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Après un camouflet judiciaire, l'Italie tente de sauver son accord qui prévoit d'externaliser la gestion d'une partie des demandeurs d’asile en Albanie. Une méthode « très contestable d'un point de vue juridique », estime Matthieu Tardis, codirecteur du centre de recherche Synergies Migrations.

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Transcription
00:00Les Italiens m'ont demandé de fermer l'immigration illégale.
00:02Je ferai de mon mieux pour limiter l'immigration illégale en masse.
00:12La décision d'externaliser le traitement des demandes d'asile sur le territoire albanais
00:16est sujette à caution d'un point de vue juridique.
00:21Je dois dire qu'elle est un peu plus solide que la politique
00:25qui n'a pas été mise en oeuvre des Britanniques,
00:27de renvoi vers le Rwanda des personnes qui arriveraient régulièrement sur le territoire britannique.
00:31Le gouvernement italien a pris un peu plus de précautions
00:34au regard du droit européen, notamment, et du droit international en général.
00:39Déjà, décidant que toutes les personnes ne seraient pas placées dans ce centre de rétention en Albanie,
00:44ça reste quand même très contestable d'un point de vue juridique,
00:47parce qu'a reconnu le tribunal de Rome,
00:51qui a annulé le placement dans ce centre de rétention des demandeurs d'asile,
00:54sur un motif qui est plutôt sur le pays non sûr.
00:57Donc, il suffirait qu'on ait des personnes de pays issus.
01:01C'est un concept aussi très complexe pour que ça soit légalisé par le tribunal.
01:05Ça reste contestable d'un point de vue juridique,
01:07parce qu'il y a quand même un principe essentiel en Europe,
01:11notamment, c'est la territorialisation de l'asile.
01:14C'est-à-dire qu'à partir du moment où une personne met le pied sur notre territoire,
01:17il a le droit d'y demander l'asile.
01:19La question, c'est lorsque ces personnes sont sur un bateau de la Marine italienne,
01:24est-ce qu'ils sont en Italie ou pas encore en Italie ?
01:26Donc, c'est aussi ça l'enjeu.
01:28Et puis en fait, la responsabilité juridique pour le traitement de ces personnes en Albanie.
01:32Qui est responsable ? Est-ce que c'est l'Albanie ?
01:34C'est sa juridiction.
01:35L'Albanie n'a pas cédé une partie de son territoire, c'est impossible, à l'Italie.
01:40Mais qui est responsable de ces personnes ?
01:42Donc, il y a beaucoup de points d'interrogation pour quand même des moyens assez considérables
01:47qui vont être mis là-dessus.
01:48La première chose, c'est la question de l'interception en mer.
01:52Le droit maritime dit qu'il faut ramener les personnes vers le port le plus proche.
01:56Ces centres en Albanie ne sont pas les ports les plus proches en général.
01:59Et ça coûte de l'argent.
02:00Et puis, ça fait aussi que ces bateaux-là qui sont éventuellement dans les eaux internationales
02:05et là où il y a beaucoup de passages de bateaux migrants, n'y seront pas.
02:08Et puis, il y a un problème quand même très important en Ancien.
02:10Il y a plus de 200 millions d'euros pour ce centre en fonctionnement.
02:13C'est quand même une somme importante pour une capacité de 3 000 personnes.
02:17Je pense que là, il y a une question qui se pose quand même de la bonne utilisation
02:20de fonds publics italiens.
02:23Alors, c'est un peu un test, on verra quelle va être l'efficacité en termes de dissuasion.
02:30Les personnes qui entreprennent ces trajets au péril de leur vie le savent.
02:34Donc, il faut se poser la question de pourquoi ces personnes sont prêtes à prendre tous
02:37ces risques pour arriver en Europe.
02:39Et ce n'est pas forcément le fait d'être placé quelque temps dans un centre de rétention
02:43en Albanie qui va les dissuader de venir.
02:45Ou alors, ils vont trouver d'autres moyens d'arriver en Italie via les Balkans.
02:48Par exemple, si on prend les accords qui ont été pris avec des pays tiers qui nous entourent,
02:53y compris entre l'Italie et la Tunisie, ça a une efficacité en termes d'arrivée,
02:57il y a une baisse des arrivées.
02:58On ne sait pas, finalement, s'il y a une efficacité en termes de départ.
03:01Là, on a aussi transféré, notamment, beaucoup de choses aux Libyens et aux Tunisiens.
03:05Et puis, sur combien de temps ?
03:07C'est-à-dire qu'au bout d'un moment, peut-être que l'efficacité, elle est sur les premiers mois
03:10et puis après, ça repart.
03:11Ce qui s'est passé avec la Tunisie, il y a quelques années, il y a eu plus de départs de Tunisie.
03:16Ça a baissé et ensuite, ça a re-augmenté au début des années 2020,
03:19avec principalement des Tunisiens, il faut le rappeler.
03:22Sauf en 2023, où c'était plutôt des nationalités d'Afrique subsaharienne
03:26qui étaient liées à la situation politique en Tunisie
03:29et le discours du président qui vient d'être réélu contre les populations d'Afrique subsaharienne.
03:35Donc, tout ça est quand même aussi soumis aux aléas politiques
03:39et qui nous entourent, notamment le Maroc, la Tunisie, la Libye, la Turquie, bien entendu,
03:45qui reste quand même un des pays qui accueille le plus de réfugiés au monde avec l'Iran.
03:50Et puis, on le voit aussi plus à l'aise avec la Russie, la Biélorussie.
03:53Quelque part, on remet aussi les clés de l'Union européenne à ces pays.
04:02Il y a une inflation législative sur les questions d'immigration
04:06et on le voit en France avec ces lois d'immigration qui se succèdent également
04:11et c'est vrai dans d'autres pays de l'Union européenne.
04:13Il y a une sorte de rentabilité politique et éventuellement électorale
04:17autour de la question de l'immigration, d'en faire un totem aussi de beaucoup de partis politiques
04:23et de vouloir constamment aller plus loin sur des mesures qui ne sont pas forcément les plus raisonnables,
04:29qui sont coûteuses alors qu'on est plutôt dans une période où il faudrait faire des économies.
04:33On est aussi dans une période, d'ailleurs, où on a besoin de plus en plus d'immigration,
04:36en tout cas dans nos sociétés vieillissantes en Europe.
04:39Ce ne sont pas forcément des mesures de bon sens.
04:41Là, l'enjeu, et finalement le Premier ministre français l'a plutôt rappelé,
04:44donc il faut le reconnaître, est l'application du pacte européen sur l'asile et la migration.
04:49Et je dirais en fait qu'il y a un troisième problème,
04:51c'est qu'aujourd'hui il y a une grande confusion sur quels sont les objectifs
04:55d'une politique d'asile et d'immigration sur notre continent et dans les États membres.
04:59On comprend bien qu'on est plutôt quand même sur une volonté de restreindre
05:03et on utilise le terme de maîtrise,
05:04on est quand même sur des flux qui sont relativement mesurés dans notre pays,
05:09qui sont certes en augmentation, mais aussi liés à la situation internationale.
05:13Et dans ce contexte-là, en France, on n'observe pas une explosion de l'immigration.
05:17L'Europe centrale est en train de se vider de sa population.
05:20C'est-à-dire qu'un pays comme la Bulgarie va perdre 20% de sa population dans les prochaines années,
05:24ce qui est énorme et donc qui importe de plus en plus de travailleurs étrangers
05:28plutôt venant d'Asie, dans des statuts extrêmement précaires.
05:31Donc on voit très bien qu'il y a le discours pour les opinions publiques
05:35et puis la réalité, les besoins de nos pays, la réalité du monde,
05:38qui est quand même tout autre, on va faire face à beaucoup plus d'immigration.
05:43Et je pense que la responsabilité aujourd'hui serait de dire comment on fait
05:47pour que ça se passe au mieux pour tout le monde, y compris pour les populations d'accueil.

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