Manifestation pro-palestinienne : une mère de famille veut changer sa fille de lycée

  • il y a 8 heures

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00:00Je voulais vous montrer une photo, tout d'abord. Regardez cette photo, voilà. C'est une photo qui a été prise dans un lycée.
00:05C'est une mère de famille qui s'appelle Bérangère qui a publié cette photo, et je vous lis le tweet qu'elle a publié en même temps.
00:13Elle a dit « Photo du lycée de ma fille en seconde. Je la change d'établissement.
00:18Outre le fait que ces crétins ne comprennent pas que ces mouvements ne font que baisser leur niveau déjà catastrophique,
00:24non, ma fille n'a rien en commun avec un mouvement terroriste qui brûle et viole des jeunes filles comme elle.
00:29Pourquoi le public devient une décharge ? Pour ça, les gens avec encore un peu d'espoir protègent les enfants de ces folies. »
00:35Bonjour Bérangère. – Bonjour Jean-Marc.
00:38– Merci beaucoup d'être en direct avec nous.
00:39D'abord, je sais, alors on va dire les choses, parce que j'aime bien quand on est très transparent.
00:43Je sais que vous avez beaucoup hésité avant de nous parler, parce que vous avez peur des suites, c'est ça ?
00:49On va dire les choses.
00:50– Il y a eu des retombées.
00:51Alors tout d'abord, mea culpa, j'ai fait ce tweet sur le coup de la colère et de la peur.
00:57Peut-être était-il excessif, effectivement.
00:59En revanche, ce qui est vrai, c'est qu'aujourd'hui, je suis en colère en tant que mère de famille.
01:03Parce que nos enfants, dans le public, ont des blocus chaque année pour les retraites, pour le climat, pour la Palestine.
01:09Et pendant ce temps, les enfants du privé, eux, ils avancent.
01:11Donc je trouve qu'il y a une espèce d'escroquerie aujourd'hui qui fait qu'on pénalise les élèves du public,
01:18les classes populaires, qui vont avoir un niveau qui ne fait que baisser à cause de ça.
01:22Je suis aussi en colère parce qu'à 15 ans, je trouve que nos enfants n'ont pas allé à l'école
01:27en tant que militants pro-palestiniens, pro-israéliens, pro-ukrainiens, pro-russes.
01:31Ils n'ont pas allé à l'école en tant que juifs, en tant que musulmans, en tant que catholiques, en tant qu'athées.
01:34Ils vont à l'école en tant qu'élèves.
01:36Et je trouve ça catastrophique qu'à 15 ans, il faille se positionner.
01:40Donc le mélange de tout ça, trois jours après le 7 octobre, effectivement,
01:44m'a fait dire, mais où est-ce que je mets mes enfants ?
01:46J'ai eu un réflexe primaire, on va dire, de peur, d'inquiétude et de colère, les trois mélangés.
01:51– Vous avez eu des échos à ce tweet ?
01:54– Il y a eu bien sûr des échos, je ne pensais pas que ce tweet allait faire autant.
01:57Et d'ailleurs, les échos sont révélateurs, donc outre beaucoup de soutien,
02:00j'ai beaucoup de « ferme ta gueule sale pute », « crève connasse », « chiale bourgeoise ».
02:05Et en fait, ces insultes-là sont révélatrices, parce qu'aujourd'hui, quand vous êtes sur Twitter,
02:10quand vous avez une vision qui n'est pas celle qu'on attend,
02:14vous êtes immédiatement insultés, menacés,
02:17mais comme c'est par des gens qui se revendiquent du camp du bien, ils ont le droit.
02:20Donc ça aussi, c'est intéressant.
02:22On n'a pas le droit d'être inquiets quand nos enfants ne peuvent pas étudier,
02:25on n'a pas le droit d'être inquiets quand des mouvements politiques pénètrent
02:28dans des lycées sur des enfants qui sont mineurs,
02:30mais en revanche, nous insulter, nous menacer, ça devient légitime.
02:34Et je trouve qu'on perd tous, en tant qu'adultes, le sens des responsabilités.
02:38Où est-ce qu'on voit que des mineurs sur Twitter vont dire à quelqu'un
02:41« ferme ta gueule » ou « crève », c'est inacceptable ?
02:43Où est-ce qu'on voit que des mineurs bloquent l'entrée à un lycée, c'est inacceptable ?
02:47Où est-ce qu'on voit que des militants, parce que bien sûr,
02:50derrière, c'est politisé ?
02:51Où est-ce qu'on voit que des adultes politisés vont, derrière, mobiliser des enfants ?
02:56Ces enfants auraient fait grève,
02:58auraient fait un blocus pour la paix dans le monde,
03:00je pense que je n'aurais pas eu la même réaction.
03:02Mais aujourd'hui, la société est déjà hyper fragilisée,
03:05elle est scindée et je trouve qu'on ne peut pas encore plus scinder
03:08en demandant à nos enfants de prendre parti dans un conflit
03:11que personne n'a pu régler depuis quasiment 100 ans quand même.
03:13Donc ce n'est pas des gamins de 15 ans qui vont le régler
03:15et pour moi, ce n'est que de la manipulation qui met en danger leur avenir, je crois.
03:19– Mais cette photo qu'on est en train de voir à l'image,
03:22elle est assez dingue quand même, parce qu'on a le sentiment
03:25qu'il y a cette mobilisation des jeunes qui, à 15 ans,
03:28sont là à se battre pour les palestiniens,
03:31en tout cas à vouloir combattre pour cette cause,
03:34sans forcément comprendre d'ailleurs de quoi il s'agit.
03:37– Cette photo m'a fait peur parce que quand je l'ai vue,
03:39elle a diffusé sur les réseaux, quelqu'un me l'a envoyée,
03:42je trouvais qu'elle avait un côté justement guerrier, militant.
03:44J'aurais vu en sitting avec des gamins de 15 ans,
03:46tous assis en disant paix à Gaza, ça n'aurait pas fait la même image.
03:50Je trouvais aujourd'hui que les drapeaux brandis, que les tenues,
03:53qu'il y avait quelque chose de guerrier à l'intérieur d'un établissement
03:57où pour moi on doit être apaisé.
03:58Je suis une génération, aujourd'hui j'ai 40 ans un peu plus,
04:01moi je suis une génération où mes amis étaient de tout horizon,
04:04parce qu'on n'allait pas à l'école, je le répète encore,
04:06on n'allait pas à l'école en tant que juif, en tant que musulman, en tant que catholique,
04:09on allait à l'école en tant qu'élève et du coup on se rencontrait.
04:12Comment aujourd'hui on peut se rencontrer comme ça ?
04:14J'imagine si j'étais juive, si mes enfants étaient juifs,
04:19comment ils se sentiraient dans ce lycée ?
04:21Est-ce qu'ils se sentiraient en sécurité ?
04:23Et il y a aussi ça quand même,
04:24on ne peut pas nier le regain de l'antisémitisme en France.
04:27Tout ça m'a fait de la peine,
04:28ça m'a fait de la peine pour ces gamins qui pour moi sacrifient un peu leur avenir,
04:32ça me fait de la peine pour les enfants juifs qui ne se sentent pas en sécurité,
04:35ça me fait de la peine pour plein de raisons de voir autant de violence je crois.
04:38– Vous parliez dans votre tweet de votre fille, qu'est-ce qu'elle vous dit ?
04:41Je crois d'ailleurs qu'elle vous a poussé à accepter notre invitation aussi
04:44parce que vous vous hésitiez un peu.
04:46– Moi j'ai hésité, ma fille me dit tu n'es pas moi,
04:49alors voilà tu es une femme, tu es indépendante, tu as des convictions,
04:53porte tes convictions, en tout cas je ne veux pas que tu te limites vis-à-vis de moi.
04:56Donc voilà j'ai hésité effectivement
04:58parce que peut-être que ce n'est pas facile de prendre la parole
05:00mais je crois qu'il y a énormément de parents qui pensent comme moi,
05:03il y a énormément de parents, il faut quand même savoir que les blocus aujourd'hui,
05:06les enfants de village qui viennent au lycée,
05:08ils se lèvent à 6h du matin, ils prennent le bus à 7h,
05:11ils sont arrivés à 8h, ils n'ont pas pu aller en cours,
05:13ils ont patienté dans la rue jusqu'à 14h.
05:15En fait ce n'est pas drôle, ce n'est pas un jeu,
05:18je pense qu'il faut un retour pour le coup de l'adulte.
05:20L'adulte doit dire aux enfants, tu peux manifester pour Gaza, c'est super,
05:23vas-y le samedi, on ne fait pas ça dans le lycée.
05:26Où était le proviseur, où étaient les enseignants ?
05:28Je pense que l'école doit rester un sanctuaire.
05:30Il y a une enseignante qui s'est fait frapper il y a une semaine,
05:32une enseignante s'est encore fait tuer il y a bientôt un an, etc.
05:36Aujourd'hui l'école doit rester un sanctuaire et pour qu'elle soit un sanctuaire,
05:39je pense qu'il n'y a pas de drapeau autre que le drapeau français,
05:42et encore ça peut prêter à polémique, à mettre dans nos écoles.
05:45L'école est un sanctuaire, point.
05:46Mais Bérangère, il y a des profs, il y a des proviseurs,
05:50qu'est-ce qu'ils disent dans l'école de votre fille ?
05:52Parce que cette image quand même, ils la voient, ils le savent normalement,
05:55enfin s'ils font bien leur boulot, ils savent ce qui se passe dans l'école.
05:57Ils ne réagissent pas, ils ne bougent pas, ils ont peur, on va dire les choses,
06:00ils ont peur de réaction.
06:02Je ne sais pas, je ne me prononcerai pas pour les enseignants.
06:05Moi j'ai mes enfants dans le public par conviction,
06:06je trouve que les enseignants font un métier formidable.
06:08Après, je pense que le pas de vague, ça fait peur aujourd'hui.
06:11Que va faire le proviseur ?
06:13Il va sortir, il va dire aux élèves que ce n'est pas le lieu,
06:15il va être pris à partie.
06:17Je pense que dans un climat qui est hyper conflictuel,
06:19qui est très polarisé,
06:22nous on a un maire à Montpellier avec qui on peut être en désaccord par exemple,
06:24mais on a un maire qui a toujours été exemplaire
06:27sur les questions républicaines, sur les questions de laïcité,
06:30et qui aujourd'hui, dans des tracts dégueulasses,
06:33se fait traiter et menacer d'islamophobes et se mettre une cible dans le dos.
06:37Je trouve ça honteux,
06:38je trouve ça fou que des femmes comme Sophia Aram,
06:41qui ont toujours été exemplaires, soient traitées de fachos.
06:44Aujourd'hui, on met des cibles dans le dos à tout le monde,
06:46dès lors que quelqu'un a une vision différente.
06:49Ma vision, elle est qu'en seconde, tu as 15 ans,
06:52tu vas au lycée pour étudier,
06:54qu'on n'empêche pas les gens de rentrer dans des blocus coercitifs.
06:57Que ces blocus coercitifs,
06:58encouragés politiquement par l'extrême gauche,
07:01font que les enfants manquent d'heures de cours
07:02alors qu'il y a un niveau qui ne fait que baisser.
07:05Que cette heure de cours, eux, dans le privé,
07:07ils ne les manquent pas,
07:08et que l'écart social, l'écart de niveau,
07:10il est en train de se créer là.
07:11Je trouve qu'on sacrifie une partie de la jeunesse.
07:13Dernière question, Bérangère,
07:14vous allez la changer d'établissement, votre fille ?
07:17Alors, j'ai dit je la change sur un coup de colère parce que j'ai eu peur,
07:20je ne voulais pas que ma fille, tous les matins,
07:21ayant cours en traversant des blocus, des drapeaux et des cris guerriers,
07:26à réfléchir aussi avec elle, à réfléchir, à voir.
07:29C'est vrai que cette photo m'a fait peur,
07:30donc j'ai peut-être réagi excessivement,
07:33mais cette photo, en tant que mère, m'a fait profondément peur.
07:37J'ai été étudiante, j'ai été militante,
07:40j'ai fait plein de choses, j'ai fait grève,
07:41j'ai manifesté contre le CPE.
07:43Voilà, on a fait des choses,
07:44mais j'étais majeure, j'étais étudiante,
07:46nos enfants ont 15 ans.
07:48Le conflit israélo-palestinien est très complexe.
07:51Trois jours ou deux jours après le 7 octobre,
07:53où des jeunes comme nos enfants se sont fait tuer, violer, massacrer,
07:57je crois qu'il y avait d'autres hommages à rendre que celui-là,
08:00j'en suis intimement convaincue.
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