Cette vidéo revient sur le rôle crucial du mouvement Solidarnosc (Solidarité) dans l'effondrement du régime communiste en Europe de l'Est. En Pologne, ce syndicat indépendant a été à l'origine d'un vaste mouvement social qui a défié le pouvoir en place, jetant les bases de la chute du mur de Berlin et de l'effondrement du bloc de l'Est. À travers des témoignages et des images d'archives, découvrez comment Solidarnosc a marqué l'Histoire et amorcé un tournant majeur vers la liberté et la démocratie en Europe.
Category
📚
ÉducationTranscription
00:00JOSEPH STALIN A DIT QUE LE COMMUNISME ALLAIT À LA POLOGNE COMME UNE SELLE DE CHEVAL À UNE VACHE
00:17Joseph Stalin a dit que le communisme allait à la Pologne comme une selle de cheval à une vache.
00:24Les Polonais se sont toujours révoltés.
00:42La chute du mur de Berlin n'aurait pas été possible sans Solidarnosc, sans le soulèvement des gens chez nous, ici en Pologne.
00:52La chute du mur de Berlin n'aurait pas été possible sans Solidarnosc, sans le soulèvement des gens chez nous, ici en Pologne.
01:07Personne n'avait imaginé que nous allions vivre une révolution qui allait changer le continent tout entier.
01:14Tout le monde pensait que si les Soviétiques intervenaient, les gens ne se rendraient pas et qu'ici en Pologne, le sang allait couler.
01:29La chute du mur de Berlin n'aurait pas été possible sans Solidarnosc, sans le soulèvement des gens chez nous, ici en Pologne.
02:00Qu'est-ce qu'il y a de neuf cette fois-ci dans la grève des ouvriers de Gdansk ?
02:08La détermination.
02:30La propagande socialiste exalte la prospérité en République populaire de Pologne.
02:37Dans les années 1970, les Polonais peuvent enfin acheter des jeans et du Coca-Cola dans des magasins en libre service.
02:47A Varsovie, les cadres du parti vantent la modernité et inaugurent les grandes autoroutes sur lesquelles rouleront les gens.
02:54Ce nouveau confort a un prix. La République populaire de Pologne vit à crédit et sans dettes auprès de l'Ouest.
03:09Mais la société de consommation n'apaisse pas la colère des citoyens.
03:14Au paradis de la classe moyenne, la société de consommation ne peut pas s'occuper d'elle-même.
03:19Au paradis de la classe ouvrière, les ouvriers n'ont pas les mêmes privilèges que les élites communistes.
03:34Le système de production dysfonctionne. Les files d'attente s'allongent toujours plus.
03:50En 1970, les plus courageux se mettent en grève, bien que la grève soit strictement interdite.
03:56Les ouvriers bloquent les usines et se font licencier, parfois même arrêter.
04:06L'État veut vaincre la désobéissance et demande aux services secrets d'assurer la sécurité des ouvriers.
04:12Il faut alimenter la peur de tous les citoyens, entretenir une suspicion permanente, écraser l'esprit rebelle.
04:26Les caméras des services secrets pratiquent la guerre d'usure.
04:31Leur objectif, c'est d'assurer la sécurité des ouvriers.
04:35L'œil qui épie ne se voit pas, mais on le sent toujours et partout.
05:05Des milliers d'images volées empoisonnent la vie des Polonais.
05:12Leurs auteurs sont des agents de la Bespieka, la police politique communiste.
05:17Surnommée le cœur battant du parti, son rôle est de s'infiltrer dans la population pour assurer le contrôle total de la société.
05:36Tous les Polonais le savent, ce qu'on dit chez soi ne doit pas se dire dans la rue.
05:44Le grand frère soviétique surveille lui aussi et observe de loin les signes de révolte.
06:06Après la guerre et la conférence de Yalta, nous sommes entrés dans la zone d'influence de Moscou.
06:12Nous ne pouvions pas choisir librement le système dans lequel nous vivions.
06:17Dans les pays socialistes du bloc de l'Est, il n'y avait pas d'opposition politique.
06:22Soit on lui avait coupé la tête, soit on l'avait chassée du pays, soit elle était en prison.
06:28Nous étions connus pour cela.
06:31Mais chez nous, en Pologne, il n'y avait pas d'opposition politique.
06:36On ne pouvait pas choisir librement le système dans lequel nous vivions.
06:40En 1976, l'opposition s'organise et fonde le COR, le comité de défense des ouvriers, composé d'étudiants et d'intellectuels.
06:49Le COR aide les ouvriers arrêtés et emprisonnés.
06:53Il rassemble de l'argent, engage des avocats et soutient le moral de la population.
06:59Le COR est un groupe d'étudiants et d'intellectuels.
07:02Le COR aide les ouvriers arrêtés et emprisonnés.
07:06Il rassemble de l'argent, engage des avocats et soutient le moral des opposants.
07:23Je savais que j'étais sous écoute, que j'étais filmée et qu'on me suivait.
07:28Je l'ai su dès 1975, à peu près, lorsque j'ai été arrêtée pour la première fois à l'aéroport de Varsovie.
07:39Je transportais avec mon mari deux, trois grosses valises pleines de livres en polonais et en français
07:45qui portaient sur la situation de nos pays du Bloc de l'Est, du camp socialiste, soviétique,
07:51mais vus par la perspective des théoriciens de l'Ouest.
07:58Les actions du COR se déplacent rapidement dans les lieux publics.
08:03Elles doivent être visibles et médiatiques.
08:09A Varsovie, près de l'église Saint-Martin,
08:13des étudiants du COR et leurs professeurs entament une grève de la faim
08:17par solidarité avec les ouvriers emprisonnés.
08:22Les caméramens des services secrets filment quotidiennement les grévistes.
08:27Ils suivent leurs allées et venues.
08:36Les activistes s'en rendent compte.
08:39Par provocation ou par jeu, ils le font comprendre.
08:43Avec un sourire narquois, un geste adressé à leurs adversaires,
08:47ou un regard déterminé, comme ici, Tadeusz Mazowiecki.
08:52Il ne semble pas avoir peur.
08:55Lise Gandhi et la Bible s'imprègnent de la brise du printemps et de la révolution.
09:10De ces actions de contestation, on ne dit rien dans les journaux polonais.
09:15Les médias officiels exaltent les défilés du 1er mai
09:18et édifient la vitrine glorieuse du socialisme.
09:28Le ministère de l'Intérieur produit des films de propagande
09:31contre les forces antisocialistes, ces dangereux ennemis de la Pologne populaire,
09:35qui séduisent par leur aura et incitent à la désobéissance.
09:43L'un de ces dissidents est Adam Michnik, dont le nom commence à circuler à l'ouest.
09:49A chaque rassemblement, les opposants évaluent le rapport de force
09:53et comptent leurs alliés, de plus en plus nombreux.
09:58Pour contrer les caméras du pouvoir,
10:01les cinéastes de la jeune génération s'allient aux opposants.
10:04Les salles de cinéma deviennent le lieu privilégié de la contestation politique.
10:19Des films, des documentaires et des fictions
10:23Beaucoup de films, documentaires et fictions,
10:27et en particulier L'Homme de Marbre d'Anja Yvaida,
10:31voulaient dire la vérité, montrer la réalité dans laquelle nous vivions.
10:37C'était un message très important pour notre société,
10:41un message de solidarité.
10:44Sans nous en rendre compte, nous faisions une sorte d'agitation politique,
10:49en voyageant à travers le pays, dans les villages et les villes,
10:53et en allant à la rencontre des spectateurs.
11:00Les gens venaient nombreux à ces projections.
11:03Elles étaient un prétexte pour discuter de la réalité de notre situation.
11:08Et les gens ont commencé à s'ouvrir.
11:13L'opposition politique organise aussi ses réunions dans les églises,
11:17en dehors de toute surveillance policière.
11:21L'église avait obtenu le droit de non-ingérence de la part de l'État
11:25dans sa mission religieuse.
11:29Bien sûr, le pouvoir, mon pouvoir, faisait tout pour restreindre ce droit.
11:34Mais l'Église n'avait pas le droit de non-ingérence.
11:38L'Église n'avait pas le droit de non-ingérence.
11:41On faisait tout pour restreindre ce droit.
11:44On refusait par exemple des autorisations pour construire des églises,
11:47des choses comme ça.
11:49On faisait tout pour empêcher l'Église d'agir.
11:52C'est certain, car c'était une contre-idéologie.
11:55D'un côté, la religion catholique, de l'autre, le marxisme-léninisme.
12:03La lutte idéologique et médiatique se déploie en dehors des frontières polonaises,
12:08jusqu'au Vatican.
12:12La lumière blanche apparaît le lendemain à 6h17 local.
12:21Le nouveau pape n'est pas italien.
12:24Le premier depuis 456 ans.
12:26Il est le cardinal Cariole Vottilio, le premier pape d'un pays communiste.
12:30Il s'appelle le pape Jean-Paul II et bénit la foule.
12:42La première fois que j'ai senti un vent de liberté, ce fut en 1979.
12:50J'ai été officiellement invité par le directeur du bureau de presse de l'Episcopat,
13:00pour être l'un des sept opérateurs qui allaient filmer un long-métrage
13:04sur le premier pèlerinage du pape en Pologne.
13:12C'était exceptionnel, car pour la première fois,
13:16j'avais l'impression d'être totalement en dehors de la censure.
13:20Nous pouvions montrer la spiritualité,
13:24insister sur ce que cela signifiait pour ce pays.
13:27Car ce pèlerinage a tout simplement montré
13:31que 80 ou 90% de la population était contre ce système.
13:35Ces images sont celles de la défaite du parti.
13:39Toute la nation polonaise s'éveille.
13:42Les résignés, les conformistes,
13:45tous ceux qui n'avaient pas l'étoffe de combattants,
13:48se sentent porteurs d'une nouvelle mission,
13:51défendre la dignité de l'être humain.
13:54C'est l'honneur de l'humanité.
13:57C'est l'honneur de l'humanité.
14:00C'est l'honneur de l'humanité.
14:02C'est l'honneur de l'humanité.
14:06Les paroles de Jean-Paul II ne désignent pas frontalement le pouvoir communiste,
14:10mais tous les Polonais comprennent son message.
14:23Grâce à leur foi, les Polonais se sentent plus forts.
14:27Ils forment une communauté.
14:32Ils font partie de la société.
14:35Ils font partie de l'humanité.
14:38Ils sont sauvés,
14:41et ils sont sauvés.
14:44Nous les sommes tous.
14:47Nous sommes tous.
14:50Les personnes qui n'ont pas d'honneur,
14:53nous sommes tous,
14:56nous sommes les Polonais.
14:58Ils veulent soutenir leur collègue Anna Valentinovitch.
15:06Cette conductrice de GRU, accusée de mener des actions antisocialistes, vient d'être
15:12licenciée à 5 mois de la retraite.
15:28La nouvelle des grèves du chantier naval se répand rapidement dans tout le pays.
15:45Le monde entier découvre le combat des ouvriers et leurs revendications.
15:49La décision a été prise, nous devions partir à Gdansk.
16:00Les anciens ont estimé que c'était aux jeunes d'y aller.
16:04Le choix s'est porté sur moi et quelques autres opérateurs.
16:07Et nous sommes partis.
16:09Le deuxième jour, nous sommes arrivés à Gdansk.
16:14C'était évident que nous devions entrer dans le chantier.
16:18Mais allait-il nous laisser entrer ? Les ouvriers ont décidé qu'ils ne laisseraient
16:34pas entrer les médias nationaux, car c'était des médias mensongers.
16:38Ils nous ont dit, vous, ces messieurs et cette dame qui enregistre le son, vous seuls pourrez
16:44entrer, et vous devez dire la vérité sur cette grève.
16:47Les caméras de la presse étrangère, tout comme celles de la milice, restent devant
17:00le portail du chantier.
17:01Les seules images de ce qui s'est passé à l'intérieur sont celles des documentaristes
17:06polonais, dans lesquelles les grévistes ont une confiance absolue.
17:09Leurs images bouleversent le monde entier.
17:14Nous avons eu assez de mensonges pendant tant d'années, et nous voulons améliorer
17:25les choses pour que nous puissions faire les choses de manière plus claire et ne pas
17:32reprendre ce qu'il s'est passé.
17:35Je pense que la classe ouvrière est compétente pour donner des opinions.
17:39C'est le peuple, c'est la masse qui garde ce pays sur ses doigts.
17:44Des grèves éclatent dans tout le pays et dans tous les secteurs, par solidarité avec
17:50les ouvriers de Gdansk.
17:52La révolution polonaise a désormais un nom, Solidarność.
17:56La révolution de Solidarność était une nouvelle forme de révolution.
18:14Les gens ne voulaient pas manifester dans la rue de manière incontrôlée.
18:18Pourquoi se sont-ils enfermés dans le chantier ?
18:20Pour créer une agora, un lieu de rencontre politique, de rencontre non-violente avec
18:26le pouvoir.
18:27Le courage des ouvriers a payé, les dirigeants n'ont plus le choix.
18:34Ils doivent se rendre au chantier naval et rencontrer les grévistes.
18:38Pour la première fois dans l'histoire du bloc socialiste, le parti doit entendre les
18:44revendications de la classe ouvrière.
18:46Dans la salle des négociations, le vice-premier ministre Jagielski entend des paroles que
18:52personne encore n'avait jamais osé prononcer.
18:55Nous ne voulons pas vivre dans un pays où l'unité du peuple est forcée à la
18:58police.
18:59Ce sont des phrases très lointaines.
19:04Lointaines, et peut-être démagogiques.
19:06Mais les arrêts de 48 heures, si quelqu'un a une autre opinion que celles officielles,
19:11sont une affaire de la commune.
19:13J'ai aussi une liste de gens arrêtés, sans faire aucun accusation, qui probablement
19:18sont là parce qu'ils ne savent pas leur opinion et si c'était la bonne opinion
19:23ou la mauvaise.
19:26Je peux aussi donner cette liste au premier ministre.
19:30Quelle est l'atmosphère dans cette salle ?
19:33Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victime.
19:36C'est la première fois que j'en parle.
19:38C'est la première fois que j'en parle.
19:40C'est la première fois que j'en parle.
19:41C'est la première fois que j'en parle.
19:42C'est la première fois que j'en parle.
19:43C'est la première fois que j'en parle.
19:44C'est la première fois que j'en parle.
19:45C'est la première fois que j'en parle.
19:46C'est la première fois que j'en parle.
19:47C'est la première fois que j'en parle.
19:48C'est la première fois que j'en parle.
19:49C'est la première fois que j'en parle.
19:50C'est la première fois que j'en parle.
19:51Quelle est l'atmosphère dans cette salle ?
19:54Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victoire.
19:57Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victoire.
19:59Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victoire.
20:00Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victoire.
20:01Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victoire.
20:02Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victoire.
20:03Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victoire.
20:04Jamais, même pour un instant, il n'y a eu d'impression de victoire.
20:05Les 21 revendications politiques sont radicales.
20:19Les ouvriers réclament la liberté syndicale, la liberté de la presse, la liberté pour
20:25les prisonniers politiques.
20:26Ils ne veulent pas renverser le pouvoir, mais lui donner un visage humain.
20:30Dans la torpeur de l'été 1980, les ouvriers s'accrochent au sens de leur combat.
21:30Un ouvrier qui remet en cause le monopole du parti est beaucoup plus dangereux qu'un
21:45intellectuel.
21:46Il savait où la grève pouvait mener, jusqu'à la violence, jusqu'au sang.
21:51Il avait une famille, on lui faisait confiance, il ne ferait rien de mal.
21:55Et Valesa avait une particularité, un génie pour parler aux masses.
22:03Il savait motiver les masses, les émouvoir, mais il n'a jamais dépassé une certaine
22:08frontière.
22:09Il a toujours su garder un contrôle sur les masses.
22:11Derrière l'électricien à moustache se dressent la nation polonaise et l'église
22:29catholique.
22:30Cette image-là s'impose dans les médias de l'Ouest et marquera le public occidental.
22:35Elle sera également exploitée par la propagande anticommuniste.
22:38Au milieu de notre séjour, une nouvelle s'est répandue dans le chantier.
23:05Cette nuit, il allait y avoir une intervention armée qui viendrait de la mer.
23:10Pas de manière frontale, par le portail, mais par la mer.
23:14Une intervention qui allait pacifier le chantier naval.
23:16J'ai pris ma caméra et j'ai dormi dans le chantier, car si quelque chose arrivait,
23:26je devais le filmer.
23:27Cette possibilité existait, cette idée que d'un jour à l'autre, tout allait s'arrêter,
23:32que le grand frère soviétique dirait non.
23:3931 août 1980, ce que personne au monde n'avait osé imaginer se réalise.
23:46Le parti cède aux ouvriers et abandonne son monopole.
23:50La naissance de Solidarność, premier syndicat autonome en Europe communiste, est filmé
24:18par les caméras du monde entier.
24:19Les grévistes soignent la mise en scène.
24:22L'audience internationale est une garantie que le pouvoir tiendra sa parole.
24:27Valéza signe les accords avec un stylo gigantesque à l'effigie du pape.
24:48Symbole de démesure d'une utopie enfin réalisée ?
24:53Les ouvriers de Gdansk ont demandé l'impossible et l'ont obtenu.
25:23Vient le temps de la reconnaissance officielle de Solidarność.
25:34Les ouvriers changent de costume.
25:36Ils sont accompagnés des intellectuels comme Mazowiecki et Geremek, sans lesquels la victoire
25:47n'aurait pas été possible.
25:48Les premiers mois qui suivirent août furent une période d'espoir et d'engagement social.
26:00Les gens ont commencé à s'inscrire de manière massive à ce premier syndicat libre et indépendant.
26:07Très vite, le syndicat compta 10 millions de membres.
26:11C'était incroyable.
26:1210 millions de personnes, c'était pour nous, pour le pouvoir, une catastrophe morale.
26:3110 millions de personnes ralliées à Solidarność.
26:37Si vous comptez 3 à 4 personnes par famille, cela voulait dire que nous avions une nation
26:43entière contre notre pouvoir.
26:44Nous en étions totalement conscients.
26:47Le parti tente de s'accorder et se réorganise.
26:56Au début de l'année 1981, les actions de surveillance s'accélèrent.
27:03Tout est fait pour décrédibiliser les leaders de Solidarność.
27:11Nous sentions que la confrontation avec le pouvoir devenait inévitable.
27:15C'était une question d'argent, de structure, d'expérience.
27:19Tout cela se construisait à peine, mais déjà se trouvait confronté à une opposition passive
27:24de la part du pouvoir.
27:27On pensait qu'en obtenant un certain pouvoir, la situation s'améliorerait.
27:32Or, elle ne s'améliorait pas du tout.
27:34Elle empirait.
27:35Parce que ce mouvement était certes un mouvement politique, mais il n'avait aucun pouvoir exécutif.
27:45Les dirigeants polonais craignent que l'URSS ne tolère pas plus longtemps la révolte polonaise.
27:51Ils élisent à la tête du pays un général polonais, Wojciech Jaruzelski.
28:12J'ai été convoqué en pleine nuit.
28:15Une salle, dans laquelle étaient assis au moins 30 généraux, avec à leur tête Jaruzelski.
28:22Ils m'ont posé une seule question.
28:25Pensez-vous que nous pourrons trouver un accord avec Solidarność ?
28:31J'ai répondu, et pas seulement parce que j'étais épuisé et furieux,
28:36mais parce que j'avais une profonde conviction, fondée sur mon expérience récente.
28:42Non, l'accord est impossible.
28:45Nous allons tout droit à une confrontation.
28:53Le 13 décembre 1981, la prophétie se réalise et la peur l'emporte.
28:59Le général Jaruzelski annonce l'état de guerre à la télévision.
29:04Les militaires sont mobilisés sur tout le territoire.
29:07Les lignes téléphoniques sont coupées.
29:12L'état de guerre évitera-t-il vraiment le bain de sang national,
29:16qu'aurait provoqué une intervention soviétique ?
29:35Toutes les caméras sont confisquées par l'armée.
29:38Seuls les médias officiels sont autorisés à filmer
29:41et à expliquer ce qu'ils appellent la pacification du pays,
29:44comme dans ce reportage de la télévision publique.
30:09Des milliers de militants de Solidarność, hommes et femmes, sont arrêtés.
30:13Le syndicat Solidarność est interdit.
30:22Les forces de l'ordre utilisent leur vieille méthode pour mater les opposants.
30:28Le syndicat Solidarność est un syndicat de l'ordre,
30:31qui est un syndicat de l'ordre, qui est un syndicat de l'ordre,
30:34qui est un syndicat de l'ordre, qui est un syndicat de l'ordre.
30:40Dans les scènes d'interrogatoire, la tragédie vire parfois au théâtre de l'absurde,
30:43où chacun doit jouer son rôle.
31:04mais je me suis convaincu que la perte de la liberté est un concept que l'on peut comprendre uniquement par des expériences personnelles.
31:19Est-ce qu'on peut l'utiliser encore une fois ?
31:21Pour que ce soit plus naturel.
31:25C'est spontané ou naturel, mais il faut avoir un texte précis.
31:31Et comment ça s'est passé ?
31:41Nous sommes au milieu de l'état de guerre, en 1982, et je me fais interner.
31:47L'internement c'est une institution un peu bizarre, pas uniquement en Pologne, mais dans tous les pays, je crois.
31:53On ne peut pas vous arrêter, car on n'a rien de concret à vous reprocher, alors on vous interne, disons de manière prophylactique.
32:01On vous interne dans un lieu aux règles moins rigoureuses, dans le but de vous séparer de la société.
32:14Au moment où je suis arrivé dans ce camp d'internement, j'ai su que je devais documenter cette expérience.
32:21J'attends de recevoir un appareil photographique, mais je ne sais pas quand il me parviendra, je n'ai aucune prise là-dessus.
32:29L'appareil photographique a été transmis au camp par ma femme.
32:35C'était un petit Olympus, le voici. Il était très pratique et semi-automatique.
32:44Au début du mois d'août, chacun de nous a reçu 4 kilos de sucre.
32:48Certains d'entre nous l'ont utilisé pour faire de l'alcool.
32:54Moi non, je l'ai gardé. J'ai tout de suite su que ce serait l'endroit idéal pour cacher mon appareil photo.
33:18C'était un petit Olympus, le voici. Il était très pratique et semi-automatique.
33:25Certains d'entre nous l'ont utilisé pour faire de l'alcool.
33:30Moi non, je l'ai gardé. J'ai tout de suite su que ce serait l'endroit idéal pour cacher mon appareil photo.
33:37Certains d'entre nous l'ont utilisé pour faire de l'alcool.
33:41C'était un petit Olympus, le voici. Il était très pratique et semi-automatique.
33:48Certains d'entre nous l'ont utilisé pour faire de l'alcool.
33:53Moi non, je l'ai gardé. J'ai tout de suite su que ce serait l'endroit idéal pour cacher mon appareil photo.
34:00Certains d'entre nous l'ont utilisé pour faire de l'alcool.
34:05Certains d'entre nous l'ont utilisé pour faire de l'alcool.
34:09Les conditions de détention diffèrent radicalement d'une prison à l'autre.
34:18Pendant l'état de guerre, j'ai été dans trois prisons différentes.
34:23La première était dégoûtante, sombre et sale.
34:27C'était une maison d'arrêt qui avait été utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale par la Gestapo
34:33et qui avait ensuite été reprise par le pouvoir communiste comme maison d'arrêt.
34:40J'ai passé quatre mois sur une sorte de sommier en bois
34:46sur lequel il y avait un mince matelas dégoûtant, vraiment répugnant.
34:57Ensuite j'ai été enfermée dans une prison à Wrocław. J'y suis restée onze mois.
35:03Des milliers de femmes de Solidarność sont arrêtées.
35:08Elles sont accusées de menacer la République populaire de Pologne.
35:13Mais les films de propagande éludent leur résistance.
35:18Car la femme polonaise est assignée au rôle de mère ou d'épouse.
35:23Les médias officiels ne conçoivent pas qu'elle puisse être à l'origine d'une rébellion
35:27et emprisonnée pour son engagement politique.
35:30Elle est emprisonnée pour son engagement politique.
35:53Cette expérience carcérale n'a pas été cruciale pour moi.
35:56Elle n'a pas modifié les buts que je m'étais fixés,
36:00la lutte contre le système et la lutte pour une nouvelle Pologne démocratique.
36:12Je trouvais que cela faisait partie de mon travail.
36:16Mon fils aussi a fini par le penser.
36:19À l'école, quand la maîtresse a demandé aux enfants ce qu'ils voulaient faire plus tard,
36:22la plupart ont répondu.
36:25Infirmiers, médecins, pompiers, policiers.
36:29Et mon fils lui a dit, je veux être prisonnier politique.
36:33Car il pensait que c'était un métier.
36:42La clandestinité s'organise.
36:45Dans les villes et dans les campagnes, une société parallèle prend forme.
36:49On aménage des cachettes dans des appartements et des caves.
36:54Les opposants apprennent les règles de la clandestinité.
36:58Ils changent d'identité, se camouflent sous des perruques,
37:02parfois grotesques, pour échapper à la milice.
37:19Il faut prendre une carte comme celle-ci,
37:22et cliquer sur le bouton.
37:25Comme vous pouvez le voir, ce n'est pas si simple.
37:31Les services de sécurité sont de plus en plus sur le qui-vive.
37:35Car le réseau de Solidarność s'étend à l'international.
37:49Je suis un travailleur socialiste.
37:52Ce qui se passe en Pologne m'a intéressé, m'a touché.
37:56J'ai pris contact avec le syndicat ouvrier Solidarność
38:00en venant en Pologne pendant mes voyages humanitaires.
38:04J'ai apporté un émetteur de radio pour le syndicat ouvrier Solidarność,
38:09Radio Solidarność,
38:12des brochures pour le syndicat ouvrier Solidarność,
38:14des brochures de l'Institut Kultura de Paris,
38:18des tracts et de l'argent pour le syndicat ouvrier Solidarność.
38:32C'est un appareil médical avec un émetteur de radio.
38:44C'est un appareil médical avec un émetteur de radio.
39:15Je suis allée en France car Anja Iwajda devait y tourner d'Anton,
39:20et surtout parce qu'un comité Solidarność s'organisait là-bas.
39:25Je voulais faire quelque chose pour mes compatriotes et mes amis
39:29qui étaient restés en Pologne et dont certains avaient été internés.
39:40Agnieszka s'est adressée au comité Solidarność
39:44et a demandé que quelqu'un qui s'y connaisse
39:47choisisse pour nous une bonne caméra semi-professionnelle
39:50pour que nous puissions filmer les événements importants,
39:53pour organiser une base documentaire en Pologne.
39:55Cette caméra n'était pas chère, donc si elle tombait dans les mains de la milice,
40:16ce n'était pas dramatique.
40:18Elle avait en revanche quelque chose de terrible,
40:21à savoir qu'elle ne pouvait enregistrer que deux minutes et demie par cassette.
40:26Les gens de la dissidence venaient nous voir et nous inviter à filmer leurs actions.
40:32Je ne savais jamais où ni à quelle heure.
40:34Je recevais seulement l'information suivante
40:37« Prépare ta caméra et sois prêt ».
40:55Des organisations sont régulièrement démantelées par les services secrets.
41:26Les positions des deux camps se radicalisent
41:29et aucune issue ne semble plus possible.
41:56Même l'église est divisée.
41:59Une partie du clergé incite frontalement à la rébellion.
42:03Le prêtre Jéjé Popieluszko appelle les catholiques à défendre la vérité à n'importe quel prix.
42:14Mais supposons que les autorités vous mettent en prison.
42:17Mais supposons que les autorités vous mettent en prison.
42:31Il émanait de lui quelque chose de très fort.
42:34C'était une personne, un prêtre,
42:37qui savait transmettre de manière particulièrement discrète, subtile et douce,
42:42quelque chose de très puissant.
42:44Tout ce qu'il connaissait de près était envoûté par ce mélange de fragilité, de timidité, de délicatesse
42:51et en même temps de force et de détermination.
43:14Deux jours après avoir prononcé ces mots,
43:17le prêtre Jéjé Popieluszko est retrouvé assassiné le 20 octobre 1984.
43:23Il a été torturé à mort et son corps jeté dans la vistule.
43:33La révélation de Jéjé Popieluszko,
43:36qui n'a pas été reconnue par les catholiques,
43:38n'a pas été reconnue par les catholiques.
43:43La nouvelle est reprise en boucle dans les médias occidentaux.
43:46L'assassinat du prêtre polonais devient le symbole de la souffrance d'un peuple martyr.
43:56J'étais bouleversé quand j'ai appris cette nouvelle.
43:59Mon Dieu, cela va nous causer de terribles problèmes,
44:03dans ce que nous faisons, dans nos négociations.
44:05C'était ma première réaction, sincère.
44:08Et d'ailleurs, cela s'est confirmé.
44:16C'est sur nos mains que le sang de Popieluszko a coulé.
44:23Bien sûr, celui qui a exécuté l'ordre d'assassinat
44:26était un important officier du ministère de l'Intérieur.
44:30Mais qui lui a donné l'ordre de le faire ?
44:32Certainement pas Jaruzelski ni Kiszczak, le chef des services de police.
44:37Car la mort de Popieluszko nous gênait tous et entravait notre action.
44:44Jusqu'ici, les circonstances précises de l'assassinat de Popieluszko restent inexpliquées.
44:49L'opposition est désormais massive et incontrôlable.
45:03Nous sommes libérés ! Nous sommes libérés !
45:07Nous sommes libérés ! Nous sommes libérés !
45:11Nous sommes libérés ! Nous sommes libérés !
45:15Nous sommes libérés ! Nous sommes libérés !
45:19Nous sommes libérés ! Nous sommes libérés !
45:23Nous sommes libérés ! Nous sommes libérés !
45:27Nous sommes libérés ! Nous sommes libérés !
45:30Nous sommes libérés ! Nous sommes libérés !
45:34A la grande surprise de tous, la solution vient de l'étranger.
45:38Le 11 mars 1985, en Union soviétique,
45:42Mireil Gorbatchev est élu premier secrétaire du parti communiste.
45:46Il lance sa politique de libéralisation et de transparence.
45:50Aucune intervention soviétique en Pologne n'est plus à craindre.
45:54Le grand frère lui-même trahit sa propre doctrine.
46:011988. Dans la petite ville de Magdalenka, à quelques kilomètres de Varsovie,
46:07le parti invite les opposants de Solidarność à venir s'asseoir autour d'une table.
46:15Les anciens ennemis politiques vont discuter des mois durant.
46:23Je suis arrivé à Varsovie en tant que ministre responsable des relations avec les syndicats.
46:28J'avais l'habitude d'aller voir de l'autre côté, du côté de l'opposition,
46:33pour savoir s'ils avaient un projet pour la Pologne.
46:52Entre deux, pour parler laborieux, les négociateurs font parfois des blagues
46:56et boivent de la vodka en portant des toasts à la nouvelle Pologne.
47:05Ces heures d'images, tournées par les services secrets polonais,
47:09construisent la légende noire des négociations.
47:12On accuse les leaders de Solidarność de trahir leurs idéaux,
47:16de s'allier avec les communistes pour partager les postes et le pouvoir.
47:27Le but n'était pas de boire de la vodka ensemble,
47:31ce n'était pas la fraternisation des élites comme on l'a dit.
47:34C'était des négociations difficiles.
47:37Chacun de nous représentait son propre camp.
47:47Des représentants de l'église participent également aux négociations.
47:56Ce sont des tâches qui sont mises en oeuvre pour vous, mesdames et messieurs.
48:00Je pense que vous, et peut-être que certaines femmes,
48:04pourrez faire partie de ces tâches.
48:10En février 1989, sur les 58 participants de la table ronde
48:15partagée à égalité entre le parti et Solidarność, deux femmes.
48:22La table ronde deviendra le symbole historique
48:24de la future Pologne démocratique.
48:29Nous savions que nous ne pouvions pas gagner
48:32sans comprendre de quoi l'autre camp avait peur
48:35et comment, éventuellement, neutraliser cette peur.
48:43Les discussions autour de la table ronde
48:46et les négociations entre Solidarność et le pouvoir communiste
48:49ont mené aux premières élections, partiellement libres,
48:52que Solidarność a remportées.
48:54Le régime n'a pas pu le supporter et il s'est effondré.
49:02En RDA, à l'automne 1989,
49:05les habitants de Leipzig manifestent chaque lundi
49:08devant l'église Saint-Nicolas.
49:13La vague révolutionnaire polonaise se répand dans toute l'Allemagne de l'Est,
49:17alors même que les frontières avec la Pologne sont fermées.
49:20Ce sont ces images de la chute du mur qui marqueront les mémoires
49:24et incarneront la fin du bloc socialiste.
49:42C'était une action spectaculaire.
49:45Le mur est là et, soudain, plus de murs.
49:47Il y avait un symbole qui matérialisait ce grand changement.
49:51Dans le cas de la Pologne, tous ces changements furent plus lents
49:54et se déroulèrent, disons, dans les cabinets ministériels.
49:57C'était moins spectaculaire.
50:18La chute du mur de Berlin a commencé à Gdansk.
50:23Sur les anciennes terres du chantier naval Lenin,
50:26chaque année, des milliers de visiteurs questionnent l'héritage de Solidarność.
50:35Le centre européen Solidarność est un lieu de mémoire très convoité,
50:39où les luttes du passé côtoient les conflits politiques du présent.
50:43Je pense que le plus grand danger aujourd'hui
50:46est de savoir si nous allons comprendre toutes ces images.
50:51Orwell a dit « qui contrôle le passé contrôle l'avenir ».
50:54Je dirais même « qui contrôle le lieu de mémoire de Solidarność
50:57contrôle la Pologne des 30 prochaines années ».
51:42Abonnez-vous !