Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00Emmanuel Ducrot, qui est avec nous, bonjour Emmanuel !
00:03Bonjour Dimitri, bonjour à tous !
00:04Oh là là, qu'est-ce que c'est que cette petite voix ?
00:06Ben voilà, j'ai pris l'eau hier et j'ai perdu ma voix, c'était sous l'appui.
00:10Avec Marie-Gic, elle aussi, elle avait perdu sa voix tout à l'heure.
00:12Bon, ce matin, vous arrivez pour les auditeurs d'Europe 1 avec une petite devinette.
00:16Alors écoutez bien, chers auditeurs, quel est le point commun selon vous
00:19entre une voiture électrique chinoise et une bouteille de cognac ?
00:23J'imagine que tout le monde sèche, ça nous change.
00:26A priori, il n'y a pas de point commun,
00:28sauf que le destin de ces deux objets, apparemment très dissemblable,
00:31est lié dans l'escalade de tensions commerciales
00:34qui est en train de se jouer entre l'Union Européenne et la Chine,
00:37aux grandes dames des producteurs de cognac
00:38qui sont embringuées dans une histoire qui les dépasse totalement.
00:42Tout a commencé en janvier quand l'Union Européenne
00:44a accusé les fabricants chinois de voitures électriques de dumping,
00:47pour laminer les concurrents européens.
00:49L'UE a relevé ses droits de douane sur ces voitures et les équipements de 35%.
00:54Ouais, dumping, c'est-à-dire casser les prix
00:56et vendre en dessous du prix et du prix de fabrication.
00:58Bon, le cognac dans tout ça, quel rapport avec lui ?
01:00La Chine a estimé que la France était très alente
01:03dans l'idée de surtaxer ses voitures
01:05et elle a identifié une manière de riposter
01:08en ciblant ce qu'on appelle les brandies européens.
01:10Alors, brandy, ça veut dire un alcool
01:12issu de vin rouge ou de vin blanc distillé
01:15et 95% des brandies européennes sont constituées de cognac.
01:19Le reste, c'est de l'Armagnac et un petit peu de Xérès espagnol.
01:22Et la Chine a donc imposé au secteur de ces brandies
01:24ce que l'UE a imposé à ses voitures,
01:26c'est-à-dire une enquête anti-dumping.
01:28Elle a accusé les producteurs de brader leurs produits
01:31sur le marché chinois.
01:32Bon, résultat de cette enquête ?
01:33À vrai dire, absolument rien, peu importe.
01:36Le but, c'était simplement de taxer les brandies.
01:38L'enquête est un prétexte.
01:39La Chine a annoncé qu'à partir du 11 octobre...
01:41Demain.
01:43Pardon ? Le 11 novembre ?
01:44Oui, non, 11 octobre, c'est-à-dire demain.
01:46Demain, oui, pardon.
01:47C'est 35% de taxes en plus.
01:50Et alors que vendredi dernier,
01:51l'UE a confirmé sa politique de surtaxation des voitures chinoises,
01:55les maisons de cognac ont été averties par la Chine
01:57qu'elles devraient en plus déposer des cautions
01:59pour leur future taxe dès maintenant.
02:01L'alcool français, qui n'a rien demandé à personne,
02:03va donc devenir totalement inabordable
02:05dans une économie chinoise
02:06qui, en plus de ça, ne va pas très fort.
02:08Bon, est-ce que c'est grave ?
02:10Oui, c'est grave parce que le cognac,
02:11c'est un des fleurons de nos exportations.
02:1495% de la production est vendue hors de France,
02:17dont un quart en Chine.
02:18C'est un marché à 700 millions d'euros.
02:21Et il y a 250 maisons de cognac,
02:23des milliers d'agriculteurs qui cultivent la vigne pour cette filière
02:26et 770 000 emplois qui en vivent.
02:29Et vous le savez,
02:30les filières agroalimentaires françaises
02:32qui contribuent positivement à la balance commerciale
02:34se font très très rares.
02:35Les producteurs de cognac sont désespérés
02:38d'être les variables d'ajustement dans cette affaire.
02:40Est-ce que ça peut encore s'arranger selon vous ?
02:42L'Allemagne a fait demi-tour
02:44sur la surtaxation des voitures chinoises
02:46parce qu'elle a eu peur des rétorsions
02:48pour sa propre industrie automobile.
02:50L'Espagne est beaucoup moins offensive
02:52depuis que la Chine a menacé les importations de porc.
02:55Pour la France, on ne sait pas encore.
02:57Le gouvernement espère encore discuter
02:59pour que le cognac soit épargné,
03:01y compris en demandant s'il le faut
03:02l'arbitrage de l'Organisation mondiale du commerce.
03:06La grande crainte,
03:07c'est que si ce coup de pression sur le cognac ne marche pas,
03:10la Chine, qui n'est pas en grande forme,
03:11s'attaque à d'autres secteurs importants
03:13pour l'économie française et pour les exportations.
03:16Le luxe, les cosmétiques, le lait ou le porc.
03:19Les guerres commerciales, on sait où ça commence,
03:21on ne sait jamais où ça s'arrête.
03:22Et comme dans les vraies guerres,
03:23il y a des victimes collatérales.
03:25C'est un vrai paradoxe.
03:26La Chine qui dépend pour son alimentation de l'étranger,
03:29elle s'en sert aujourd'hui comme d'un levier
03:31dans ces batailles commerciales.
03:33Merci beaucoup Emmanuel Ducroix.
03:34Signature Europe 1.