[Vidéo] Intervention de Marie Madeleine Mborantsuo sur l'affaire Île Mbanié

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[Vidéo] Intervention de Marie Madeleine Mborantsuo sur l'affaire Île Mbanié

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00:00Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la Cour,
00:08La République gabonaise que j'ai l'honneur de représenter place de grands espoirs
00:18dans l'aboutissement de l'affaire qui nous réunit ce jour
00:23avec nos soeurs et frères de la Guinée équatoriale.
00:29Cette affaire n'aurait pas dû exister.
00:34Elle trouve son origine dans un différend plus large
00:39légué par les puissances coloniales
00:42au sujet de la délimitation des frontières terrestres et maritimes
00:47communes aux deux pays
00:49et de la souveraineté sur certaines îles
00:53situées au large des côtes gabonaises.
00:59Elle n'est pas née en 1972
01:03avec les incidents entourant l'île Mbanié.
01:07À ce sujet, nous regrettons que lundi dernier
01:12l'agent et un conseil de la Guinée équatoriale
01:16se soient employés à dénigrer le Gabon
01:22en l'accusant d'agression et d'annexion territoriale.
01:28La réalité des faits, pourtant, a été rétablie
01:33devant le Conseil de sécurité dès 1972.
01:40Elle le sera à nouveau aujourd'hui par mon co-agent.
01:47Mais les mots ont un sens
01:50et il ne faut pas les dévoyer à des fins tacticiennes
01:55encore moins dans cette enceinte.
01:59Du reste, ce différend a déjà été réglé.
02:06En 1972, en effet, à la suite d'une mission de médiation africaine
02:14nos deux États ont convenu de régler leur différend
02:18dans le cadre africain et par des voies pacifiques.
02:24Conformément à cet engagement,
02:26une intense activité diplomatique s'en est suivie
02:30et qui s'est traduite notamment par trois importantes rencontres
02:36entre Omar Bongo et Francisco Macias Nguema
02:41à l'époque, respectivement, président du Gabon et de la Guinée équatoriale.
02:48À l'issue de la troisième de ces réunions tenues à Bata,
02:53les deux chefs d'État ont signé le 12 septembre 1974
03:00la Convention de Bata délimitant les frontières terrestres et maritimes
03:07de la Guinée équatoriale et du Gabon
03:11que nos contradicteurs s'obstinent de façon peut-être un peu purile
03:17à ne pas appeler par son nom.
03:21Contre toute vraisemblance,
03:25la Guinée équatoriale conteste l'existence même de cette convention
03:29en se retenant à peine d'accuser le Gabon d'avoir forgé un faux.
03:37Telle est la raison pour laquelle nous nous trouvons
03:41devant votre auguste cours aujourd'hui.
03:45En essayant de défaire ce que les deux présidents ont fait en 1974,
03:51la Guinée équatoriale rouvre un débat
03:55qui avait cependant été clos de manière équilibrée.
04:01Cette convention a en effet clarifié pour la première fois
04:05la question de la souveraineté sur les îles M'banier, Cocotier et Conga
04:12et a déterminé leurs frontières maritimes communes
04:16que la France et l'Espagne n'avaient pas fixées.
04:22« Tout est réglé », déclarait Omar Bungundimba
04:26à la suite de cette rencontre à Bata.
04:30Régler, cela veut dire régler.
04:34C'est tel.
04:36Mais la Guinée équatoriale a du mal à s'en tenir à la parole donnée.
04:42Et cela est tellement vrai qu'après avoir signé la convention,
04:47le président équato-guinéen, Macias Nguema,
04:50a exprimé de regrets sur certains de ses aspects,
04:55reconnaissant de même coup son existence et sa signification.
05:01Il est vrai aussi qu'en 1979,
05:06celui-ci a été renversé par un coup d'État militaire.
05:12Il est enfin tout aussi vrai que durant plusieurs années,
05:18la convention de Bata n'a pas été expressement mentionnée
05:23dans les relations entre les deux pays
05:26du fait que les différends étaient réglés
05:30et que, en conséquence,
05:32les relations entre les deux États étaient considérablement améliorées.
05:40Je vous invite, Excellences, Mesdames et Messieurs la Cour,
05:45à tenir compte du contexte culturel
05:49dans lequel s'inscrit ce silence apparent.
05:53Nous sommes en Afrique,
05:55quelques années après les indépendances,
05:59deux ans avant la signature de la convention de Bata,
06:03une médiation purement africaine avait insisté
06:08pour un règlement des différends dans un cadre africain.
06:14Les deux États, nouvellement souverains,
06:17sont soucieux d'entretenir des relations paisibles.
06:23De la plus pure tradition africaine,
06:26marquée par une longue tradition orale,
06:29les diplomates et les autorités de deux pays
06:32vont s'employer à préciser et renforcer
06:36les modalités de leur coopération
06:39sans plus soulever des questions de principe.
06:44Les autorités gabonaises étaient conscientes
06:48que la convention de Bata n'avait pas été bien accueillie
06:52par une partie des dirigeants équato-guénéens,
06:57au point qu'il a été dit que sa conclusion
07:01avait été l'un des motifs du coup d'État
07:04qui a coûté la vie au président Macias Nguema.
07:09Lui-même, d'ailleurs, avait déclaré
07:12que la convention qu'il avait signée
07:14ne reflète pas totalement la solution qu'il espérait.
07:20Mais tous les traités sont fondés sur des compromis,
07:26et les regrets qu'il a pu exprimer
07:28n'enlèvent rien à la validité de la convention
07:31qui lie nos deux États depuis 1974.
07:38Du reste, et comme les avocats de la Guinée équatoriale
07:42l'ont eux-mêmes souligné,
07:44la prise de pouvoir par le président Todoro Bianchement
07:48a marqué le point de départ
07:50d'une ère de relations paisibles entre nos deux pays.
07:55Rien d'étonnant dès lors que la convention de Bata
07:59n'ait plus été mentionnée expressement
08:01dans les relations entre les deux États,
08:03qui bénéficiaient très largement
08:06de la sécurité juridique qu'elle avait apportée.
08:12Cette nouvelle ère s'est traduite par la signature
08:16d'un accord de coopération pétrolière dès le 13 novembre 1979.
08:24Et contrairement à ce que la Guinée équatoriale
08:27affirme maintenant,
08:29cet accord, loin de constituer un désaveu
08:33de ce qui avait été acquis à Bata,
08:37témoigne de la volonté de deux pays
08:39de rechercher une solution concrète de compromis
08:43que la convention de 1974 avait expressement envisagé
08:48en ce qui concerne la délimitation maritime.
08:53Cela n'a d'ailleurs pas empêché la Guinée équatoriale
08:57de dénoncer l'accord pétrolier
09:00moins de neuf mois après sa conclusion.
09:05Monsieur le Président,
09:07Mesdames et Messieurs de la Cour,
09:11Je me permets de le répéter.
09:15Nous sommes en Afrique.
09:17Et c'est parce que nous sommes en Afrique
09:20que j'ai utilisé le qualificatif de sœur et frère
09:24pour parler de la délégation de la République de Guinée équatoriale,
09:29malgré quelques propos peu amènent à notre rencontre
09:35que j'ai entendue avant-hier dans cette salle.
09:40En effet, le Gabon et la Guinée équatoriale
09:44sont des pays frères,
09:47liés par tant de choses
09:50et condamnés pour le meilleur et pour le pire
09:53à vivre ensemble du fait de la géographie,
09:57de l'histoire, de l'anthropologie.
10:01À propos d'anthropologie,
10:04il n'est pas sans intérêt de souligner
10:07que les deux chefs d'État actuels du Gabon et de la Guinée équatoriale
10:11se nomment respectivement Oligengema et Obyengena.
10:19Autre élément qui n'est pas intrinsèquement africain,
10:25mais qui constitue le trésapanage des pays nouvellement indépendants
10:31comme l'étaient le Gabon et la Guinée équatoriale
10:34peu après leur accession à la souveraineté internationale
10:38en une période d'avant l'ère de l'électronique et du stockage de données,
10:44la mauvaise tenue des archives,
10:47du fait de la conjonction de conditions climatiques défavorables,
10:52du manque de personnel qualifié de moyens techniques.
10:56Cela suffit à expliquer que malheureusement,
11:01ni l'une ni l'autre des parties n'est retrouvée l'originale de la convention de Bata.
11:09La Guinée équatoriale, le pays où la signature a eu lieu,
11:14affirme qu'elle ne l'a pas,
11:17sans donner la moindre preuve qu'elle a cherchée.
11:22Toutefois, conformément à une pratique fréquente à l'époque
11:28dans les relations avec l'ancienne puissance coloniale,
11:32le président Omar Bongo avait fait adresser,
11:36dès le 28 octobre 1974,
11:40une ampliation du texte de la convention de Bata
11:43à l'ambassadeur de France à Livreville,
11:47mais pas un bout de papier,
11:51a scrap of paper,
11:54selon l'expression utilisée par un conseil de la Guinée équatoriale.
11:59Cette lettre, à laquelle la convention était annexée,
12:04a été retrouvée dans les archives françaises.
12:10La période de coopération apaisée entre les deux pays
12:15a pris fin lorsque la Guinée équatoriale a émis de nouveau de prétentions
12:20sur les îles Bagné-Cocotier et Conga,
12:23en lien avec leur droit de permis d'exploration pétrolière
12:28dans les zones maritimes adjacentes.
12:31La Guinée équatoriale remettait ainsi en cause,
12:35pour la première fois, l'acquis de la convention de Bata.
12:40Il en est résulté de nouvelles tensions
12:43que des négociations bilatérales tenues en 2001 et 2003
12:48n'ont pas permis de surmonter la Guinée équatoriale,
12:51niant dorénavant l'existence de la convention de Bata.
12:57C'est ce blocage qui est à l'origine des bons offices
13:02de deux secrétaires généraux successifs des Nations Unies.
13:05Ils se sont traduits par trois médiations
13:10et ont finalement abouti à l'adoption du compromis du 16 novembre 2016.
13:18La durée des négociations suffit à montrer
13:22combien elles ont été délicates.
13:25Aucune avancée n'ayant pu être obtenue,
13:29il a été convenu dès le 19 janvier 2009
13:33de saisir votre haute juridiction.
13:37Mais la question de l'objet de cette saisie ne demeurait entière,
13:43car pour le Gabon, la seule question était,
13:48et demeure, de savoir si la convention de Bata,
13:52dont la Guinée équatoriale conteste jusqu'à l'existence,
13:56constitue un titre juridique faisant droit entre les parties,
14:02étant entendu que, si par impossible,
14:07la haute juridiction devait répondre par la négative,
14:11les deux pays reprendraient les négociations bilatérales.
14:16Ils les reprendraient à l'africaine,
14:20si je peux dire, sur la base du ou des titres
14:25dont vous auriez reconnu qu'ils font droit
14:28pour régler le différend au fond.
14:31C'est cette position de compromis
14:34que reflète l'accord du 25 novembre 2016.
14:39Il vous appartient donc, mesdames et messieurs de la Cour,
14:44de déterminer si la convention de Bata
14:48est faite droit entre les parties.
14:51Si c'est le cas, la messe est dite.
14:54Ce traité pleinement valide, selon nous,
14:58resout tous les problèmes de souveraineté sur les îles
15:02et de délimitation des frontières,
15:05et qui, selon la Guinée équatoriale, divise les parties.
15:13Si jamais ce n'était pas le cas,
15:17vous devriez dire, comme l'article 1er du compromis le demande,
15:22quel titre juridique pourrait faire droit entre elles
15:27s'agissant de la délimitation de leurs frontières maritimes et terrestres communes
15:32et de la souveraineté sur les îles Mbané, Cocotie et Conga.
15:37Et si, en dehors de la convention de Paris,
15:40et qui fait droit s'agissant de la frontière terrestre,
15:44de tel titre n'existait pas,
15:47vous ne pourriez que le constater et renvoyer les deux États à négocier.
15:55Le Gabon, pour sa part, est convaincu
15:58qu'il n'existe aucune raison pour que vous en veniez à une telle extrémité.
16:05La convention de Bagdad a résolu l'ensemble des questions de fond,
16:10y compris celles de la souveraineté sur les îles,
16:13évoquées à l'article 1er du compromis.
16:16Même s'il est parti envisager de procéder à une nouvelle rédaction de l'article 4
16:24qui concerne la frontière maritime,
16:27et renvoyer à des discussions ultérieures la matérialisation des échanges de territoire
16:33conformément aux articles 7 et 8 de la dite convention.
16:39C'est à la lumière de ces dispositions de la convention de Bagdad
16:43qu'il faut lire la conduite ultérieure des partis au sein des commissions mixtes.
16:51Le professeur Guy Rossatangarignou, co-agent et conseil du Gabon,
16:58qui a d'ailleurs activement participé à la négociation du compromis,
17:03présentera plus précisément le contexte et l'objet du différent qui vous est soumis.
17:11Il sera suivi par le professeur Alain Pelé,
17:14qui reviendra sur la définition de la notion de titre juridique
17:19telle qu'elle est envisagée dans le compromis.
17:24Maître Giratovitch, King's Council,
17:28montrera ensuite que la convention de Bagdad existe et fait droit entre les partis.
17:38Puis Maître Daniel Muller décrira le titre juridique faisant droit
17:44en ce qui concerne la délimitation de la frontière terrestre.
17:47Tandis que la professeure Alina Miron montrera qu'il n'existe aucun titre alternatif
17:54à la convention de Bagdad en ce qui concerne la souveraineté insulaire.
18:01Ceci est également vrai s'agissant de la délimitation de la frontière maritime
18:06comme le tablira Maître Isabelle Rouge.
18:12Enfin, Maître Camille Strosser clarifiera les rôles respectifs que jouent dans cette affaire
18:19les conventions de Paris et de Bagdad.
18:25Avant d'en terminer, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs de la Cour,
18:31je souhaite insister sur l'enjeu fondamental de la présente instance.
18:40Votre arrêt, rendu dans les limites fixées par le compromis,
18:47permettra aux deux partis de renouer des rapports apaisés
18:53et sur des bases juridiquement indiscutables.
18:59Ceci ne devrait pas les empêcher de procéder d'un commun accord
19:04le cas échéant aux ajustements qui leur paraîtraient utiles
19:09comme d'ailleurs la convention de Bagdad le prévoit.
19:17Je tiens, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de la Cour,
19:23à vous redire la pleine confiance de la République gabonaise à votre sagesse
19:33et notre attente confiante dans votre arrêt.
19:40Je vous remercie pour votre aimable attention.

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