• il y a 3 semaines
Samuel Le Bihan
comédien
Le comédien, héros depuis 10 ans de la série à succès de France 3, incarne le navigateur Yves Parlier dans un téléfilm diffusé lundi prochain sur France 2. La fiction retrace l’incroyable Vendée Globe du marin en 2000, confronté à de multiples difficultés mais qui refusa d’abandonner la course.

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Transcription
00:00Bonjour Samuel Lebihan. Ce téléfilm s'appelle « Seul ». C'est le titre parfait parce qu'il résume ce qu'a vécu Yves Parlier
00:06lors de son Vendée Globe en 2000. Il fait la course en tête, puis son mât casse dans une tempête.
00:10Et non seulement il refuse l'assistance des autres concurrents, mais en plus il décide de réparer son mât.
00:16Avec les moyens du bord, on écoute un extrait.
00:21« Je rentre au sable. »
00:23« Yves, tu peux répéter ? »
00:25« Je rentre au sable, je continue la course. »
00:28« Mais qu'est-ce qu'il prend là ? »
00:29« Il veut pas lâcher, tu le connais. Il est crevé, il a pas les idées claires. »
00:33« Yves, t'as dématé. T'es pas en état de continuer. On comprend ta déception, mais ça sert à rien de t'entêter.
00:38On vient de prendre nos billets pour l'Australie, on part demain. »
00:41« Je sais pas ce que vous allez faire en Australie, mais moi j'y mettrai pas les pieds. »
00:45« Yves, s'il te plaît, ne rends pas ce moment plus difficile. La course est terminée. C'est inutile de te mettre en danger. »
00:54« Je vous répète que j'ai pas besoin d'assistance. J'ai pas fini ma course, je continue. »
00:58« Samuel Lebihan, vous aviez, j'imagine, suivi cette histoire incroyable à l'époque. »
01:03« Oui, absolument. Et j'avais lu le livre qu'il en a fait qui s'appelle « Robinson des mers »
01:09et qui relate toute cette histoire et qui est fabuleuse parce qu'on s'aperçoit que c'est pas seulement qu'il va casser son mâs.
01:15Il était extrêmement blessé à la suite d'un accident de parapente, qu'il n'aura plus de quoi manger
01:24parce qu'il va prendre trop de temps, donc il a tapé dans ses réserves et il n'a plus rien.
01:29Il n'arrive pas à pêcher. Sa radio tombe en panne. Enfin, il accumule un nombre de difficultés qui est incroyable
01:36et jamais, jamais il n'abandonne. »
01:39« Putain, c'est fou ! C'est ça qui vous a marqué à l'époque ? »
01:42« Oui, c'est cette capacité de résistance et aussi d'ingéniosité parce qu'il va reconstruire un mât tout seul.
01:48C'est-à-dire qu'il va redécouper les restes de boue qu'il a réussi à récupérer, qui étaient dans l'eau
01:54et il réfléchit à ce qu'il peut faire. Il a 200 grammes de col, ce qui n'est rien
02:00et donc il faut qu'il ajuste les morceaux de mât qu'il va emboîter les uns dans les autres, mais au millimètre.
02:05Mais sauf qu'il a une petite trappe à bois. Il n'a rien du tout comme outil.
02:10Et jour après jour, il va s'en esquinter les mains, mais violemment.
02:16Il va réussir à reconstruire un mât alors qu'il a fallu quatre hommes et une grue pour l'installer.
02:25Et lui, il va le démonter en reconstruire un et le remonter tout seul.
02:30Donc il y a un exploit technique, il y a un exploit physique, psychologique.
02:35C'est émouvant. Je trouve que c'est extrêmement inspirant, ces hommes qui nous donnent...
02:40En fait, qui repoussent les limites à chaque fois.
02:43Ça nous donne à se dire, moi et pourquoi pas moi ? Pourquoi je ne serais pas capable, dans ma vie de tous les jours,
02:50de résister un peu plus et d'aller un peu plus loin ?
02:52Il faut dire, on ne spoil pas puisque tout le monde la connaît l'histoire, mais il l'a terminé son Vendée Globe.
02:56Il a terminé la course, il n'a pas abandonné.
02:59Et les gens ont été beaucoup plus émus que celui qui a gagné, ont été beaucoup plus émus par sa course à Yves Parlier,
03:06de l'homme qui refuse d'abandonner, qui va au bout.
03:10Et donc, il est arrivé dans les derniers. Il est arrivé avant dernier, exactement.
03:15Même pas le dernier !
03:17C'est vous qui avez voulu porter cette histoire à l'écran ?
03:20Pierre Izoard avait lu le livre aussi, on en parlait à la cantine sur le tournage d'Alex Hugo.
03:26Et on se disait que ça ferait vraiment un film magnifique.
03:29Mais Yves refusait de donner les droits.
03:33Je ne sais pas, il a accepté pour nous.
03:36On a eu de la chance.
03:38Et on se disait, le problème des films sur la mer, c'est que ça coûte extrêmement cher.
03:44Parce que c'est tourné en décor réel ? Vous êtes vraiment sur un bateau en pleine mer ?
03:47Oui, on n'avait pas les moyens de faire du studio, du numérique, donc il n'y a pas d'effets spéciaux.
03:52Et on allait vraiment dans un décor de mer.
03:56On utilisait la météo pour ce qu'elle était.
03:58Quand il y avait du gros temps, on tournait des scènes de gros temps.
04:00Quand c'était calme-plat, on tournait des scènes calme-plat.
04:02Les scènes du poteau noir.
04:04Donc, il fallait sans arrêt s'adapter.
04:09Moi, j'avais le scénario complètement en tête.
04:12Mais pas seulement, je connaissais mon texte au bout des doigts, tous mes dialogues du film.
04:18Mais pas que les miens, ceux des autres aussi.
04:20Parce que mon personnage converse à la radio.
04:23Mais ils n'étaient pas là pour me donner la réplique.
04:26Il fallait que j'imagine.
04:28Alors on bidouillait, il y avait la première assistante qui me donnait la réplique.
04:31Mais qui n'est pas actrice.
04:33Donc je lui demandais de s'investir un peu.
04:35Alors il fallait que je réimagine.
04:37Mais ça fonctionnait, j'avais tout en tête.
04:39Ça fonctionnait très bien.
04:41C'est difficile de jouer seul ?
04:43Ce qui était difficile, c'est de jouer sur l'océan.
04:46C'est très dur parce que ça bouge tout le temps.
04:48Tout le temps, tout le temps.
04:50Ça ne s'arrête jamais.
04:52Et donc on est dans des conditions en permanence extrêmement inconfortables.
04:54Qui viennent nourrir cette histoire, évidemment.
04:56Mais qui font qu'on est dans une situation exceptionnelle en permanence.
05:01C'est-à-dire que vous vivez la situation.
05:03Et en plus, il faut jouer quelque chose.
05:05C'est très étrange.
05:07Vous êtes déjà en train de résister par exemple en gros temps.
05:09Vous êtes déjà en train de vous adapter au gros temps.
05:11Et en plus, on vous demande de jouer quelque chose là-dessus.
05:13Ça me demandait beaucoup d'investissements physiques, psychologiques, émotionnels.
05:21C'était particulier.
05:23J'avais l'impression d'être dans un espèce de trip.
05:26Vous savez, comme si j'avais fait une retraite dans un monastère.
05:29Et je ne devais pas parler pendant un mois.
05:32Il y a quelque chose de cet ordre.
05:34C'est-à-dire d'accepter une espèce de parenthèse dans votre vie.
05:39Où vous êtes complètement dédié à une histoire.
05:44En l'occurrence, à un personnage.
05:46Mais ça veut dire que même quand la journée de tournage se terminait,
05:48vous restiez comme dans une bulle, tout seul, à l'écart ?
05:51Oui, parce que j'avais un régime très strict.
05:53Je devais perdre 10 kilos le temps du film pour coller à l'histoire d'Yves Parlé.
05:57Et en fait, ça vous isole énormément.
06:02D'abord, ça vous épuise de ne pas manger.
06:04Et ça vous isole parce que vous êtes obligés d'être disciplinés.
06:07Et donc, si vous commencez à aller boire des bières avec les copains, c'est foutu.
06:10Et vous n'allez pas non plus au bar pour les regarder s'amuser.
06:13En plus, vous ne parlez pas.
06:15Vous n'êtes pas triste.
06:17Mais j'étais dans un état second.
06:19Mais c'était agréable tout ça ?
06:21Est-ce que c'était un tournage agréable ?
06:23Je ne me suis même pas posé la question.
06:25J'étais en mission.
06:27Je pense que c'est ça qui est agréable.
06:29C'est d'atteindre ses objectifs.
06:31Ce n'était pas un état de plaisir en fait.
06:33Ce n'est pas les vacances au Bahamas.
06:35On s'est donné une mission.
06:38On s'est dit de quoi tu es capable ?
06:40Est-ce que tu peux donner ?
06:45C'est un challenge ce rôle.
06:47Est-ce que tu es capable de relever le défi ?
06:49Et là, vous êtes dans un monde parallèle.
06:54C'était émouvant parce que je ne leur parlais pas.
06:57J'étais un peu dans mon truc.
06:59J'espère que vous n'avez pas trouvé un peu.
07:02Je ne vous ai pas snobé.
07:04Ils m'ont dit qu'on a vu que tu étais complètement dans ton truc.
07:06Et que tu étais à fond.
07:08Et nous, ça nous faisait plaisir de t'aider à ce que tout se passe bien.
07:13Donc, toute l'équipe était dédiée au film.
07:16Et ils voyaient comme j'étais très impliqué.
07:19Du coup, ça motivait tout le monde.
07:21C'était chouette.
07:23C'était un beau moment.
07:25Est-ce que vous naviguez vous-même ?
07:27Oui.
07:29En fait, mon père m'a appris la voile.
07:31Moi, je viens d'une famille de marins-pêcheurs.
07:33Et des marins-pêcheurs qui faisaient la pêche à la voile.
07:35Dans ce cas, dans ce petit port breton.
07:38Le Tindu, je ne sais pas si ceux qui connaissent l'appelent.
07:41Dans la rade de Brest.
07:43C'était un village de pêcheurs.
07:46Pas forcément riches.
07:48Et donc, les chalutiers à moteur sont arrivés bien plus tard.
07:52Et donc, mon père, mon grand-père, faisaient la pêche à la voile.
07:55C'était mon père quand il était jeune.
07:57Après, il est monté sur Paris pour trouver du travail.
07:59Parce que la pêche, c'était déjà un peu difficile.
08:04Et donc, adolescent, il m'a appris la voile.
08:08Même un peu avant l'adolescence.
08:10On avait un petit bateau et je partais avec, tout seul.
08:13Pendant plusieurs jours même.
08:15J'aimais bien.
08:17En fait, ce qui est beau dans la voile, c'est que vous êtes sur l'instant présent.
08:20Votre esprit, tout est capté sur l'instant présent.
08:23Parce que les éléments changent.
08:25Le bateau est vivant.
08:27Il faut régler les voiles, régler les choses.
08:30Et donc, vous n'avez pas le temps de penser à autre chose qu'à ça.
08:35C'est assez marrant.
08:37J'avais un copain, par exemple, qui avait vécu une déception amoureuse très forte.
08:40Donc, il était à genoux.
08:42C'était une autre histoire.
08:44Sur un autre moment, on était en bateau.
08:46Et dès qu'il était sur le bateau et qu'on naviguait, il se sentait bien.
08:50Il avait complètement oublié son histoire.
08:52Dès qu'on arrivait à quai, il redéprimait.
08:55Donc, c'est vous dire à quel point la mer, la voile, surtout la voile, pas le moteur bien sûr,
09:00la voile capte votre esprit, votre corps, même physiquement.
09:06Vous êtes complètement sur l'instant présent.
09:08Et ça, c'est formidable comme sensation.
09:10Marins, c'est la solitude absolue.
09:12Des personnages solitaires, vous en choisissez assez souvent.
09:17Je pense à Alex Hugo, qui est aussi un personnage solitaire, gros succès sur France 3.
09:20Là, vous jouez Yves Parlier pendant un Vendée Globe.
09:22Pourquoi vous allez vers ce genre de personnages-là ?
09:23Parce que ce ne sont pas des personnages solitaires, en vérité.
09:26Ce sont des personnages qui ont un lien avec la nature, avec l'environnement, qui est extrêmement fort.
09:31Et ils le vivent comme une rencontre.
09:34Que ce soit la montagne, la mer, le vent, la pluie, tout ça, c'est des éléments vivants.
09:41La nature, les arbres.
09:43Parce que là, on est sur du minéral.
09:47L'eau, l'air, le rocher, c'est du minéral.
09:50Mais déjà, découvrir qu'il y a quelque chose de vivant derrière ça, c'est vous et l'environnement, vous et le paysage.
10:00Il se passe quelque chose.
10:02C'est pour ça que ça ressemble à un western, Alex Hugo.
10:04Parce qu'il y a une résonance de l'être humain perdu dans l'immensité du paysage.
10:11Et ça, il y a une rencontre puissante, en vérité, derrière ça.
10:15Qu'on a oublié, que je pense qu'il y a au fond de nous, dans notre ADN d'homme primitif qui doit couler encore un peu dans nos veines.
10:25Mais qu'on a oublié dans notre civilisation.
10:27Et quelque part, je pense qu'on en a besoin.
10:30On a besoin, par exemple, moi je vois me promener dans les bois, je me sens bien, ça me fait du bien.
10:35D'être dans la nature, ça me fait du bien.
10:37J'ai besoin de ce qu'on a.
10:39Donc je dois me recharger, je dois reconnecter quelque chose, je pense.
10:41Puisque j'ai cité, et vous l'avez fait aussi, la série Alex Hugo, que vous avez démarrée il y a dix ans.
10:47Est-ce qu'elle vous a ouvert de nouvelles portes ? Est-ce que vous êtes davantage sollicité depuis ?
10:52On a l'impression que c'est une nouvelle carrière, une deuxième étape.
10:56Alors, ça se présente différemment.
10:58Ça me permet de faire des propositions personnelles qu'on accepte.
11:01Par exemple, j'ai pu faire deux films sur la question de l'autisme.
11:04T'en fais pas, je suis là.
11:06Un père qui découvrait une parenté un peu particulière.
11:11Et puis, Tu ne tueras point, qui est l'histoire d'une mère qui met fin au jour de son enfant dans un cas vraiment particulier, extrême.
11:20Vous jouiez son avocat, c'était absolument formidable.
11:23Donc ça m'a permis d'amener ça.
11:25Et aussi, ça me permet de faire des propositions sur d'autres choses aussi.
11:29Là, c'est une série pour TF1 qui sortira l'année prochaine, qui sera diffusée l'année prochaine.
11:37Donc, on ne vient pas me chercher.
11:41On ne propose pas vraiment de choses.
11:44Donc, c'est à moi de proposer.
11:46Mais par contre, les portes s'ouvrent quand je propose.
11:48Je suis devenu une valeur en télé.
11:50Donc, c'est chouette.
11:52C'est pas rien.
11:54Après, on verra si les propositions sont bonnes.
12:00Il y a toujours une prise de risque.
12:02De toute façon, parce que j'ai envie de faire des propositions un peu diverses, mais de qualité.
12:07C'est comme si je propose un divertissement, une soirée.
12:10Je dis, voilà, on va aller plus sur l'humour, mais on reste avec une écriture quand même choisie, avec une belle mise en scène.
12:17Donc, ce sont des propositions, mais qui sont avec des gens que j'estime beaucoup sur le plan artistique.
12:23Donc là, avant tout cela, il y a ce formidable téléfilm qui va passer sur France 2.
12:27Seul, dans lequel vous jouez.
12:29Seul, mais pas vraiment.
12:31Il y a quand même quelques interactions.
12:33Il y a d'autres comédiens.
12:35Mais ce qu'on voit, ça doit faire peur.
12:37Un mec sur un bateau, pendant une heure et demie, tout seul.
12:39Ça ne me donne pas super envie.
12:41En fait, non, ce n'est pas que ça.
12:43C'est de l'aventure, mais on ne s'ennuie pas une seule seconde.
12:45Parce qu'il n'est pas que seul.
12:47Et ce n'est pas que du bateau.
12:49Et on n'a pas besoin d'aimer le bateau pour aimer ce film.
12:51Je confirme.
12:53Merci beaucoup, Samuel Lebian.
12:55Merci à vous.

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