Un monde, un regard - Chékéba Hachemi, au secours des femmes afghanes

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A onze ans elle a fui seule l’Afghanistan pour échapper à la guerre. Réfugiée en France, elle a consacré sa vie à l’émancipation des femmes afghanes. Première diplomate afghane, en poste auprès de l’Union européenne entre 2002 et 2005, elle a fondé l’Afghanistan libre et l’ONG « Stand Speak Rise Up » qui soutient les survivantes de violences sexuelles en zones sensibles. Alors que les libertés des femmes afghanes s’amenuisent depuis le retour au pouvoir des Talibans en 2021, comment trouve-t-elle la force de lutter ? La dégradation du sort des femmes afghanes est-elle inéluctable ? Comment briser le silence et l’inertie de l’Occident face à ce drame ? Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Chékéba Hachemi dans « Un monde, un regard ». Une collection de grands entretiens inspirante dans un monde en manque de repères et de modèles. Année de Production :

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Transcription
00:00Générique
00:22Notre invité est animé par un combat,
00:24habité par une détermination,
00:26celle de libérer l'Afghanistan de ces bourreaux,
00:29celle de sortir les femmes afghanes des griffes des talibans
00:32revenus au pouvoir en 2021.
00:34Ces monstres qui les enferment, les réduisent au silence,
00:36les effacent de l'espace public.
00:39Les Afghanes n'ont pas le droit de montrer leur visage,
00:41pas le droit d'aller à l'école après 12 ans,
00:42elles doivent couvrir leur corps, aucun vêtement fin, serré, court,
00:46pas de parfum, pas de maquillage,
00:48pour ne pas, disent-ils, tenter les hommes.
00:52Invisible et maintenant inaudible,
00:53les Afghanes n'ont plus le droit de chanter,
00:55plus le droit de réciter un poème,
00:57ni même de lire à voix haute en public.
01:00Mais que reste-t-il à ces femmes ?
01:02À part être mariées de force, poussées à l'exil et à la prostitution,
01:06violées, battues et lapidées, quels sont leurs droits ?
01:09En tant qu'ancienne diplomate afghane et en tant qu'humanitaire née à Kaboul,
01:12notre invitée crie sa colère, elle hurle son indignation.
01:16Pourquoi ne voit-on pas des milliers de personnes
01:18dans la rue en France, en Angleterre, en Espagne, aux États-Unis
01:21pour les soutenir et pour faire pression
01:23sur les autorités internationales ?
01:25Pourquoi ce silence ? Y a-t-il un abandon ?
01:28Posons-lui toutes ces questions.
01:30Bienvenue dans un monde à regard.
01:31Bienvenue chez Kébé Hachémi, merci d'avoir accepté notre invitation
01:34ici au Sénat, au Dôme Tournon.
01:36Présidente de l'Association Afghanistan Libre,
01:38cofondatrice de Stand, Speak, Rise Up,
01:41qui soutient les survivantes de violences sexuelles en zone sensible.
01:44Première femme diplomate afghane en poste auprès de l'Union européenne
01:47entre 2002 et 2005.
01:49Comment expliquez-vous le silence des Occidentaux ?
01:53Écoutez, je pense que c'est la culpabilité,
01:55parce que contrairement à en 1996, talibans version 1,
02:00qui sont arrivés à Kaboul pour prendre le pouvoir par la terreur,
02:03que l'Occident s'est réveillé en 2001
02:05parce qu'il y a eu les événements de 11 septembre
02:07et d'autres attentats qui sont suivis,
02:09donc on a compris qu'il fallait aider le peuple afghan
02:11qui se battait contre le terrorisme international.
02:14Le 15 août 2021, on a presque donné la clé à ces terroristes.
02:19Depuis 2019, les pays occidentaux,
02:23nos démocraties occidentales européennes
02:25nous ont vendu ces talibans comme des talibans modérés,
02:28voire même inclusifs, avec qui on peut négocier,
02:32que les droits des femmes étaient absolument...
02:35allaient être respectés, etc.
02:37Et le 15 août 2021, ils sont arrivés par force,
02:40ils ont pris le pouvoir, c'est comme si on avait donné
02:43et qu'on est partis.
02:44Et puis aujourd'hui, vous avez les réseaux sociaux,
02:45contrairement à 96, donc on sait tout,
02:47on sait tout ce qui se passe, on sait les barbares qu'ils sont,
02:49ces terroristes.
02:51Et donc on sait que l'Occident a une part de responsabilité
02:53puisqu'on a donné la clé.
02:55Et qu'aujourd'hui, c'est comme si on se bouchait un peu les yeux
02:58pour dire, bon, ben voilà, ils sont là,
03:02on savait qui ils étaient,
03:04on n'avait pas de stratégie de sortie, on est sortis.
03:07Et aujourd'hui, on a quelque part un peu sacrifié
03:0928 millions de femmes et petites filles
03:11qui sont en train d'être emmurées vivantes
03:14et de mourir dans une prison à ciel ouvert,
03:16et que nous, on est là et on regarde.
03:18– Quand vous voyez l'ONU renouer les discussions avec les talibans
03:21et prôner leur réintégration dans la communauté internationale,
03:25qu'est-ce que vous vous dites ?
03:28– Alors, il faudrait juste savoir que la discussion n'a jamais été rompue,
03:32ni avec l'ONU, ni avec les Américains,
03:35que chaque mois, le gouvernement américain envoie
03:37quelques centaines de millions de dollars
03:40pris sur le budget confisqué de la Banque centrale afghane en 2021,
03:43mais qui les donne directement au gouvernement taliban,
03:46que ça aussi c'est comme une aberration.
03:49– En espérant que ça y a de l'aide humanitaire, j'imagine ?
03:51– Non, ça a donné au gouvernement pour le fonctionnement de ce gouvernement,
03:54donc il n'y a pas de clause, il n'y a rien,
03:56on ne parle ni d'humanitaire ni des femmes.
03:59Que l'ONU parle, discute pour apporter de l'aide humanitaire,
04:02bon, on va dire qu'il n'y a pas vraiment le choix,
04:05mais le problème c'est que les discussions avec les autorités politiques
04:07n'ont jamais cessé à Doha,
04:09tous les pays européens en envoient leur émissaire,
04:12il y a des pays qui ont déjà envoyé leur émissaire,
04:14qui sont installés à Kaboul,
04:15donc la discussion a toujours continué,
04:16ça ne s'est jamais vraiment arrêté, et c'est ça aussi l'aberration,
04:19c'est-à-dire jusqu'où vont nos démocraties occidentales
04:22pour accepter ces claques qu'on reçoit ?
04:24Parce que pour moi, vous savez, dernièrement,
04:26la fin août, il y a eu les 35 articles et décrets
04:29en disant jusqu'à pas de son de voie,
04:31et son de voie, il faut considérer qu'on n'est pas en Europe,
04:35en Afghanistan, les maisons sont entorchies,
04:37les maisons sont en terre,
04:38souvent c'est des rideaux qui font office de portes,
04:40donc ça veut dire qu'on vous empêche même
04:42de parler à l'intérieur de votre maison,
04:44parce que les voitures qui passent du ministère de Vices et Vertus
04:48entendent des voix, donc vous n'avez pas le droit,
04:50donc ça veut dire qu'on vous enterre vraiment vivante
04:52et qu'on vous empêche d'exister.
04:54Donc tout ça, c'est pour moi des claques
04:55pour nos démocraties occidentales,
04:57c'est-à-dire on a tout le pouvoir,
05:00et malgré ça, vous êtes là et vous discutez et négociez avec nous.
05:03– Vous vous interrogez aussi sur ce que fait la France,
05:05en septembre 2023, vous disiez,
05:08depuis l'arrivée des talibans en août 2021,
05:10nous ne sommes même pas à 3 000 Afghans
05:11qui ont été sauvés par la France,
05:13le but n'est pas d'exfiltrer les 28 millions de femmes,
05:16dites-vous, c'est comment faire en sorte que ces femmes
05:18restent en Afghanistan dans des conditions meilleures
05:20que celles d'aujourd'hui qui sont les pires au monde.
05:22Je précise quand même qu'en juillet,
05:24la Cour nationale du droit d'asile a statué sur le droit des Afghanes
05:28à obtenir le statut de réfugiée, de fait, parce que femme.
05:32Est-ce que vous diriez qu'on progresse
05:34ou que décidément la France fait peu de choses ?
05:37– Alors je suis désolée parce que moi je suis de nature très optimiste
05:39et je vois toujours le verre moitié plein,
05:40mais je vais vous donner des exemples très concrets, merci,
05:43parce que dans des émissions comme ça, on peut prendre le temps d'expliquer.
05:46Aujourd'hui en Afghanistan, octroyer un passeport à une femme,
05:49c'est pas possible, elles n'ont pas de passeport.
05:51Partir de l'Afghanistan en tant que femme,
05:53vous ne pouvez pas parce que vous ne pouvez pas vous déplacer seule.
05:55Les moyens, aujourd'hui, 90% de la population
05:58vit en dessous de seuil de pauvreté.
06:00Donc comment voulez-vous que ces femmes aient accès à quelconque consulat ?
06:04Pour ça, il faut aller dans un pays voisin,
06:06qui est le Pakistan, qui est le pays ami des talibans,
06:08ou l'Iran qui maltraite très très fort
06:11toute la communauté des déplacés et réfugiés afghans.
06:14Et donc ça veut dire que vous prenez les risques.
06:15Il y a eu des centaines de femmes afghanes
06:17qui ont pu avoir la chance d'avoir un passeport,
06:19partir vers le Pakistan, qui aujourd'hui sont dans la prostitution,
06:22qui sont dans les violences faites aux femmes,
06:24et qu'aujourd'hui elles sont en train de mourir de faim
06:26dans les frontières pakistanaises parce qu'elles n'ont aucun accès.
06:29– Vous dites qu'elles finissent dans les bordels.
06:30– Exactement, donc si vous voulez dire ça,
06:33une fois qu'elles sont arrivées, c'est très sympa à dire,
06:35mais comment elles font pour avoir un passeport,
06:36se déplacer, partir, avoir les moyens d'avoir un passeport,
06:40ou de se payer quelqu'un, un membre de la famille,
06:43un homme qui l'accompagne, et quelle excuse donner aux talibans
06:45pour dire je pars dans le pays voisin pour pouvoir sortir.
06:49Donc non, c'est une avancée, mais c'est comme la loi,
06:54vous savez, il y a des pays où on dit les femmes et les hommes
06:56ont les mêmes droits, mais sauf que sur le terrain
06:58on voit bien que ça ne s'applique pas.
07:00– Qu'est-ce que vous préconiseriez ?
07:01Parce que les américains ont été présents pendant 20 ans dans le pays,
07:04vous ne souhaitez tout de même pas qu'il y ait à nouveau
07:05une présence occidentale, si, peut-être ?
07:07Ce serait ça, la clé ?
07:09– Moi je ne suis pas géopoliticienne, et malheureusement tous ces gens
07:13qui sont au pouvoir, s'ils écoutaient un peu le bon sens près de chez nous…
07:16– Mais vous avez été diplomate, vous savez comment ça fonctionne.
07:19– Bien sûr, mais moi je ne suis pas là pour dire
07:21il faut absolument que toute la présence internationale revienne,
07:24moi je suis là plutôt pour alerter, pour dire pourquoi on est sortis
07:26sans une stratégie, quelle était la stratégie de sortie de ce pays
07:29au bout de 20 ans ?
07:30Certes on a dépensé beaucoup d'argent,
07:32il y a eu la corruption des deux côtés aussi,
07:34du côté de la gestion de cet argent, et qu'est-ce qui s'est passé ?
07:37On est sortis comme ça, sans aucune stratégie de sortie,
07:40moi je suis là pour ça, c'est pour comprendre.
07:41Quand entre 2019 et 2021 on nous a dit qu'il y avait des réunions à Doha
07:45qui étaient payées par nos impôts, avec des européens,
07:49des représentants de nos gouvernements,
07:51et qu'on nous a dit que les talibans faisaient des réunions,
07:54faisaient des contrats, on signait, mais où sont ces contrats aujourd'hui ?
07:57Qu'est-ce qu'on a signé ?
07:57Moi je suis là plutôt pour dire, nos démocraties occidentales,
08:01jusqu'à quand on va avoir une espèce de lâcheté aussi molle que ça,
08:05de se dire que face à des terroristes,
08:07face à un régime fondamentaliste terroriste, on ferme les yeux ?
08:11Mais aussi, c'est pas seulement les 28 millions d'afghans,
08:14vous savez le 15 août 2021 quand ils sont arrivés à Kaboul,
08:17une des premières choses qu'ils ont faites,
08:18c'est d'ouvrir la base militaire de Bagram,
08:21la prison où il y avait 7500 djihadistes du monde entier.
08:24Donc ça voulait dire aussi un message à nos démocraties occidentales,
08:27voilà ce qu'on en fait de ces djihadistes,
08:29qui vont demain venir dans nos villes.
08:31Donc moi je suis surtout là pour alerter,
08:33justement de ne pas fermer les yeux sur ces 28 millions de personnes,
08:38de femmes et de petites filles qu'on est en train de tuer à petit feu,
08:41le taux de suicide le plus élevé au monde,
08:43donc en Afghanistan aujourd'hui.
08:45Mais aussi pour alerter que jusqu'à quand cette lâcheté molle
08:48pour accepter qu'il y a un pays qu'on a laissé entre les mains
08:52des terroristes les plus virulents du monde.
08:53– Public Sénat a diffusé un magnifique documentaire
08:56de Solène Chalbon-Fioritti,
08:57que vous étiez d'ailleurs venue commenter dans l'émission à mon don d'oc,
09:01un doc qui s'appelle tout simplement « Afghane »,
09:03et qui raconte le quotidien, une partie du quotidien de ces femmes
09:07sous le régime des talibans.
09:08Pour ceux qui n'ont pas vu le film,
09:09est-ce que pourriez-vous nous le décrire ce quotidien ?
09:11Il y a l'ONU qui parle d'un « apartheid de genre »,
09:14c'est un terme qui commence à revenir, à s'imposer dans le débat public,
09:18vous l'employez aussi ?
09:19– Bien sûr, le « gynocide »,
09:20parce qu'aujourd'hui le fait d'être une femme en Afghanistan,
09:23ça suffit pour qu'on vous supprime.
09:24Donc c'est féminicide, gynocide, apartheid de genre.
09:28Et hier, je discutais avec, lors d'une manifestation ici à Paris,
09:32je discutais avec quelques amis qui disaient,
09:34mais au moment de l'apartheid, au moins on était dans la rue,
09:36on dénonçait l'apartheid, etc. en Afrique du Sud,
09:39mais aujourd'hui en Afghanistan, l'apartheid du genre et les femmes,
09:41pourquoi est-ce qu'on est si silencieuse ici ?
09:43Pourquoi est-ce qu'on n'est pas…
09:44Vous savez, depuis fin août 2021… pardon, 2024 là,
09:49depuis l'annonce de ces dernières lois
09:51où on leur interdit tout simplement d'exister,
09:54je n'ai pas vu beaucoup de politiques prendre la parole.
09:56Kamala Harris, est-ce que ce n'est pas un sujet,
09:58en tant que femme candidate à la présidence des États-Unis,
10:01la plus grande démocratie du monde ?
10:03Les chefs d'État, Madame von der Leyen, ici en Europe,
10:06qui c'est qui a pris la parole pour dire
10:08qu'est-ce que ça veut dire pour moi d'être une femme ici en 2024,
10:11ici à Bruxelles, à Paris, à Washington,
10:14s'il y a un bout du monde, il y a 28 millions de personnes,
10:17juste parce que femmes, on les enterre vivantes,
10:20devant nos yeux ?
10:21Et les femmes là-bas, je lisais que certaines vous avaient dit
10:24pourquoi tu nous as fait ça,
10:25en parlant du fait que vous leur aviez fait prendre conscience
10:29de leur potentielle liberté, de la possibilité de s'émanciper.
10:32Est-ce que finalement elles ne vous le reprochent pas aujourd'hui
10:34parce qu'elles se rendent compte de ce qui leur manque,
10:36de ce qui ne va pas dans leur vie, de ce qu'elles vont faire ?
10:37Je dois vous dire que c'était terrible pour moi,
10:39la culpabilité, en août 2021,
10:42parce que depuis 96,
10:44cette association Afghanistan Libre que j'avais créée,
10:46il y avait quand même à la fin 350 000 filles qui allaient à l'école.
10:49Le 13 août, deux jours avant, j'étais en Zoom avec des jeunes filles
10:53que je formais au coding dans les villages afghans
10:56avec des panneaux solaires.
10:57Donc vous voyez, on a été jusqu'à là quand même,
10:59juste deux jours avant la prise de Kaboul.
11:01Et c'est vrai que j'étais vraiment dans une culpabilité atroce
11:04de dire pendant 20 ans, on leur a dit,
11:05faites vos pages Facebook, vos pages Instagram,
11:07montez des associations,
11:09faites tout ce que vous faites, montrez-le, etc.
11:12Parce que aussi l'aide internationale, c'était ça,
11:14on va vous aider pour l'Afghanistan,
11:15mais il faut qu'on les voie ces femmes, etc.
11:17Et deux jours le lendemain, on est parties,
11:18et on les a laissées de la femme qui était deux jours avant en Zoom
11:22et qui apprenait le coding à celle qui n'a même pas le droit
11:25de sortir le son de sa voix au sein de sa maison
11:28et qui va être lapidée si on la voit avec un autre homme
11:31que c'est aligné direct de famille.
11:33Donc si vous voulez, c'est la question qu'elles se posent toutes.
11:36– Elles vous en veulent ou pas ? Et est-ce que vous le regrettez du coup ?
11:38– Alors moi je ne regrette pas parce que j'ai eu beaucoup d'amis justement,
11:41des grandes féministes qui sont mes mentors,
11:43et c'est vrai qu'une fois que vous avez acquis,
11:45vous l'avez acquis, c'est-à-dire ces femmes qui sont encore debout,
11:48parce qu'elles sont debout, pour moi c'est des vraies leçons de courage.
11:51Il y a encore trois ou quatre,
11:52il y a la semaine dernière devant le ministère de la Justice,
11:55il y en a une qui n'est jamais rentrée, on ne sait pas où elle est, dans les prisons.
11:57Donc elles sont encore debout, elles manifestent,
12:00et toutes celles à qui on a donné justement cette lumière
12:02et cette ouverture vers l'extérieur,
12:05et voilà, la connaissance je pense que c'est toujours ça de pris,
12:08et la transmission pour les enfants c'est important
12:10parce qu'il y a aussi la génération future.
12:12Mais bien évidemment quand on vit avec la culpabilité de dire,
12:15c'est surtout pas la culpabilité d'avoir donné tout ça,
12:17c'est la culpabilité de ne pas avoir de réponse aujourd'hui.
12:20Moi quand elle m'interpelle,
12:21« Mais pourquoi toi chez Kéba on te voit partout avec les politiques, etc. ?
12:25Mais pourquoi est-ce qu'on ne t'écoute pas ?
12:27Qu'est-ce qu'ils disent ces gens ? » Et je ne sais pas.
12:29– Elles vous voient ? Elles accèdent à certains médias ?
12:31– Oui, il suffit que même devant vous,
12:33j'allume mon téléphone sur Messenger de Facebook,
12:35et là vous voyez des dizaines et des dizaines de messages,
12:37alors généralement c'est demande de l'aide.
12:40Aujourd'hui c'est comme ça que dans le cadre de Stand Speak Rise Up,
12:42c'est une ONG que nous avons co-créée avec Maria-Thérésa de Luxembourg,
12:46nous aidons dans le domaine humanitaire,
12:48parce qu'en fait il n'y a pas grand-chose aujourd'hui,
12:49il faut arrêter de se leurrer qu'on fait des écoles clandestines,
12:53petites radios, petites machins, tout ça n'existe pas.
12:55Elles n'ont pas le droit à tout ça, l'accès est très compliqué à Internet.
12:58La seule chose qu'on peut faire aujourd'hui pour ces Afghanes,
13:01c'est une prise de conscience politique pour dire,
13:03qu'est-ce qu'on fait comme pression sur ce régime pour que leur sort change,
13:06et sinon c'est de l'aide humanitaire.
13:08Il faut envoyer de l'aide humanitaire parce que pour pouvoir se lever,
13:11rester debout et se manifester et se rebeller,
13:15il faut avoir de quoi donner à manger,
13:17avoir la nourriture dans leur ventre et leurs enfants.
13:20– Et les hommes afghans dans tout ça, est-ce qu'ils sont solidaires ou complices ?
13:24Je vous pose la question parce qu'en préparant cette émission,
13:26je suis tombée sur les déclarations de la comédienne Charlotte de Turcay,
13:28qui est mariée à votre frère et qui a déclaré ceci
13:31lorsque les talibans sont revenus au pouvoir en 2021.
13:34Les hommes afghans ne veulent pas être assimilés à ces hommes-là,
13:36ce sont des pères, ce sont des frères, ce sont des maris,
13:39et ceux qui sont là-bas souffrent atrocement aussi,
13:41parce qu'ils savent que si les talibans prennent leurs filles,
13:43elles vont devenir des esclaves sexuels.
13:46Est-ce que c'est juste ?
13:47Est-ce qu'il y a des féministes parmi les hommes afghans ?
13:49– Oui, alors bien sûr, vous savez, quand je discute avec les hommes afghans,
13:53hier soir j'en discutais avec un d'eux parce qu'on a besoin de…
13:58enfin bon bref, pour un projet de santé pour les femmes,
14:00dans le cas de Stand Speak With Us, et il me disait,
14:03tu sais, voir nous, on est aussi dépressifs que nos filles, nos femmes,
14:07voir ta fille se faire fouetter devant tes yeux
14:10parce qu'on a vu un tout petit bout de son bras,
14:12alors qu'elle n'a rien fait, qu'elle est cachée, qu'elle ressemble à un corbeau,
14:15ma fille ressemble à un corbeau, et la voir se faire fouetter devant tes yeux
14:18parce qu'on a vu un bout qu'elle n'avait pas devant,
14:21est-ce que tu crois que c'est une avancée ?
14:22Simplement, c'est une peur, c'est de la terreur ce pays,
14:25c'est-à-dire que n'oubliez quand même pas qu'en Afghanistan,
14:28il y a déjà 45 années de guerre,
14:30le pays s'est vidé plusieurs fois de son cerveau,
14:33le pays s'est vidé plusieurs fois de tous ses intellectuels,
14:36de toute sa classe intellectuelle.
14:38Donc aujourd'hui, c'est un pays qui a plus de 95% d'analphabètes,
14:41parce que les structures étatiques ont été détruites
14:43depuis ces 45 années par différents régimes,
14:46les Russes, les Talibans, il y a eu la guerre civile, etc.
14:49Donc tout ça a été... Voilà, c'est ça qu'il faut prendre en compte.
14:52D'ailleurs, c'est la différence entre l'Iran et l'Afghanistan,
14:55c'est qu'aujourd'hui en Afghanistan, nous avons 95% d'analphabétismes.
14:58Donc les hommes, bien évidemment qu'ils ne peuvent pas...
15:01Qui accepte de voir sa femme et sa fille se faire fouetter devant ses yeux
15:05sans pouvoir rien faire ?
15:06Mais c'est bien de le rappeler, parce qu'on ne le fait pas forcément.
15:08Mais c'est un régime de terreur, c'est un régime de terreur,
15:09c'est un régime de... Voilà, tous ces hommes sont tués de moins.
15:13Qui tuent au moindre geste de travers.
15:14Exactement, mais vraiment tués, lapidés devant la place publique
15:18sans qu'on puisse enterrer votre corps dans le village pendant des semaines
15:21pour que tout le villageois voit bien que vous n'avez pas écouté les ordres.
15:25Donc c'est un régime de terreur, c'est ça le quotidien de ces hommes.
15:28Mais c'est vrai qu'on oublie aussi qu'il y a eu 45 années de guerre.
15:31Votre combat vient aussi de votre histoire personnelle,
15:34parcours que vous racontez dans L'Insolente de Kaboul, paru en 2011.
15:38Vous êtes née à Kaboul, dans une famille de 14 enfants, je crois.
15:41Vous êtes la petite dernière.
15:43Vous perdez votre père quand vous avez deux ans.
15:45Il avait eu des postes importants, il avait été maire de Kandahar et gouverneur.
15:49Dans ce livre, vous laissez d'ailleurs entendre
15:51que votre père était assez progressiste et féministe.
15:54Vous dites, par exemple, qu'il aurait défendu l'une de vos sœurs
15:56qui était battue par son mari.
15:58Et sur votre mère, vous dites, une femme impétueuse,
16:01qui n'avait pas peur des hommes.
16:02Est-ce que c'est aussi un peu leur héritage,
16:04ce combat que vous menez pour les femmes afghanes aujourd'hui ?
16:06Bien sûr, parce que, vous savez, il y a des images de mes sœurs
16:10qui vont à l'école, que j'ai bien collées dans mon frigo à la maison,
16:13ici, pour que ma fille, née à Paris, voie qu'était Kaboul il y a 40 ans.
16:19Ma sœur avec sa petite jupette et son collant,
16:21qui allait à l'école juste avec un petit foulard autour de son cou.
16:25Ma mère, qui veuve d'une grande famille comme ça,
16:28a refusé d'épouser qui que ce soit.
16:30C'est important de montrer ce qu'était ce pays
16:32il y a 20 ans, il y a 30 ans, il y a 40 ans, et qu'on n'oublie pas,
16:35et que ce n'est pas le pays des corbeaux,
16:36des femmes qu'on enterre vivantes, des corbeaux qu'on met
16:39comme ça dans une prison à ciel ouvert.
16:41À 11 ans, vous fuyez l'Afghanistan avec votre mère,
16:43dont vous êtes séparée au cours du voyage,
16:45malmenée par un passeur, et vous écrivez,
16:47« Du haut de mes 11 ans, cette traversée de la passe de Khaybar
16:51m'ouvre les yeux sur le sort de notre pays.
16:53À Kaboul, nous subissions l'occupation.
16:55Dans ces montagnes, je découvre la guerre.
16:58À l'allure de celle que vous êtes aujourd'hui,
16:59quel conseil donneriez-vous à la petite fille que vous étiez ?
17:02Qu'est-ce que vous lui diriez avant qu'elle ne se lance dans la vie ? »
17:05Déjà, la petite fille que j'étais à 11 ans,
17:07elle n'a pas eu vraiment le choix.
17:08Elle s'est retrouvée du jour au lendemain,
17:09comme ça, d'une vie un peu privilégiée, etc.,
17:11entre les mains d'un passeur séparé de sa maman,
17:13et il fallait survivre.
17:14Donc, je pense que c'est le même conseil que j'ai reçu comme ça,
17:18voilà, spirituellement, de je ne sais pas où,
17:20de la nature, de ces montagnes.
17:23Bats-toi et ne te laisse pas faire, et transmets, voilà,
17:26si tu sors vivante de là, transmets tout ça aux autres.
17:29Et je vous assure, on discutait toutes les deux tout à l'heure,
17:31ça ne m'a jamais quittée, en fait, pas un seul jour.
17:34On me parle souvent de plein de choses, des positions, etc.,
17:37et du fait que je peux tout simplement
17:38mener une vie tranquille aujourd'hui à Paris, voilà.
17:41Mais il n'y a pas un soir où je ne me regarde pas dans la glace
17:43et je me dis est-ce que cette journée valait la peine ?
17:46Est-ce que tu as pu transmettre quelque chose ?
17:47Est-ce que si demain, tu te fais renverser par une voiture,
17:52est-ce que tu as fait exactement ce que tu pouvais ?
17:54Est-ce que tu as dit ce que tu voulais ?
17:56Et je pense que c'est ça que je continuerai,
17:58et c'est ce que je dis à ma fille de 14 ans aujourd'hui.
18:00– Quand vous arrivez en France,
18:01c'est en banlieue parisienne que vous logez, à Châtenay-Malabry,
18:04et sur ce moment, vous écrivez
18:05« Je ne suis pas effrayée car je ne me sens pas en terre inconnue,
18:08mon père aimait ce pays ».
18:10Quel est votre rapport à vous, à la France ?
18:13– Eh bien la France, c'est mon deuxième pays, et je suis très fière,
18:15et je réponds souvent à la question aussi en disant
18:17que je suis très bien assise sur les deux chaises,
18:19la chaise afghane et la chaise française.
18:21Je suis très fière quand je suis à l'étranger et qu'on…
18:24voilà, on loue mes…
18:26– Votre action.
18:27– Mes actions en tant que française,
18:29et je suis très fière de la langue française,
18:32de ce que j'ai transmis à ma fille,
18:34et je suis aussi fière parce que quand je pense à ce papa
18:36qui n'est pas là, pour lui, la France,
18:38c'était le pays de Victor Hugo, de la démocratie, des lumières.
18:41Par contre, je suis un peu triste quand je vois aujourd'hui
18:43l'état de la francophonie, quand je vois tout ce qu'on perd,
18:46un pays comme l'Afghanistan, l'élite,
18:49mes frères aînés à Kaboul, en 1968, le Premier ministre Pompidou
18:53était à Kaboul en train d'inaugurer le lycée français,
18:56pour garçons de Kaboul.
18:57Et aujourd'hui, plus personne ne parle le français dans ce pays,
19:00pendant les 20 années où il y a eu l'ouverture,
19:02c'était les Américains qui sont arrivés, l'Anglais,
19:05et quand j'allais voir les responsables de la francophonie,
19:08et même en France, c'était pas du tout la priorité,
19:10je le vois en Afrique aussi, dans tous les pays où nous sommes présents,
19:13en tant que « Stand, Speak, Rise Up »,
19:14nous voyons que le français perd, la France perd,
19:17c'est au-re-là, et ça me rend triste parce que je trouve que…
19:20– Vous avez une explication, vous savez pourquoi ?
19:22– Parce que je pense qu'on ne met pas les moyens
19:23et qu'on n'a pas une projection à long terme,
19:25parce que je pense qu'on n'est pas gouvernés non plus
19:27par les personnes qui ont une vraie vision à long terme,
19:29et que chacun pense à ses cinq années de pouvoir,
19:32et que pour avoir été au pouvoir moi-même,
19:34et pour avoir démissionné plus haut de nos pouvoirs,
19:37c'est que je sais que c'est quelque chose qui peut nous dévergonder,
19:40qui peut nous sortir de nos combats et de notre objectif,
19:44et je pense que ce qui manque aujourd'hui, c'est la vision,
19:47une vision pour l'aura de la France,
19:49et ce que représente la France dans certaines régions,
19:51comment le conserver, comment y mettre les moyens.
19:54– Vous avez quitté l'Afghanistan, mais l'Afghanistan ne vous a pas quitté,
19:57à l'âge de 21, 22 ans, vous créez une association pour les femmes réfugiées
20:01dans la vallée du Panjshir, où le commandant Massoud
20:03avait installé sa base arrière pour résister aux talibans.
20:06Massoud, à qui vous allez assez vite être présenté,
20:09avec qui vous allez nouer, je crois, une relation de confiance.
20:11C'est un document sur lui que je voudrais vous présenter ici,
20:15c'est une archive qui nous vient des archives du Parlement européen,
20:18cette fois, Massoud, aux côtés de Nicole Fontaine à Strasbourg,
20:22Nicole Fontaine, présidente du Parlement européen,
20:25l'une des rares à avoir pris au sérieux les avertissements de Massoud.
20:28À l'issue de cet entretien, elle a appelé à faire pression sur le Pakistan
20:31pour qu'il cesse son soutien aux talibans.
20:35Est-ce que vous vous souvenez de ce moment déjà ?
20:36Est-ce qu'il a représenté quelque chose de très important ?
20:38– Oui, parce que j'ai aidé à préparer ce voyage,
20:40et d'ailleurs, pareil, vous parlez de culpabilité,
20:42quand il a été assassiné, juste quelques mois après cette visite,
20:46je m'en suis beaucoup voulu aussi, parce que là, on l'a mis comme un chef d'État.
20:50Il a été reçu par la présidente du Parlement européen
20:52comme un chef d'État.
20:53– Et c'est là qu'il a été pris pour cible par les talibans.
20:55– Et qu'il a été assassiné le 9 septembre, deux jours avant le 11 septembre.
20:58Et Nicole Fontaine est une femme que j'ai beaucoup aimée, une mentor,
21:02qui a d'ailleurs préfacé mon livre,
21:03et avec qui je suis restée en contact jusqu'à la fin de sa vie,
21:06et pour moi, ce sont des modèles politiques.
21:09Elle n'a pas eu peur, malgré la pression des pays
21:12qui lui ont demandé de ne pas prononcer ses paroles,
21:14elle n'a pas eu peur, en avril 2001, de dire,
21:16aujourd'hui, le Pakistan, les Émirats Arabes Unis et l'Arabie Saoudite
21:20sont les soutiens de ce régime taliban,
21:22et qu'on doit se battre, et qu'on doit cesser de les soutenir.
21:25Donc il faut aujourd'hui des politiques comme Nicole Fontaine pour qu'on avance.
21:28– Vous n'avez pas peur, vous, jamais ?
21:30– Non, parce que la peur, c'est une poisse un peu
21:33qu'il ne faut pas laisser rentrer en vous,
21:34et dès que ça rentre, on ne fait plus rien, donc non.
21:38– Comment expliquez-vous qu'il n'ait pas été suffisamment pris au sérieux, Massoud ?
21:42Parce qu'on est quelques mois avant les attentats du 11 septembre,
21:45ça annonce clairement les drames qui vont tourner cette fois l'Occident.
21:49– Je ne savais pas que vous alliez me présenter cette phrase,
21:51cette photo, mais cette phrase est restée dans ma mémoire, avril 2001,
21:56si vous l'Occident, vous ne venez pas nous aider,
21:58nous les Afghans qui faisons buclier humain
22:00contre les terroristes internationaux, demain ils seront dans vos villes.
22:03Nous sommes en avril 2001,
22:05et on connaît les événements de septembre 2001, quelques mois après.
22:08Donc aujourd'hui mon message est exactement pareil,
22:10je ne me prétends pas du tout me prendre pour Massoud,
22:13mais le message c'est ça, c'est que si aujourd'hui
22:15on n'ouvre pas les yeux sur le problème en Afghanistan,
22:18ce sera notre problème demain.
22:20– Le danger est le même ? – Le danger est le même.
22:23– Vous parlez d'un laboratoire de fabrication de terroristes
22:26et de kamikazes aujourd'hui en Afghanistan ?
22:28– Exactement, vous savez c'est 7500 djihadistes libérés le 15 août 2021,
22:33on n'en a pas beaucoup parlé, alors on pense que maintenant c'est tranquille,
22:37on les laisse, le pays est tranquille, mais pas du tout,
22:40le Daesh y a sa place, l'État islamique y a sa place,
22:43tous les terroristes du monde entier sont aujourd'hui en Afghanistan.
22:46– Ce sont les informations qui vous parviennent ?
22:48– Bien sûr, bien sûr.
22:50– J'ai des photos maintenant à vous présenter.
22:53– La première, la voici, vous allez évidemment la reconnaître,
23:01je vais la présenter pour les gens qui m'écoutent,
23:04c'est une photo qui a marqué les JO de Paris 2024,
23:06il s'agit de Kimia Yousoufi, porte-drapeau de la délégation afghane,
23:09engagée dans le tour préliminaire du 100 mètres.
23:12Une fois qu'elle a fini son épreuve,
23:13elle a immédiatement enlevé son dossard, l'a retournée
23:16et a montré au monde entier ce message écrit ici en anglais,
23:19« Éducation, sport, nos droits ».
23:22Je précise qu'elle vit aujourd'hui en Australie,
23:24aussi évidemment pour des raisons de sécurité.
23:26Savez-vous si les femmes afghanes ont vu cette image ?
23:29– Bah écoutez, Kimia est formidable,
23:31je l'ai eue encore par message il y a trois jours,
23:33parce qu'elle me demandait comment on pouvait sauver trois autres Afghanes
23:36dans des situations compliquées.
23:38Voilà, il y en avait une autre aussi, une street arteuse aussi,
23:42qui elle, la pauvre, elle était tellement émue,
23:44elle était tellement contente de montrer qu'elle a fait avant l'épreuve,
23:48donc elle a été éliminée malheureusement,
23:50ce que je ne comprends pas, mais bon.
23:52Et heureusement qu'elles sont encore debout,
23:54et c'est ce que je dis aussi, c'est celles qui sont du coup à l'extérieur,
23:56c'est nous qui sommes debout pour elles, pour celles qui sont à l'intérieur,
23:59parce qu'elles ne peuvent rien faire.
24:00Et heureusement qu'il y a des Kimia, qu'il y a des Marzia,
24:03qu'il y a des Zakia, qu'il y a des Chekeba,
24:06qui n'ont pas peur et qui prennent la parole,
24:08mais ça veut dire aussi ne pas pouvoir aller rentrer là-bas,
24:10ça veut dire aussi que toutes ces 28 millions qui sont enfermées,
24:16à nous de prendre la parole et de ne pas lâcher.
24:18– Vous arrivez à en sauver, des femmes ?
24:20– Non, parce que c'est compliqué, c'est un vrai métier,
24:23et ce n'est pas vraiment mon métier,
24:24mais aujourd'hui ce que je fais dans le cadre de Stand Speak Rise Up,
24:27c'est apporter de l'aide humanitaire,
24:28ce n'est pas promettre que je vais vous en sauver,
24:30alors si c'est tout un micmac, vous savez, c'est très compliqué,
24:34c'est des énergies de dingue, des contacts extra,
24:36pour pouvoir en sortir une, alors qu'il y a 28 millions,
24:39laquelle choisir, le choix de Sophie, qui en sauve,
24:41quel prof, quel juriste, quel avocate, quel journaliste,
24:44c'est très compliqué, donc pour moi ça aussi,
24:46ça m'arrache le cœur chaque jour.
24:48– Tous ces messages, sauve-moi, sors-moi, ma petite fille qui ne peut pas,
24:53bref, tout ça, ce sont des messages avec lesquels il faut gérer au quotidien
24:57pour dire qu'est-ce qu'on peut faire au mieux pour elle.
24:59– Une deuxième photo, il s'agit de Narges Mohammadi,
25:03prix Nobel de la paix 2023, militante des droits humains iraniennes,
25:07l'un des principaux visages du mouvement Femmes, Vies, Libertés,
25:10incarcérée depuis 2021, elle a reçu son prix alors qu'elle était en détention,
25:14est-ce qu'il faudrait un Nobel de la paix décerné à une afghane
25:17pour faire avancer les choses ?
25:19– Alors est-ce que ça a servi beaucoup, la cause de Narges,
25:22d'avoir ce prix Nobel de la paix, on en parle,
25:25je ne sais pas, moi je ne suis pas très lépris, tout ça, etc.
25:29– Vous ne croyez pas, on est dans le symbole.
25:31– Si, il faut, les symboles, je les prends tous,
25:33si une afghane, demain, prend ce prix Nobel, voilà, ce sera formidable,
25:37mais moi je pense qu'il faut une vraie prise de position politique
25:40de nos gouvernements, de l'ONU, des institutions qui sont là,
25:43dont c'est le travail, de prendre la parole, il faut des politiques,
25:47je veux entendre les politiques qui parlent des femmes afghanes
25:49et qui disent maintenant ça suffit.
25:51– Monsieur Kéba Chémi, j'ai une dernière question
25:52qui est en lien avec le lieu dans lequel nous sommes,
25:54nous sommes entourés de quatre statuts qui représentent chacune une vertu,
25:57il y a la sagesse, la prudence, la justice et l'éloquence,
26:01laquelle de ces vertus avez-vous envie de défendre aujourd'hui ?
26:04– La justice ? Alors la sagesse, c'est mon prénom,
26:07chez Kéba veut dire sagesse, on perçoit, donc voilà.
26:09– C'est déjà acquis, c'est déjà là.
26:11– C'est déjà les pas, mais on va dire que voilà.
26:13La justice, est-ce que vous savez, être née une femme aujourd'hui,
26:16à Paris ou à Bruxelles, et être née une femme à Kaboul,
26:20est-ce que c'est juste ? Non.
26:21Comment, enfin voilà, cette déclaration des droits de l'homme,
26:24rappelons-nous, être libre, égaux, en droit, mais non.
26:29Aujourd'hui si, voilà, ma petite-fille à moi, elle est née à Paris,
26:32elle a la possibilité de faire tout, de venir même faire son stage au Sénat,
26:36et de vouloir changer le monde.
26:38Si elle était née à Kaboul, c'est la même petite-fille,
26:41et ça veut dire quoi, elle serait quoi aujourd'hui ?
26:43– On parle beaucoup de l'Afghanistan en des termes plutôt négatifs,
26:46plutôt sombres évidemment, et pour cause, ça reste quand même un beau pays ?
26:50– C'est un des plus beaux pays du monde, avec la France,
26:52c'était un pays, je me souviens j'étais avec une de mes amies journalistes
26:57en Afghanistan, et elle me disait cette phrase très sympa,
26:59elle me dit, dès que j'arrive chez toi, là-bas, dans notre pays,
27:02j'ai l'impression qu'on fait ça, et que c'est le cinéma,
27:04et qu'on est pris, c'est le seul endroit au monde
27:06où c'est la nature qui a une emprise sur vous, et non pas le contraire.
27:10Parfois on a l'impression que l'être humain n'est pas passé
27:11dans certains endroits de l'Afghanistan.
27:13Et surtout c'est un pays qui est habité de 28 millions de beautés merveilleuses,
27:18qu'il faut sauver.
27:19– On s'arrêtera sur cette note positive, merci infiniment Cheikh Eba Chemi
27:22d'avoir été notre invité dans Un monde, un regard,
27:24et merci à vous de nous avoir suivis comme chaque semaine,
27:27on se retrouve très bientôt sur Public Sénat évidemment,
27:29émission à retrouver en replay sur notre plateforme publicsenat.fr,
27:32mais aussi en podcast.
27:33À très bientôt, merci.
27:35– Sous-titrage ST' 501

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