Ce jeudi matin, aucun département n'est encore placé en vigilance orange, mais ce n'est que le calme avant l'épisode méditerranéen qui va s'abattre sur la moitié sud du pays à partir de cette nuit. Il devrait durer jusqu'à dimanche. L'équivalent de deux mois de pluies est attendu en 48 h sur les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône. David Lisnard, maire de Cannes et président de l'Association des maires de France, dénonce un système d'alerte plus à la hauteur des événements selon lui.
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00:00Bonjour David Lissnard, merci d'être avec nous ce matin. Vous êtes le maire de Cannes, le président de l'Association des maires de France
00:05et vous demandez depuis la semaine dernière un audit de Météo France après les récentes intempéries sur votre commune et alors qu'il y a donc un
00:11nouvel épisode
00:12méditerranéen qui est annoncé pour ce soir et jusqu'à dimanche. J'imagine que vous allez écouter avec attention Marc et notre
00:18prévisionniste parce qu'il n'y a pas de vigilance pour l'instant Marc. Ça s'affine d'heure en heure côté prévision, qu'elle cumule,
00:24quelle zone, ça va durer longtemps ?
00:26Alors oui, ça va durer un certain temps en tout cas d'après les dernières prévisions
00:30qui méritent encore une fois d'être confirmées. Ça devrait donc démarrer dès cet après-midi,
00:35s'intensifier la nuit prochaine et se poursuivre au moins jusqu'à dimanche. À la différence de la semaine dernière, ce sont surtout les
00:41départements sévénoles qui ont été touchés. Là pour le coup, l'épisode sera vraiment
00:45méditerranéen entre les Sévènes et la région Provence-Appecaudazur. Surtout la partie littorale, les Bouches-du-Rhône, le Var, les Alpes-Maritimes où là c'est vrai, l'écumule
00:52pourrait atteindre localement, en l'espace de très peu de temps, plus de 100 litres d'eau mètre carré. Et on sait que dès lors qu'il pleut,
00:58autant en un laps de temps très réduit, eh bien ça favorise le ruissellement et les inondations.
01:03David Lysnard, on imagine que vous allez suivre ça de près. Les services de la mairie de Cannes sont déjà en alerte ce matin ?
01:09Bonjour, ils sont déjà en vigilance parce que l'alerte est une procédure qui nécessite des moyens et qui coûte cher. Donc on est en vigilance,
01:17on essaie d'interpréter ce qui nous est adressé. Il y aura à nouveau un point avec Météo-France dans la journée.
01:24Le niveau de l'alerte, il est fondamental pour tout simplement adapter le niveau comportemental et
01:30c'est un maillon dans la chaîne de la prévention du risque. Il faut bien gérer la crise et puis bien sûr il faut
01:38faire en amont tout le travail que nous faisons
01:40pour faire des bassins de rétention d'eau, recalibrer les cours d'eau, entretenir les vallons et les cours d'eau.
01:46Et bien sûr
01:49désartificialiser, pour reprendre le vocable de l'époque. Donc c'est toute une chaîne d'où la nécessité d'avoir une alerte
01:55performante. Et juste pour terminer sur ce point puisque c'était l'introduction,
02:00on est habitué à gérer ce type de crise et notamment depuis 2015. Vous savez qu'on avait eu un épisode particulièrement violent
02:07en 2015 qui avait fait 20 morts dans l'ouest des Alpes-Maritimes.
02:11Et ce que nous avons constaté avec plusieurs collègues, c'est qu'il y avait la nécessité aujourd'hui
02:17de s'interroger sur
02:19le caractère géographique de l'alerte. Parce qu'aujourd'hui il est administratif, il correspond à des départements. Or on s'appelle Alpes-Maritimes, donc il y a d'énormes contrastes
02:28départementaux.
02:29Et je le disais, vous avez demandé la semaine dernière, on nous dit de météo France, parce que pour vous le système
02:34actuel est dépassé. On a revu les images de ce qui s'est passé à Cannes il y a un mois.
02:38Le 23 septembre, il est tombé en 25 minutes 50 litres d'eau au mètre carré. Il y a eu cette montée des eaux, ces inondations très soudaines.
02:45Et ce jour-là, David Wissenaar, Météo France avait émis une alerte jaune, c'est ça ?
02:50Oui, alors l'alerte jaune, elle n'était pas au niveau, c'est objectif, puisqu'on a eu plus de 50 millimètres en
02:5820 minutes.
02:59Et il faut bien comprendre qu'on est dans une cuvette, c'est-à-dire que
03:04indépendamment même de la configuration urbaine, on récupère les eaux qui arrivent, les Alpes se jettent dans la mer chez nous.
03:09Donc les effets, ils sont catalysés, c'est pas simplement les 52 millimètres qui est déjà énorme en
03:1520 minutes, c'est très spectaculaire, mais en plus, il y a tout ce qui arrive des collines et des montagnes autour
03:22avec une vitesse de circulation importante parce qu'il y a une pente. Et pour vous donner un ordre de grandeur, le 7 octobre,
03:27on a eu une alerte orange, donc qui nous aurait permis de
03:32protéger les habitations avec des bâtards d'eau, parce qu'on est très très organisé pour cela. Et là, il est tombé
03:387 millimètres, il est tombé 20 millimètres, pardon, en 24 heures, donc...
03:44Oui, et David Lysnard, on peut même parler aussi de la semaine dernière.
03:47On peut même parler de la semaine dernière,
03:50voilà, passer en alerte rouge les Alpes-Maritimes, et finalement, il est tombé 23 litres d'eau en 24 heures.
03:55Mais le problème d'une alerte rouge, c'est que là, ça mobilise autrement vos services aussi.
03:59Oui, et puis il faut bien comprendre, c'est la fermeture des établissements, c'est la fermeture des établissements scolaires qui ont été fermés deux fois
04:06pour rien en trois semaines, et or, l'éducation, c'est prioritaire évidemment, c'est l'évacuation des théâtres, des centres commerciaux,
04:13donc on sait faire. Mais le problème, c'est que quand l'alerte n'est pas bien adaptée, c'est-à-dire quand elle est excessive ou quand elle est
04:20en dessous de la réalité,
04:22on détruit la confiance et le civisme que l'on a essayé de mettre en place.
04:27Alors, quand on a demandé, en fait, c'est pas nouveau, ça fait un ou deux ans qu'on voit une dégradation des prévisions,
04:34c'est pas du tout une remise en cause de la probité des individus. J'ai été très surpris par la violence des réactions,
04:40d'abord parce que c'est pas une façon de détourner l'attention des autres impératifs en matière d'aménagement
04:47et de lutte contre le réchauffement climatique, évidemment, mais l'alerte, elle fait partie de notre vie chez nous.
04:52Et donc, je pense que l'audit peut même aider Météo-France à objectiver ce que certains disent, qu'on manque de moyens humains,
04:59qu'on n'a pas les nouvelles technologies, mais il faut qu'on arrive, comme d'autres systèmes dans le monde, à avoir une approche beaucoup plus par
05:05relief, par bassin de vie, que cette approche
05:10administrative départementale qui, pour nous, ne correspond plus à la réalité.
05:14Marc, la semaine dernière, on vous reste avec nous, David Lissnard, évidemment, la semaine dernière, quand on a vu arriver ces cumuls de pluie énormes
05:20sur le sud, on s'est dit, ça va être alerte rouge,
05:22et en fait, on a tous du mal à comprendre les seuils de déclenchement de cette violence.
05:27En fait, il y a une histoire de seuil. Pour l'instant, c'est vrai, et le maire a raison, ça marche à l'échelle du département.
05:32L'idéal, ça serait de fonctionner à l'infra-départementale,
05:36c'est-à-dire d'avoir vraiment une vigilance à l'intérieur du département. Pour l'instant,
05:40voilà, ça marche par département, donc c'est-à-dire qu'on va placer tout un département
05:44vigilance rouge la semaine dernière, les Alpes-Maritimes, parce qu'il tombe 300 litres d'eau mètre carré sur l'arrière-pays, alors qu'il ne tombe quasiment rien
05:51sur la partie littorale, donc c'est l'intérêt de l'infra-départementale. On a commencé à le faire, notamment pour les phénomènes de vagues-submersion, pour les
05:59vigilances, pour le risque d'avalanches en montagne,
06:02mais ça n'est pas le cas pour les fortes pluies, pour les inondations, ou même pour les crues.
06:05Bon, il faut peut-être aussi se pencher sur d'autres chiffres.
06:08Météo France est un établissement public.
06:10Les subventions accordées par l'État sont passées de 195 millions d'euros en 2015 à
06:16179 millions d'euros en 2022. On a calculé, ça fait une baisse en 7 ans de 8,4%. David Lysnard,
06:22est-ce que c'est là que le bas blesse, en fait ? C'est qu'on a baissé les subventions à Météo France, on a aussi
06:28supprimé des effectifs entre 2018 et 2022, les prévisionnistes sont passés de 1350 à 600. C'est pour ça que vous réclamez un audit ?
06:37En tout cas, c'est pour que ça marche mieux, parce qu'on est au XXIe siècle, est-ce que Météo France dispose des outils technologiques
06:45qui conviennent ? Est-ce que la masse salariale est suffisante ou pas ? Tout ça, comme dans toute entité,
06:50on doit pouvoir le contrôler, d'autant plus que Météo France a un budget qui reste supérieur à 400 millions,
06:56que l'essentiel est de l'argent public, et donc, moi je suis audité et contrôlé régulièrement, c'est anormal, voilà.
07:02Est-ce qu'il y a d'autres systèmes qui seraient plus performants, de concurrence, etc. ?
07:07Est-ce que le risque, c'est pas à l'arrivée d'une privatisation du service public de la Météo ? On voit déjà les applications.
07:12Moi, j'ai aucune religion en la matière, la seule finalité, c'est la performance.
07:18Est-ce qu'il faut privatiser ou pas ? Moi, c'est pas du tout ce que je préconise, mais j'en sais rien.
07:21Je voudrais qu'on l'audite, qu'on regarde, est-ce qu'il y a de la concurrence ? Parce que le problème, c'est souvent dans les organisations,
07:27c'est pas le statut public ou privé de la difficulté, c'est lorsqu'il y a un monopole.
07:30C'est tout ça qu'il faut qu'on regarde. Je voudrais juste dire un mot là-dessus.
07:35Depuis une dizaine d'années, il y a eu un transfert de la charge de l'État vers les collectivités.
07:40Parce que nous, on met beaucoup plus de moyens qu'avant dans la prévention du risque.
07:43Je peux vous dire qu'avant, c'était pas du tout une compétence communale ou intercommunale.
07:47Depuis 2017, ça l'est devenu. On investit dans notre agglomération au moins 10 millions d'euros par an pour la lutte contre les inondations.
07:55On a détruit des hameaux, on a détruit des immeubles, on recalibre les cours d'eau.
07:59Ces fonctionnements, ce sont des agents qu'on n'était pas obligés d'avoir dans la masse salariale.
08:03Maintenant, on est obligés de les avoir. On a des prévisionnistes.
08:05J'ai créé une délégation, une direction au risque majeur il y a maintenant 9 ans.
08:10Donc, il y a eu un transfert de charge vers les collectivités.
08:13Et si je le dis, ce n'est pas anodin puisqu'on nous dit qu'il n'y a pas eu de transfert ces dernières années.
08:17C'est archi faux dans beaucoup de domaines, dont celui de la prévention du risque.
08:21Il faut aussi qu'on applique la subsidiarité, c'est-à-dire que les bassins de vie soient équipés pendant la crise et avant,
08:27mais aussi qu'on ait une politique nationale qui intervienne en subsidiarité, de mise en cohérence de la gestion du risque en France.
08:34Et c'est ce qu'on propose avec l'AMF, avec Sébastien Laurent, avec Eric Ménaty.
08:38Merci David Lysnard d'avoir été avec nous. Un tout petit mot de la fin de marqué.
08:42Un dernier chiffre. On demande aux ingénieurs de Météo France d'être plus près du terrain, dans les départements, pour être beaucoup plus précis.
08:49115 implantations, 115 bureaux de Météo France en 2011, plus que 39 en 2024.
08:54Pour être au plus près du terrain, il faut des ingénieurs de Météo France sur le terrain, dans les départements, pour refaire remonter les informations à Toulouse et à Paris.
09:01Et là, pour le coup, c'est là que la blesse.