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00:00Nous retrouvons à présent notre invitée au cœur de l'info, passionnée par les glaces et le Grand Nord depuis toujours.
00:06Elle fut à 27 ans la première femme commandant de navires d'expédition polaire.
00:11Et si elle continue de suivre le projet scientifique du médecin et aventurier Jean-Louis Etienne,
00:15elle a aussi, en tant qu'armatrice, décidé de faire évoluer les voyages d'Arctique avec Cellar,
00:22le premier navire d'expédition propulsé par la nature, vent et soleil.
00:26Alors, le petit voilier pourra-t-il faire évoluer ce secteur des croisières ?
00:30Quelles transformations sont aussi en cours dans cet espace arctique qui, par endroits,
00:36elle va nous l'expliquer, n'a jamais été cartographié ?
00:40C'est ce dont nous allons parler avec vous, Sophie Galvagnon.
00:43Bonsoir. Je remercie beaucoup de nous avoir rejoints sur ce plateau.
00:47Terre ferme, ce n'est pas évident pour vous.
00:49Vous me disiez que vous étiez beaucoup à droite, à gauche, sur la terre, sur la mer aussi.
00:53Vous avez besoin de tous ces équilibres ou de ces déséquilibres pour être stable, finalement.
00:59Vous aimez repousser les limites. C'est ce que l'on voit quand on lit votre parcours.
01:03Vous avez seulement 36 ans, presque 37 ans.
01:06Ça reste extrêmement jeune pour avoir accompli tout cela.
01:09Repousser les limites, on voit que, notamment dans cet espace arctique, c'est encore possible.
01:15On ne sait pas tout.
01:16Exactement. Merci de me recevoir.
01:19C'est vrai qu'on ne sait pas tout. Il y a encore beaucoup de choses à faire.
01:22Et notamment dans un univers qui, aujourd'hui, est en urgence d'alternatives dans les industries qui travaillent là-bas.
01:32Mon expertise, c'est celle du secteur maritime et, en particulier, la croisière dans ces zones-là.
01:38Et notre initiative, aujourd'hui, c'est là, c'est celle de créer une compagnie maritime d'un nouveau genre
01:45qui initie un sursaut dans ce milieu-là, de manière à préserver les écosystèmes qui sont là-haut.
01:53Alors, on va y revenir, mais avant cela, justement, voyons ces images.
01:56Faites-nous rêver. Découvrons ce Grand Nord, cet arctique, parce que l'arctique intègre le Grand Nord.
02:03Ça fait partie de cet espace arctique. C'est beaucoup plus large que ça.
02:07Ce qui le caractérise, notamment au-delà de la neige, on le voit, et de la glace, c'est le silence.
02:13D'où l'importance d'essayer d'éliminer cette pollution sonore.
02:17Tout à fait. Là-bas, vous aurez un silence qui est complètement immersif et qui vous saisit.
02:23En fait, ça vous fait sentir tout petit dans une nature souveraine et, quelque part, c'est rassurant.
02:28C'est un espace où il n'y a presque pas de traces humaines.
02:32Et donc, c'est important d'essayer de rester en harmonie avec cette nature et d'évoluer de manière à la respecter.
02:42Surtout dans un secteur qui, aujourd'hui, grandit de 20% chaque année et qui ne va pas s'arrêter.
02:48Le secteur des croisières, justement, parce que c'est ce que j'ai découvert.
02:52Vous parlez du secteur des croisières, que vous souhaitez révolutionner avec votre contribution.
02:57Mais il y a aussi les croisières polaires. J'ai découvert ça, effectivement.
03:01Ça devient de plus en plus important, ce que vous êtes en train de nous dire.
03:03Ça devient de plus en plus important. Personnellement, ça fait 10 ans que je navigue à bord de différents navires en Arctique.
03:08J'ai eu la chance de commander de gros brise-glaces de science à des navires de tourisme.
03:13Et il y a 10 ans, il y avait seulement une dizaine de navires qui opéraient là-haut.
03:17Aujourd'hui, on est déjà à 100 navires avec cette projection de croissance chaque année.
03:23Donc, il devient urgent de trouver une alternative qui permet de limiter la pollution locale.
03:29Et pour rappel, le transport maritime est le deuxième plus gros pollueur après celui de l'aviation.
03:34Alors, effectivement, on a vu votre bateau derrière.
03:37C'est vrai que vous allez ouvrir une brèche. Alors, malgré tout, je vais me faire un peu l'avocat du diable.
03:42L'objectif de votre compagnie, de vos bateaux, de votre bateau, ça va être de transporter des personnes pour des croisières.
03:49Mais vous allez transporter 26 personnes dans de très, très belles cabines.
03:53Pour l'instant, c'est vrai. Comment pensez-vous influencer avec une si petite quantité ?
03:59Alors qu'on parle, vous le disiez, je vais donner des chiffres, 36 millions de voyageurs sont attendus en 2024 dans ce secteur des croisières.
04:06C'est absolument gigantesque.
04:09Oui, tout à fait. Donc, c'est toujours important de semer une première graine.
04:12Et le but, c'est aussi de montrer la preuve par l'exemple et d'accélérer la transition du secteur dans sa globalité.
04:20On a vu des exemples similaires, par exemple, chez l'automobile et la voiture électrique,
04:25où au début, c'était quelque chose qui était réservé à certaines catégories de personnes et qui, aujourd'hui, est en train de se démocratiser.
04:32Donc, ça coûte cher de financer de l'innovation.
04:35On a ces 36 passagers qui participent à cet effort.
04:38Et en plus de ça, l'usage d'une navire n'est pas dédié uniquement à du tourisme.
04:42On mutualise avec des programmes de sciences et de dépollution plastique de manière à donner du sens à être dans ces environnements.
04:51Vous soulevez plusieurs points, le financement notamment.
04:55Comment est-ce que vous faites pour financer une telle aventure ?
04:58Il y a énormément d'innovation sur ce bateau.
05:00Il y a déjà des compagnies qui innovent aussi, qui ont opté pour le retour à la voie.
05:04Je vais les citer quand même.
05:05Il y a Ponant, Orient Express, Transoceanic Wind Transport.
05:08Vous, qu'est-ce que vous proposez de plus que ces compagnies ?
05:12Alors, chacun sa démarche.
05:14Nous, notre vision a été celle d'offrir un modèle qui est complètement disruptif.
05:19Et ça nous paraissait être une évidence de commencer avec un navire qui soit le plus décarboné possible.
05:25Et le plus décarboné possible, qu'est-ce que c'est ?
05:27C'est utiliser la nature.
05:29Et là-bas, comme sur la plupart de la planète, les énergies disponibles sont le vent et le soleil.
05:36On a donc dessiné ces cinq voiles qui sont spectaculaires, qu'on voit à l'image.
05:42Pour l'instant, on ne peut que les voir à l'image parce que le bateau est en train d'être construit.
05:46Il devrait être disponible en 2026.
05:48Expliquez-nous le fonctionnement de ces voiles.
05:50Parce qu'en tant que néophyte, quand je les vois, je me dis que c'est d'une très grande fragilité.
05:54Comment supporter des conditions extrêmes au pôle Nord, par exemple, dans le Grand Nord ?
05:59Le navire fait 70 mètres et les voiles font 35 mètres.
06:03Elles sont en aluminium, couvertes de 2000 m² de panneaux solaires.
06:07Et elles sont capables de résister à des efforts de 40 tonnes de glace,
06:12puisqu'il faut prévoir tous les scénarios possibles dans ces environnements rudes.
06:17Et elles sont également capables de se rétracter, c'est-à-dire qu'en cas de mauvais temps,
06:21elles peuvent se replier, un peu comme un couteau suisse.
06:24Et justement, l'un des marqueurs principaux dans toute la R&D était de trouver un système qui soit fiable et robuste.
06:32Vous le disiez, il s'agit de respecter cet environnement,
06:35de montrer qu'il est possible de visiter, d'effectuer des croisières autrement.
06:40Je le répète, pour l'instant, c'est vrai que le budget reste considérable pour ces croisières-là.
06:45Mais à quelle transformation avez-vous assisté ?
06:49Vous avez été le témoin ces dix dernières années de ce qui a bougé quand on parle de réchauffement climatique.
06:54Qu'est-ce qui a évolué ?
06:56Beaucoup de choses ont évolué en seulement dix ans, et c'est triste.
07:00Là, on a une illustration, justement, d'un ami photographe polaire qui est spécialisé dans les ours.
07:06Et cette photo...
07:08L'Orient-le-Doux, pour le citer.
07:10Voilà. Et on voit un ours, effectivement, qui chasse.
07:13Exactement. On parle beaucoup du retrait des glaciers, etc.
07:16Mais il n'y a pas que cet aspect dont on peut être témoin lorsqu'on navigue dans ces zones-là.
07:21Il y a aussi des variations de régimes alimentaires, en particulier les ours,
07:25qui se nourrissent essentiellement, normalement, de phoques.
07:27Les phoques étant sur la banquise, qui disparaissent petit à petit.
07:31On voit de plus en plus, aujourd'hui, des chasses de rennes.
07:35Ce qui envoie quand même comme signal positif que la nature s'adapte.
07:39Mais les choses et l'écosystème changent très rapidement dans ces milieux-là.
07:43Vous parliez du caractère extrêmement pollutif. Polluant, plutôt.
07:47Voilà le mot le plus exact.
07:48Des brises glaces.
07:49Comment est-ce qu'on navigue en Arctique sans brise glace ?
07:53Puisque c'est, du coup, votre postulat.
07:55En plus, vous voulez naviguer toute l'année, je crois.
07:57Oui, tout à fait.
07:58Notre vision, c'est de penser que les navires sont optimisés énergétiquement
08:02pour une utilisation particulière.
08:04Donc, notre navire est spécialiste de l'Arctique et il restera en opération.
08:09On ne souhaite pas développer un navire qui soit brise glace
08:13puisque le but, ce n'est pas de détruire la nature,
08:15mais d'évoluer en harmonie avec elle.
08:18Et donc, le navire est renforcé pour les glaces
08:20et peut se faufiler entre les palaques de glace,
08:24danser à travers cette banquise polaire sans la détruire.
08:28Ça demande une compétence, une connaissance.
08:32J'imagine qu'on sort des manuels, là. Il faut vraiment de l'expérience terrain.
08:35Oui, on sort un peu des manuels.
08:37Personnellement, c'est mon dada et plus il y a de glace, plus je suis contente.
08:42Il y a quand même des formations théoriques qui existent
08:45et j'ai eu la chance d'apprendre tout ça en Suède,
08:49qui sont un petit peu les flottes expertes dans cette technique-là.
08:55Et ensuite, effectivement, il y a beaucoup de pratiques
08:59et de transmissions empiriques.
09:01Et vous transmettez ?
09:02Je transmets.
09:03Vous ne pouvez pas être la seule gardienne de cette compétence,
09:05de cette connaissance ?
09:06Non, je ne pourrais pas et ce n'est pas le but.
09:08Et justement, à traverser l'art, on compte également former des explorateurs,
09:13avoir une formation qui permet de développer ce genre d'expertise.
09:18Donc, en plus d'être naviguants,
09:20nos équipages seront des aventuriers
09:24et seront capables de repousser les limites des itinéraires classiques.
09:28Oui, j'imagine bien que ça va plaire.
09:30L'aspect scientifique alors de ce bateau,
09:32qu'est-ce que vous allez pouvoir proposer ?
09:34Je le disais, notamment, vous allez évoluer
09:36dans des zones qui n'ont jamais été cartographiées.
09:38Donc, j'imagine que ce sont des relevés que vous allez pouvoir faire remonter.
09:41On espère.
09:42Ce n'est pas toujours le cas,
09:43puisqu'il y a une question de sécurité derrière les données qu'on transmet.
09:46Mais on est en train, justement, de développer ces partenariats.
09:49On aura deux jambes scientifiques.
09:51Il y en a une qui est celle de faire de la recherche à bord,
09:55puisqu'on a un laboratoire de 15 mètres carrés,
09:57des scientifiques embarqués.
09:58Et la deuxième, c'est celle d'aider comme support de logistique
10:03décarbonée pour approvisionner des stations qui sont très reculées.
10:08Il y a un autre aspect que je voulais aborder avec vous aussi,
10:11que je trouve intéressant.
10:12Votre engagement n'est pas seulement écologique,
10:15il concerne aussi la mixité que vous visez.
10:18Quelle a été votre expérience, en fait, en tant que commandant de bord ?
10:21Vous avez fait marine marchande.
10:23Ça a été difficile en tant que femme.
10:26On a du mal à imaginer quelle est la réalité de l'extérieur.
10:30Je pense que toutes les femmes du milieu maritime
10:33ont vécu un certain nombre de challenges
10:36et ont dû s'accrocher pour évoluer dans ce milieu-là.
10:41J'ai eu la chance, en Suède, de découvrir un monde
10:45avec beaucoup plus de mixité.
10:46J'essaie de rapporter ça ici,
10:48avec l'objectif d'avoir beaucoup de femmes à bord,
10:51pas seulement dans le secteur de l'hôtellerie,
10:54mais aussi aux postes techniques,
10:56comme ceux de matelots, de mécaniciens,
10:58et aux postes directionnels de commandement.
11:00Parce qu'il y a une demande,
11:01il y a des femmes qui choisissent ces voies-là,
11:04qui parfois abandonnent, peut-être,
11:06parce qu'elles ont du mal à s'intégrer.
11:07C'est ça, la réalité du milieu ?
11:09Oui, on est souvent dissuadées.
11:11Pour vous donner une petite anecdote,
11:12quand j'ai commencé,
11:13je me souviens, j'ai commencé en machine,
11:15sur un porte-conteneur.
11:16Je descendais en salle des machines
11:18et le chef mécanicien me reçoit en me disant
11:20« Tu peux remonter, je ne t'apprendrai rien.
11:22Il n'y a pas d'avenir pour les femmes dans le milieu maritime. »
11:25C'est anecdotique,
11:27mais c'est des choses qu'on entend.
11:29Il y a encore des mentalités à faire évoluer là-dessus.
11:32Il y a une meilleure approche, peut-être, du métier
11:38à inculquer aux jeunes générations.
11:41Et surtout, il faut démocratiser la considération de la femme
11:44dans ces milieux un peu traditionnels et machos.
11:47Je le disais en titre,
11:49il y a deux ans, vous avez rejoint le projet un peu fou,
11:52on peut le qualifier ainsi, de Jean-Louis Etienne,
11:54qui veut déployer une plateforme océanique dérivante polaire.
11:58Là, ce sera en Antarctique.
12:00Quelle est votre implication aujourd'hui encore ?
12:03Vous ne pouvez pas tout mener de front.
12:05Non, j'ai eu la chance d'être invitée
12:07par cette légende du milieu polaire,
12:09qui est Jean-Louis Etienne et dans son projet fou,
12:12qui est probablement le plus gros projet de ce siècle-là
12:15en termes de science.
12:17J'ai participé à l'initiation,
12:20la construction de la compagnie maritime
12:22qui gère le navire avitailleur,
12:24qui d'ailleurs aujourd'hui évolue en Arctique.
12:27Et je reste informée et conseille lorsqu'ils en ont besoin.
12:33Ce n'est pas trop difficile d'arbitrer comme ça ?
12:35Vous avez envie d'être partout ?
12:36D'après ce que je comprends de votre profil,
12:38vous avez envie d'être partout à la fois ?
12:39C'est très difficile.
12:40J'aimerais bien être un chat et avoir cette vie.
12:42Mais on essaie de faire ce qu'on peut dans le temps imparti.
12:45Et comment vous gérez justement la patience ?
12:47Parce que construire un bateau, ça prend beaucoup de temps.
12:49La préparation est aussi excitante
12:51que le moment où vous allez monter dessus ?
12:53La préparation est très excitante.
12:55Et en réalité, il y a beaucoup de travail
12:57pour tout ce qui est suivi de chantier.
12:59On est en train de développer des partenariats passionnants
13:02avec la science comme on l'évoquait,
13:04avec la dépollution plastique dans ces milieux-là.
13:07On veut également travailler avec les gouvernements locaux
13:10pour initier plus de restrictions,
13:14surtout en rapport avec la pollution dans ces milieux-là.
13:18Donc il y a beaucoup de briques encore qui restent à assembler.
13:22Vous n'allez pas vous ennuyer tout de suite.
13:24Je ne l'ai pas précisé, vous êtes première femme
13:26à avoir été décorée du mérite maritime en 2021.
13:31Sophie Galvagnon, vous ouvrez des portes.
13:34Je vous remercie beaucoup d'être venue nous présenter
13:37votre projet sur ce plateau.
13:38Merci à vous.
13:39Merci.