C’est un court communiqué, qui a fait l’ouverture des journaux télés. Lundi 28 octobre, en fin de journée, le docteur Olivier Hersan, médecin de Michel Barnier, révèle que ce dernier a subi une intervention chirurgicale pour une « lésion cervicale » qui s’est « très bien passée ».
Cette communication a effectivement de quoi surprendre. D’abord, parce qu’elle concerne un Premier ministre, mais aussi parce que la Ve République a habitué les Français à un certain secret autour de la santé de l’exécutif.
Cette communication a effectivement de quoi surprendre. D’abord, parce qu’elle concerne un Premier ministre, mais aussi parce que la Ve République a habitué les Français à un certain secret autour de la santé de l’exécutif.
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00:00Des bulletins de santé mensongers, des opérations chirurgicales cachées,
00:04des cancers tenus secrets, la santé de l'exécutif a toujours été tabou en France.
00:09Et pourtant, les Français ont été informés de la lésion cervicale
00:12pour laquelle le Premier ministre Michel Barnier a été opéré.
00:16Une transparence qui rompt avec une certaine opacité de la Ve République sur le sujet.
00:20La question est la suivante, comment vous portez-vous ?
00:23Je vais vous répondre tout de suite, je ne vais pas mal.
00:29Mais rassurez-vous, un jour, je ne manquerai pas de mourir.
00:36On est en 1965.
00:38Le premier président de la République, Charles de Gaulle,
00:40a subi quelques mois plus tôt une opération de la prostate.
00:44Et depuis, la question de sa santé brûle les lèvres des journalistes.
00:48Mais de Gaulle vient de donner le ton qui sera celui des décennies à venir
00:51Ce qui concerne la santé des chefs d'État, circuler, il n'y a rien à voir.
00:55Et d'ailleurs, la Constitution ne le contredit pas.
00:58Il n'y a pas d'obligation de transparence,
01:01pas d'obligation justement de publier des bulletins de santé.
01:05C'est aussi une caractéristique française,
01:07parce que que ce soit aux Pays-Bas, en Belgique, en Angleterre,
01:12même en Italie, on sait beaucoup plus les choses.
01:17Ça tient aussi à notre régime, qui est un régime très présidentiel.
01:21Sauf que ce voile mis sur la santé des présidents
01:23a parfois été particulièrement mal vécu par les Français.
01:26Le 2 avril 1974, ils sont interrompus dans leur soirée
01:30par une annonce à laquelle ils peinent à croire.
01:37Et ils ont de quoi être surpris.
01:39Depuis plusieurs mois, Georges Pompidou paraît effectivement affaibli.
01:42Mais l'Élysée cache le mal qui le ronge,
01:44la maladie de Waldenström, un cancer du sang rare et incurable.
01:48Le Palais ment aux Français et parle d'infections grippales
01:52pour expliquer les absences répétées du président
01:54ou encore de crises hémorroïdaires
01:56pour justifier son changement d'aspect physique
01:58en fait lié à ces lourds traitements.
02:00Et pourtant, malgré le choc,
02:02ses successeurs ne changeront pas leur manière de faire.
02:05Valéry Giscard d'Estaing ne publiera aucun bulletin de santé
02:08et François Mitterrand cachera son cancer aux Français
02:10pendant près de 11 ans.
02:12Il laisse publier par son médecin personnel
02:14des bulletins de santé falsifiés
02:16qui ne disent rien de la maladie,
02:17pourtant découverte au début de son septennat.
02:20Cette opacité, elle a commencé à exploser
02:24avec Nicolas Sarkozy, dans des tas de domaines d'ailleurs.
02:27Sarkozy, au fond, a théorisé le storytelling,
02:33la manière de communiquer sur tout.
02:35Il avait théorisé la transparence
02:38mais il ne l'était pas forcément appliquée à lui-même.
02:41Sarkozy débute bien son quinquennat
02:43avec des bulletins de santé réguliers
02:45mais en 2007, une opération de la gorge est maintenue secrète.
02:48Le choix de la transparence est donc autant politique
02:51que celui du secret.
02:52En revanche, du côté de Matignon,
02:54la santé des premiers ministres n'a jamais été une réelle préoccupation.
02:57Alors ce souci de transparence,
02:59affiché par Michel Barnier, est inédit
03:01et pourrait là encore trouver une explication politique.
03:04C'est une manière d'occuper un espace politique
03:08en disant qu'aujourd'hui,
03:09ça n'est plus tellement à l'Élysée que les choses se décident,
03:12mais à Matignon et surtout d'ailleurs à l'Assemblée nationale.
03:16L'opacité quittera-t-elle durablement Matignon ?
03:19Tout dépendra sans doute des prochains rapports de force au sein de l'exécutif.