• il y a 16 heures
Tous les samedis, Charles Pépin répond aux auditeurs d'Inter. Aujourd'hui, Charles a choisi la question de Simon : "Comment fait-on pour faire progresser l’autre ?"...
Transcription
00:00La question philo, Charles Pépin, aujourd'hui vous avez choisi de répondre à la question que vous pose Simon.
00:06Bonjour, j'ai une question pour Charles Pépin. C'est une question que je me pose à la fois en tant que père, en tant que professeur.
00:14Comment fait-on pour faire progresser l'autre ? Il faut de la fermeté, de la bienveillance, de la patience, du mystère.
00:23En bref, comment fait-on pour faire progresser l'autre ?
00:26Au boulot Charles Pépin !
00:28Quelle belle question ! La première chose que j'ai envie de vous dire, Simon, c'est qu'on ne peut pas faire progresser l'autre si on ne sait pas le valoriser,
00:34dans ses efforts, mais surtout dans ses points forts. Je crois qu'on fait trop souvent l'erreur de mettre l'accent sur les points faibles,
00:40alors qu'à mon avis, le principal levier de progression, et même peut-être de réussite, c'est d'abord de miser sur ses talents et non de corriger ses faiblesses.
00:47C'est assez bizarre ou même paradoxal ce que vous dites, parce que par définition, si l'autre doit progresser, c'est qu'il a justement des faiblesses.
00:55Oui, bien sûr, mais ce n'est pas une raison pour ne pas partir d'abord de là où il est fort, ou au moins de là où c'est plus facile pour lui.
01:01Si vous êtes par exemple professeur de terminale, et que vous voulez faire progresser un élève peu scolaire, mais très original,
01:07et disposant par exemple d'une solide culture musicale, il ne faut pas d'abord se centrer sur la méthode de dissertation,
01:13mais d'abord lui faire sentir en quoi sa culture musicale est une force qui va pouvoir nourrir son questionnement philosophique.
01:20Si vous êtes coach de foot, et que vous voulez faire progresser un joueur très physique, mais pas très technique,
01:25il faut d'abord valoriser son physique, sa vitesse, son endurance, avant de lui montrer comment progresser techniquement.
01:32C'est le principe même de la confiance. D'abord on rassure, on sécurise, on complimente. Bref, on met en confiance.
01:38Après seulement, on fait confiance et on exige des progrès.
01:42On exige malgré tout des progrès, parce qu'il y a une distinction qui est intéressante, et beaucoup d'enseignants nous écoutent.
01:47Mais mettre en confiance, c'est faire confiance, mais c'est aussi insécuriser.
01:52Oui, c'est-à-dire qu'il y a une différence. Mettre en confiance, c'est sécuriser, et après faire confiance, c'est insécuriser.
01:58Mais quand on fait confiance à quelqu'un sans l'avoir préalablement mis en confiance, on risque de le bloquer.
02:04Pour répondre à votre question, Simon, j'ai envie de vous en poser une autre.
02:07Quelle est la meilleure façon d'avancer dans la vie ? Miser sur ses qualités ou tenter de corriger ses défauts ?
02:14Exemple, sans même réfléchir intuitivement.
02:16Regardez des chanteuses comme Angèle, Pomme, Clara Luciani.
02:20Intuitivement, vous croyez qu'elles ont réussi en s'acharnant à corriger leurs défauts, ou plutôt en misant sur leur force singulière.
02:28Représentons-nous maintenant une élève de première, qui est bonne en maths, physique, chimie, anglais, mais faible en français.
02:34Ce serait, je crois, une erreur, que l'on fait très souvent en conseil de classe, de se focaliser sur ses lacunes en français.
02:40Avec ses talents en maths, physique, chimie, anglais, elle a tout à fait de quoi se construire une belle vie.
02:46Et ça, c'est des situations que vous avez connues comme enseignants.
02:50Mais d'où est-ce que ça vient, cette idée, justement ?
02:52J'aime bien cette idée de Rousseau que le propre de l'homme, c'est la perfectibilité.
02:56Alors évidemment, les espèces animales progressent aussi, mais beaucoup moins vite que nous.
03:00La perfectibilité ?
03:02Oui, le fait de pouvoir s'améliorer.
03:04Et nous les humains, nous progressons plus vite encore quand nous misons sur ce qui nous plaît,
03:08cultivons et approfondissons ce pour quoi nous avons du goût ou des facilités.
03:13Mais vous dites que les espèces humaines progressent moins vite que nous, c'est pas complètement vrai ?
03:17Animales, animales.
03:18Oui, mais les espèces animales, dès sa naissance, un chat, par exemple, est beaucoup plus habile qu'un petit homme.
03:25Oui, mais je parle du point de vue de l'évolution sur le temps long, elles évoluent beaucoup moins que nous.
03:28Et c'est pourquoi, si nous voulons faire progresser notre élève, notre enfant, notre ami,
03:32plutôt que d'être ferme ou exigeant, nous pouvons, à la manière de Socrate,
03:36le questionner pour lui permettre d'identifier ce qui lui plaît, ce qui lui parle,
03:41ce qui est plus facile pour lui, le lieu où il se retrouve et va pouvoir se développer.
03:46Souvenez-vous de la phrase d'Archimède « Donnez-moi un point d'appui et je soulèverai la terre ».
03:50Eh bien, quelle belle phrase de pédagogue ! Et dont nos enfants, nos élèves, nos amis,
03:56a trouvé d'abord ce point d'appui.
03:58Il faut pour cela de la douceur, de la patience, de la bienveillance, de la curiosité,
04:03aussi pour le talent de l'autre.
04:05Après seulement, viennent la fermeté, l'exigence, et encore, pas toujours.
04:11Quand quelqu'un se sent capable et se sent l'envie de soulever la terre,
04:14il n'a souvent même plus besoin d'un maître autoritaire.
04:18Merci Charles, j'espère que vous avez répondu à Simon, il nous le dira.
04:22Mais je rappelle que la pièce « La Joie » qui est inspirée de votre roman,
04:26sera jouée tous les soirs à partir de mercredi au Théâtre du Montparnasse à Paris.
04:30Comme quoi, la philosophie, c'est 4K tout terrain,
04:33ça peut même se retrouver sur une scène de théâtre.
04:35Exactement, et même dans un seul en scène, puisque le comédien qui fait ça s'appelle Olivier Rudavé,
04:40et il incarne ce personnage que j'avais créé, Solaro,
04:43qui est un personnage qui a toutes les raisons d'être malheureux,
04:45mais qui pourtant rencontre bizarrement la vraie joie.
04:47Ça donne envie, en tout cas ça s'appelle « La Joie » et c'est à partir de mercredi au Théâtre du Montparnasse à Paris.
04:52Merci Charles Pépin.

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