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"Morandini Live" en direct d'une salle de shoot à Marseille ce matin: "Les toxicos vont se piquer dans les petites rues autour après avoir récupéré les seringues dans le local! On les retrouve au sol ensuite" - VIDEO

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Transcription
00:00On va aller à Marseille devant une salle de shoot. On est avec Mohamed Belmédour qui est éducateur spécialisé dans les quartiers nord de Marseille.
00:07Bonjour Mohamed, merci d'être en direct avec nous. Déjà expliquez-nous où vous êtes.
00:11Alors là je me suis situé à la rue Marcel Samba dans le premier arrondissement, aux abords de la gare Saint-Charles.
00:19Et comme vous pouvez le voir derrière moi, avec le mur de couleur bleu et blanche, vous avez un foyer d'hébergement qui s'appelle le slip-in.
00:27J'y ai travaillé pendant des années et c'est là où on accueille en fait les personnes toxicomanes et où on leur fournit des kits de shoot ou des pipes à craque
00:38pour pouvoir consommer de manière sécurisée. C'est pour des raisons sanitaires qu'on fait ça.
00:45Et donc les personnes qui sont toxicomanes viennent tous dans ce lieu-là, ils sont tous suivis.
00:51Ici, dans ce lieu-là, vous avez des professionnels qui connaissent tous les toxicomanes du centre-ville.
00:57La situation à Marseille fait qu'on a la concentration du public toxicomane ici, aux alentours de la gare Saint-Charles.
01:07Et on a une hypocrisie de la maire d'arrondissement, donc du 1er et 7e arrondissement, Madame Sophie Camart, qui dit
01:14« Oui, il faut les aider, mais moi, je ne veux pas de salle de shoot chez moi. » Alors qu'on a un lieu d'hébergement.
01:22– Comment ça se passe, Mohamed ? Comment ça se passe à l'intérieur de cette salle de shoot ? Expliquez-nous.
01:27C'est-à-dire que les gens viennent, disent « je suis un drogué, fournissez-moi de la drogue et fournissez-moi des seringues », ça se passe comme ça ?
01:34– Non, non, non, pas du tout. Alors là, le matin, on a des personnes, des toxicomanes qui toquent à la porte, qui sont reçus,
01:42qui ont un accompagnement avec des psychologues et des personnels de santé. Du coup, on leur fait une fiche pour qu'ils soient suivis.
01:51Et les personnes qui sont sans-abri peuvent revenir le soir, à condition de s'être inscrits le matin,
01:58et à partir de 18h, bénéficier d'une place dans un dortoir. Donc le soir, elles sont prises en charge ici.
02:06Elles ont un repas fourni le soir et un le matin. Par contre, à 8h du matin, ils ne peuvent plus rester sur place
02:12parce que c'est l'accueil administratif. Et là, c'est plus de l'accueil…
02:16– Ça, ce n'est pas une salle de shoot, Mohamed. Ce que vous décrivez, ce n'est pas une salle de shoot.
02:19Vous nous décrivez un dortoir et un lieu d'accompagnement, une vraie salle de shoot, normalement.
02:23On fournit des seringues, on fournit du matériel, on fournit des choses. Est-ce que ça se passe comme ça, là ?
02:29– Là, non, non, non. Là, c'est un foyer d'hébergement. Les personnes viennent pour pouvoir se loger,
02:37mais les personnes toxicomanes peuvent aussi bénéficier de seringues stérilisées et de pipe à craque
02:46pour pouvoir fumer de la cocaïne qui est modifiée.
02:50– Juste, Mohamed, je suis désolé parce que j'ai vraiment besoin de comprendre.
02:54Et la cocaïne et l'héroïne qui sont fournies, c'est fourni par qui ?
02:58– C'est les produits de substitution.
03:00– Non, ce n'est pas fourni par la structure.
03:03Les personnes toxicomanes qui viennent ici, généralement, elles font la manche autour de la gare Saint-Charles
03:11et quand elles ont assez d'argent, vont dans des points de deal à l'extérieur du centre-ville
03:16pour acheter leur consommation, puis revenir et consommer dans les petites ruelles du centre-ville.
03:21Et certains, eux, achètent à ce que j'appelle des dealers casse-croûte,
03:26des médicaments de substitution afin de s'injecter ces médicaments de substitution.
03:32Et ça, c'est encore plus grave parce que ça bouche les artères et tout ce qui s'en suit.
03:36– Donc, ils viennent dans ce lieu avec de la drogue ou des médicaments de substitution
03:43qu'ils ont achetés à l'extérieur et ils s'injectent ça dans ce lieu avec des seringues qu'on leur fournit ?
03:48– Non, non, interdit de consommer de la drogue à l'intérieur, j'y ai travaillé.
03:53On payait au grain pour que personne ne consomme sur place.
03:56– Donc, ils se piquent où, Mohamed ? Ils se piquent où ?
03:59– Ils se piquent là, dans les petites ruelles du centre-ville.
04:04– Mais c'est surréaliste !
04:06Mais Mohamed, c'est pire que tout, comment vous voulez que les habitants acceptent ça ?
04:11C'est-à-dire que vous me dites que c'est un lieu où on va donner des seringues,
04:15où les gens vont ensuite sortir et ils vont se piquer dans les rues ?
04:19C'est surréaliste pour les habitants ?
04:22– Justement, ce lieu qui connaît bien et qui a bien identifié
04:27les personnes toxicomanes dans la ville préférerait, à la rigueur,
04:33que la salle de shoot se fasse à l'intérieur de ses locaux,
04:36dans un lieu sécurisé, avec les moyens qu'on leur a octroyés,
04:40plutôt qu'ils se shootent dans les petites ruelles.
04:43Et là, on ne trouverait plus des seringues.
04:46– Alors, juste mettre bien Henri Bovis qui est là et fait des bons depuis tout à l'heure,
04:49en vous entendant, parce qu'il dit que c'est surréaliste son apprent.
04:52– Franchement, je n'ai pas les mots.
04:55C'est lunaire, c'est surréaliste que l'État puisse, en même temps,
05:01et d'ailleurs même de manière indirecte, quasiment légaliser
05:05le trafic de stupéfiants aux alentours de la gare Saint-Charles
05:08pour que justement ces individus puissent récupérer de la drogue
05:11et aller se l'injecter, même pas de manière encadrée d'ailleurs,
05:14de ce que l'on comprend.
05:15En fait, ces personnes-là bénéficient seulement de seringues…
05:18– Matérielles et stérilisées.
05:20– Matérielles et stérilisées, pour ensuite aller se droguer,
05:22se shooter dans la rue.
05:23Mais déjà, il y a un problème de santé publique,
05:25il y a un problème de sécurité,
05:27il y a un problème criminogène évidemment aux alentours,
05:30parce qu'on se doute bien que derrière, il doit y avoir des heurts, j'imagine.
05:34– Des nuisances.
05:35– Des nuisances, et monsieur nous confirmera.
05:37Enfin, tout est lunaire et que l'État cautionne un tel fonctionnement,
05:41c'est une défaite de l'État et une défaite des services publics
05:44qui vraiment… l'État est à genoux.
05:46– Mohamed, vous comprenez qu'on fasse des bons quand on entend ça quand même ?
05:49Parce que vous, vous trouvez ça bien ?
05:51Vous trouvez ça comment, ça m'intéresse ?
05:53– C'est incroyable.
05:54– Moi, je vous parle de ce qui est la réalité du terrain.
05:57– Il n'y a rien contre vous, Mohamed, c'est votre avis que je veux.
05:59Il n'y a rien contre vous, bien évidemment.
06:01Au contraire, merci de nous informer,
06:03parce que je crois qu'on est nombreux à découvrir le fonctionnement.
06:05– Mais moi, au début, pour moi, ça paraissait lunaire justement
06:09qu'on puisse fournir du matériel de shoot,
06:12mais si on fait ça, on est bien obligés,
06:14parce que dans les années 80, les seringues étaient interdites,
06:16alors les toxicomanes se shootaient avec ce qu'ils trouvaient,
06:19ils se faisaient tourner la seringue,
06:21et c'est comme ça qu'il y a eu la propagation de l'hépatite B, du sida…
06:24– Oui, bien sûr.
06:26– Mais comment on les laisse ressortir,
06:28aller se droguer dans les petites rues autour, Mohamed ?
06:31C'est ça que je trouve dingue, c'est que pour les habitants,
06:33c'est un mépris total pour les habitants du quartier.
06:35On leur dit, vous aurez autour de vous, dans les petites rues,
06:38des drogués qui vont venir se droguer.
06:41Rosa Méziane veut également intervenir.
06:43– Non, mais tu dis que c'est un mépris total pour les voisins,
06:48enfin c'est déjà un mépris total pour les drogués eux-mêmes.
06:50– Aussi, bien sûr.
06:51– Sincèrement, c'est-à-dire qu'aussi peu les considérer,
06:53c'est-à-dire que ces personnes-là, doivent être soignées,
06:55c'est avant tout ça, dans le soin, par sevrage, effectivement.
07:01Et la difficulté, c'est qu'on est dans un échec collectif.
07:04Moi, j'ai grandi, vous savez, notamment dans le 92,
07:07avec des personnes qui se piquaient dans les cages d'escalier
07:10et qu'on voyait mourir.
07:11Et effectivement, personne ne peut se satisfaire de cette situation.
07:14Mais que 20 ans après, on se retrouve en fait avec des pseudo salles de shoot,
07:18parce que pour le coup, la vraie salle de shoot,
07:20on se drogue en fait à l'intérieur de la salle.
07:23Et apparemment, là, on est sur un début de salle de shoot
07:26non complètement assumée.
07:28Mais qui peut se satisfaire de ça ?
07:30On parle quand même de la grandeur de la France,
07:34de sa capacité à justement ne pas laisser les plus souffrants sur le bord du trottoir.
07:40Et en fait, on est quasiment en train de fabriquer un pays drogué.
07:43Parce qu'il est là, en réalité, le problème en France.
07:46C'est le nombre de personnes qui consomment de la drogue en France.
07:49Et qu'on en arrive en fait à laisser des toxicomanes errer dans une ville
07:55sans aucune considération de prise en charge.
07:58Moi, ça me désonne.
07:59C'est une honte, c'est une honte, je suis d'accord.
08:01Fils des bavards du R.A. !
08:02C'est très intéressant cet échange.
08:03Et moi, je remercie Mohamed pour tout ce qu'il dit.
08:05Je pense que beaucoup de gens...
08:07Malheureusement, on ne le découvre pas.
08:09Mais je pense que grâce à son témoignage, beaucoup de gens le découvrent.
08:12Mais vous vous rendez compte ?
08:13Vous parlez de 20 ans, 25, 30 ans.
08:15Mais vous vous rendez compte où la France en est arrivée quand même ?
08:17Mais où en sommes-nous ?
08:19C'est une faillite totale et complète.
08:20Et moi, il faudrait aller jusqu'au bout quand même du témoignage.
08:22Et à la limite, je pose la question à Mohamed.
08:24Qui sont ces gens qui sont hébergés ?
08:26Qui sont ces gens qui se retrouvent dans les rues adjacentes ?
08:29Quel est leur profil ?
08:32Je vais aller jusqu'au bout de ma question et de ma démonstration.
08:36Bien que je crois qu'on ait déjà compris le bout.
08:38Ce sont des gens qui sont en situation régulière en France.
08:41Par exemple...
08:43Mohamed ?
08:44Pardon ?
08:45Est-ce que les gens qui sont dans cette salle, c'est des gens qui sont en situation régulière en France ?
08:50C'est quoi leur profil, les gens qui viennent ?
08:53Ce sont des gens en situation régulière.
08:57Des personnes qui se shoot, qui se droguent depuis leur enfance.
09:03Pour certains, j'en ai vu qui ont 20-30 ans de consommation de stupéfiants.
09:08Et malheureusement, ce sont des gens qui ont besoin plus de soins et d'accompagnement au quotidien qu'autre chose.
09:15Et les policiers disent, nous, on ne peut rien faire.
09:18Parce que même si on les interpelle et qu'on les met en garde à vue pour détention de stupéfiants,
09:23ils ressortent, ils continueront à en consommer.
09:26Donc c'est là, c'est un problème sanitaire, c'est un problème de santé publique.
09:30Mohamed, je ne sais pas si vous pouvez retourner la caméra et nous montrer un peu le quartier.
09:33Il est dans quel état, le quartier ?
09:36Si vous pouvez nous montrer un peu les rues autour.
09:39Expliquez-nous un peu le quartier, dans quel état il est.
09:43Alors là, vous avez la rue...
09:45C'est une rue en fait très fréquentée du centre-ville.
09:49Donc là, vous avez le foyer ici.
09:52Après, je continue, vous allez voir les petites rues.
09:55Donc le foyer est là.
09:56Tous les deux maisons, on l'a refermé autour.
09:58Vous avez l'hébergement à l'étage.
10:00Mais ce n'est pas non plus un quartier, mis à part parfois quelques nuisances au nord,
10:06ce n'est pas un quartier des plus, on va dire, des plus malfamés, vous voyez.
10:10Donc on est en plein centre-ville.
10:12Là, vous avez la gare Saint-Charles.
10:14Ah oui, d'accord.
10:15Voilà, ce n'est pas non plus... Non, non, non, ce n'est pas...
10:19Attention, ce n'est pas...
10:21Alors, juste parce que je vois très bien où vous êtes tout à coup.
10:23Je ne voyais pas où vous étiez mais en me montrant la gare, je vois très bien.
10:25On est quand même à quelques encablures de la Porte d'Aix.
10:28On va dire les choses pour ceux qui connaissent Marseille.
10:30La Porte d'Aix qui est un haut lieu du trafic de drogue.
10:33On n'est pas très loin.
10:36Mohamed, si vous m'entendez.
10:37Oui, oui, je vous entends.
10:39Non, je vous disais, on n'est quand même pas très loin de la Porte d'Aix.
10:41C'est la Porte d'Aix qui est un haut lieu du trafic de drogue aussi.
10:44Oui, on n'est pas très loin.
10:45C'est vrai qu'on n'est pas très loin de la Porte d'Aix.
10:51Les citoyens ne se fournissent pas exclusivement à la Porte d'Aix.
10:55C'est pas loin.
10:56Il y a souvent des points de deal dans les quartiers plus au nord de la ville
11:01pour se fournir parce que les médicaments, les médicaments de substitution
11:09et certaines drogues dures, on ne les trouve pas de partout.
11:12Par contre, à Marseille, contrairement à Paris, ici, il n'y a pas de krach.
11:17On n'a pas de krach.
11:19Dernière question, Mohamed, et après je vous libère.
11:22Et encore une fois, merci pour votre témoignage qui nous apprend vraiment beaucoup de choses,
11:26sauf pour ceux qui ont travaillé sur le dossier, comme le député qui est avec nous.
11:30Mais je crois que beaucoup de gens découvrent un peu comment ça se passe
11:32et comment les choses se passent.
11:33Vous pensez quoi de l'idée de faire une salle de shoot ?
11:35Mais j'imagine, enfin, je suis en train tout à coup de réaliser
11:38que cette salle de shoot qu'ils veulent ouvrir à Notre-Dame,
11:40ça veut dire qu'on va avoir autour de Notre-Dame des gens en train de se droguer, etc.
11:44Vous pensez quoi de cette idée qui a été avancée par ce responsable d'Europe Ecologie ?
11:50Alors, sur l'idée de Notre-Dame de la Garde, c'est une idée de bisounours
11:55et qui ne fonctionnera jamais.
11:57Déjà, il y a un lieu de culte et un lieu touristique qui nous est propre à nous, les Marseillais.
12:03Et jamais les toxicomanes n'iront jusqu'à Notre-Dame de la Garde.
12:07C'est totalement éloigné.
12:09La zone de consommation et de fréquentation des toxicomanes, elle est ici.
12:13Donc, l'idée, moi ce que je veux, c'est une solution concrète.
12:17L'idée, c'est de déplanter à titre expérimentatif,
12:21c'est-à-dire deux ou trois mois, pour voir si ça marche ou pas,
12:24cette salle de shoot avec des moyens qu'on aura octroyés au sleeping,
12:29qui est juste là, à l'intérieur de leur loco,
12:31une salle sécurisée où ils peuvent consommer.
12:33Comme ça, aux alentours, on ne retrouvera plus de seringues
12:36et on ne verra plus de toxicomanes.
12:39Parce que j'en bois, moi ça m'arrive d'en boire,
12:41et je les connais, s'injecter en pleine rue.
12:44Donc, il faut tester cela.
12:46Et après, par exemple, on retrouve des seringues dans la rue,
12:49dans ce quartier-là forcément, puisqu'ils s'injectent autour.
12:51Forcément, le soir ou le matin, il y a des seringues dans la rue.
12:55Pas tout le temps.
12:56Non, mais on en trouve, bah oui.
12:58Pas ici même, pas ici même, un peu plus loin.
13:00Donc, près de l'école, là-bas, Corsy, tout ça.
13:03Près de l'école, en plus.
13:04Pas ici.
13:05Ici, c'est rare.
13:07Ici, c'est rare.
13:08Parce que souvent, ils vont se cacher ici.
13:10C'est très fréquenté.
13:11Donc, ils ne peuvent pas s'injecter normalement.
13:13– Merci beaucoup, Mohamed.
13:15Franchement, c'était super intéressant.
13:18Il faudrait qu'on vienne faire un jour une émission dans ces quartiers-là.
13:21Parce que montrer la réalité, comme vous nous l'avez montré en direct.
13:24Et un grand merci, Mohamed Benoudour, d'avoir été en direct avec nous.

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