Samuel Paty : Quatre ans après, un hommage à la liberté d'expression

  • il y a 16 heures
Cette vidéo commémore le quatrième anniversaire de l'assassinat tragique de Samuel Paty, enseignant français assassiné pour avoir défendu la liberté d'expression et abordé des sujets sensibles en classe. À travers des témoignages, des analyses et des réflexions, la vidéo explore les circonstances de cet acte barbare, son impact sur la société française et les débats sur la liberté d'expression et l'éducation. Elle rend hommage à Samuel Paty et invite à une réflexion sur les valeurs de la République et la nécessité de défendre ces principes face à la violence.

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Transcription
00:00:00...
00:00:03C'est une information qui tombe à l'instant.
00:00:05On apprend qu'un homme a été décapité en région parisienne.
00:00:09Il avait 47 ans.
00:00:10L'attentat terroriste islamiste, selon Emmanuel Macron.
00:00:13L'assaillant a été tué par la police.
00:00:15L'émotion immense dès l'annonce de cet assassinat
00:00:18à Conflans-Sainte-Honorine, dans un quartier réputé tranquille.
00:00:22La communauté éducative est sous le choc.
00:00:24...
00:00:26Le 16 octobre 2020,
00:00:28Samuel Paty, un professeur d'histoire,
00:00:30est décapité en pleine rue.
00:00:32Ce jour-là, un de ses collègues est témoin de la scène
00:00:36et se retrouve face au terroriste.
00:00:38...
00:00:40Je sors en voiture du parking.
00:00:43Je me rappelle très bien de ma collègue qui prend à gauche.
00:00:47Moi, je prends à droite.
00:00:49J'avais la musique, c'était le jour des vacances.
00:00:54J'ai tourné pour rentrer chez moi.
00:00:56Et sur le côté, j'ai vu deux personnes allongées,
00:01:01l'une sur l'autre.
00:01:02Là, au niveau du trottoir,
00:01:04je pensais que c'était peut-être un massage cardiaque.
00:01:07J'ai cru que c'était un accident de la route.
00:01:10Je me suis arrêté, je suis sorti.
00:01:12...
00:01:15J'étais à une vingtaine de mètres, 20-30 mètres.
00:01:18J'ai demandé directement qu'est-ce qui se passe.
00:01:22Il m'a répondu qu'il a insulté le prophète.
00:01:25...
00:01:27Et là, je vois qu'il y a un corps un peu en deux morceaux.
00:01:32Je comprends pas trop, je vois pas avec détail,
00:01:35mais je crois que je réalise ce qui se passe.
00:01:38Et en fait, du coup, j'ai une peur qui me paralyse.
00:01:42...
00:01:44Je pense que mon cerveau bug et se bloque un peu.
00:01:47...
00:01:49Le jeune enseignant est en état de choc.
00:01:52Il remonte dans sa voiture, puis revient immédiatement sur place.
00:01:57Je décide de repasser devant
00:01:59pour essayer de comprendre ce qui s'est passé.
00:02:03Et là, il y avait déjà une voiture de police qui me bloque.
00:02:06...
00:02:13Au moment où c'est rendu officiel que c'est Samuel Paty,
00:02:17là, c'est un gros choc.
00:02:19Un très, très gros choc.
00:02:22Ce que je me dis, c'est que, vraiment, ça y est.
00:02:26Ce qu'on redoutait de pire est vraiment arrivé.
00:02:30...
00:02:33Sur les lieux de l'assassinat,
00:02:35les policiers vont trouver le sac à dos de Samuel Paty.
00:02:38A l'intérieur, sa carte professionnelle,
00:02:41des cours, un cahier bleu avec son planning
00:02:44et un marteau qu'il gardait avec lui.
00:02:46Une arme d'érisoir
00:02:49face à la menace qui planait sur lui depuis 11 jours.
00:02:52...
00:02:56Brouhaha
00:03:00C'est la rentrée au collège du Bois-d'Aulne.
00:03:04Un établissement de 750 élèves, réputé familial et tranquille.
00:03:08Ici, les enseignants demandent à rester longtemps
00:03:12et s'y sentent bien.
00:03:13C'est un collège au milieu de la verdure,
00:03:16au milieu des champs, donc c'est assez calme.
00:03:19Il y a beaucoup de mixité sociale.
00:03:22La religion n'a jamais été un problème.
00:03:24Au niveau des couleurs de peau, on a toutes les couleurs de peau.
00:03:29C'est ce qui est très agréable,
00:03:31c'est qu'on a tout au collège, à aucun moment.
00:03:34On a eu des problèmes avec la religion.
00:03:37La laïcité a toujours été respectée dans le collège,
00:03:40jusqu'aux événements.
00:03:41Musique pesante
00:03:43En ce jour de septembre,
00:03:46Jérémy fait sa première rentrée dans ce collège.
00:03:50Il ne connaît personne.
00:03:51Et c'est Samuel Paty qui l'accueille.
00:03:54Le professeur d'histoire de 47 ans
00:03:57aime prendre sous son aile les nouveaux venus.
00:04:02On avait rencontré Samuel.
00:04:04Il avait l'air excité de voir de nouveaux collègues,
00:04:07comme si ça rajoutait un vent frais.
00:04:10Je pense que c'est toujours agréable de voir de nouvelles têtes.
00:04:14Du coup, il nous a proposé une visite de l'établissement.
00:04:20Ce que j'aimais bien chez Samuel Paty,
00:04:23c'est qu'il était empathique, mais de manière gratuite.
00:04:26Il était intéressé par l'humain, mais sans aucune raison particulière,
00:04:30sans chercher la contrepartie.
00:04:33C'était juste de la gentillesse.
00:04:36Je sais qu'il traitait tous ses élèves de manière égale.
00:04:40Il n'y avait aucune discrimination pour Samuel.
00:04:43D'un point de vue sociétal, religieux, de couleur ou autre.
00:04:47Il exposait son point de vue, mais il savait toujours mettre les formes,
00:04:51faire en sorte de ne pas blesser les gens.
00:04:54J'ai un souvenir très positif de Samuel Paty.
00:04:57Je pense que c'est le cas de tout le monde,
00:05:00parce qu'on ne pouvait pas lui reprocher grand-chose.
00:05:03Enseigner est la vocation de Samuel Paty
00:05:05depuis ses premiers pas en prépa littéraire à Lyon.
00:05:09Ses parents sont eux-mêmes enseignants,
00:05:11attachés à la laïcité et à la liberté de conscience.
00:05:14Son père décrit Samuel Paty comme un laïc apaisé.
00:05:21Le 6 octobre, c'est un simple cours d'éducation civique
00:05:24qui va tout bouleverser.
00:05:32Ce mardi, à 12h50,
00:05:37Samuel Paty s'apprête à donner un cours d'éducation morale et civique
00:05:40à sa classe de quatrième.
00:05:42Le thème ? La liberté d'expression.
00:05:47Pour le rendre concret, il décide de raconter les heures tragiques
00:05:51de Charlie Hebdo après la publication des caricatures.
00:05:58Il a baptisé son cours
00:05:59« Situation de dilemme, être ou ne pas être Charlie ».
00:06:05C'est ce qu'il écrit sur son carnet, qui ne le quitte jamais.
00:06:11Le cours de Samuel Paty avait pour but de mettre en débat
00:06:15un événement récent de l'histoire de France,
00:06:17parce que c'était au programme et toutes les illustrations
00:06:20faisaient partie du matériel pédagogique
00:06:22de l'éducation nationale.
00:06:24Ce n'est en aucun cas une démarche personnelle de provocation.
00:06:28Et donc, consistait à mettre en débat
00:06:30« je suis Charlie et je ne suis pas Charlie »
00:06:32et à faire une colonne,
00:06:34à donner aux élèves la liberté d'articuler par eux-mêmes
00:06:38une argumentation, soit pour, soit contre.
00:06:43Tout le monde pouvait donner son avis, il n'y avait pas de jugement.
00:06:46Enfin, vraiment, tout le monde était libre de dire tout ce qu'il voulait.
00:06:52Dans ce cours, l'enseignant va montrer 15 diapositives différentes,
00:06:56des dessins, des photos.
00:06:59Il a également prévu de projeter des caricatures du journal satirique.
00:07:05Samuel Paty nous a prévenu
00:07:07que si certaines personnes souhaitaient sortir de la salle
00:07:10pour ne pas voir la caricature qu'il allait projeter au tableau,
00:07:14ils avaient complètement le droit.
00:07:17À aucun moment, il n'a voulu désigner les musulmans
00:07:20en voulant leur dire de sortir.
00:07:22Il disait vraiment que tout le monde pouvait sortir
00:07:24s'il ne voulait pas voir cette caricature.
00:07:31Samuel Paty va projeter quatre dessins
00:07:33représentant des caricatures du prophète Mahomet.
00:07:36Celle qui fera polémique va durer exactement deux secondes.
00:07:46Dans cette classe, aucun élève ne détourne le regard.
00:07:50Quand il nous a projeté la caricature au tableau,
00:07:53personne n'était choqué, les personnes rigolaient un peu,
00:07:57mais pas de façon à juger.
00:07:59Personne n'est sorti, c'était un cours comme d'habitude.
00:08:03On n'a pas forcément reparlé, c'était vraiment un cours habituel.
00:08:06On n'a pas parlé de la question mathématique.
00:08:10Comme les années précédentes,
00:08:13le cours de Samuel Paty se déroule donc sans problème.
00:08:16Ce jour-là, l'enseignant note simplement
00:08:19qu'une de ses élèves, Zohra, est absente.
00:08:22Elle n'est pas là car elle dit être souffrante.
00:08:29Dès le lendemain, cette élève va proférer un mensonge
00:08:33qui jouera un rôle clé dans l'assassinat de Samuel Paty.
00:08:37Effectivement, c'est une élève qui pose problème en cours.
00:08:41Elle est dissipée, elle manque de motivation.
00:08:44Je ne dirais pas qu'elle a un mauvais fond,
00:08:46je dirais juste qu'elle n'avait aucun plaisir à la scolarité.
00:08:49Après, elle souffrait de la comparaison avec sa soeur jumelle
00:08:53qui, elle, était très scolaire, avait un bon niveau,
00:08:56s'en sortait très bien.
00:08:57C'est vrai qu'elle était un petit peu perdue.
00:09:01Cette élève avait l'habitude de mentir
00:09:05simplement pour se sentir exister, je pense.
00:09:11Depuis la rentrée, l'adolescente a déjà cumulé
00:09:1412 heures de retenue pour indiscipline
00:09:16et de nombreuses absences.
00:09:19C'est vrai qu'en cours,
00:09:21elle était très malpolie envers les profs
00:09:25et même parfois envers les élèves.
00:09:27Elle les dénigrait un peu.
00:09:29Parfois, elle lançait des projectifs sur les professeurs.
00:09:33C'est pour ça qu'il la virait dans le cours.
00:09:40Il y avait un rapport d'incident,
00:09:42qui accumule avec d'autres rapports d'incident
00:09:44et qui amène à l'exclusion de l'établissement.
00:09:49Le 7 octobre, les parents de Zohra sont officiellement avertis
00:09:53qu'elle est exclue pendant deux jours pour indiscipline.
00:09:57Mais l'adolescente leur raconte une toute autre histoire.
00:10:00Elle accuse Samuel Paty de l'avoir envoyée
00:10:03car elle se serait opposée à la diffusion des caricatures
00:10:06et sa famille va la croire sur parole.
00:10:17Le 7 octobre, à 21h28,
00:10:20le père de Zohra publie des messages sur son compte Facebook.
00:10:26Incroyable, mais vrai.
00:10:28Ce matin, le prof d'histoire de ma fille en quatrième
00:10:31demande à toute la classe
00:10:32que tous les élèves musulmans de la classe lèvent la main.
00:10:35Ensuite, il leur dit de sortir de la classe
00:10:38car il va diffuser une image qui va les choquer.
00:10:41Ce prof diffuse l'image de notre cher bien-aimé prophète tout nu.
00:10:45Je vais voir le directeur car ma fille est exclue deux jours du collège.
00:10:49Vous pouvez écrire un courrier au directeur de l'école.
00:10:52Un deuxième message est diffusé, puis un troisième à 23h22.
00:10:58Collège Boisdaune.
00:10:59Conflans-Saint-Honorin, M. Paty, professeur d'histoire-géographie.
00:11:03Vous aimez votre prophète ?
00:11:05Vous avez l'adresse et le nom du professeur pour dire stop.
00:11:09Ce message est important car il désigne le professeur,
00:11:13donc quelque part la cible,
00:11:15et il désigne le collège,
00:11:17donc il va donner géographiquement l'endroit du lieu où les choses se passent.
00:11:23L'engrenage est lancé.
00:11:25Le message tourne aussi sur le groupe WhatsApp du père de famille,
00:11:28qui a de nombreux contacts dans la communauté musulmane des Yvelines.
00:11:33Qui est cet homme, Brahim Shnina,
00:11:36qui cible un professeur sans vérifier ce que dit sa fille ?
00:11:39Bonjour.
00:11:40Bonjour.
00:11:42J'ai l'honneur de vous présenter Arnaud Dacharifa.
00:11:46Sur son compte Facebook, il se présente comme un bienfaiteur
00:11:50et met en avant ses activités humanitaires.
00:11:53Son association propose à des croyants en situation de handicap
00:11:57d'aller en pèlerinage à la Mecque.
00:12:03Brahim Shnina a un passé délinquant.
00:12:06C'est quelqu'un qui a été connu dans des affaires de vol,
00:12:10de menaces, d'importations de stupéfiants, de petites escroqueries.
00:12:14C'est quelqu'un dont la vie a basculé
00:12:16quand son demi-frère est décédé.
00:12:20Et à partir de là,
00:12:22il adopte une certaine application stricte,
00:12:25en tout cas conservatrice, de l'islam.
00:12:28Ce qu'on peut dire, c'est que Brahim Shnina
00:12:30ne va pas remettre en cause la parole de sa fille,
00:12:34comme si la parole de sa fille lui permettait, en réalité,
00:12:37de développer un certain militantisme
00:12:40dont il a envie, indépendamment du fait de savoir
00:12:43si sa fille dit vrai ou faux.
00:12:47Le 8 octobre, à 10h30,
00:12:50Brahim Shnina se rend au collège du Bois d'Aulne.
00:12:53Il n'a pas prévenu la principale pour prendre rendez-vous
00:12:56et exige d'être reçu.
00:12:59J'étais en train de manger et j'apprends
00:13:02qu'il y a le père de l'élève qui vient à l'établissement
00:13:05et qu'il se prend la tête avec notre principale dans son bureau.
00:13:08Et quand j'arrive devant la porte,
00:13:11j'entends des cris de colère,
00:13:14des hurlements avec des phrases du style
00:13:17« il devrait être viré de l'établissement »,
00:13:20des phrases comme ça.
00:13:21Je suis étonné de me dire
00:13:23à quel point de laïcité il aurait pu rencontrer Samal à ce moment-là.
00:13:27Et c'est pas le genre de Samalpathy,
00:13:29de rencontrer des problèmes de laïcité.
00:13:32Donc, à ce moment-là, je comprends pas ce qu'il se passe.
00:13:37Brahim Shnina n'est pas seul ce jour-là.
00:13:40Avec lui, un homme plus âgé et particulièrement vindicatif
00:13:44intrigue une enseignante.
00:13:48En remontant dans l'escalier
00:13:50qui permet de surplomber le parvis qui est devant le collège,
00:13:54on voyait deux messieurs.
00:13:57Et une collègue m'a dit à ce moment-là
00:13:59que c'était M. Shnina accompagné d'un imam.
00:14:02Je me suis dit qu'il se passait quelque chose de grave, forcément.
00:14:06Si un imam se déplace,
00:14:08c'est qu'il y a un problème déjà qui est lié à la religion.
00:14:11Et donc, il y a une question de laïcité aussi.
00:14:14Moi, j'ai commencé à être angoissée.
00:14:18Je suis allée voir Samuel au moment où les cours étaient terminés.
00:14:23Je l'ai croisée dans le forum et je lui ai dit
00:14:25que s'il avait des problèmes avec les parents d'élèves
00:14:27ou qu'il avait besoin que je l'accompagne
00:14:29avec la direction, je pouvais le faire.
00:14:32Mais tout de suite, il a décliné ma proposition.
00:14:37Je pense que pour lui, il n'avait rien à se reprocher.
00:14:41Il n'avait aucune raison de chercher à se défendre.
00:14:44Il n'avait aucune raison de se justifier.
00:14:48Ce que ne sait pas encore Samuel Paty,
00:14:51c'est que cet imam qui accompagne nos pères de famille n'en est pas un.
00:14:56C'est un militant islamiste bien connu des services de renseignement.
00:15:01Il est fiché S et mène des campagnes d'intimidation
00:15:04contre ceux qui, selon lui, offensent l'islam.
00:15:08La veille, il a vu le message de Brahim Shnina sur WhatsApp
00:15:12et impose sa présence à la principale du collège.
00:15:17Tout le travail avec la principale du collège ce matin-là
00:15:20va être d'essayer de faire baisser la pression.
00:15:23Elle va essayer d'apporter des éléments objectifs
00:15:25pour expliquer que ce qu'eux disent,
00:15:28ce qu'eux prétendent et ce qu'eux relaient est factuellement faux.
00:15:32Mais eux n'écoutent absolument pas ça
00:15:34et vont rester dans l'idée que le problème
00:15:39émane de la diffusion des caricatures de Mahomet
00:15:42et de ce qu'aurait fait Samuel Paty à l'endroit des élèves musulmans.
00:15:47La principale notera lors de son audition...
00:16:05Le père de famille ne veut pas croire la cheffe d'établissement.
00:16:09Désormais conseillé par un militant islamiste aguerri,
00:16:14il lance une campagne de dénigrement contre Samuel Paty.
00:16:18Braheem Chnina allume des mèches.
00:16:23A 14h15, il envoie un message aux fédérations des parents d'élèves
00:16:27pour les rallier à sa cause.
00:16:33Le 8 octobre, un message est déposé
00:16:36sur le formulaire de contact de notre site Internet.
00:16:39On s'est rendu compte que ce message était un copier-coller
00:16:42du message qu'ils diffusaient sur les réseaux sociaux.
00:16:45Ce qui nous choque, c'est qu'on sait parfaitement
00:16:48que les cours d'éducation morale et civique
00:16:50ne se déroulent pas de cette façon.
00:16:52C'est un mêle parfaitement inhabituel
00:16:54et qui nous laisse tout à fait perplexes.
00:17:00Braheem Chnina fait aussi pression sur la communauté musulmane locale,
00:17:04comme le raconte cette mère de famille.
00:17:15...
00:17:37En fin d'après-midi,
00:17:38Braheem Chnina et sa fille franchissent un cap.
00:17:42Ils vont porter plainte contre Samuel Paty
00:17:45au commissariat de Conflans-Saint-Honorin
00:17:47pour publication de vidéos pornographiques sur mineurs.
00:17:52Devant les policiers, la jeune fille réitère son mensonge,
00:17:56qui devient alors officiel.
00:18:12...
00:18:16Quand on commençait à voir les conséquences, pour moi,
00:18:19elle aurait dû avoir l'éveil d'y penser,
00:18:23mais après, on parle d'une élève de 4e, qui a 13-14 ans.
00:18:27Est-ce qu'un enfant de 13-14 ans comprend ce qui se passe ?
00:18:30Je sais pas.
00:18:32Comment cet élève a pu s'enfermer si longtemps dans le mensonge ?
00:18:36Nous avons recueilli les propos de sa mère.
00:18:38La jeune fille est aujourd'hui scolarisée dans une autre ville.
00:18:43C'était une gamine de 13 ans qui n'a pas menti dans sa vie,
00:18:47en fait, et elle n'a jamais voulu ce drame.
00:18:50Moi, mes enfants sont très, très gentils.
00:18:52Comment vous analysez ce qui s'est passé ?
00:18:54Elle a eu peur de son père ?
00:18:56Tous les enfants ont peur de leurs parents,
00:18:59parce que l'éducation première, c'est la réussite à l'école.
00:19:02Je pense qu'elle a dû se dire dans sa tête,
00:19:04on en parle, avoir une psychologue, on en parle.
00:19:08J'ai même pas pensé à quoi qui puisse arriver.
00:19:11J'ai juste pas voulu vous décevoir.
00:19:15Je peux pas croire que tout ça vienne d'elle,
00:19:19dans le sens où, en fait, il suffit juste de voir
00:19:22qu'elle était pas là au cours et qu'elle était absente.
00:19:25Si le mensonge, il a été entretenu, c'est pas de...
00:19:28C'est pas d'elle, en fait.
00:19:30Pour moi, c'est du père et de l'entourage qui l'avait appris.
00:19:37Jusqu'au soir, ce 8 octobre,
00:19:40le père de Zohra n'a eu de cesse de relayer ce mensonge.
00:19:43A 19h22, il publie une vidéo qui va enflammer les réseaux.
00:19:48Il a dit que c'était le prophète des musulmans.
00:19:51Quel est le message qu'il a voulu passer à ses enfants ?
00:19:54Quelle est la haine ? Pourquoi cette haine ?
00:19:56Pourquoi un prof d'histoire se comporte comme ça
00:19:58devant des élèves de 13 ans ?
00:20:01Et à mon avis, il se comporte comme ça depuis plusieurs années.
00:20:05Si vous voulez qu'on soit ensemble et qu'on dise
00:20:09stop, touchez pas à nos enfants,
00:20:11envoyez-moi un message.
00:20:13Ce voyou ne doit plus rester dans l'éducation nationale,
00:20:16ne doit plus éduquer des enfants.
00:20:18Il doit aller s'éduquer lui-même.
00:20:20Merci de partager un maximum.
00:20:21Je pense que vous êtes tous concernés.
00:20:23Je parle non seulement de ma fille, mais vos enfants aussi.
00:20:26On leur fait la même chose dans la classe.
00:20:28Musique de tension
00:20:31...
00:20:33Ce soir-là, Samuel Paty est chez lui.
00:20:36Il n'a pas encore vu la vidéo.
00:20:39Il espère que tout va s'apaiser.
00:20:41...
00:20:44Mais dès le lendemain,
00:20:46la rumeur va s'intensifier et sortir des frontières du collège.
00:20:51Samuel Paty va se retrouver seul face à la menace.
00:20:55...
00:21:04Tic-tac.
00:21:05Sonnerie de téléphone
00:21:07...
00:21:11Sonnerie de téléphone
00:21:12-"Bonjour, le collège de racistes.
00:21:14On a des infos sur vous. On va s'occuper de votre pâtisserie.
00:21:17De votre collège et de votre professeur d'histoire.
00:21:20Si vous faites pas quelque chose rapidement,
00:21:21il va en prendre plein la gueule et votre collège aussi.
00:21:24Franchement, faites le nécessaire.
00:21:27Et rapidement.
00:21:28Sinon, on va s'occuper de lui. Moi, je viens du Sud.
00:21:31On est de Montpellier. Vous voyez que ça nous concerne.
00:21:33Même si on est loin, on peut agir."
00:21:35...
00:21:38On est clairement sur des menaces.
00:21:40On va avoir des menaces de punition, de mort.
00:21:43Que ça soit pour Samuel Paty ou pour l'équipe, en fait.
00:21:47On a tous été atteints par la peur.
00:21:50Il y avait beaucoup de collègues qui étaient vraiment en panique.
00:21:54Qui étaient en pleurs, qui ne pouvaient pas faire court.
00:21:57...
00:21:59On est vraiment dans l'interrogation
00:22:01de savoir ce qui va se passer.
00:22:04Est-ce que ça va pouvoir se calmer ou pas ?
00:22:08S'il y avait un danger,
00:22:10c'était pas possible que les autorités ne soient pas sur ce coup
00:22:13et que forcément, on ait été protégés d'une manière ou d'une autre.
00:22:17Enfin, j'essaie vraiment de rationaliser les choses
00:22:19pour évacuer la peur.
00:22:21...
00:22:27Les rumeurs, on les entend qui viennent de la part de nos enfants,
00:22:32qui rapportent les propos de la cour de récréation.
00:22:35Donc, le principal qualificatif que l'on entend,
00:22:39c'est que M. Paty est raciste.
00:22:40Donc, évidemment, ça nous inquiète.
00:22:43On sent le poids des réseaux sociaux.
00:22:45...
00:22:47C'est une rumeur qui va prendre dans l'école.
00:22:49C'est ça qui est dramatique aussi.
00:22:50Et dont Samuel Paty a beaucoup souffert.
00:22:52Ses derniers jours au collège, malheureusement,
00:22:55tout bon professeur qu'il était,
00:22:58il les a vécus seuls, il les a vécus montrés du doigt,
00:23:01il les a vécus jugés, maltraités.
00:23:04...
00:23:06Une personne prend la mesure du danger.
00:23:09La principale du collège.
00:23:12Dès le 9 octobre au matin,
00:23:14elle alerte le rectorat de Versailles.
00:23:16...
00:23:18Elle va faire ce qu'on appelle un fait-établissement niveau 3.
00:23:21Un fait-établissement, c'est une alerte
00:23:23qui est donnée au rectorat.
00:23:25Le niveau 3, c'est le plus haut niveau d'alerte.
00:23:27C'est-à-dire qu'il se passe un événement extrêmement grave
00:23:30qui menace l'établissement ou les membres de l'établissement.
00:23:34Elle ne va pas arrêter.
00:23:36Elle ne va pas arrêter de le faire tous les jours.
00:23:38Elle va contacter les renseignements territoriaux.
00:23:41Elle va prendre attache avec le commissariat.
00:23:43Elle va prendre attache avec le maire de Conflans.
00:23:45Elle se démène.
00:23:48La principale doit aussi faire face
00:23:50à des enseignants de plus en plus divisés.
00:23:53Car certains commencent à douter de sa malpathie.
00:23:57A-t-il bien fait de montrer ses caricatures de Charlie Hebdo ?
00:24:01A-t-il bien agi avec ses élèves de 4e ?
00:24:04...
00:24:08En salle des professeurs, le matin,
00:24:10j'ai essayé de mettre un peu les points sur les i.
00:24:13J'ai dit aux collègues qu'il fallait arrêter
00:24:15de faire circuler des rumeurs sur ce qui s'était passé.
00:24:18Il fallait attendre d'en savoir plus.
00:24:21Je sentais qu'il y avait une espèce de suspicion, d'ébullition.
00:24:24Je voulais aussi répéter, c'était important pour moi,
00:24:27qu'il fallait être solidaire avec notre collègue.
00:24:32En fin de journée, la chef d'établissement
00:24:34envoie un e-mail à tous les enseignants.
00:24:37Elle leur demande de rester soudées.
00:24:40Mais cette unité va se fissurer dès le lendemain.
00:24:45...
00:24:48Ce samedi matin, Samuel Paty est seul chez lui.
00:24:52Il vient de vivre une semaine éprouvante
00:24:55et se réjouit de passer du temps avec son fils de 5 ans
00:24:58qu'il doit retrouver dans la soirée.
00:25:01Depuis son divorce, il s'en occupe le mercredi et le dimanche.
00:25:06A 10h35, puis 12h06,
00:25:10deux e-mails arrivent sur sa messagerie professionnelle.
00:25:13Ils sont aussi envoyés à tous les enseignants et à la principale.
00:25:18J'écris ce message aujourd'hui car j'éprouve le besoin
00:25:21de dire que je ne soutiens pas notre collègue.
00:25:23Je refuse de me rendre complice d'une situation
00:25:26dans laquelle je me trouve plongée, malgré moi.
00:25:32Notre collègue a desservi la cause de la liberté d'expression.
00:25:36Il a donné des arguments à des islamistes
00:25:38et a travaillé contre la laïcité en lui donnant l'aspect de l'intolérance.
00:25:42Mais il a aussi commis un acte de discrimination.
00:25:45Mon éthique m'interdit de me rendre complice de ce genre de choses.
00:25:51Ce principe de lynchage public, je ne trouve pas ça acceptable.
00:25:55Si j'avais subi la même chose, je ne sais pas dans quel état j'aurais été.
00:25:58Je ne sais pas comment Samuel a pu refaire une semaine de cours
00:26:01avec cette pression de 2-3 collègues qui n'étaient pas d'accord avec lui.
00:26:05Quand un collègue est en danger, il n'y a pas de débat d'idées à faire
00:26:10sur le bien fondé de son cours, de sa manière de faire.
00:26:14C'est complètement hors-sujet. C'est indécent.
00:26:20Nous avons contacté l'un des enseignants
00:26:22qui a envoyé ce mail de désapprobation à Samuel Paty.
00:26:27Lui aussi aborde tous les ans le thème de la liberté d'expression,
00:26:31mais dit être en désaccord avec la pédagogie de son collègue.
00:26:35Voici les propos qu'il nous a tenus.
00:26:38Je suis d'accord pour montrer les caricatures.
00:26:41C'est juste que mettre des enfants dehors parce qu'ils sont comme ci ou comme ça...
00:26:44Enfin, les mettre, c'est plutôt leur proposer,
00:26:47mais c'est des enfants, donc leur proposer gentiment, leur donner le choix,
00:26:50c'est déjà une erreur pour moi.
00:26:52J'estime qu'il a commis une maladresse, mais rien de plus.
00:26:55Il a commis une maladresse de bonne foi.
00:26:57Ce n'était pas un provocateur ou je ne sais quoi,
00:26:59c'était un type de bonne foi qui a juste fait une boulette à un moment.
00:27:02D'ailleurs, la moitié des profs étaient du même côté que moi à l'époque.
00:27:06Qu'est-ce qu'ils pensaient ?
00:27:08Ils pensaient qu'il avait fait une boulette.
00:27:10Vous ne regrettez pas d'avoir envoyé Smell ?
00:27:12Non, pas du tout.
00:27:14Est-ce que c'était vraiment le moment d'envoyer Smell
00:27:16alors qu'il y avait beaucoup de tensions à ce moment-là ?
00:27:18Personne ne le savait.
00:27:20Pour tout vous dire, je n'ai pas compris avant même le crime.
00:27:23Comprendre que Smell est menace, c'est une chose,
00:27:25mais comprendre à quel point, c'en est une autre.
00:27:28Vous avez pu lui parler ?
00:27:30Non, il était vraiment fâché contre moi.
00:27:32Ce n'était pas possible de lui parler.
00:27:35Pour moi, c'est juste le symptôme de collègues qui ont peur
00:27:39et qui cherchent à se protéger, eux,
00:27:41à se dédouaner, à se désolidariser.
00:27:44En fait, ils disent,
00:27:46nous, on ne fait pas comme cette personne,
00:27:48on n'a rien à voir dans cette histoire.
00:27:50Donc, si jamais quelqu'un attend devant le collège,
00:27:53surtout, ne nous visez pas, quoi.
00:28:00Samuel Paty, lui, est abasourdi par ces attaques.
00:28:04Mais il ne veut pas en rester là.
00:28:06Il attend le dimanche soir
00:28:08pour envoyer sa réponse à tous les enseignants.
00:28:11A 22h16, dans un long mail,
00:28:14il explique précisément le déroulé de son cours
00:28:17et affirme de nouveau qu'il n'y a pas d'absence de respect à la laïcité.
00:28:22Il termine son message par ces mots alarmants.
00:28:26...
00:28:32Et l'information qu'il nous donne à la fin de son mail,
00:28:35c'est qu'il est menacé, non seulement lui,
00:28:38mais l'ensemble des collègues par des extrémistes religieux.
00:28:42Les islamistes locaux.
00:28:44...
00:28:48En fait, ce sont des termes très forts.
00:28:50Et je pense que ça a réellement accentué la peur chez les collègues.
00:28:55Et là, je comprends que ça va très, très loin.
00:28:59Sur le coup, je pense à moi,
00:29:02à me demander s'il y a quelconque danger pour moi.
00:29:10Dès le lendemain, au collège, la peur monte d'un cran.
00:29:13Une nouvelle vidéo fait son apparition sur YouTube.
00:29:17Son titre, l'islam insulté dans un collège public.
00:29:21...
00:29:23Ca fait 5-6 ans que des enfants de 12-13 ans,
00:29:28des musulmans, sont choqués, sont agressés,
00:29:32sont humiliés devant leurs camarades.
00:29:34On exigeait la suspension immédiate de ce voyou
00:29:37parce que c'était pas un enseignant.
00:29:39Un enseignant, c'est autre chose.
00:29:41...
00:29:44L'auteur de cette vidéo,
00:29:45c'est le militant islamiste Abdel Hakim Seyfrioui,
00:29:49celui qui, depuis le début, conseille le père de famille
00:29:52dans sa campagne de dénigrement contre Samuel Paty.
00:29:55...
00:29:58Dans ce montage de 10 minutes, qu'il a lui-même réalisé,
00:30:01Abdel Hakim Seyfrioui commence par filmer l'entrée du collège.
00:30:05Nous sommes devant le collège,
00:30:08là où l'abjecte a encore eu lieu.
00:30:10Il va même jusqu'à interviewer la jeune élève
00:30:13qui a menti sur le cours de Samuel Paty, Zohra.
00:30:17...
00:30:19Désolé de te voir dans ces circonstances,
00:30:22mais peux-tu nous raconter exactement ce qui s'est passé ?
00:30:26On était en train de faire un cours sur l'islam
00:30:29et mon prof, il a dit aux musulmans de lever la main.
00:30:33Qu'est-ce que ça t'a fait ?
00:30:34Il ne nous respecte pas.
00:30:36Pour eux, on n'est pas égale à eux alors qu'on est encore mieux.
00:30:41C'est vrai ?
00:30:42Oui.
00:30:44L'enquête de police montrera
00:30:45qu'il a totalement dirigé cette interview.
00:30:48Puis le militant devient offensif
00:30:50et appelle la communauté musulmane à se mobiliser contre l'Etat.
00:30:54Si jamais on accepte ça, demain,
00:30:56on arrivera peut-être à ce qui s'est passé à Srebrenica,
00:31:00à ce qui s'est passé en Yougoslavie.
00:31:02Quand on entend le discours haineux
00:31:05du président de la République envers les musulmans,
00:31:08ça laisse présager des jours sombres.
00:31:11Cette vidéo, elle érige véritablement
00:31:15Samuel Paty en cible, en homme à abattre.
00:31:19C'est une vidéo de 10 minutes qui est une vraie propagande.
00:31:23Elle légitimise le passage à l'action
00:31:25de quelqu'un qui voudrait sanctionner ce professeur,
00:31:28qui est les musulmans, qui discrimine les enfants.
00:31:31C'est... Vous avez le feu vert, vous pouvez y aller.
00:31:34Je suis conseil des imams de France, je le dis.
00:31:37C'est inadmissible ce qui se passe.
00:31:39Et attention, si on nageait pas vite,
00:31:41un drame arrivera pour nous, les musulmans.
00:31:44Ce qui est intéressant avec la vidéo d'Abdellakim Sefrioui,
00:31:47c'est qu'en fait, elle va toucher
00:31:50une catégorie, on va dire, plus aguerrie de militants islamistes
00:31:54parce que c'est quelqu'un qui a déjà une audience.
00:31:57On ne peut plus accepter !
00:31:58Une audience qui a de l'impact.
00:32:01Qu'est-ce qu'il y a de plus blâmable que des gens
00:32:03qui n'ont rien à voir avec l'islam ?
00:32:05Abdellakim Sefrioui a l'habitude de menacer
00:32:08élus, responsables religieux ou enseignants,
00:32:11comme il l'a fait pour Samuel Paty.
00:32:13La police est toujours là pour protéger les voyous.
00:32:15Ca se passe très bien dans notre pays.
00:32:20En 2011, cette proviseure adjointe
00:32:23a vu le militant islamiste faire éruption brutalement
00:32:26dans son lycée de banlieue parisienne.
00:32:30Elle venait de faire un rappel à la loi sur la laïcité
00:32:33à des élèves qui portaient des tenues religieuses.
00:32:36Il se fait, là aussi, passer pour un imam.
00:32:40Il est très agité.
00:32:42Aussitôt, il hurle vocifère.
00:32:46Et puis, il pointe son doigt vers moi
00:32:51en disant, et vous, vous êtes une nazi.
00:32:54C'est quand même une tentative d'intimidation.
00:32:57Quand on vient dans un établissement
00:32:59avec des propos accusateurs, péremptoires,
00:33:03avec cette accusation très forte d'être une nazi,
00:33:07ces accusations aussi d'islamophobie,
00:33:10ils voulaient nous asséner sévérité.
00:33:15La toile internet s'est enflammée.
00:33:19Il y a eu mon nom et celui de la cheffe d'établissement.
00:33:22Et on nous promettait de nous brûler.
00:33:25Il y avait des mots très violents.
00:33:27Je pense qu'à l'époque, le rectorat n'a pas pris la mesure
00:33:30de l'ampleur de cette affaire
00:33:34et de qui nous avions en face de nous.
00:33:37Musique sombre
00:33:39La proviseure adjointe apporte des plaintes.
00:33:42Il n'y a pas eu de suite.
00:33:45Le militant islamiste est pourtant suivi
00:33:48par les services de renseignement.
00:33:50Noam Anouar l'a surveillé pendant dix ans.
00:33:54J'ai eu des procédures qui concernaient Sefrioui,
00:33:57où il avait été placé en garde à vue.
00:33:59On recevait un avis de classement
00:34:01nous disant que l'infraction a suffisamment caractérisé,
00:34:04puis classement sans suite, et au revoir.
00:34:06Les autorités françaises se sont révélées,
00:34:10je vais dire, impuissantes face à son attitude.
00:34:13On a senti un danger arriver.
00:34:16Et à la fin, bon, ça n'a servi à rien.
00:34:19...
00:34:22Concernant M. Sefrioui,
00:34:25je ne perçois absolument pas de violence dans son discours.
00:34:29C'est quelqu'un d'engagé politiquement.
00:34:32C'est quelqu'un aussi de pratiquant sur le plan religieux.
00:34:35Mais je ne l'ai pas vu, justement, mélanger des idées religieuses
00:34:39avec des idées politiques.
00:34:42Et je ne l'ai jamais vu prôner aucune action violente.
00:34:45Selon moi, juridiquement,
00:34:46Abdelhakim Sefrioui n'a aucune responsabilité
00:34:49dans la chaîne d'événements ayant conduit à la mort de Samuel Paty.
00:34:52...
00:34:55Au collège du Bois-d'Aulne, ce lundi 12 octobre,
00:34:58la vidéo d'Abdelhakim Sefrioui inquiète les enseignants
00:35:01et la direction, d'autant que les commentaires
00:35:04qui l'accompagnent sont très menaçants.
00:35:06Quand je suis arrivée au collège le lundi,
00:35:08il y avait beaucoup de collègues qui étaient vraiment en panique,
00:35:12qui étaient en pleurs, qui ne pouvaient pas faire cours.
00:35:15Donc moi, je suis allée voir la chef d'établissement
00:35:18et je lui ai dit qu'il fallait faire une réunion.
00:35:21Il fallait communiquer aux collègues
00:35:23sur, justement, les questions de sécurité.
00:35:25...
00:35:27Pour répondre aux inquiétudes des enseignants,
00:35:30un représentant du rectorat est dépêché au collège,
00:35:33le seul qui se déplacera en 11 jours.
00:35:35...
00:35:39Ce référent laïcité est au courant des menaces,
00:35:43mais ce n'est pas sa priorité.
00:35:45...
00:35:47Ce qui a été étonnant, c'était surtout la disposition des personnes.
00:35:52On avait vraiment l'impression d'un tribunal.
00:35:56Samuel Paty était très, très stressé
00:35:58et passait son temps à mettre du gel hydroalcoolique sur ses mains.
00:36:03En fait, moi, j'ai surtout eu l'impression
00:36:05qu'il était obligé de se justifier face au référent laïcité.
00:36:08Il va être saumé de s'excuser, ce qu'il ne fera pas, et il a raison.
00:36:12Il a raison, il tient bon, il a raison de ne pas s'excuser.
00:36:15Et en fait, c'est tout ce que va apporter ce référent laïcité.
00:36:18C'est de rappeler les règles de laïcité,
00:36:20de pointer du doigt ce professeur qui est bien seul,
00:36:22qui est bien seul,
00:36:23et de faire un rapport pour dire que la situation est apaisée.
00:36:27Il y a un surveillant qui a demandé
00:36:29si jamais il y a un individu armé qui se présente devant la grille,
00:36:32qu'est-ce qu'on fait ?
00:36:33C'est à ce moment-là qu'il nous a dit
00:36:35qu'il y allait y avoir des patrouilles de police,
00:36:38mais qu'ils ne seront pas là tout le temps.
00:36:41Les réponses qui ont été apportées
00:36:43ne sont pas à la mesure du danger qu'on ressent à ce moment-là.
00:36:48Avec les risques, avec les commentaires qu'on pouvait voir,
00:36:51les risques qu'on pouvait prévoir,
00:36:53oui, il y aurait dû avoir quelque chose de mis en place.
00:36:57On aurait dû le mettre sous protection.
00:36:59Et l'obliger à rester chez lui.
00:37:06Le rectorat de Versailles ne semble pas voir le danger,
00:37:09tout comme les services de renseignement des Yvelines,
00:37:12pourtant chargés de la prévention du terrorisme.
00:37:15Je mets la main sur une note du renseignement territorial
00:37:18des Yvelines, qui, elle, est datée du 12 octobre.
00:37:20Quand je lis cette note, à aucun moment,
00:37:23on a l'impression qu'il réalise un quelconque risque terroriste.
00:37:28Ce document occulte totalement les menaces
00:37:31à l'encontre du professeur d'histoire.
00:37:35La communication entre la direction et les familles
00:37:37a visiblement permis d'apaiser les tensions.
00:37:40Au sein du collège, aucune tension n'est palpable,
00:37:43tant du côté de la communauté éducative
00:37:45que des fédérations de parents d'élèves.
00:37:47Cette note, la conclusion est lunaire.
00:37:49Situation apaisée, le dialogue a repris,
00:37:52circulé, il n'y a rien à voir.
00:37:54Voilà ce que je lis dans cette note.
00:37:56Je n'y lis pas une situation apaisée.
00:37:58Tous les éléments sont réunis pour que ce soit une poudrière.
00:38:02Pour moi, qui travaille sur ces questions depuis des années,
00:38:05ça m'interpelle.
00:38:06Ça m'interpelle pour plusieurs raisons.
00:38:08Les caricatures de Mahomet, c'est systématiquement, en France,
00:38:12le plus grand nombre de caricatures
00:38:14systématiquement, en France,
00:38:17le point le plus incandescent, le plus inflammable,
00:38:21avec une obsession des organisations terroristes
00:38:25pour ce sujet-là.
00:38:26...
00:38:30Dans la note des renseignements,
00:38:32un autre passage étonne le journaliste.
00:38:34-"Pour l'heure, les responsables
00:38:36de la communauté musulmane locale ne se sont pas manifestés."
00:38:40...
00:38:43On voit que le renseignement territorial
00:38:45n'envisage pas autre chose qu'un trouble à l'ordre public local.
00:38:49C'est pas parce que la polémique ne prend pas
00:38:52au sein de la communauté musulmane locale
00:38:54qu'aucun passage à l'acte n'aura lieu par un combattant
00:38:58qui va venir d'un autre endroit du territoire français.
00:39:01Un aveuglement des services de renseignement des Yvelines,
00:39:04qui ont sans doute sous-estimé le caractère viral des vidéos
00:39:07qui ciblaient le professeur.
00:39:10Aucune veille n'a été faite sur les réseaux par leurs services.
00:39:13...
00:39:15...
00:39:20Samuel Paty est sans doute l'un des seuls
00:39:23à avoir compris la gravité de la situation.
00:39:25...
00:39:27D'autant que la campagne de harcèlement contre lui
00:39:30ne faiblit pas.
00:39:31-"Il s'agit de dénoncer le comportement provocateur,
00:39:35gratuit d'un professeur."
00:39:36-"Vous êtes, en quelque sorte, un lanceur d'alerte, Charbroyant."
00:39:40Ces derniers jours au collège,
00:39:42il se sent seul.
00:39:46Samuel, je ne l'aurais vu à aucun moment durant la semaine.
00:39:49Je ne le croise pas, et indirectement,
00:39:51j'ai l'impression qu'il ne cherche pas
00:39:53à ce que les collègues puissent le voir.
00:39:55J'ai envie de lui en parler, moi, de mon côté,
00:39:58de lui dire que je comprends sa situation,
00:40:01que s'il a besoin, qu'il n'hésite pas pour X ou Y raisons,
00:40:05mais je me dis que peut-être qu'il ne veut pas qu'on lui en parle
00:40:09et qu'il veut juste que la semaine se fasse
00:40:12et qu'après, on oublie cet épisode et ciao, quoi.
00:40:17Moi, personnellement, je n'ai pas reparlé avec lui,
00:40:21mais quand je le croisais, j'ai l'impression
00:40:23qu'il n'était pas très bien.
00:40:27Il n'allait plus vers nous pour discuter comme il l'avait l'habitude.
00:40:31Il était beaucoup plus discret que d'habitude,
00:40:34et j'ai même des collègues qui racontent cette période
00:40:37en disant qu'il rasait les murs.
00:40:43Pour tenter d'obtenir une protection qu'on ne lui donne pas,
00:40:47Samuel Paty se rend au commissariat de Conflans-Saint-Honorin.
00:40:51Il va déposer plainte contre son élève et le père de famille.
00:40:56Une plainte pour diffamation publique.
00:41:00Le professeur dénonce clairement les mensonges,
00:41:03et tente d'alerter sur la situation.
00:41:08Il s'agit de fausses déclarations
00:41:10dans le but de nuire à l'image du professeur que je représente,
00:41:13du collège et de l'institution.
00:41:16Dans sa vidéo, M. Schneina m'insulte et me diffame
00:41:19dans l'intention de nuire.
00:41:21La principale fera de même.
00:41:23Ils espèrent que la plainte sera très rapidement traitée,
00:41:26que le professeur sera protégé.
00:41:29Car Samuel Paty redoute d'être agressé
00:41:32quand il sort du collège.
00:41:34Pour rentrer chez lui, il ne peut prendre sa voiture
00:41:37car la télécommande qui permet l'accès au parking du personnel
00:41:40est défectueuse.
00:41:42Il en attend une nouvelle.
00:41:44Il l'écrit sur le carnet qu'il garde toujours avec lui.
00:41:47Problème, badge voiture.
00:41:50Il note aussi...
00:41:53...demander à Paul de m'escorter.
00:41:58Au moins, 2 professeurs se sont proposés de le ramener chez lui
00:42:01jusqu'à ce fameux jour, donc il a quand même reçu une certaine aide.
00:42:06Les seuls outils qu'on avait, c'était de lui proposer
00:42:08de le ramener, ce qui était fait, déjà.
00:42:11Mais oui, indirectement, on comprend les enjeux,
00:42:15mais qu'est-ce qu'on peut faire ?
00:42:17On est au même niveau que Samuel, à ce niveau-là.
00:42:23Samuel lui-même avait pris quelques mesures
00:42:25qui peuvent paraître dérisoires, mais qui sont aussi des mesures
00:42:28d'un homme un peu désespéré, d'un homme inquiet,
00:42:31d'un homme seul et inquiet.
00:42:34Il avait mis un marteau dans son sac à dos
00:42:37pour pouvoir avoir une arme sur ses trajets collège-domicile.
00:42:42Et puis, il sortait avec un bonnet, une capuche et des lunettes de soleil
00:42:46en plein mois d'octobre.
00:42:49Ce marteau, il révèle trois choses.
00:42:52Un, la réalité de la menace.
00:42:55Deux, le fait que Samuel, manifestement craigné pour sa vie,
00:42:58avait peur, sa solitude.
00:43:01Et trois, il révèle qu'il n'y a aucune autre mesure de protection
00:43:04qui a été mise en place, puisque s'il sent le besoin
00:43:07de mettre un marteau dans son sac, c'est bien qu'il n'y en ait que ça.
00:43:12Alors que les services de renseignement
00:43:14affirment que la situation est apaisée,
00:43:17Abdoula Kantzoroff, un Tchétchène de 18 ans,
00:43:20rédige une note sur son téléphone comme un ordre de mission.
00:43:25Collège Bois-d'Aulne, Conflans-Saint-Honorin,
00:43:28M. Paty, professeur d'histoire-géographie.
00:43:47Le 16 octobre, Abdoula Kantzoroff va errer un peu autour du collège
00:43:51pendant plusieurs heures.
00:43:55Son but, c'est vraiment d'identifier et de reconnaître Samuel Paty.
00:44:01Donc il va commencer à prendre contact avec certains collégiens,
00:44:04des enfants qui sont là, et il va leur donner de l'argent
00:44:07pour qu'ils l'aident à cibler Samuel Paty.
00:44:11C'est extrêmement choquant, moralement,
00:44:14que des adolescents acceptent la délation contre des billets.
00:44:20C'est pas n'importe quelle dénonciation,
00:44:22c'est que derrière, il y a eu un assassinat.
00:44:25Si personne n'avait dénoncé Samuel Paty,
00:44:27on ne sait pas ce qui se serait passé.
00:44:29En tout cas, ça a facilité le terrorisme.
00:44:33S'ils ont été capables de faire ça pour Samuel Paty,
00:44:36enfin, moi aussi, quoi.
00:44:38Ça peut m'arriver aussi.
00:44:41Ils sont capables de faire ça à n'importe qui,
00:44:43avec n'importe lequel de leurs profs,
00:44:45mais même un prof qu'ils apprécient.
00:44:49C'est pas eux, les fautifs.
00:44:51Un élève de 13-14 ans, c'est, entre guillemets,
00:44:54influençable, c'est manipulable.
00:44:56On peut pas dire que c'est des enfants de 13-14 ans
00:44:58qui sont responsables de la mort de Samuel.
00:45:14Ce jeudi 15 octobre,
00:45:16Abdoula Kantzouroff,
00:45:18un jeune Tchétchène de 18 ans,
00:45:20a un plan bien précis en tête.
00:45:24Dès 8h du matin, il prend la route direction Rouen.
00:45:31A bord de la Golfe Blanche,
00:45:34deux amis, Azim, un copain d'adolescence d'origine tchétchène,
00:45:37et Naïm, un Franco-algérien
00:45:39qu'il a rencontré dans une salle de sport.
00:45:43Les deux amis s'étonnent de ce voyage.
00:45:48Qu'est-ce qui se passe, là ?
00:45:50J'ai besoin d'une arme.
00:45:52J'en ai besoin d'une chez moi en cas d'embrouille avec les blacks.
00:45:57A 11h28, ils font une pause
00:45:59et sont filmés par une caméra de vidéosurveillance.
00:46:05Vers 13h, ils se rendent dans une coutellerie à Rouen.
00:46:09Il reste quelques minutes à l'extérieur du magasin,
00:46:12s'attardent sur un modèle,
00:46:14puis rentrent.
00:46:20La vendeuse se souvient des propos d'Abdoula Kantzouroff.
00:46:25Ils étaient tout à fait normaux.
00:46:27Il dit, voilà, je voudrais un couteau,
00:46:29je voudrais faire un cadeau pour l'anniversaire de mon grand-père.
00:46:32Voilà. Qu'est-ce que vous recherchez ? Un couteau, plutôt ?
00:46:35Il fait du jardinage, alors peut-être...
00:46:38Un couteau lame fixe, ça serait plus... Voilà.
00:46:41J'ai sorti ce que j'avais, ça a coûté 20 euros.
00:46:44J'ai fait le paquet, ils sont partis, ça a pris 5 minutes en tout.
00:46:48Et moi, je sais pas combien de jours après,
00:46:50j'ai appris que... Enfin, voilà ce qui s'était passé avec M. Paty.
00:46:56Le jeune Tchétchène est déterminé.
00:46:58Il a choisi sa cible depuis 6 jours,
00:47:01le professeur d'histoire Samuel Paty.
00:47:04Comment le terroriste en est-il arrivé à viser cet enseignant ?
00:47:12Depuis plus d'un an,
00:47:15Abdoula Kantzouroff s'est radicalisé seul devant son écran
00:47:18jusqu'à en devenir obsessionnel.
00:47:21Il veut punir ceux qui, selon lui, insultent l'islam.
00:47:29Son parcours est émaillé d'échecs scolaires et de violences.
00:47:33Comme le montrent ses vidéos qu'il a lui-même postées.
00:47:41Arrivé de Tchétchénie à l'âge de 6 ans,
00:47:44il vit avec sa famille à Évreux,
00:47:47à la cité de la Madeleine.
00:47:52A l'approche de ses 18 ans,
00:47:54il pratique un islam de plus en plus rigoriste.
00:47:57Il y a plusieurs signaux qui vont montrer à ses amis proches
00:48:01qu'il est en train de suivre une trajectoire d'extrême radicalité
00:48:04jusqu'à l'engagement djihadiste.
00:48:07D'abord, il va changer d'aspect physique,
00:48:10il va porter un peu plus l'habit religieux,
00:48:13il va se laisser pousser la barre,
00:48:16mais surtout, il va mettre un drapeau de l'Etat islamique
00:48:20en fond d'écran de son téléphone,
00:48:23il va refuser de serrer la main des femmes,
00:48:26il va expliquer que serrer la main des femmes,
00:48:29c'est encourager la fornication,
00:48:32il va tenir des propos extrêmement homophobes,
00:48:35il va manifester de l'antisémitisme
00:48:38parce qu'il va qualifier les Juifs de peuples maudits,
00:48:42et il va multiplier les propos véhéments.
00:48:45Depuis quelques semaines, fin septembre, il cherche des cibles.
00:48:48Il cherche des gens qui blasphèment,
00:48:51qui, de son point de vue à lui, humilient le prophète
00:48:54et qui veulent venger le prophète, et il ne s'en cache pas.
00:48:57Entre juin et octobre 2020,
00:49:00Abdoula Kantzouroff poste plus de 3000 messages haineux
00:49:03sur Twitter, visibles de tous.
00:49:07Un seul signalement est remonté à la DGSI,
00:49:10la Direction de la Sécurité Intérieure,
00:49:13mais il ne sera pas traité.
00:49:16Si ce signalement avait été traité,
00:49:19probablement, le comte Kantzouroff aurait fait l'objet
00:49:23et là, il aurait pu être constaté
00:49:26qu'il était en recherche de cibles.
00:49:30Le discours islamique radical
00:49:33était clair, net et précis.
00:49:36A force de chercher un exutoire à sa haine,
00:49:39le terroriste va finir par tomber
00:49:42sur les messages du père de famille,
00:49:45Brahim Chnina.
00:49:49Ce voyou ne doit plus rester dans l'éducation nationale.
00:49:52Le 13 octobre, Brahim Chnina et Abdoula Kantzouroff
00:49:55vont échanger un certain nombre de messages
00:49:58sans qu'il ne soit possible de démontrer
00:50:01que Brahim Chnina savait quelles étaient les intentions réelles
00:50:04d'assassiner Samuel Paty.
00:50:07Une chose est sûre, Abdoula Kantzouroff est prêt à passer à l'acte.
00:50:11Il connaît maintenant l'adresse du collège
00:50:14et le nom du professeur.
00:50:17Le 16 octobre, il se rend à Conflans-Saint-Honorin.
00:50:22...
00:50:25Ce vendredi,
00:50:28c'est la veille des vacances de la Toussaint.
00:50:31Malgré les menaces,
00:50:34Samuel Paty est devant sa classe.
00:50:37Sur son carnet,
00:50:41il écrit rendre copie,
00:50:44récupérer dessin,
00:50:47poser date de contrôle.
00:50:50Il n'oublie pas ses élèves.
00:50:53Il n'aura jamais baissé les bras à n'importe quel moment.
00:50:57Toute la semaine, il aura fait les cours jusqu'à la dernière heure.
00:51:00Tout en sachant toute l'ambiance qu'il pouvait y avoir,
00:51:03tout ce qui pouvait peser pour lui.
00:51:08J'ai trouvé ça quand même très fort
00:51:11qu'il reste toute la semaine.
00:51:14Toute la dernière semaine, j'ai l'impression qu'on a vécu en apnée.
00:51:18On a retenu notre souffle jusqu'au vendredi.
00:51:21On savait qu'il y avait les vacances qui arrivaient.
00:51:24Ca représentait la fin de cette inquiétude.
00:51:27Dans mon souvenir, on n'en a plus trop parlé.
00:51:30...
00:51:34Un ami de Samuel Paty, professeur au collège,
00:51:37raconte les dernières heures passées avec lui.
00:51:40...
00:51:43Le vendredi 16 à midi,
00:51:46on a mangé ensemble.
00:51:49A la fin du repas, il m'a proposé de jouer au ping-pong
00:51:52dans la partie prévue à cet effet dans la salle des profs.
00:51:56On a alors discuté. Il était très en colère,
00:51:59notamment contre les 2 collègues qui ne voulaient pas le soutenir.
00:52:02Il était également très en colère contre M. Schninna.
00:52:05Il se sentait complètement dépassé par les réseaux sociaux.
00:52:08Il perdait clairement pied.
00:52:11Il m'a parlé aussi d'un contact sur Instagram,
00:52:14il a dit qu'il était fou.
00:52:18Il m'a dit quand même que globalement,
00:52:21il se sentait soutenu par l'ensemble des collègues.
00:52:24On s'est quittés et on s'est souhaités bonnes vacances.
00:52:27...
00:52:30Samuel Paty poursuit sa journée de cours.
00:52:33Il doit sortir à 16h45.
00:52:37...
00:52:40...
00:52:44Abdoula Kantzoroff, le terroriste,
00:52:47est en route en direction de Conflans-Saint-Honorin.
00:52:50Son ami Naïm a accepté de le déposer contre 100 euros.
00:52:53Dans son sac à dos,
00:52:56il a un tapis de prière et 2 couteaux,
00:52:59celui qu'il a acheté à Rouen et un autre plus petit.
00:53:03...
00:53:06A 12h30, ils font un arrêt dans une zone commerciale à Cergy
00:53:10pour acheter 2 pistolets à billes.
00:53:13Kantzoroff n'a pas trouvé l'arme qu'il cherchait.
00:53:16Ce pistolet factice lui servira à menacer la police.
00:53:19...
00:53:22A 13h39, la Golfe Blanche s'arrête
00:53:26à une cinquantaine de mètres du collège.
00:53:29Abdoula Kantzoroff sort de la voiture.
00:53:32...
00:53:35Le but d'Antzoroff, c'est d'envoyer
00:53:38Samuel Paty pour être certain de frapper la personne
00:53:41dont on parle sur Internet depuis plusieurs jours,
00:53:44qu'il a, lui, nommément identifié depuis plusieurs jours,
00:53:47acte pour lequel il est absolument persuadé
00:53:50qu'il va être héroïsé
00:53:53par la scène islamiste radicale mondiale.
00:53:56Mais le terroriste ne connaît pas le professeur d'histoire,
00:53:59Samuel Paty, et ne sait pas à quoi il ressemble.
00:54:02...
00:54:05De 13h40 à 14h45,
00:54:08il fait des allers-retours devant le collège.
00:54:11Il passe devant la grille du personnel,
00:54:15puis l'entrée de l'établissement.
00:54:18Certains élèves le repèrent.
00:54:21On avait terminé un peu plus tôt les cours,
00:54:24donc avec ma copine, on a décidé de sortir.
00:54:27Et après, on a aperçu un monsieur habillé tout en noir derrière.
00:54:30Moi, je l'ai vu, je le trouvais bien,
00:54:33moi, je l'ai vu, je le trouvais un peu bizarre,
00:54:37mais je me suis dit que ça pouvait être un grand frère
00:54:40qui allait chercher son petit frère, qui n'avait pas l'habitude
00:54:43d'aller le chercher, et il regardait dans la cour de récréation.
00:54:46...
00:54:49A 14h46,
00:54:52Abdullah Kanzerov croise un élève qui sort du collège.
00:54:56...
00:54:59Hakim a 14 ans, il est en quatrième.
00:55:02Le terroriste l'interpelle.
00:55:05Si tu me montres Samuel Paty, je te donne 300 euros.
00:55:08...
00:55:11L'adolescent connaît l'enseignant qu'il a déjà eu en cours du soir.
00:55:15Il est étonné et demande à cet homme en noir ce qu'il veut.
00:55:18Kanzerov lui dit plusieurs fois qu'il veut humilier Samuel Paty
00:55:21et le frapper.
00:55:24Ça ne se fait pas ce qu'il a fait, ce sale bâtard.
00:55:27Je vais venger le prophète.
00:55:30...
00:55:33Il ne va jamais évoquer un assassinat.
00:55:37Néanmoins, il va expliquer qu'il a l'intention
00:55:40de s'en prendre à lui, de le forcer à s'excuser
00:55:43et de rétablir l'honneur du prophète Mahomet.
00:55:46L'un des collégiens dit à plusieurs reprises
00:55:49qu'il a peur d'Anzorov.
00:55:52Anzorov est plus âgé que lui, il est grand,
00:55:56il est menaçant physiquement.
00:55:59Il se place sous la coupe grandissante d'Anzorov.
00:56:02Il y a un moment où il obéit,
00:56:05mais il n'a pas d'élément
00:56:08pour savoir
00:56:11qu'Anzorov va tuer
00:56:14M. Samuel Paty.
00:56:18...
00:56:21L'adolescent accepte la proposition.
00:56:24Abdoulak Anzorov lui donne 150 euros en billets de 10
00:56:27et lui promet le reste après qu'il ait désigné le professeur.
00:56:30...
00:56:34Pendant plus d'une heure, ils vont rester devant l'établissement
00:56:37jusqu'à l'arrivée d'un groupe de collégiens,
00:56:40car le terroriste a besoin d'autres personnes
00:56:43pour guetter Samuel Paty et surveiller les passages de la police.
00:56:46...
00:56:49Le vendredi 16 octobre, vers 15h50, mon fils sort des cours
00:56:53et il a eu dans la journée un cours avec M. Paty.
00:56:56Il rentre à la maison directement, comme d'habitude,
00:56:59avec un groupe d'enfants, ses copains.
00:57:02En arrivant devant le gymnase, quelqu'un propose au groupe
00:57:05de l'argent pour lui montrer M. Paty.
00:57:08Les enfants demandent pourquoi vouloir M. Paty.
00:57:11Le terroriste répond qu'il veut que M. Paty s'excuse
00:57:15de ce qu'il a dit dans les cours de MC avec les caricatures.
00:57:18Mon fils le regarde et ce qu'il nous dit,
00:57:21c'est que la personne ressemble à un SDF,
00:57:24donc quelqu'un d'assez pauvre, mal habillé, mal rasé, mal coiffé.
00:57:27Et il a une liasse d'argent et un iPhone,
00:57:30ce qui, pour lui, est quelque chose de bizarre.
00:57:33Et donc, nous, on lui a toujours un cuquet
00:57:37de quand tu vois quelque chose de bizarre, va-t'en.
00:57:40Et donc, il a choisi de dire non et de ne pas prendre l'argent
00:57:43et de rentrer à la maison directement.
00:57:46Certains collégiens refusent, mais au total,
00:57:49ils seront 5 à se laisser convaincre.
00:57:53Comment ces élèves ont-ils pu se laisser influencer ?
00:57:58Comment ont-ils pu accepter de dénoncer leur professeur ?
00:58:09Ce qui m'a sidéré, c'est qu'un élève
00:58:12que j'ai eu, donc que je connaissais un peu,
00:58:15ait pu faire quelque chose d'aussi terrible,
00:58:18à savoir désigner...
00:58:21désigner Samuel Paty.
00:58:24Ce qu'il y avait de plus curieux et de plus étrange,
00:58:27c'est de voir que c'était des élèves qui étaient...
00:58:30Même que, pour certains, j'appréciais qu'ils pouvaient être
00:58:34extrêmement polis, c'était peut-être pas les élèves
00:58:37qui travaillaient le plus, le mieux, mais c'était des élèves
00:58:40relativement bien élevés.
00:58:43Et on n'aurait jamais pu penser
00:58:46qu'ils se fassent prendre à ce jeu-là.
00:58:50Le fait qu'il y ait 5 élèves qui les désignaient,
00:58:53je trouve ça beaucoup.
00:58:56Je pense qu'ils savaient que c'était pas quelque chose de...
00:58:59Enfin, qu'il allait pas se passer quelque chose de positif.
00:59:02Je pense que les élèves dans l'établissement,
00:59:05ils avaient pas connaissance du contenu du cours de Samuel
00:59:09et ils avaient juste le résultat de ce que, pour eux,
00:59:12Samuel représentait à ce moment-là, et donc ça représentait
00:59:15une figure raciste. Donc c'est effectivement parce qu'on n'a pas
00:59:18vu les élèves ce qui s'était passé dans le cours
00:59:21et on l'a fait que trop tard.
00:59:24Il y a des élèves qui se sont sentis légitimes
00:59:27de montrer Samuel Paty au terroriste.
00:59:31Ce qui est sûr, c'est qu'ils l'ont pas fait que pour la Paduguin.
00:59:34Ils l'ont fait aussi parce que pour eux, c'était justifié.
00:59:37Moi, ce que je peux dire, par contre,
00:59:40c'est que les enfants qui ont compris l'argent,
00:59:43j'en connais certains,
00:59:46qui ont rien de caïd,
00:59:49mais qui ont des situations sociales et familiales
00:59:53qui sont pas faciles. Donc on peut, à la rigueur,
00:59:56sans les excuser, comprendre le fait qu'ils aient besoin
00:59:59de prendre cet argent parce qu'ils en ont pas beaucoup.
01:00:02Et c'est facile de dire, quand on connaît la fin,
01:00:05pourquoi ils ont fait ça. Eux, quand ils prennent l'argent,
01:00:08je pense qu'ils savent pas du tout ce qui peut se passer,
01:00:11en tout cas pas à ce point-là.
01:00:17Une demi-heure avant l'assassinat de Samuel Paty,
01:00:20un ultime mensonge va précipiter l'attentat.
01:00:25Le terroriste demande à Hakim, l'adolescent de 14 ans,
01:00:28d'appeler Zohra, la jeune fille qui a menti
01:00:31sur le cours de Samuel Paty.
01:00:34Il veut savoir si elle dit la vérité.
01:00:39Lors de cet appel téléphonique, le mineur dit
01:00:42qu'il est accompagné d'un homme qui veut rencontrer
01:00:45Samuel Paty pour qu'il s'excuse, pour avoir des explications.
01:00:49Donc ça, elle le sait.
01:00:51Et elle réitère son mensonge alors qu'elle sait
01:00:55qu'il y a un tiers qui écoute la conversation.
01:00:58Mais c'est quelque chose d'important dans le dossier.
01:01:01C'est quelque chose qui est décisif, en tout cas,
01:01:04sur le passage à l'acte d'Anzorov.
01:01:06...
01:01:08A 16h45, la sonnerie retentit.
01:01:11Sonnerie.
01:01:13A 16h51, Samuel Paty sort de l'établissement.
01:01:17...
01:01:19Le matin, il avait demandé à un collègue
01:01:22de le ramener en voiture, mais celui-ci n'était pas disponible.
01:01:26...
01:01:28Samuel Paty doit donc faire le trajet à pied.
01:01:3111 minutes le séparent du collège, à son domicile.
01:01:35...
01:01:37...
01:01:39On sait à ce moment-là que Samuel Paty,
01:01:43c'est quelqu'un qui a peur.
01:01:45C'est quelqu'un qui rentre chez lui à pied,
01:01:48mais qui, clairement, n'est pas tranquille.
01:01:51...
01:01:53A l'extérieur, Abdoula Kantzorov a identifié Samuel Paty
01:01:56grâce aux collégiens. Un groupe est avec lui
01:02:00et un autre surveille le passage de la police municipale.
01:02:03Puis le terroriste ordonne au mineur de s'en aller
01:02:06et suit le professeur Rudubuis Sonmoineau.
01:02:09...
01:02:11...
01:02:13...
01:02:15Kantzorov va le suivre sur plusieurs centaines de mètres
01:02:19jusqu'à arriver à un endroit où ils sont relativement seuls.
01:02:22C'est là qu'il va décider de frapper et de passer à l'acte
01:02:25en le poignardant de plusieurs dizaines de coups de couteau,
01:02:28je crois à peu près de 17, et va aller jusqu'à le décapiter.
01:02:31...
01:02:33...
01:02:36Des policiers municipaux tombent par hasard sur le terroriste.
01:02:39Ils ne sont que deux et ne sont pas armés.
01:02:43...
01:02:45Les terroristes étaient pas loin, ils étaient en face de lui,
01:02:48tout simplement, mais c'est qu'ils ont vu, tout simplement,
01:02:51la décapitation de Samuel Paty.
01:02:53J'en ai parlé avec les gens de la police municipale
01:02:56qui sont intervenus sur les lieux. Ce qui en est ressorti,
01:03:00c'était, pour eux, une forme de totale impuissance
01:03:03par rapport à ce qui s'est passé.
01:03:06Ils pouvaient rien faire.
01:03:08Ils pouvaient rien faire.
01:03:10...
01:03:12Démunis, ils appellent en renfort la police nationale.
01:03:15Un voisin a filmé l'intervention.
01:03:18...
01:03:20...
01:03:22...
01:03:24...
01:03:26Jette ton arme !
01:03:28Jette ton arme !
01:03:30Abdoula Kantzoroff est très menaçant.
01:03:33Jette ton arme ! Allons-y !
01:03:35Jette ton arme ! Allons-y !
01:03:37Il est déterminé à en finir et avance vers les policiers.
01:03:40Il a un couteau à la main et son pistolet à billes.
01:03:43Il tire !
01:03:45C'est des billes, les gars ! C'est des billes !
01:03:49Kantzoroff aura un dernier soubresaut
01:03:51devant un des fonctionnaires de police.
01:03:53Il va tenter de se relever pour essayer de répliquer
01:03:56jusqu'au dernier moment avant d'être abattu.
01:03:59...
01:04:01...
01:04:03...
01:04:05Avant d'être abattu, Abdoula Kantzoroff a posté
01:04:08une photo du corps de Samuel Paty sur Twitter
01:04:11avec ses mots adressés au chef de l'Etat.
01:04:15J'ai exécuté un de tes chiens de l'enfer qui a osé rabaisser Mahomet.
01:04:19...
01:04:21...
01:04:23...
01:04:25L'un des premiers à arriver sur les lieux de l'assassinat
01:04:28est le maire de Conflans-Saint-Honorin.
01:04:32Au moment où j'arrive,
01:04:34le corps n'était pas encore recouvert.
01:04:37...
01:04:40C'était brutal.
01:04:42...
01:04:44Il découvre alors l'identité de la victime.
01:04:47Il connaissait le professeur
01:04:49et était venu dans sa classe un an auparavant.
01:04:52...
01:04:54Le maire savait Samuel Paty menacé
01:04:58et avait lui aussi prévenu les services de renseignement.
01:05:01...
01:05:32Rien ne se passe, finalement, pour protéger l'enseignant.
01:05:35Cet assassinat aurait pu être évité.
01:05:37Samuel Paty n'aurait pas dû mourir.
01:05:39Il n'aurait pas dû mourir parce que pendant 11 longues journées,
01:05:42on a connaissance de la situation,
01:05:44on a connaissance de la menace, on sait que c'est une cible.
01:05:48Il y a un attentisme, une inactivité qui est coupable.
01:05:51Oui, qui est coupable.
01:05:53...
01:05:55...
01:05:57Depuis l'attentat,
01:05:59la police municipale de Conflans-Saint-Honorin est armée
01:06:03et devant le collège,
01:06:05une grande grille verte a été installée
01:06:07pour protéger les élèves et les enseignants.
01:06:10...
01:06:12Les mois d'après, au collège,
01:06:14étaient assez compliqués,
01:06:17parce que c'est vrai que d'habitude,
01:06:19on croisait toujours Samuel Paty dans les couloirs avec le sourire.
01:06:22Et là, ne plus le croiser,
01:06:24ne plus avoir cours avec lui,
01:06:26c'était bizarre.
01:06:28C'était une ambiance particulière.
01:06:30...
01:06:33Nous, élèves du cours,
01:06:35on comprenait vraiment pas comment c'était possible
01:06:38d'en être arrivé là, alors qu'il voulait juste enseigner,
01:06:41faire son cours comme tous les ans, comme d'habitude,
01:06:44un cours normal.
01:06:46Je pense que le nom de Samuel Paty, pour moi,
01:06:49ne doit pas sombrer dans l'oubli.
01:06:51Il faut que les idées qu'il défendait
01:06:54puissent continuer de perdurer,
01:06:56de continuer à les transmettre.
01:06:58...
01:07:00Rendre hommage à Samuel Paty,
01:07:02c'est de faire réfléchir les élèves
01:07:04sur ce qui s'est passé,
01:07:06sur la laïcité et la liberté d'expression.
01:07:10...
01:07:12Le fait qu'on a le droit, on a le droit, en France,
01:07:15de montrer des représentations figuratives du prophète,
01:07:18et que le blasphème n'existe pas dans la loi française,
01:07:21c'est un fait.
01:07:23Le blasphème n'existe pas dans la loi française,
01:07:26que la critique des religions, elle l'est autorisée,
01:07:30qu'on a le droit de rire de tout,
01:07:32tant que c'est pas un appel à la haine.
01:07:34Donc, on réexplique, finalement, la laïcité,
01:07:38on revient sur la définition,
01:07:40mais il faut sans cesse le faire.
01:07:42...
01:07:44Pour avoir dénoncé leur professeur,
01:07:46les 5 adolescentes étaient condamnées à des peines
01:07:49allant de 14 mois de prison avec sursis
01:07:52à 6 mois fermes.
01:07:54Zoraël a été condamné à 18 mois avec sursis.
01:07:57Brahim Chnina et Abdel Hakim Sefrioui
01:08:00seront, eux, bientôt jugés, avec 6 autres mises en cause
01:08:04dans l'assassinat de Samuel Paty.
01:08:06...

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