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Dans l’interview d’actualité de Télématin, Lucie Chaumette reçoit Catherine Mangin, co-auteur du livre "L'art de perdre en politique" pour parler de la dissolution qui symbolise l'échec d'Emmanuel Macron

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Transcription
00:008h15, on parle victoire et défaite dans un sport un peu particulier, la politique.
00:05Chaque élection, vous le savez, voit un gagnant et des perdants.
00:07Et ces perdants, ils ne disparaissent pas forcément du paysage.
00:10Parfois, les perdants sont aussi gagnants dans le jeu complexe qu'est la politique.
00:15On en parle avec notre invitée de 8h15.
00:16Bonjour Catherine Mangin.
00:17Bonjour.
00:18Et bienvenue sur le plateau de Télématin.
00:19Merci.
00:20L'art de perdre en politique, c'est ici.
00:22De Giscard à Macron, les politiques face à l'échec.
00:25C'est votre livre aux éditions Stock, co-écrit avec la journaliste politique Elisabeth Martichoux.
00:29On commence avec une question d'actualité.
00:31Si vous le voulez bien, la situation politique en France est inédite.
00:34C'est la conséquence directe de la dissolution ratée du président de la République Emmanuel Macron
00:38après les européennes de juin dernier.
00:40Est-ce là, cette dissolution, le symbole de son échec ?
00:43Alors effectivement, Emmanuel Macron a pris une décision complètement inouïe
00:48dans l'histoire de la vie politique.
00:50C'est une décision qu'on peine encore à expliquer politiquement aujourd'hui.
00:54C'est pour ça qu'il y a parfois aussi quelques explications assez psychologisantes.
00:57Donc, il a pris cette décision seul.
00:59Il a pris cette décision de manière radicale.
01:02Et à ce moment-là, effectivement, il ne savait pas ce qui allait se passer.
01:06Et il y a un truc qu'il n'a absolument pas anticipé, par exemple,
01:10c'est le fait que la gauche allait s'unir.
01:12Alors, la gauche s'est unie.
01:13Il y a eu les législatives.
01:15Il y a eu le Front républicain.
01:16Il y a la constitution du gouvernement.
01:19La nomination de la première ministre qui est extrêmement compliquée.
01:22Eh bien, tout ça aboutit à cette situation aujourd'hui extrêmement difficile à lire.
01:28Je crois qu'il y a un conseiller d'Emmanuel Macron qui a peut-être la clé
01:32pour nous dire un petit peu comment se comporte ce président.
01:36Il dit, Emmanuel Macron, il fait partie de ces gens qui,
01:39lorsqu'ils sont sur une autoroute, voient une petite lumière
01:42et pensent que c'est la sortie.
01:43C'est dans votre livre.
01:44Alors, vous ne parlez pas évidemment que d'Emmanuel Macron,
01:46mais on va s'intéresser à l'un de ses fidèles,
01:48celui qui a été le ministre de l'économie pendant sept ans, Bruno Le Maire,
01:52qui s'est, lui, confié sur un échec avant d'arriver au ministère de l'économie.
01:56Un échec qui remonte aux primaires des Républicains en 2016
01:59où il fait 2,4% des voix.
02:01Donc, c'est vraiment rien du tout.
02:02Son témoignage à lui, il est fort parce qu'en fait, il vous parle notamment de sa famille.
02:06Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment il ressent tout ça ?
02:08Oui. Alors, effectivement, Bruno Le Maire nous a raconté.
02:13Il ne s'en est pas caché.
02:14C'est un témoignage qui est sans phare et c'est en cela qu'il est intéressant.
02:17Il nous dit, moi, après cet échec à la primaire,
02:20alors c'est la première fois dans sa carrière où il chutait aussi lourdement
02:23parce que jusque-là, il avait eu un parcours de premier de la classe.
02:27Mais là, c'est vraiment une chute énorme.
02:30Et il dit, je me retrouve comme une loque.
02:32Je me retrouve comme une loque dans ma cuisine.
02:34Mes enfants ne comprennent pas ce qui se passe.
02:37Et là, c'est un point très intéressant parce que souvent, en politique,
02:40et on le mésestime, ce sont les enfants qui souffrent énormément de la défaite de leurs parents.
02:46C'est là aussi où on mesure la cruauté.
02:48On a un autre exemple dans le livre qui est celui de Jean-Pierre Raffarin
02:52qui nous a parlé de l'échec de son père.
02:54Son père était un sénateur qui, un jour, perd contre René Monnory.
03:00Et il voit son père s'effondrer.
03:03Il y a aussi d'autres témoignages.
03:04Jacques Lautirac, par exemple, qui nous explique que quand son père perd,
03:09elle n'est plus invitée au goûter d'anniversaire.
03:11On n'imagine pas toujours les conséquences qu'il peut y avoir,
03:13notamment pour l'entourage familial.
03:15Il y a également une catégorie, la catégorie des perdants victorieux.
03:18Il y a, par exemple, dans cette catégorie, Marine Le Pen.
03:20C'est vrai, trois défaites à la présidentielle 2012, 2017 et 2022.
03:25Mais toujours là. Pourquoi ?
03:27Toujours là parce que d'abord, Marine Le Pen, elle perd, mais elle conforte son avance.
03:33C'est-à-dire que chaque fois, elle réalise un score qui est plus important que le précédent.
03:37En fait, la question sur Marine Le Pen, c'est de savoir si aujourd'hui, un jour, elle va gagner.
03:42Alors là, on n'a pas de boule de cristal. On ne peut faire aucun pronostic.
03:46En plus, vous le savez, la situation actuelle est quand même très compliquée.
03:49On ne sait pas quand aura lieu la prochaine présidentielle.
03:52Est-ce que c'est dans un an ? Est-ce que c'est dans trois ans ?
03:54Mais en tout cas, pour elle, la notion d'échec n'existe pas.
03:57D'ailleurs, il y a un truc qui est extrêmement significatif.
04:00C'est que lorsqu'elle perd, elle dit notre résultat est une victoire.
04:05Et là, on voit qu'elle, comme d'autres, d'ailleurs, comme Jean-Luc Mélenchon,
04:09comme aussi Ségolène Royal, ne prononce jamais le mot d'échec.
04:13L'échec, elle sait en faire quelque chose de positif et on le disait, elle continue à avancer.
04:17Il y a aussi le chapitre des mauvais perdants. On ne va pas se priver pour en parler non plus.
04:20C'est comme dans tous les sports. Valérie Giscard d'Estaing, Lionel Jospin, notamment,
04:24pourquoi c'est des mauvais perdants ?
04:25Ce sont des mauvais perdants parce que d'abord, ils n'acceptent pas le fait d'avoir perdu
04:30et ils ressentent ça comme une profonde injustice.
04:32Mais au lieu de s'interroger en se disant, finalement, qu'est-ce qu'on a mal fait ?
04:36Est-ce qu'on aurait dû mener une autre campagne ? Non.
04:39Pour eux, la faute, elle est sur les autres.
04:42C'est un peu facile, ça.
04:43Comment ?
04:44C'est un peu facile de rejeter la faute.
04:45C'est un peu facile, mais néanmoins, c'est quand même ce qui se passe.
04:49Et là, quand vous êtes persuadés que vous allez gagner,
04:52enfin, Lionel Jospin, il en est absolument persuadé.
04:55On raconte avec Elisabeth une scène dans le livre,
04:58qui est une scène où il est interviewé par une télévision quelques temps avant le scrutin,
05:03mais il est totalement inenvisageable, pour lui, une seconde de perdre.
05:08Il perd.
05:09Dernière question, quel est le perdant, bon ou mauvais,
05:11que vous rêveriez d'avoir dans votre prochain livre, par exemple,
05:14et qu'il n'a pas encore parlé ?
05:15Ça, c'est une bonne question, parce qu'il y en a beaucoup.
05:18Il y en a beaucoup.
05:20D'abord, tout le monde aujourd'hui ne souhaite pas…
05:25C'est dur de parler de l'échec.
05:26Mais pour une raison aussi qui est très liée à la politique en France.
05:30C'est-à-dire qu'en France, ça reste un sujet tabou.
05:32En France, quand vous perdez, vous êtes un looser.
05:34C'est très différent de ce qui se passe aux États-Unis,
05:37où au contraire, l'échec est magnifié, glorifié en France.
05:41Emmanuel Macron, pour répondre à cette question, ça pourrait être un beau personnage de défaite.
05:45Si Emmanuel Macron veut répondre à nos questions, nous serions absolument enchantés.
05:49Merci, merci beaucoup Catherine Monjean d'avoir accepté de répondre à nos questions.
05:53Le titre de votre livre, L'art de perdre en politique, de Giscard à Macron,
05:56Les politiques face à l'échec, c'est aux éditions Stock.

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