Chaque vendredi, zoom sur un sujet qui fait l'actualité à l’étranger. Aujourd'hui, Wilfried Devillers revient sur la crise en Martine où la violence urbaine persiste.
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00:00Mais d'abord, comme chaque vendredi l'enquête de la rédaction d'Europe 1, nous partons aujourd'hui en Martinique. Depuis près de deux mois,
00:06l'île aux fleurs est secouée par un mouvement social de grande ampleur contre la vie chère. Alors c'est un vieux sujet aux Antilles, évidemment.
00:12En Martinique, sachez-le, les prix de l'alimentaire en moyenne 40% plus élevés que dans l'Hexagone.
00:18Bonjour Wilfried de Villers.
00:19Bonjour Dimitri, bonjour à tous.
00:20Donc voilà pour la revendication de fond. Dans la forme, on est choqué par le niveau de violence atteint ces derniers jours,
00:26malgré le couvre-feu qui est dur depuis maintenant près de 15 jours.
00:29Oui, les tensions sont toujours vives sur l'île. Des barrages sont érigés toutes les nuits en travers des routes.
00:34La police évoque aussi cette semaine des tirs à l'arme automatique, des pillages, des stations essence vandalisées.
00:40Alors ces violences, il faut comprendre qu'elles sont menées par une poignée d'individus, c'est ce que m'a affirmé un policier,
00:46mais il dit aussi s'inquiéter dans le même temps que la Martinique puisse basculer dans le chaos.
00:50Il y a une logique aussi, pour le comprendre, de provocation des forces de l'ordre pour marquer une colère contre l'État français
00:57qui, selon les manifestants, préfère réprimer la mobilisation plutôt que de prendre des engagements en faveur d'une baisse des prix.
01:05Et cela alors même qu'un accord a été signé la semaine dernière pour une baisse de 20% des prix sur plus de 6000 produits alimentaires.
01:13Un accord qui toutefois a été jugé insuffisant par le collectif Air Prague, ça c'est le mouvement à l'origine de cette mobilisation.
01:20Alors la colère des Martiniquais, Wilfried aussi, elle répond aussi à un sentiment de dépossession.
01:25Ils sont nombreux à se plaindre de ne pas avoir la main sur leur économie qui est contrôlée par une poignée de grands groupes industriels.
01:31Oui, ça c'est ce que dénoncent les manifestants, un secteur de la grande distribution aux mains de ceux que l'on appelle les béquets en Martinique.
01:39Alors les béquets, ce sont les descendants des familles de colons parmi ces grands groupes.
01:43Il y en a un en particulier qui focalise la grogne sociale, c'est la société GBH qui contrôle à la fois Carrefour, Décathlon, Renault ou encore Monsieur Bricolage.
01:53Au total, on parle de 1,6 milliard d'euros de chiffre d'affaires pour un PIB en Martinique de 9 milliards d'euros.
02:00J'ai parlé de cette situation avec Johnny Hajar, c'est un ancien député, il est aussi rapporteur d'une commission parlementaire sur le coût de la vie en Martinique.
02:07Le ressenti est réel, c'est une réalité économique et sociale martiniquaise, historique.
02:12Le pouvoir économique se concentre majoritairement entre les mains de ces grands groupes qui représentent une minorité de la population mais une majorité de la richesse criée.
02:22Ils sont dans l'automobile, dans l'alimentaire, dans les pièces détachées, ils sont également dans le bricolage, dans quasiment tous les domaines porteurs de bénéfices et de revenus.
02:31Ce sont des faiseurs de prix.
02:33Ce n'est bien sûr pas le seul point de crispation du mouvement de colère mais il reflète aussi ce sentiment général des Antillais de ne pas en avoir fini avec le colonialisme.
02:41Alors Wilfried, vous avez échangé avec plusieurs entrepreneurs installés en Martinique, comment vivent-ils cette situation après presque deux mois de crise ?
02:47Eh bien, le mouvement social pèse très lourd forcément sur l'économie locale composée à 90% de petites entreprises.
02:53Des entrepreneurs qui disent donc comprendre le mouvement de colère contre la vie chère qui les impacte aussi directement.
02:59Mais ils regrettent les actes de violence, de vandalisme contre des entreprises, des commerces qui font partie, disent-ils, du tissu économique de la Martinique.
03:08Karl Mamlamfouk est porte-parole du comité du collectif des entreprises martiniquaises.
03:14Il y a plusieurs entrepreneurs qui réfléchissent à quitter la Martinique.
03:17Chaque fois que quelqu'un a envie de s'énerver, il bloque la route.
03:20Il y a un sentiment d'insécurité et de se dire qu'à chaque fois il faut reconstruire, rebâtir, relancer une machine.
03:26Et quand vous faites ça plusieurs fois, ça peut être démotivant.
03:29Résultat de ces sept semaines de crise, certaines entreprises sont quasiment à l'arrêt depuis septembre avec, pour certaines d'entre elles, une perte de 80% de leur chiffre d'affaires.
03:39L'enquête sur la crise en Martinique signée du reporter européen Wilfried de Villers.
03:43Merci beaucoup Wilfried.