elle est déterminante, la question éducative
29:07elle est déterminante. On ne peut pas simplement leur dire
29:09écoutez, regardez, soyez
29:11solidaires. C'est une cause
29:13qui peut être justifiée
29:15mais soyez solidaires de la Palestine,
29:17regardez vos quartiers, regardez comment
29:19ils sont animés, protégés,
29:21sécurisés.
29:23Et puis l'autre effort, c'est auprès
29:25de populations qui ne sont pas forcément
29:27confrontées à l'insécurité comme
29:29ça peut exister dans certains
29:31quartiers, dans certaines métropoles
29:33mais qui sont
29:35inquiètes par rapport
29:37au narcotrafic ou par rapport
29:39à des meurtres qui peuvent se produire
29:41y compris dans des petites villes.
29:43C'est ça qui s'est posé.
29:45Vous me posez la question.
29:47Aujourd'hui, face
29:49au narcotrafic qui a pris une ampleur
29:51à la fois d'organisation
29:53de criminalité, de violence
29:55il ne faut faire aucune
29:57concession. Et la proposition de
29:59légaliser le cannabis aujourd'hui
30:01n'entraînerait en aucune
30:03façon une baisse du trafic puisqu'on voit
30:05bien que c'est sur d'autres produits que ça
30:07se fait. Alors on dirait, il y a des produits qui sont
30:09autorisés, allez voir le Buraliste, il va vous
30:11les offrir. Mais si vous voulez toujours
30:13prendre votre produit de synthèse
30:15ou votre cocaïne...
30:17Au Palais Bourbon, vous diriez oui par exemple
30:19à des patrouilles de militaires, de l'armée ou pas ?
30:21La deuxième question, c'est l'armée.
30:23Ce n'est pas Ségolène Royal
30:25qui avait parlé d'envoyer l'armée.
30:27C'était Samia Ghali, sénatrice socialiste
30:29de Marseille.
30:31Ségolène Royal avait
30:33parlé d'encadrement militaire.
30:35C'est autre chose qui d'ailleurs
30:37a tout à fait sa justification. Mais ce n'est pas
30:39l'armée qu'il faut envoyer dans les quartiers.
30:41Vous vous rendez compte si on commençait à dire
30:43j'envoie l'armée dans des quartiers ?
30:45On envoie qui alors ? On envoie des policiers
30:47et des CRS. Ils ne sont pas assez nombreux.
30:49Alors c'est la question.
30:51C'est à nous de faire
30:53qu'ils soient plus nombreux, qu'ils soient
30:55mieux équipés, qu'ils soient mieux encadrés,
30:57qu'on puisse avoir, grâce à une autre
30:59organisation de la justice,
31:01des procédures qui soient plus rapides,
31:03qu'on arrive à
31:05saisir les comptes de ces trafiquants.
31:07Mais je crois qu'effectivement, il faut envoyer
31:09plus de personnel sur place.
31:11Alors on dit police de proximité.
31:13Maintenant les mots sont galvaudés. Il faut plus
31:15de policiers. Et d'ailleurs, c'est ce que
31:17demandent ces habitants. Parce que le risque
31:19de ces habitants, il est sur eux.
31:21Les enfants,
31:23les gamins, les adolescents
31:25qui se font tuer, ils se font tuer
31:27ces adolescents chez eux.
31:29Donc c'est pour eux qu'il faut assurer la sécurité.
31:31Par d'autres adolescents d'ailleurs. Oui.
31:33Ils sont instrumentalisés et équipés.
31:35Mais il y a deux choses.
31:37D'une part, il y a la question des moyens
31:39et des effectifs. On le dit toujours.
31:41Moi, ça fait 60 ans que j'entends ça.
31:43Il y a eu des efforts
31:45incontestables pour
31:47augmenter les effectifs,
31:49pour augmenter les budgets et pour
31:51augmenter les équipements
31:53qui ont eu lieu.
31:55Depuis qu'Emmanuel Macron est là,
31:57tout le monde peut le vérifier.
31:59Le nombre des effectifs
32:01et des budgets, incontestablement,
32:03a augmenté. Ça ne suffit pas.
32:05Et pour la gauche,
32:07il y a bien sûr la question
32:09de gouvernement. Il y a bien sûr la question
32:11de savoir quels sont les moyens
32:13dont on doit disposer. Mais il y a aussi
32:15l'attitude vis-à-vis
32:17de la population et la façon
32:19de prendre à bras-le-corps
32:21publiquement les questions
32:23de sécurité et d'immigration.
32:25Et de ce point de vue, on a eu
32:27des ministres de l'intérieur socialiste
32:29qui étaient à poigne.
32:31Quelqu'un comme Pierre Jox
32:33ou quelqu'un comme Jean-Pierre Chevènement,
32:35ce n'étaient pas des laxistes du tout.
32:37Ou Manuel Valls.
32:39Ou Bernard Cazeneuve.
32:41À des situations extrêmement
32:43douloureuses et difficiles.
32:45Combien la politique
32:47de sécurité pouvait se faire sans entraver
32:49les libertés par ailleurs.
32:51Sauf que parfois on a accusé la gauche sur la justice d'être trop laxiste.
32:53Mais ce n'est pas la...
32:55Juste un mot, pardon.
32:57C'est une critique qui revient souvent de la part de la droite.
32:59Mais ce n'est pas la gauche qui
33:01fait la justice.
33:03Ce sont des magistrats.
33:05Dis les magistrats, ils sont de gauche.
33:07Vous croyez ça, vous ? Vous pensez
33:09que les magistrats sont de gauche ? Mais non, les magistrats
33:11sont à l'image de la population.
33:13Il n'y a jamais eu autant de personnes
33:15qui soient aujourd'hui en prison.
33:17Ça veut dire que la justice,
33:19elle frappe. On peut dire qu'il n'y a pas assez de prison.
33:21On peut dire que les procédures sont trop longues.
33:23Le laxisme de la justice,
33:25il faut aller devant un juge
33:27pour en être convaincu.
33:29Et si vous allez devant les comparations
33:31immédiates, vous allez voir ce que c'est que la justice.
33:33Mais l'impression, et en politique,
33:35c'est souvent l'impression
33:37qui compte, le ressenti.
33:39Si une personne est condamnée
33:41et qu'elle ne va pas en prison tout de suite,
33:43même s'il ira en prison dans un an,
33:45le mal est fait. Il faut que la sanction
33:47soit immédiate et son exécution.
33:49Justement, d'une certaine
33:51manière, le problème de la gauche de gouvernement
33:53c'est le même que le problème des magistrats.
33:55C'est-à-dire que ça n'est pas la question de savoir
33:57s'ils ont envie d'être fermes ou pas fermes.
33:59Ça n'est pas simplement de savoir
34:01s'ils prennent les moyens pour le faire.
34:03Ça n'est pas savoir si les sanctions qui sont prises
34:05sont les bonnes sanctions ou pas les bonnes sanctions.
34:07C'est le fait
34:09d'assumer que la question
34:11de la sécurité et celle de l'immigration
34:13posent des problèmes
34:15qu'on ne connaissait évidemment pas il y a 30 ans
34:17et qu'il faut y trouver
34:19si j'ose dire, des réponses
34:21franches et pas simplement
34:23des réponses soit gênées,
34:25soit discrètes, soit indirectes.
34:27Et c'est difficile.
34:29C'est difficile, ça n'est pas
34:31dans la tradition, parce que la gauche
34:33réformiste, c'est d'abord la gauche des libertés.
34:35C'est ça son histoire.
34:37Et je termine, parce que d'autant plus
34:39que j'ai bien écouté,
34:41la gauche réformiste
34:43s'est faite connaître
34:45pour son combat
34:47pour les libertés, et bien je crois
34:49que maintenant la gauche réformiste
34:51et la gauche de gouvernement a besoin de se faire
34:53connaître pour ses propositions sur la
34:55sécurité et sur l'immigration
34:57de la même façon et avec
34:59le même élan et ça serait
35:01un sacré changement.
35:03Justement,
35:05prenons un
35:07gouvernement de gauche en Espagne,
35:09avec la tragédie qui a connu la région de Valence.
35:11Le Premier ministre Sanchez,
35:13il a dû faire rapidement, rapidement
35:15évacuer la zone aussi, parce qu'il s'est
35:17fait huer, construire, et je ne parle pas
35:19du roi et de la reine,
35:21qui ont reçu de la boue
35:23parce qu'aujourd'hui, on se
35:25méfie des élites, on ne fait plus
35:27confiance aux élites.
35:29En Espagne,
35:31d'abord,
35:33il faut dire les choses comme elles sont,
35:35la France a des défauts,
35:37mais elle a une administration, notamment
35:39quand on a des drames
35:41et des catastrophes qui fonctionnent
35:43dans ces cas-là remarquablement bien.
35:45Ça n'est pas vrai dans tous les pays
35:47qui ne disposent pas des mêmes moyens
35:49et des mêmes habitudes et des mêmes entraînements.
35:51Mais, moi ce qui m'a frappé le plus
35:53et c'est d'ailleurs une des raisons
35:55principales de la fureur
35:57légitime des populations,
35:59c'est que l'alerte a été
36:01donnée délibérément trop tard,
36:03délibérément trop faible
36:05avec un niveau 2
36:07et pas un niveau 3, délibérément
36:09parce que, et c'est là où je voulais en arriver,
36:11parce que c'est à la fois un problème politique
36:13et un problème humain, parce que
36:15tant que c'est
36:17niveau 2,
36:19c'est la région qui dirige,
36:21si c'est niveau 3, c'est
36:23le gouvernement national qui dirige.
36:25Et en Espagne,
36:27la répartition des pouvoirs entre les régions
36:29et le gouvernement central est très
36:31différente de la nôtre, au bénéfice des régions.
36:33Et là, ce qui a été choquant,
36:35c'est deux choses. La première,
36:37c'est que la région a attendu
36:39pour faire des annonces et mettre en garde
36:41et l'a fait de façon
36:43trop douce, si j'ose dire.
36:45Et l'autre chose,
36:47c'est que la région,
36:49qui est de droite, qui a un gouvernement
36:51de droite, s'est bagarrée contre
36:53le gouvernement qui est de gauche
36:55pour que ça ne soit pas comme c'est prévu
36:57par les textes, le gouvernement de gauche
36:59qui prenne les décisions
37:01et qui lui dispose
37:03des moyens, notamment militaires,
37:05dont ne dispose pas le gouvernement
37:07régional.
37:09On va répondre sur l'Espagne, puis après on reviendra
37:11à la question majeure de l'insécurité
37:13et même de l'immigration.
37:15En Espagne, ce qui s'est
37:17produit, c'est une nouvelle
37:19illustration de ce que peut faire
37:21le réchauffement climatique
37:23et la dégradation. Dans le sud de la France,
37:25nous avons eu des phénomènes moins
37:27amples, mais qui ont créé des drames.
37:29Donc, nous devons en tirer
37:31deux conclusions. La première conclusion, c'est que
37:33personne ne peut contester le réchauffement
37:35climatique, aujourd'hui. Ça devient difficile.
37:37Il n'y a que Donald Trump, peut-être,
37:39mais ça devient difficile.
37:41Et même l'extrême droite, qui
37:43à un moment doutait, je crois qu'est obligée
37:45d'en faire le constat.
37:47La deuxième conclusion, c'est que
37:49même si on prend des décisions importantes
37:51pour l'avenir, il y a maintenant des
37:53anticipations, des préparations
37:55de ce que des catastrophes peuvent
37:57arriver. La gestion des catastrophes,
37:59on a parlé de la gestion du terrorisme,
38:01c'est aussi une catastrophe, la gestion
38:03des catastrophes doit être anticipée.
38:05Ce qui suppose une organisation de l'État
38:07qui doit être encore, en France,
38:09elle est bonne, mais encore améliorée.
38:11J'en arrive à la question de l'insécurité
38:13et de l'immigration. Un des problèmes de la gauche
38:15réformiste, c'est que quand
38:17elle gouverne, elle fait généralement
38:19preuve, et Alain Duhamel l'a répété,
38:21d'un grand sens
38:23de l'État et même d'autorité.
38:25Regarde ce qu'a fait
38:27Mitterrand, Jospin, moi-même,
38:29il y a eu des décisions qui étaient
38:31difficiles et qui ont été prises,
38:33mais que dès qu'on sort du
38:35pouvoir, il y a une
38:37forme de mauvaise conscience,
38:39une forme de doute, de suspicion,
38:41est-ce qu'on a bien respecté
38:43les libertés, est-ce qu'on n'en a pas trop fait
38:45du côté de l'insécurité ? La gauche
38:47réformiste doit se débarrasser
38:49de tout ce qui est sa mauvaise conscience,
38:51que la gauche radicale lui insuffle régulièrement.
38:53Moi, j'ai été traité de tout
38:55au moment de la lutte
38:57contre le terrorisme, ou de textes
38:59qu'on a fait passer sur l'immigration, alors qu'on a
39:01fait des choses avec...
39:03Ou sur la déchance de nationalité.
39:05Il faut se débarrasser de cette mauvaise conscience.
39:07Et par ailleurs, il faut assumer
39:09ce qu'on fait. Sur l'immigration,
39:11il est nécessaire
39:13de maintenir le droit d'asile,
39:15tout le monde l'accepte
39:17d'une certaine façon.
39:19Presque tout le monde. C'est un droit fondamental.
39:21Le débat n'est pas sur ça.
39:23Le débat, c'est
39:25on accueille
39:27celles qui peuvent être accueillies,
39:29mais on doit raccompagner. Tant qu'on s'est pas
39:31mis dans la tête
39:33qu'il faut raccompagner ceux qui n'ont pas
39:35de droit à être ici, on est dans la
39:37mauvaise conscience. Alors c'est pas facile de raccompagner
39:39ça, c'est les populistes qui disent
39:41il n'y a plus qu'à les mettre sur un bateau, dans un
39:43quartier, et puis c'est fini. Ou de les envoyer
39:45en Albanie ou au Rwanda, comme certains
39:47pays l'ont imaginé. Non.
39:49Mais il faut assumer le fait que
39:51pour une partie de ceux qui n'ont pas de droit
39:53à être ici, il faut les raccompagner. C'est pas
39:55être défaillant
39:57par rapport à des valeurs, c'est pas être
39:59dans un manquement par rapport à ce qu'est l'éthique
40:01de la gauche. C'est au contraire de dire
40:03à la population, nous respectons
40:05la règle. Ce qui est très important,
40:07et c'est ça que je veux que la gauche réformiste incarne,
40:09il doit y avoir des règles dans un pays.
40:11Il doit y avoir des règles, parce que sinon
40:13c'est la loi de la jungle.
40:15Et le rôle de la politique, et le rôle
40:17de la gauche en particulier, c'est de faire respecter les règles.
40:19Alors justement, ce que dit François Hollande
40:21à l'instant, c'est d'assumer.
40:23Assumer quoi ? Un nouveau
40:25défi pour gouverner ? C'est ça
40:27l'enseignement ? Ou pour regouverner ?
40:29Alain Duhamel ?
40:31Il y a à la fois des questions
40:33nouvelles qui se posent,
40:35qui ne se posaient pas d'ailleurs
40:37avec la même intensité il y a encore 15 ans.
40:39Et il y a un mouvement
40:41qui n'est pas un mouvement français,
40:43qui est un mouvement occidental,
40:45et qui est devant
40:47des convulsions qui existent, qui sont
40:49des convulsions démographiques liées à l'immigration,
40:51qui sont des convulsions économiques
40:53aussi, qui sont des convulsions militaires
40:55maintenant avec l'Ukraine.
40:57Et devant ça, il faut effectivement
40:59que la gauche réformiste,
41:01que la gauche de gouvernement,
41:03qui a toujours été en pointe
41:05en ce qui concerne les libertés, même si
41:07la gauche radicale a été
41:09elle aussi, mais simplement, ce n'est pas elle qui
41:11gouvernait. Donc ce n'est pas elle qui en avait
41:13le mérite. Il faut que maintenant, la gauche de gouvernement
41:15soit aussi une gauche de
41:17fermeté assumée.
41:19Et ça, c'est en tout cas
41:21en image, peut-être pas dans la tête,
41:23mais en image, c'est une métamorphose.
41:25Merci M. le Président.
41:27François Hollande est venu discuter, débattre
41:29avec Alain Duhamel. Le défi de gouverner, je le rappelle,
41:31c'est ce livre qui a servi
41:33à structurer cet entretien
41:35et ce débat. François Hollande, défi de gouverner
41:37la gauche et le pouvoir de la fermeté
41:39jusqu'à nos jours aux éditions Perrin.
41:41Merci François Hollande, merci Alain Duhamel.

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