Samuel Le Bihan : « J’ai choisi d’être artiste pour ne pas me confronter totalement au réel de notre société »

  • l’année dernière
Il est l’homme aux 5 à 6 millions de téléspectateurs à chaque diffusion d’un épisode de sa série Alex Hugo. La série est actuellement diffusée chaque mardi soir sur France 3.
Transcript
00:00 - Bonjour Samuel Lebihan. - Bonjour.
00:02 - Vous avez battu encore Koh-Lanta mardi dernier lors de la diffusion du premier inédit de la 9ème saison d'Alex Hugo.
00:08 La dernière piste a été vue par 5,8 millions de téléspectateurs, il n'y en avait que 3,8 devant Koh-Lanta.
00:14 Ça continue de vous surprendre ce succès de votre personnage ?
00:17 - Ah oui bien sûr, à chaque diffusion j'espère qu'on touchera le public, qu'on ne les décevra pas.
00:26 On a une exigence sur la qualité, on veut surtout contenter, donner ce qui...
00:32 Alors c'est toujours mystérieux le succès, on ne l'y met vraiment pas puisque on ne sait pas très bien à quoi ça tient.
00:39 Mais ça veut dire qu'à un moment les planètes s'alignent.
00:42 Et donc on essaie, nous on ne peut être garant que de la qualité et de l'investissement qu'on peut avoir.
00:49 - Vous ne le comprenez pas quand même ? Est-ce que les téléspectateurs nombreux que vous croisez,
00:56 peut-être dans les rues de Nice, vous n'avez pas des retours de leur part pour vous dire pourquoi cette série les touche particulièrement ?
01:03 - Alors ce que je reçois surtout c'est vraiment la montagne.
01:08 Lionel Astier qui a décidé de partir mais tout le monde me dit "Oh je l'adore !"
01:14 - C'était son dernier épisode, non ?
01:16 - Voilà j'espère qu'on continuera d'avoir du succès sans lui.
01:20 Mais qu'il en reviendra aussi j'espère parce qu'il n'est pas loin.
01:24 Et puis oui surtout la montagne, c'est un personnage essentiel.
01:29 Toutes ces histoires centrales mais c'est une montagne quand même positive.
01:33 C'est une montagne qui nous rappelle qu'on a des paysages incroyables en France.
01:38 C'est un territoire insensé en termes de mer, d'océan, de montagne.
01:43 Il y a une diversité de décors qui est dingue.
01:47 - Qu'est-ce qu'il y a ? Alors au départ ça ne devait pas être une série Alex Hugo en 2014.
01:51 C'était juste l'adaptation d'un roman américain de Richard Hugo "La mort et la belle vie".
01:57 L'histoire d'un policier qui en avait marre de la grande ville,
02:01 qui voulait presque partir à la retraite à la montagne.
02:04 Qu'est-ce qui vous avait plu ? Et donc il avait été adapté en français.
02:06 En France avec ce personnage qui avait quitté Marseille pour la police rurale des Hautes-Alpes.
02:12 Qu'est-ce qui vous avait donné envie d'incarner ce personnage à l'époque ?
02:15 - Je crois qu'il y avait une proposition un peu différente de ce que pouvait être le Polar.
02:20 Plutôt citadin, urbain, sombre.
02:24 Là on avait quelqu'un qui essaye de redessiner sa vie,
02:29 de redistribuer les cartes, de se donner une nouvelle chance.
02:32 Et j'aimais bien cette idée de ce rapport à la nature, du rapport à l'instant présent.
02:38 Chercher l'équilibre avec l'instant présent. Et ça, il n'y a que la nature qui vous l'offre.
02:42 - Et la forme du Polar, vous avez plu également à l'époque ?
02:45 - Oui, l'intrigue.
02:47 En fait, c'est marrant parce qu'il n'y a rien de plus social qu'un Polar.
02:51 C'est là où vous rentrez le plus dans la vie intime des gens,
02:55 et particulièrement des destins un peu brisés.
02:58 Et donc c'est intéressant la forme du Polar, justement pour parler de la société,
03:02 en parlant en profondeur.
03:05 - Au cours de ces neuf saisons, quel est l'épisode qui vous a le plus marqué ?
03:09 Et d'abord, en fait, quand on vous a dit, vu le succès du pilote, on va dire,
03:14 qu'est-ce qui vous a donné envie, quand on vous a proposé un deuxième épisode,
03:18 de le tourner et de reprendre ce personnage ?
03:20 - On était relativement heureux.
03:22 C'est assez plaisant d'aller tourner dans la montagne, en altitude,
03:27 avec une équipe qui est toujours un peu la même.
03:28 Il y a un côté très familial, très troupe de théâtre, en fait.
03:32 C'est des équipes de Marseille qu'on retrouve toujours les mêmes.
03:35 On a plaisir à vieillir un petit peu ensemble.
03:38 On se voit, il y a les départs à la retraite, il y a les nouveaux qui arrivent.
03:41 Il y a des naissances.
03:43 Et il n'y a pas eu de décès encore. Très bien, tant mieux.
03:47 - Mais la deuxième fois qu'on vous a proposé de reprendre le personnage,
03:50 vous avez tout de suite dit oui ou vous avez dit, oh là là, je m'embarque
03:53 dans un truc qui va me coller à la peau pendant dix ans ?
03:56 - Oui, mais il me va bien, même s'il me colle à la peau.
03:58 Il représente quand même des valeurs que je partage en termes de sens de l'autre,
04:04 de respect de l'environnement, d'un certain sens de la justice plus humaine,
04:10 de ce rapport à la nature, aux grands espaces, le rapport aux éléments.
04:17 Aimer sentir la pluie, aimer sentir le froid, la soif.
04:23 Je veux dire, on se sent vivant.
04:25 Donc c'est ce personnage, ce qu'il vit, c'est un peu le fantasme
04:30 de ce que moi aussi j'aimerais partager quelque part.
04:32 - Alors est-ce qu'on peut dire que du coup, vous l'avez presque mis à votre sauce,
04:36 ce personnage qui au départ s'appelle La Tendresse,
04:38 mais là quand même dans l'épisode qu'on a vu mardi dernier,
04:40 il est Teseux de chez Teseux.
04:42 C'est la fin, c'est le départ de son grand pote,
04:45 le directeur de la police joué par Lionel Astier.
04:48 Il n'a pas un mot, il est dans son fauteuil, il ne dit rien.
04:51 - Non mais il y a des épisodes aussi où je passe le relais.
04:54 C'était beaucoup plus Michael Fitoussi, Cyril Lecomte, Lionel Astier, Fabien Bayardi
05:02 qui prenaient le relais.
05:03 Et il y a des épisodes aussi où l'écriture développe un peu plus leur personnage.
05:09 Et là c'était le cas, et c'était plaisant aussi de les voir affronter des défis
05:13 parce que chacun son tour.
05:15 Et j'aime bien aussi passer le relais et les soutenir dans leur partition
05:20 qui est des fois un peu difficile.
05:22 - Mais est-ce que le personnage d'Alex Hugo, vous l'avez modifié au fil des années
05:27 pour le faire plus ressembler à ce que vous êtes vous ?
05:30 - Je l'ai rapproché de moi, parce que je pense que j'ai des choses à raconter
05:33 à travers ce masque.
05:34 Derrière ce masque, il y a des choses très intimes, personnelles.
05:36 - Par exemple ?
05:37 - Non mais il y a eu des scènes un peu sensibles sur l'amitié,
05:42 sur la perte de ce qu'on aime, l'acceptation de la perte.
05:49 Il y a des choses comme ça qui me parlent et où j'y ai mis ma sensibilité.
05:53 Et puis oui, effectivement, le personnage est écrit beaucoup plus fragile que je le suis.
05:59 Et ça ne fonctionnait pas.
06:01 J'essayais de composer quelque chose.
06:04 Et dans le fond, ce qui est le plus intéressant, c'est que j'y mette quelque chose de personnel.
06:09 D'abord, il m'apprend des choses.
06:11 Donc moi, je suis allé vers lui, mais ce personnage est allé vers moi.
06:15 On a trouvé un terrain d'entente et maintenant, c'est un peu comme un copain
06:19 avec qui je partage un moment l'été.
06:23 - Oui, c'est ça. En fait, vous tournez trois ou quatre épisodes par saison.
06:26 Cette année, l'année prochaine, ça en sera deux.
06:29 Mais ça veut dire que vous vivez avec Alex Hugo tout le reste de l'année.
06:31 Vous tournez l'été parce qu'il fait beau.
06:32 Vous vivez avec lui tout le reste de l'année.
06:34 Vous le rangez dans un placard et vous le sortez.
06:35 Comment ça se passe ?
06:36 - Non, mais il n'est jamais très loin puisqu'il me ressemble.
06:39 Après, je suis investi dans des associations et ce qui correspond à des combats personnels
06:43 que Alex Hugo pourrait très bien avoir aussi sur l'environnement, sur l'autisme, on le sait.
06:51 Et donc, il n'est pas loin.
06:54 Mais je le mets dans un placard, oui, quand même.
06:57 C'est-à-dire que je le ressors à l'été.
06:59 Il y a un épisode que j'ai vraiment adoré, qui était dans la neige, qu'on a fait l'hiver.
07:03 Il s'appelait "La fille de l'hiver", réalisé par Pierre Izoard, qui est vraiment un épisode d'aventure
07:10 et dans les grands espaces, en motoneige.
07:13 Enfin, on est vraiment dans une poursuite qui se fait l'hiver dans la montagne enneigée.
07:18 Et ça, c'est un souvenir incroyable.
07:21 - Samuel Lebihan, donc c'était le dernier épisode, mardi dernier avec Joné Lassier.
07:24 Quelqu'un, il y a aussi un autre personnage important, Marilyn Canto, qui incarnait le commissaire d'Herval,
07:31 qui a quitté la série.
07:32 Qu'est-ce qui va se passer ? On va les remplacer, ces personnages-là ?
07:35 - On ne va pas les remplacer, on va surtout donner plus de place à des invités, à des guests,
07:41 qui vont venir le temps d'un épisode, nous amener leur univers, leur personnalité, leur point de vue.
07:47 Et j'espère qu'ils vont me bousculer, qu'on va pouvoir créer quelque chose.
07:51 Ils vont me sortir d'un peu de ma zone de confort, parce que je suis à l'aise maintenant.
07:54 Je suis là-haut, je connais mon territoire.
07:57 Je connais bien le personnage, le terrain de jeu.
08:02 Ce qui est intéressant aussi, c'est de se renouveler, de chercher un petit peu dans des zones qu'on n'a pas encore explorées.
08:07 - Par exemple, vous savez qui il y aura comme guest pour les prochains épisodes ?
08:10 - Non, pas encore. Il y aura un acteur sûrement anglophone.
08:15 Mais là, avec Anne Charrier, par exemple, on a fait un épisode plus humoristique, plus sur une espèce de séduction,
08:23 et qui était très intéressant, parce qu'elle a une forte personnalité, elle s'impose.
08:26 Elle me bousculait, elle me gênait même, et c'était très agréable de jouer avec elle.
08:31 - Et en plus, elle, elle incarne un flic qui vient de la ville.
08:34 Donc c'est ça l'idée, c'était un peu de confronter à nouveau deux univers.
08:39 - Plus d'opposition, oui, sur le fait d'avoir une façon de mener les enquêtes qui est différente.
08:45 Et puis aussi un homme, une femme qui...
08:48 Donc il y a une espèce de compétition aussi sur l'enquête qui se met en place,
08:53 qui est faite à la fois de séduction et de compétition.
08:57 Donc c'est un jeu qui se met en place entre deux.
09:03 Lui, elle la bouscule aussi dans ses vérités, c'est-à-dire qu'elle arrive, elle le voit un peu comme un campagnat,
09:08 comme le flic des champs, quoi.
09:11 Et donc c'est intéressant de confronter aussi ces deux façons d'appréhender, de chercher le coupable, en fait.
09:19 - Et l'acteur anglo-saxon, c'est quoi ?
09:22 C'est pour faire venir un flic anglo-saxon pour vérifier les différences de méthode ?
09:27 - Non mais c'est le scénario qui est... - Vous le savez pas ?
09:29 - Non, non, je sais pas. Bah non, pas encore.
09:31 - C'est pas écrit encore ? - Si, c'est écrit !
09:33 - Vous l'avez lu ? - Oui, bien sûr !
09:35 - Ça vous a plu ? - Ah bah c'est super, ouais.
09:37 - D'accord. - C'est une belle enquête, ouais.
09:38 Qui fait intervenir des personnages étrangers, voilà.
09:44 - Vous avez aussi écrit une série, "Samuel le Billant".
09:46 Ça veut dire quoi ? Vous avez dans votre tête des personnages que vous aimeriez encore...
09:51 D'autres personnages que vous aimeriez habiter ?
09:53 - Il y a des histoires comme ça...
09:55 Là, j'avais envie de jouer un avocat, je voulais jouer une plaidoirie,
09:58 et donc j'ai pas écrit, j'ai juste écrit le synopsis.
10:04 Ça s'appelle "Tune tueras point",
10:06 et c'est un avocat qui va défendre une mère qui a tué son enfant handicapé.
10:10 Et ça, ce sont des événements qui arrivent dans notre société,
10:13 qui sont dramatiques, qui sont rares,
10:16 mais qui remettent un peu en question...
10:19 C'est le principe du film, est-ce que c'est la société qui les a abandonnés
10:23 à un moment dans leur désespoir, il n'y avait plus qu'une solution,
10:26 c'était mettre fin au jour pour soulager la douleur,
10:32 ou est-ce que c'est la mère qui a tout pouvoir, qui donne la vie et qui la reprend ?
10:35 C'est une vraie question fondamentale,
10:37 et c'est cette question qu'on va poser, sur laquelle on va travailler.
10:41 Et donc voilà, je poursuis cette exploration,
10:46 peut-être sur l'écho que le handicap peut avoir sur l'environnement,
10:50 les personnes autour,
10:51 et ça, ce n'est pas un impact neutre,
10:55 ça crée des modifications, et c'est de ça dont je veux parler.
10:59 - Et où en est ce projet de série ?
11:01 - Non, ce n'est pas une série, c'est un unitaire qui a été tourné au mois de janvier,
11:04 qui va aller en mixage,
11:07 et je pense sûrement qu'il sera diffusé à l'automne.
11:11 - Et il n'y a pas de projet de série que vous avez écrit ?
11:13 - Si, mais on en parlera plus tard, je reviendrai !
11:17 - Vous avez bien des idées ?
11:18 - Oui, il y a des idées bien sûr, qui sont sur des sujets très divers,
11:23 et on travaille à rendre ça le plus sexy possible,
11:29 le plus intéressant possible.
11:30 C'est beaucoup de boulot, c'est du temps, il faut de la patience, c'est des allers-retours.
11:35 J'aime beaucoup être dans le processus créatif,
11:38 j'adore travailler en équipe.
11:40 Voilà, donc c'est des univers, en tout cas, on m'écoute,
11:46 on s'intéresse à mes idées et on me laisse les développer, donc à suivre.
11:51 - Alors, sans vouloir vous demander de quoi il s'agit,
11:53 vous incarneriez qui, quel genre de rôle ?
11:55 - Un personnage atypique !
11:58 C'est ça l'idée, je crois que j'ai choisi d'être artiste
12:00 pour ne pas me confronter totalement au réel de notre société,
12:05 toujours le réinventer,
12:07 et je pense que c'est un personnage qui incarne ça en lui.
12:11 - Merci Samuel Lebihan !
12:12 - Merci à vous !

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