Saloua Karkri Belkeziz : " Ce qui importe pour la stratégie Digital Morocco 2030, c'est le plan d'action"

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Dans ce nouvel épisode de l'Invité de Menara, Saloua Karkri Belkeziz, Vice présidente de l'ASMEX et ex-présidente de l'APEBI, vient livrer son analyse de la nouvelle stratégie "Digital Morocco 2030".

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00:00La stratégie Maroc Digitale 2030, elle, elle est attendue depuis deux ans à peu près,
00:17depuis deux ans et demi. Elle avait été déjà annoncée lors du GITEX, la première édition du
00:22GITEX. Il y a eu un petit flop au niveau marocotec à l'arrivée du gouvernement. C'était une petite
00:29parenthèse un peu malheureuse. Et c'est vrai qu'on est très content maintenant que cette stratégie
00:34en va le jour. Et surtout, c'est la première fois au Maroc qu'on a quand même un ministère qui
00:39s'occupe du digital. Je pense que l'APB avait toujours, depuis quelques années, avait toujours
00:44réclamé. Donc cette stratégie, moi je suis assez optimiste sur deux points. Elle différenciait par
00:52rapport aux autres stratégies sur deux ou trois points. Le premier point, c'est que c'est une
00:56stratégie qui est très concentrée sur deux axes. Donc l'axe e-gouvernement, donc tout ce qui
01:05est digitalisation des services numériques pour le citoyen marocain. Et le deuxième axe, c'est
01:10tout ce qui est dynamiser l'économie numérique. Donc c'est important d'avoir que deux axes pour
01:16pouvoir se concentrer. Le deuxième point qui me paraît positif, c'est que je pense que c'est
01:22une stratégie qui a été montée avec l'ensemble des départements ministériels, parce que tout le
01:28monde est concerné. Et elle a été également élaborée en écoutant les citoyens. Donc il y a
01:34eu pas mal de roadshows, pas mal de visites de madame la ministre partout au Maroc. Ça c'est un
01:39point qui est positif, surtout fédérer l'ensemble des ministères. Et le troisième point qui me
01:44paraît aussi positif par rapport aux autres stratégies, c'est le budget. C'est qu'il y a
01:51une enveloppe de 11 milliards de dirhams qui est consacrée à ces stratégies sur trois ans 2024-2026.
01:58Donc ça c'est une bonne chose d'avoir une stratégie et d'avoir une enveloppe. Maintenant,
02:05si on veut décliner ceci, ce qu'il faut c'est un plan d'action. Parce que les stratégies c'est
02:11une vision, on sait où on veut arriver. Donc là il y a des objectifs chiffrés, on peut revenir là
02:16dessus. Mais à côté de ça, il faut communiquer autour d'un plan d'action qui est clair et autour
02:23d'un plan de financement. Donc qu'est-ce que les 11 milliards vont financer ? Est-ce qu'il y a
02:30d'autres financements ? Est-ce qu'il y a des financements qui vont venir des privés, des
02:33institutions etc ? Et quel est le timing ? Parce que là je pense que vous avez remarqué, des fois
02:39nous avons dans la stratégie des chiffres de 2022. Or nous sommes déjà à fin 2024. Donc à fin
02:472024, où est-ce qu'on sera ? Il faut une visibilité. Quel est l'objectif 2025 ? À 2026, 2027 etc. jusqu'à
02:542003. Donc si on aborde l'axe IGOV, la digitalisation des services numériques, les chiffres sont
03:08ambitieux mais ils sont vraiment atteignables. Comme je vous ai dit tout à l'heure, en 2014,
03:13nous étions déjà 82. Donc malheureusement, on a reculé en 10 ans. Mais revenir à 85 et revenir
03:22à 50 en 2030, c'est tout à fait faisable. Bien sûr, il faut aller très vite parce que les autres
03:28ne nous attendent pas. Donc tout le monde a les mêmes objectifs. C'est un axe qui est le plus
03:32important parce qu'en fait c'est l'axe qui va servir le plus aux citoyens. Je rappelle ici que
03:37Sa Majesté le Roi a conduit un assiste. En 2016, ça veut dire qu'il y a 8 ans déjà, il avait dans
03:44son discours d'ouverture parlement appelé justement à digitaliser les services publics, à aider le
03:50citoyen et en fait à ce que le citoyen ne soit pas le facteur entre les administrations. Donc
03:56ce qu'on appelle l'interoperabilité. Donc que les informations soient échangées entre les
04:02différentes administrations et que le citoyen n'a pas à faire ce travail-là. Il faut qu'il
04:06ait un seul guichet et par la suite tout le reste est fait d'une manière digitale. Donc nous avons
04:11mis 8 ans, c'est un axe important. Il y a un début du travail qui a été fait, ça a été présenté par
04:18l'agence de développement digital. Donc il y a quelques administrations qui sont déjà au niveau
04:24de l'interoperabilité, qui échangent déjà leurs données. Quand on parle des fois de la CNSS
04:30maintenant par exemple, elle ne demande plus les certificats de vie puisqu'elle a un échange des
04:35informations avec le ministère de l'intérieur. Par rapport avec l'enseignement supérieur par
04:40exemple, l'enseignement ne demande pas les extraits, les certificats de scolarité parce qu'on peut les
04:45avoir etc. Mais malheureusement toutes les administrations ne sont pas encore dans cette
04:50logique d'interoperabilité parce que la réglementation elle doit être active. Il y a
04:55un projet de loi 41-19 qui est relatif à l'administration numérique qui n'est pas
05:01encore adoptée. Donc quand on travaille sur le IGOV, on travaille avec les administrations mais il y a
05:09aussi toute la réglementation qu'il ne faut pas oublier parce que l'administration elle est gérée
05:13par des lois et donc il faut absolument que les lois soient réadaptées, soient adaptées au digital.
05:20Donc c'est un chantier qui est important, qui a démarré. Il y a la volonté dans ces stratégies
05:26d'avoir un portail unique qui va rassembler l'ensemble des services. Ce qui est important
05:33aussi c'est les budgets dans les différents départements ministériels parce que nous,
05:36nous avions toujours remarqué que le budget était assez faible sur la partie digitale,
05:40les budgets dans les différents départements ministériels. Là, ce qui est un point très
05:46positif c'est que le ministère avec ses stratégies va financer dans les 11 milliards,
05:51elle va financer une partie de projets dans les différentes administrations,
05:56c'est-à-dire que le ministère ils ont leur budget mais ce fonds va les aider justement à compléter
06:01pour pouvoir terminer, pour pouvoir mettre en place les projets. Et les projets seront en fait
06:07sélectionnés en fonction du parcours au citoyen. Donc ce ministère va choisir les projets qui sont
06:14les plus, je dirais, qui peuvent être déployés rapidement. On peut voir le résultat rapidement
06:19vis-à-vis des citoyens, elle va contribuer. Donc je pense que c'est une bonne chose. Alors ce qu'il
06:25reste aussi au niveau de ce volet qui est très important, que le ministère aussi adresse,
06:31c'est qu'il ne suffit pas d'avoir des services en ligne, digitalisés avec un portail et tout,
06:36mais il faut que tous les Marocains y acceptent, ce qu'on appelle l'inclusion numérique. Et donc
06:41pour ça, on reviendra dessus bien sûr, que l'infrastructure suive, que tout le monde soit
06:46connecté. Il y a beaucoup de personnes qui sont donc analphabètes, qui ne peuvent pas utiliser le
06:52digital. Et là, ils ont prévu ce qu'on appelle des relais, qui sont en ce moment en cours de pilotes,
06:58je pense, d'essais. C'est une expérience qui a vraiment réussi au Portugal. Moi-même, quand
07:03j'étais présidente de l'APB, je pense en 2017 ou 2018, j'avais fait une visite à l'agence de
07:10développement digital au Portugal. Ils ont mis ce qu'on appelle des kiosques partout. Donc des
07:15kiosques, c'est un peu comme avant. Vous savez, les kiosques avec des téléphones. Donc c'est avec
07:19des jeunes qui ont des ordinateurs. Et puis les personnes qui ne savent ni lire ni écrire,
07:24ils viennent avec leur carte nationale et ils font tous leurs démarches administratives. Donc ça,
07:29c'est très important. Et cette stratégie prévoit ce type de relais. Et je pense que ça va être fait
07:35en partenariat avec la Poste, parce que c'est la Poste qui a le plus justement de relais à travers
07:40le Maroc. Cet axe des start-up, c'est celui où les chiffres me paraissent trop ambitieux. Autant sur
07:54le ego, ça me paraissait réaliste, autant sur ce volet-là. Je vais vous dire pourquoi. D'abord,
07:59parce qu'on n'a pas encore défini la start-up. Alors que dans plusieurs pays, il y a déjà ce
08:04qu'on appelle un start-up act. Donc déjà, il faut qu'on définisse c'est quoi une start-up. Au Maroc,
08:09que ce soit réglementé, qu'on le sache. Deuxièmement, nous avons des chiffres sur 2022.
08:16J'aurais aimé savoir en 2024, nous en sommes à combien? Parce que là, on veut 2026, 1000 start-up.
08:22Encore une fois, sachons qu'en moyenne, c'est une start-up sur 10 qui réussit. Donc, est-ce que
08:31ce sont les 1000 start-up qui ont réussi? Ça veut dire qu'il faut 10 000. Est-ce que c'est sur les
08:361000, on va avoir son start-up? Si on a son start-up, est-ce qu'on pourra lever 2 milliards
08:41de dirhams? Donc, ça me paraît très ambitieux. Mais bon, c'est pas grave. On peut avoir des
08:46chiffres très ambitieux et réaliser sa compte au 60%. Ce qui est important, c'est démarrer le
08:52plan d'action. Quel est le plan d'action? Là, on parle, par exemple, de labelliser les start-up
08:57sur la stratégie. Mais on ne sait pas labelliser sur quels critères. Donc tout ça, c'est encore
09:04beaucoup de points d'interrogation. Peut-être qu'ils ont déjà la définition, mais on ne le sait
09:09pas encore. Donc, qui va référencer les start-up? Il y a le comité qui va référencer. Et quels sont
09:15les critères de référencement de ces start-up? Ça, c'est important. L'accès au marché, ça,
09:21c'est très important. Mais pour leur offrir l'accès du marché, il y a la réglementation des marchés
09:26publics qu'il faut revoir. Et ça, on sait très bien que ça prend du temps quand on veut revoir
09:31la réglementation des marchés publics. Donc, on définit d'abord les start-up. Et sur les
09:35marchés publics, on dit, par exemple, 20% doit être accordé aux start-up. Il y a un travail à
09:40faire au niveau du privé parce qu'il n'y a pas que le public qui lance des marchés. Ce qu'il faut,
09:44c'est qu'est-ce qu'on va faire pour encourager le secteur privé à faire confiance aux start-up?
09:49Donc, les grandes banques, les grandes donnaires d'ordre, l'OCP, l'ARM, etc. Qu'est-ce qu'on fait?
09:56Comment est-ce qu'on va les encourager pour justement faire confiance aux start-up?
10:01Ça, c'est l'accès au marché. Il y a aussi l'accès aux données. On n'en parle pas du tout. Alors
10:06que les start-up, ils ont besoin d'un accès aux données publiques. On n'a pas du tout parlé
10:11de l'open data ou des projets justement d'accès aux données. Donc, il y a encore, je dirais,
10:18plein de points d'interrogation. C'est le côté, ce qui a été fait jusqu'à maintenant, c'est au
10:24niveau Jaitex. Donc, c'est quelque chose à saluer parce que les deux éditions de Jaitex ont permis
10:30d'attirer des investisseurs, de mettre en avant et en lumière nos start-up. Et je pense que les
10:35résultats, ils ont déjà commencé à tomber, qu'il y a déjà des investisseurs qui investissent sur des
10:41start-up. Donc, ça, c'est un côté positif. Le mobile payment, c'est très important qu'on
10:50puisse le généraliser parce qu'il y a beaucoup de start-up qui sont dans le fintech. Sachant que
10:55la Banque mondiale, en 2017, a quand même débloqué une enveloppe de 500 millions de dollars pour
11:01l'inclusion financière au Maroc. Donc, il y a des choses qui doivent être accélérées. Donc,
11:07le volet start-up, les incubateurs, apparemment, on parle d'attirer les incubateurs étrangers,
11:13ce qui est une très, très bonne chose. C'est vrai qu'il y a un excellent travail qui est fait,
11:17par exemple, au niveau de l'IMCSP, à Bengrive, avec leurs incubateurs, ils arrivent à attirer
11:22des investisseurs, etc. Mais tout ça, il faut, c'est bien, moi je dis c'est bien d'avoir des
11:28ambitions aussi fortes, mais il faut rapidement les opérationnaliser et mettre en place un plan
11:34d'action avec un planning d'exécution et avec un plan de financement. Par exemple, on parle de la
11:40bourse pour ceux qui veulent démarrer leur start-up. Mais pourquoi ne pas faire profiter ceux qui ont
11:47démarré il y a un an et deux ans et qui ont justement des problèmes, parce que c'est là qu'ils
11:53doivent être développés. L'axe offshoring, c'est l'axe qui s'est développé le plus, en fait, au
12:03Maroc ces dernières années. Donc, je me souviens du premier contrat qu'on avait signé sur la
12:09présidence de Siable Boukherin, donc à l'époque. Et c'est vrai que les plus grands offshoreurs sont
12:15déjà installés au Maroc et à travers plusieurs villes. Donc, on peut dire que l'offshoring, que
12:20ce soit digital ou que ce soit en relation aux clients, c'est bien développé. Et donc là,
12:26en fait, la stratégie digitale 2030 va accentuer encore les mesures, va les simplifier, que ce
12:35soit au niveau des primes d'emploi, primes de formation, l'IR, etc. La nouveauté de cette
12:41stratégie par rapport au programme offshoring d'avant, c'est qu'on a inclus ce qu'on appelle
12:46le digital export, c'est-à-dire pas uniquement les entreprises qui sont installées, qui vendent
12:52de l'offshoring pour des donneurs d'ordres internationaux, mais même les entreprises
12:57marocaines qui exportent, qui travaillent sur le marché local et qui exportent, par exemple,
13:02qui exportent en Afrique leurs solutions informatiques, etc. Et donc là, ils vont bénéficier
13:08des mêmes avantages. Maintenant, je regrette, il paraît qu'il faut qu'ils soient installés dans
13:14les mêmes zones offshores. J'espère que ce n'est pas le cas, que ça ne doit pas être une condition,
13:19parce qu'exporter, c'est d'avoir des devises, peu importe, on peut s'installer, on peut s'installer
13:26Brandy. J'espère que vraiment, il n'y aura pas cette condition-là, parce qu'on a beaucoup de
13:31PME dans le secteur du digital qui exportent leurs solutions, beaucoup, surtout en Afrique. Et donc,
13:37j'espère qu'ils vont bénéficier des mêmes mesures.
13:39Sans ce catalyseur, aucune stratégie ne peut réussir, c'est le digital talent. Donc,
13:50ce sont des compétences qu'on doit, je dirais, former en tenant compte du fait qu'il y a des
13:58compétences qui partent. Ça, on ne pourra jamais l'empêcher. Donc, il faut former encore plus. Et
14:03là, je vois que les ambitions sont ambitieuses et tant mieux, sauf que nous sommes dans un secteur
14:10qui bouge beaucoup, qui est agile. Donc, par exemple, là, nous avons à peu près 18 domaines
14:15de compétences numériques qui sont identifiés, donc les réseaux, l'administration de données,
14:20sécurité, intelligence artificielle, etc. Mais je pense qu'il faut qu'ils mettent en place,
14:26si ce n'est pas encore fait, plutôt un observatoire pour de la formation numérique,
14:30pour pouvoir justement être agile, etc. Donc là, il y a trois mesures phares. En fait,
14:35ils travaillent sur trois sujets. Le premier sujet, c'est d'augmenter au niveau des universités,
14:41donc d'augmenter le nombre de filières, de mettre des filières digitales un peu partout. Le deuxième
14:47sujet, c'est la conversion, donc des gens qui ont des diplômes scientifiques. Et ça,
14:53on avait déjà essayé dès le BUC 2000, il y a déjà 24 ans. Je me souviens très bien,
14:58on a fait cette opération et ça avait bien marché. Et le troisième axe, c'est le Visatech. Et là
15:05aussi, quand j'étais présidente de la PV, en 2018, on avait lancé ce projet de Visatech qu'on peut
15:11activer très rapidement, qui va nous permettre justement, par exemple, de bénéficier des talents
15:17des entreprises africaines qui viennent faire des formations au Maroc et de pouvoir les garder. Ça,
15:22c'est une mesure, à mon avis, qui peut être faite rapidement. Au niveau de la reconversion,
15:29c'est aussi quelque chose qui peut être fait rapidement. Et le ministère n'a pas attendu le
15:36lancement de la stratégie, puisqu'il avait déjà démarré sur des pilotes qui ont réussi et je
15:41pense qu'ils vont les généraliser. Moi, je pense qu'il faut qu'ils travaillent, pour que ça réussisse,
15:47il faut qu'ils travaillent avec les régions, c'est important. Donc, il faut qu'il y ait un
15:50partenariat public-privé, mais il faut également impliquer les régions, parce que chaque région a
15:56justement son lot de talents et d'universités. Donc ça, c'est important. Il faut faire de la
16:03formation continue partout, parce que quand on parle du service digitaux pour les citoyens,
16:08il faut que les administrations décentralisées dans tout le Maroc, les fonctionnaires doivent
16:12avoir de la formation continue tout le temps pour utiliser le digital. Donc, il y a la formation des
16:17talents pour produire, mais il y a aussi la formation des talents pour utiliser également
16:22dans toutes les entreprises. On n'a pas parlé des entreprises hors technologie qui, eux, ils ont
16:27besoin d'utiliser le digital pour justement être performants, être compétitifs dans un monde qui
16:33est très, très concurrentiel.

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