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00:00Retour en France. Nouvelle mobilisation cet après-midi pour les victimes de violences sexuelles.
00:04Objectif réclamer des actes forts au nouveau gouvernement.
00:08Rassemblements un peu partout dans le pays, dans plusieurs dizaines de villes,
00:12à l'appel d'une cinquantaine d'associations dont la Fondation des femmes, le planning familial
00:17ou encore Oser le féminisme, des manifestations qui font suite au retentissement mondial
00:23du procès des violeurs de Gisèle Pellicot.
00:25Bonjour Angélique Cauchy, vous êtes autrice de l'ouvrage
00:28« Si un jour quelqu'un te fait du mal » aux éditions Stock,
00:32un récit personnel des viols que vous avez subis par votre entraîneur de tennis
00:36lorsque vous aviez 12 ans et un plaidoyer pour la protection des enfants.
00:41Le procès de Gisèle Pellicot a un retentissement mondial
00:45mais il révèle des pratiques de manipulation et d'emprise
00:48beaucoup plus fréquentes qu'on le pensait notamment à l'égard des jeunes adolescents.
00:53Oui et peu importe le milieu dans lequel on se trouve,
00:56c'est systémique et c'est un fléau sociétal cette emprise qui existe chez les jeunes
01:00et qui est d'autant plus facile qu'un jeune est malléable.
01:02Donc effectivement moi mon livre c'est sur mon histoire
01:05mais mon histoire c'est l'histoire d'un enfant sur sept dans le milieu du sport
01:08qui est victime de violences sexuelles avant sa majorité
01:11et un enfant sur cinq dans la société en général.
01:14Donc à travers mon histoire que je délivre c'est finalement notre histoire.
01:18Comment s'explique cette emprise et l'entourage qui est aveugle ou aveuglé ?
01:25Oui l'emprise effectivement elle se fait sur moi bien évidemment en tant qu'enfant
01:29mais elle est aussi collective, il y a une emprise sur ma famille
01:34puis une emprise sur tout le club.
01:36Moi c'était le club qui était cette mini société
01:38mais ça peut aussi très bien se passer dans un autre milieu culturel, religieux ou éducatif.
01:43Et donc l'enfant c'est pas lui de poser les normes.
01:47Donc même si moi il y avait des choses que je trouvais pas normales
01:50même si on était mal à l'aise et quand je dis moi finalement c'est nous, c'était tous les enfants
01:53parce que moi je vivais ces violences sexuelles
01:55mais il y avait aussi beaucoup de violences psychologiques et de violences verbales et physiques
01:59sur tous les élèves du club et finalement aucun adulte ne réagissait
02:03et donc nous même si on trouvait pas ça normal
02:06on n'avait pas les capacités psychologiques pour pouvoir s'opposer.
02:10Aucun adulte ne réagissait, pourquoi cet Omerta ?
02:14Parce qu'il avait un pouvoir absolu dans le club, qu'il était omnipotent, qu'on lui laissait tout faire
02:18parce que certains le craignaient, parce que certains avaient peur que si il parlait
02:23il allait partir et que finalement le club avait des titres à ce moment-là
02:27et une partie des personnes qui dirigeaient pensaient que c'était grâce à lui
02:32alors que finalement c'est faux mais quand bien même ça soit le cas
02:36ça n'excuse pas tout, aucune médaille d'or olympique, aucun contrat à plusieurs millions d'euros
02:40ne doit dépasser l'intégrité physique et mentale des jeunes.
02:44Donc effectivement c'est j'espère une époque révolue
02:49et ce livre c'est aussi pour ça, c'est pour la génération d'aujourd'hui.
02:52Et vous dites qu'il y avait des alertes, lesquelles par exemple ?
02:55Parce que vous dites assez rapidement, je le cite
02:58je paye tous tes repas au restaurant, je t'entraîne gratuitement, je t'amène dans les tournois
03:02il faudra bien que tu me remercies.
03:05Oui, cette phrase au restaurant assez rapidement m'avait vraiment fait peur
03:10je m'étais demandé de quoi il parlait et je sentais déjà à ce moment-là que j'y étais redevable
03:15mais finalement j'avais l'impression que je ne pouvais plus jouer au tennis sans lui
03:20que j'allais avoir besoin de lui et moi quand j'arrive dans ce club
03:23je n'ai pas pour ambition de devenir une joueuse professionnelle
03:26c'est lui vraiment qui me donne ce projet et c'est un projet qui ne vient pas de moi
03:31et à ce moment-là je n'ai plus aucun libre-arbitre, il décide de tout
03:34et donc il a décidé que j'allais en faire ma vie et qu'il allait en faire partie
03:38et moi je pense que s'il n'est pas là je ne pourrais pas réussir.
03:41Dans votre cas, quel signaux faible aurait pu attirer l'attention de proches, d'amis, de votre entourage ?
03:48Plusieurs, dans un premier temps j'ai travaillé encore mieux à l'école que je ne travaillais
03:53et ça c'est un signe quand on surinvestit la pratique que ce soit scolaire ou sportive
03:57en fait tout signe de changement brutal de comportement doit alerter
04:01que ce soit des situations de repli ou des situations d'excès
04:04et moi en excès il y avait ce surinvestissement
04:07aussi dans la pratique où j'ai fait 125 matchs cette année-là dans la saison
04:11ce qui est énorme pour un enfant de 12-13 ans qui est scolarisé en même temps
04:16Il y avait aussi le fait que j'ai été très rapidement isolée
04:21et que j'étais une petite fille très joyeuse
04:23mais qui sur le terrain tennis très rapidement est devenue très violente
04:27et ça c'était finalement le signe qu'on aurait pu plus facilement percevoir
04:31c'était ce changement de comportement sur le terrain
04:34et on n'a pas compris ma détresse ou on n'a pas voulu la voir
04:38Dans l'OMERTA, avant MeToo, il y avait le jugement social dévalorisant pour les victimes
04:44mais il y avait aussi le sentiment de culpabilité
04:47Oui, le sentiment de culpabilité je crois que c'est ce qui est le plus dur à vivre pour une victime
04:51et moi en tout cas au quotidien c'est ce qui est le plus dur à vivre encore aujourd'hui
04:55la culpabilité de ne pas avoir parlé et la culpabilité d'avoir été choisie quelque part
05:00Les agresseurs, du moins le mien, jouaient beaucoup sur ça
05:04sur le fait que c'était parce que c'était moi, c'était parce que je provoquais ça chez lui
05:08et finalement je me disais que c'était à cause de moi
05:10et puis après la culpabilité de ne pas avoir parlé
05:13d'avoir permis qu'il y ait d'autres victimes
05:15et donc voilà aujourd'hui ma culpabilité c'est de me dire qu'il faut que je sois quelqu'un de bien
05:19pour que le jour où je vais mourir ça compense le fait que je ne les ai pas sauvées
05:22Et alors justement la prise de parole, l'action collective
05:25comme cet après-midi, les manifestations à travers tout le pays
05:28est-ce que c'est pas un moyen pour que la honte et la culpabilité changent en fin de camp ?
05:33Bah totalement, c'est-à-dire que ce livre c'est aussi pour ça
05:37c'est pour toutes les autres victimes qui n'ont pas parlé
05:39et peut-être pour certaines qui parleront jamais
05:41mais aussi pour que chacun individuellement prenne conscience de ce fléau
05:45et qu'on fasse en sorte que ça s'arrête
05:47donc j'espère que pour peut-être la première fois
05:50on va faire face à un Me Too général qui ne soit pas un Me Too du cinéma
05:54distinct d'un Me Too dans le sport, distinct d'un Me Too dans la santé
05:58et dans tous les milieux finalement
06:00et qu'aujourd'hui en 2024 la France peut-être soit réellement le pays des droits de l'homme
06:06et qu'on soit aussi un exemple aux yeux du monde
06:08Les droits de l'être humain justement et pas que les droits de l'homme
06:11Je ne guérirai jamais, on ne guérit pas, on est ce qu'on a vécu
06:16c'est ce que vous écrivez dans votre préambule
06:18que voulez-vous dire exactement ? On ne guérit pas ?
06:21Je veux dire que mon quotidien est fait de ce que j'ai vécu
06:24et qu'aujourd'hui je suis la personne que je suis parce qu'il m'est arrivé ça
06:27c'est pas du tout quelque chose de négatif
06:29c'est dans le sens où ça m'a forgé, ça m'a construite
06:32et j'espère aujourd'hui être une meilleure personne
06:36aussi parce qu'il m'est arrivé ça
06:38j'espère que ça m'a rendu plus empathique, plus humaniste
06:41et quelque part je veux en tirer du positif
06:43et j'espère que c'est ça la résilience aussi
06:45Voilà, on peut rebondir même si on n'efface pas le passé
06:48Exactement et puis finalement à force aussi
06:51en tout cas dans mon cas d'en parler et d'avoir écrit
06:54finalement j'ai mis la distance entre les faits et les émotions
06:57alors je n'oublierai jamais
06:59mais aujourd'hui quand j'en parle j'ai plus le ventre qui se tord en deux
07:01j'ai plus des sueurs froides
07:03et finalement c'est peut-être ça aussi la guérison
07:06Donc il faut retrouver le sens de la vie
07:08Exactement
07:09A la suite du procès de votre violeur qui était donc votre entraîneur de tennis
07:12et de la sortie de ce livre
07:14quelles ont été les réactions dans votre entourage ?
07:17J'ai eu la chance d'être soutenue et qu'on m'ait crue déjà
07:22parce que j'étais une enfant de 12 ans, garçon manqué
07:25qui ne s'intéressait pas aux garçons
07:27et je trouve ça à la fois terrible
07:30parce que ça veut dire que si j'avais été une jeune de 17 ans
07:33qui mettait des minijupes et qui aimait les garçons
07:35et bien peut-être que je n'aurais pas eu ce soutien
07:38alors que ça n'a aucun rapport avec le viol
07:40et donc j'ai eu la chance d'être soutenue par la société en général
07:44ça a été très difficile pour ma famille
07:47parce que finalement je ne suis pas la seule victime
07:50il y a aussi tous les dommages collatéraux
07:52ma soeur, mes parents, puis tous mes amis
07:55tous ceux qui n'ont pas vu, tous ceux qui culpabilisent
07:57de ne pas avoir parlé en ayant vu des choses
08:00et donc c'est aussi ça que je veux montrer à travers le livre
08:04c'est qu'il y a les victimes et finalement
08:06on est tous de près ou de loin impactés par ce fléau
08:09Vous avez reçu des témoignages ?
08:11Oui, énormément, il y a eu 11 millions de vues sur la vidéo de Brut cette semaine
08:15donc sur 11 millions j'ai reçu plus de 4000 messages privés
08:18dont des centaines de victimes
08:20et c'est aussi ça finalement, mon livre
08:22c'est aussi cette responsabilité maintenant que j'ai
08:25d'aider les victimes qui viennent vers moi
08:27Vous parliez du milieu sportif
08:29on sait qu'il a été concerné par plusieurs affaires
08:32vous vous rappelez le chiffre de 1 enfant sur 7
08:34qui est victime des violences dans le sport
08:36est-ce que vous pensez que la situation, les choses sont en train de changer ?
08:39Depuis 2020 et Roxana Marissignanou
08:42lorsqu'il y a eu vraiment ce « me too » dans le sport
08:45avec Sarah Abitbol qui a pris la parole
08:47et qui a fait émerger plein d'autres sujets à faire
08:51il y a eu cette plateforme Signal Sport qui a vu le jour
08:54qui est extrêmement importante mais encore bien trop méconnue
08:57par la société en général mais finalement même par le milieu sportif
09:00et puis les moyens qu'on met en place
09:03parce que c'est par exemple la Fédération Française de Tennis
09:07qui est la mienne, c'est 1,1 millions de licenciés
09:09il doit y avoir la moitié de mineurs, donc 500 000
09:12quand on en prend 1 enfant sur 7
09:14c'est-à-dire que statistiquement il y a 80 000 victimes dans le milieu du tennis
09:17et aujourd'hui il y a 2 personnes qui s'occupent de prendre les signalements
09:21à la Fédération Française de Tennis
09:23c'est juste pour montrer qu'il y a des choses qui vont mieux
09:26mais qu'on est encore bien loin de mesurer finalement l'ampleur des dégâts
09:31Alors justement, qu'est-ce que vous attendez du nouveau gouvernement
09:34et quelles sont d'après vous les mesures urgentissimes à prendre ?
09:39Moi j'aimerais bien plusieurs choses
09:41j'aimerais bien déjà que la carte professionnelle qui est obligatoire
09:44normalement pour tous les entraîneurs
09:46elle soit renouvelée et conditionnée à une formation
09:50sur les violences sexistes et sexuelles
09:52aujourd'hui ce n'est pas le cas
09:54aujourd'hui les entraîneurs qui sont déjà en poste n'ont aucune obligation
09:57et j'aimerais bien rendre obligatoire le fait de pouvoir renouveler cette carte professionnelle
10:00si on a fait des sensibilisations sur ces sujets-là
10:03j'aimerais aussi qu'il y ait une carte licence à un prix modique
10:07qui permette aussi de recenser tous les bénévoles ponctuels
10:10qui amènent les enfants sur les compétitions
10:13ou sur des événements sportifs
10:15qui arrivent une ou deux fois seulement dans l'année
10:18parce que ça permettrait aussi d'avoir un garde-fou supplémentaire
10:21pour qu'on puisse croiser les données de la justice
10:24avec justement cette licence qui permet de savoir
10:27qui est en contact avec les jeunes
10:29il y a beaucoup beaucoup de choses qui sont à mettre en place
10:31et puis évidemment toutes les subventions qui sont nécessaires
10:34pour les associations comme la mienne, comme Rebond
10:36qui au quotidien luttent contre les violences sur mineurs dans le sport
10:40et pour vivre et pour se développer
10:42pour pouvoir aller sur le tissu national
10:44et bien on a besoin de moyens
10:46donc c'est aussi faire un effort de la part de l'Etat
10:49pour pouvoir vraiment se donner les chances
10:52de faire que ça n'arrive plus
10:54Quelles sont les actions précises de votre association Rebond ?
10:57Alors on a deux objectifs principaux
10:59le premier c'est de faire de la prévention
11:01avec des sensibilisations et des formations
11:03sur tous les différents publics
11:05les jeunes, les parents, les entraîneurs et les dirigeants
11:07dans le milieu sportif mais pas que
11:09on va aussi dans les mairies, on va dans les entreprises
11:11et puis dans les écoles évidemment
11:13et puis après il y a toute la partie aide et soutien de victimes
11:16aide psychologique, aide juridique
11:18et des week-ends de reconstruction
11:20Et toutes les associations féministes
11:22qui appellent cet après-midi au rassemblement
11:24demandent, elles disent que
11:26contre la culture du viol sur le plan sociétal
11:28et en ligne, les mesures sont parcellaires
11:30et elles réclament une loi globale
11:32une loi intégrale contre
11:34les violences sexuelles
11:36et comment on peut vous joindre ?
11:38On peut nous joindre sur www.assorebond.com
11:42ou sur Asta, sur Asso Rebond aussi
11:45et puis moi aussi
11:47dans ce que j'aimerais que l'Etat fasse
11:49et qui est selon moi essentiel sur les violences sur mineurs
11:51c'est qu'il n'y ait plus de prescription
11:53qu'il n'y ait plus de délai de prescription
11:55parce qu'à mon sens, c'est un crime
11:57contre l'humanité aussi que de vouloir détruire
11:59la génération de demain
12:01et donc voilà, ça sera certainement
12:03mon combat des prochaines années
12:05de faire en sorte qu'on soit aussi
12:07la France, un des pays qui ne met plus
12:09de délai de prescription pour que
12:11on sache, toutes les victimes sachent
12:13qu'on les écoutera, peu importe le temps qu'elles prennent
12:15Vous, vous avez eu la chance d'être entendue
12:17par la justice et ce n'est pas le cas
12:19puisqu'on sait que plus de 90%
12:21des plaintes sont classées sans suite
12:23Oui et moi j'ai eu la chance pour plusieurs raisons
12:25déjà parce que j'ai eu une de mes co-victimes
12:27qui connaissait la loi et qui a
12:294 jours de la prescription
12:31c'est entre guillemets réveillé et a eu un sentiment
12:33d'urgence de dire c'est maintenant ou jamais
12:35mais parce qu'elle avait fait Sciences Po, parce qu'elle connaissait la loi
12:37ce qui n'est pas le cas de tout le monde
12:39et puis ensuite parce que je n'avais pas moi
12:41d'amnésie traumatique, j'avais cette chance
12:43alors que ce n'est pas le cas de tout le monde
12:45il y en a qui se réveillent à 50 ans tout d'un coup
12:47et qui se rappellent qu'ils ont été violés à 7 ans
12:49et c'est terrible de se dire
12:51qu'elles ne pourront pas demander justice
12:53et puis enfin ça serait aussi un signal envoyé
12:55à tous les agresseurs de dire qu'ils ont un épée
12:57de Damoclès au-dessus de leur tête
12:59qui y plaindra toute leur vie
13:01et que c'est pas parce que ça fait 20 ans ou 30 ans
13:03que c'est passé que tout d'un coup la victime
13:05elle va pouvoir reprendre sa vie comme si ce n'était pas arrivé
13:07Merci infiniment
13:09Merci Colchi d'être venu sur France 24
13:11pour votre témoignage et je rappelle donc votre livre
13:13c'est qu'un jour quelqu'un te fait du mal
13:15Merci beaucoup d'être venu