Deux éducateurs de l'US Colomiers ont vu leurs voitures incendiées devant leurs domiciles. Des violences intolérables pour les dirigeants du club amateur qui ont décidé de suspendre tous les matchs jusqu'au 11 novembre, en signe de protestation contre cette montée des incivilités. Phénomène qu'a également remarqué par Gérard Bellehigue, président de l'Association des Éducateurs de Football.
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00:00C'est encore sonné, et profondément choqué, que le président de l'US Colombie revient sur l'événement.
00:07Quand fin octobre, deux de ses éducateurs voient leur voiture prendre feu devant leur domicile.
00:12Un acte qui pourrait être lié à la réaction d'un parent frustré de ne pas voir son enfant retenu pour un tournoi.
00:18Je pense qu'il faut se rendre compte de la gravité des faits pour, je le répète, quelque chose qui est complètement futile.
00:25Il faut que ça cesse, il faut que les pouvoirs publics s'en partent de ce sujet-là.
00:30Si les éducateurs sont indemnes, le club a choisi de se mettre en veille.
00:34Tous les entraînements et les matchs sont annulés jusqu'au 11 novembre.
00:37On voulait vraiment taper un grand coup, quitte à prendre des sanctions financières et sportives,
00:42parce que quand on ne se rend pas à des matchs, on a des sanctions financières.
00:45Pour le directeur technique du club, l'interventionnisme des parents dans les décisions sportives a pris une ampleur sans précédent ces dernières années.
00:52Ce qui s'est passé mardi, mais c'est ce qui se passe quasiment tous les week-ends sur les terrains de France,
00:57quand on insulte un éducateur ou quand on définit qu'il n'est pas bon,
01:01je pense que, quelque part, on s'handicape puisqu'on est en train d'enlever des personnes qui vont encadrer nos enfants à prendre du plaisir.
01:07Le club dit être soutenu par la Ligue et ne sera sanctionné d'aucune pénalité.
01:12Pas de foot jusqu'au 11 novembre, on a eu envie d'aller plus loin.
01:15Bonjour Gérard Benhuig, vous êtes le président du Cosmo Taverni, c'est un club du Val d'Oise,
01:19c'est-à-dire le président de l'association des éducateurs de foot.
01:22Ça arrive souvent, les parents qui pètent les plombs ?
01:25Ça n'arrive pas souvent, mais ça arrive quelquefois.
01:28Depuis, on voit ce phénomène monter depuis à peu près 5-6 ans.
01:32En tout cas, moi, j'ai le constat depuis 5-6 ans.
01:35En fait, le football reflète ce qu'est la société aujourd'hui,
01:39c'est-à-dire que de plus en plus de violences, par une minorité,
01:43ce n'est pas la société dans sa généralité qui est violente,
01:47mais il y a des comportements violents, des incivilités qui sont de plus en plus nombreuses.
01:53Est-ce que vous avez déjà été confronté dans votre club des parents
01:55qui n'agressent pas forcément physiquement des éducateurs, mais même verbalement ?
01:59Non, alors oui, il y a des parents qui peuvent avoir des comportements d'incivilité.
02:05Dernièrement, par exemple, j'ai eu un parent qui rentrait sur le terrain
02:09parce que son fils avait été accroché à un adversaire,
02:13et donc il a tiré l'oreille de l'adversaire.
02:16Donc, il n'a pas rentré sur un terrain.
02:19Oui, il vient en soutien à son fils.
02:21Il vient en soutien à son fils alors qu'on ne sait pas qui a commencé.
02:24Vous savez, chez les enfants, ça peut être l'un ou l'autre.
02:27Nous, on n'a pas l'habitude.
02:29Et puis, c'est le rôle de l'éducateur de le faire à ce moment-là, de les séparer.
02:32C'est le rôle de l'éducateur, effectivement, de rentrer sur le terrain
02:34et de séparer les enfants, de punir.
02:36Souvent, on les sort du terrain pendant quelques minutes,
02:39le temps qu'ils se calment, et puis ensuite, ils rentrent un peu plus tard.
02:42– Ceux qui suivent l'actu du foot de Gérard Bellewing
02:44savent que ça s'appelle le projet Mbappé.
02:46C'est un truc qui est d'ailleurs très péjoratif.
02:48C'est cette tendance des parents à vouloir faire de leur fils un champion
02:51parce que ça ramène beaucoup d'argent.
02:54Il y a vraiment eu un point de bascule.
02:56Quand vous dites 5-6 ans, ça correspond un peu quand même à ça.
02:59– Chez certains parents, oui.
03:01Chez certains parents, l'enfant est un investissement.
03:03– C'est ça. – Et ils le disent.
03:04Ils n'ont pas peur de le dire.
03:05Ils disent, voilà, j'investis dans mon enfant,
03:07c'est-à-dire je vais lui donner les moyens de réussir.
03:09Je vais l'inscrire dans un club, je vais l'inscrire à côté
03:12sur des cours particuliers qu'ils appellent des coachings.
03:15Ils ont des coachs qui leur feront des cours particuliers,
03:18souvent individuellement, alors que le football est un sport collectif.
03:22Mais chez Mbappé, ce qu'on appelle le projet Mbappé,
03:27c'est aussi l'accompagnement des parents.
03:29Mais l'accompagnement des parents, chez Mbappé,
03:31il était plutôt dans le suivi de l'enfant
03:33pour le conduire.
03:35C'est l'enfant qui s'est construit lui-même, le jeune,
03:37qui est maintenant un adulte.
03:39Il s'est construit par ses qualités propres,
03:41qui sont des qualités, bien sûr, techniques, physiques,
03:44mais qui sont aussi des qualités mentales.
03:46Les qualités mentales, il n'a pas volé à ses parents.
03:48Ses parents ne lui ont pas donné.
03:49Il les avait, naturellement, ce qu'on appelle Arsene Wenger,
03:53la notion de capacité à endurer mentalement,
03:59c'est-à-dire de proproduire l'effort plusieurs fois,
04:01de soutenir l'échec, l'échec qui peut être lié à la concurrence,
04:05qui peut être lié à des blessures.
04:07C'est une forme d'échec.
04:08Tout cela contribue à ce que l'enfant doit se construire lui-même.
04:15– Qu'est-ce que vous faites, vous, contre ces parents
04:17qui interagissent un peu trop, qui s'investissent un peu trop
04:21dans l'éducation sportive de leur enfant ?
04:23Est-ce que vous les réunissez en début de saison ?
04:25Vous leur expliquez ? Est-ce que vous avez mis des affiches ?
04:27– Nous, ce qu'on fait d'abord, c'est réunion de début de saison.
04:31Malheureusement, tous les parents ne viennent pas.
04:33On va dire qu'il y a de l'ordre d'une quarante pour cent des parents
04:35qui viennent pour expliquer comment on fonctionne.
04:39Est-ce qu'on a le temps de leur enfant ?
04:41Est-ce qu'on va permettre leur enfance ?
04:43Le football, comme tous les sports collectifs,
04:45c'est de voir comment je vais m'intégrer dans la société plus tard.
04:49Je vais m'intégrer socialement dans la société.
04:51J'ai un plaisir, je pratique un plaisir,
04:53qui est le sport que je recherche, en l'occurrence le football,
04:55mais derrière, c'est surtout comment je vais me comporter
04:57dans la vie sociale.
04:59Un peu comme l'école, sinon que l'école est subie par l'enfant,
05:01alors que le football, quand il y va,
05:03en principe, c'est un plaisir,
05:05c'est une volonté de sa part d'y aller.
05:07– On peut casser les enfants en investissant comme ça ?
05:09– Complètement.
05:11J'ai plusieurs exemples de parents
05:13qui ont mis des pressions énormes sur les enfants
05:15et l'enfant, arrivé à 14-15 ans,
05:17il arrête le football.
05:19C'est souvent les papas,
05:21malheureusement, les enfants ne supportent plus
05:23d'avoir un père
05:25qui les critique du matin au soir
05:27parce que c'est pendant le match,
05:29après le match,
05:31mais c'est surtout pendant les repas.
05:33C'est la vie familiale.
05:35Il y a une pression telle que l'enfant, à un moment donné, il craque.
05:37Et aujourd'hui, l'enfant qui réussit,
05:39c'est plus l'enfant qui est soutenu, aidé,
05:41que l'enfant qui est pressurisé.
05:43– Merci beaucoup Gérard Bailly pour ton témoignage ce matin
05:45sur BFM TV.