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00:00La guerre entre Israël et le Hamas est entrée dans son dixième mois.
00:04La situation dans la bombe de Gaza est toujours aussi catastrophique.
00:07L'armée israélienne a repris ces dernières semaines ses opérations dans la ville de Gaza, au nord.
00:12Résultat, des dizaines et des dizaines de milliers de Gazaouis pourraient fuir.
00:16Mais pour aller où ? Israël leur demande de se diriger vers le sud,
00:19où une opération est en cours, notamment à Rafah.
00:22Un procédé dénoncé par l'ONU, elle se dit consternée par ces injonctions,
00:27à rejoindre des territoires où des opérations militaires sont toujours en cours.
00:31Alexandra Quarini.
00:33Dans la bande de Gaza, les bombardements s'intensifient
00:36et les victimes, même très jeunes, se multiplient.
00:40Ici, Alder El Bala, sept femmes pleurent son frère, mort dans une frappe.
00:45Il avait huit filles qui sont maintenant orphelines, sans père ni mère.
00:49Leur mère est morte aussi.
00:50Je le jure, mon frère n'avait aucune affiliation avec le Hamas ou le Fatah.
00:54Il n'avait rien à voir avec ça.
00:57Au dixième mois de sa guerre contre le Hamas, Israël amplifie son offensive,
01:02notamment dans le centre de l'enclave.
01:05Sur ces images, le Hamas affirme combattre l'armée israélienne à l'intérieur de la ville de Gaza.
01:11L'État hébreu a appelé tous les résidents de la localité à partir pour rejoindre le sud du territoire.
01:18La ville de Gaza est une zone de combat dangereuse.
01:21Des corridors de sécurité vous permettent de vous rendre rapidement
01:24sans inspection vers des abris à Deir el-Balah et al-Zawiyah.
01:28Malgré les corridors sécurisés annoncés par l'armée israélienne,
01:32l'ONU s'indigne du procédé qui mène des civils à se rendre dans des zones
01:36où des combats sont toujours en cours.
01:38Mais plus que jamais, le gouvernement israélien se montre déterminé à atteindre ses objectifs.
01:45Nous avons éliminé ou blessé 60% des terroristes du Hamas.
01:49Nous avons démantelé 24 bataillons, soit la grande majorité d'entre eux.
01:53Nous avons rendu la moitié des otages et nous sommes déterminés à récupérer le reste.
02:00Mardi, la frappe sur une école du sud de la bande de Gaza,
02:03qui a fait des dizaines de morts, a suscité une vague d'indignation mondiale.
02:08Selon l'armée israélienne, le bâtiment abritait des terroristes.
02:12La même réponse formulée lors des trois précédentes frappes sur des établissements scolaires à Gaza.
02:18On en parle avec notre invité Jean-François Corti.
02:21Bonjour, merci d'être avec nous.
02:23Vous êtes médecin humanitaire et président de Médecins du Monde.
02:27On vient de le voir dans notre sujet.
02:29C'est ça, maintenant, Gaza.
02:31Il n'y a plus aucune zone sûre dans toute l'enclave palestinienne pour les Palestiniens.
02:36Depuis le mois d'octobre, il n'y a jamais eu d'endroit totalement sûr dans Gaza.
02:41Pour rappel, déjà, même dans le sud, qui est censé être sécurisé fin 2023,
02:46il y avait déjà 30% de mortalité.
02:48Donc la situation, elle est toujours, enfin, dramatique.
02:51Je ne sais plus quel mot utiliser pour qualifier cette situation.
02:54Oui, c'est ça, à France, on sait plus catastrophique, dramatique.
02:56Il y a au moins 40 000 morts et c'est des chiffres qui sont probablement sous-proportionnés
03:00par rapport à la réalité des mortalités,
03:02qui ne comptabilisent pas les milliers de morts restés sous les décombres.
03:06C'est au moins 70% des habitations et des structures essentielles qui ont été détruites.
03:12Ça ne comptabilise pas tous les morts qui sont morts par défaut de soins.
03:15Défaut de soins, y compris de maladies basiques.
03:17Pourquoi ? Parce que le système de santé ne fonctionne pratiquement plus.
03:20C'est des dizaines de centres de santé détruits.
03:22Sur la trentaine d'hôpitaux initialement opérationnels,
03:24il en reste 5 ou 6 qui sont saturés de malades, qui sont en rupture de tout.
03:28Et donc, ils font une médecine de sous-qualité.
03:31Donc voilà, la situation, elle est catastrophique.
03:33C'est au moins 90% de la population qui a été déplacée.
03:37Enfin, il faut imaginer le délire pour cette population civile
03:41qui est, encore une fois, dans une prison à ciel ouvert.
03:43Puisque Gaza, c'est 40 kilomètres de long sur 8 de large.
03:46Et c'est totalement fermé.
03:48Donc la situation est catastrophique.
03:50Et médecins du monde, comme d'autres humanitaires,
03:52on n'est pas nombreux sur le terrain.
03:54On a une cinquantaine de personnes qui travaillent à Darerbala,
03:56au nord de Ranyounès.
03:58On fait la consultation médicale comme on peut.
04:00On est en tension permanente sur l'approvisionnement en médicaments
04:02parce qu'il n'y a pratiquement pas grand-chose qui rentre.
04:05Et on y reviendra.
04:06Dans Gaza, l'aide humanitaire, elle est sous-proportionnée.
04:08Et un chiffre qui est quand même très inquiétant,
04:11c'est la malnutrition qui augmente.
04:13Et cette malnutrition, elle est corrélée
04:15à ce que dit un rapport des Nations Unies
04:17qui est sorti le 9 juillet.
04:19C'est que le blocus maritime, aérien et terrestre
04:22de l'armée israélienne, plus les bombardements,
04:24sont en train d'occasionner une famine intentionnelle
04:27qui a toutes les caractéristiques d'une histoire génocidaire.
04:31Donc la situation, elle est totalement atroce.
04:34Des experts de l'ONU accusent d'ailleurs Israël
04:36d'affamer volontairement les Palestiniens.
04:38Selon le PAM, près d'un demi-million de Gazaouis
04:42sont confrontés à des niveaux catastrophiques de famine.
04:45Ça fait plusieurs mois que le PAM avertit,
04:47que les humanitaires avertissent aussi.
04:50Et pourtant, rien qui avance.
04:53Il y a un mutisme de la communauté internationale qui est ahurissant.
04:55Il y a une communication humanitaire des États-Unis
04:58qui est indécente, qui nous explique qu'il y a une jetée
05:00avec un corridor humanitaire qui est censé
05:02faire venir des bateaux depuis Chypre.
05:04Il n'est pas fonctionnel.
05:06Il y a des passages du sud, notamment en Drafa,
05:08où il y a des milliers de camions qui sont prépositionnés
05:10côté égyptien. Il est fermé.
05:12Il y a un petit passage qui s'est ouvert à Eretz,
05:14ouest notamment, au nord de la bande de Gaza,
05:17qui est relativement fonctionnel.
05:19Mais en juin, par exemple, il y a eu 80 camions
05:22qui sont rentrés. Sur 500 à 1 000 qui sont nécessaires
05:25au quotidien pour faire rentrer, pour faire vivre
05:28la population de Gaza qui est de 2 millions.
05:31Et on n'oublie pas les otages aussi
05:33qui restent prisonniers.
05:35Il faut simplement comprendre que sur ces 80 camions
05:37qui sont rentrés, ce n'est pas un bon indicateur.
05:40Il y a la moitié qui sont vides.
05:42Ce n'est pas forcément de la nourriture, des médicaments
05:44qui rentrent. Donc aujourd'hui,
05:46l'aide humanitaire est sous-proportionnée.
05:48Elle ne rentre pas en fonction
05:50de la hauteur des besoins.
05:52Et les Américains, notamment, sont dans une logique
05:54communicationnelle sur l'aide humanitaire.
05:56C'est du vent, ce qu'ils racontent.
05:58Il n'y a pas grand-chose qui rentre de leur côté.
06:00Ils continuent à vendre des armes,
06:02à alimenter l'armée israélienne en armes.
06:04Et ça, c'est très effectif.
06:06Et encore une fois, le résultat,
06:08c'est ce que dit les Nations unies le 9 juillet.
06:10C'est qu'aujourd'hui, il y a un territoire
06:12qui manque de tout. Il y a une famine qui est intentionnelle
06:14et qui a des allures de génocide.
06:16C'est ça, les mots des Nations unies.
06:18Et c'est dans la droite ligne
06:20de ce que dit la Cour internationale de justice
06:22qui, en avril, a rappelé qu'il y a un risque
06:24accru de génocide sur Gaza.
06:26Et pourtant, la communauté internationale
06:28aujourd'hui est mutique
06:30par rapport à cette situation.
06:32Vous parlez de cette jetée provisoire
06:34qui a été construite par les Etats-Unis
06:36au large de la bande de Gaza
06:38pour acheminer à la base cette aide humanitaire
06:40depuis sa mise en service le 17 mai.
06:42Alors, on rappelle les chiffres.
06:44C'est un projet qui a coûté 212 millions d'euros.
06:46Ça n'a permis de distribuer
06:48que 4 000 tonnes de nourriture environ.
06:50Donc, on est très, très loin des besoins.
06:52Vous pensez, en effet,
06:54que ça a été juste de la poudre aux yeux
06:56et que, finalement,
06:58tout cet argent a servi à rien ?
07:00C'est une aberration opérationnelle
07:02de considérer qu'on peut faire rentrer
07:04depuis la mer
07:06de l'aide humanitaire,
07:08même si, pourquoi pas,
07:10Gaza, ce n'est pas une île.
07:12Vous avez des associations comme Medecins du Monde
07:14qui ont propositionné du matériel, des médicaments,
07:16de la nourriture côté égyptien et côté israélien
07:18depuis dix mois.
07:20Donc, on peut faire rentrer par la route,
07:22même si aujourd'hui, c'est difficile
07:24Imaginez que l'armée américaine
07:26veut faire rentrer de l'aide par la mer
07:28sous prétexte que le blocus est trop important,
07:30alors que, dans le même temps,
07:32ils soutiennent l'armée israélienne
07:34et qu'ils leur livrent des armes
07:36pour accomplir les massacres
07:38que l'on observe.
07:40C'est totalement hallucinant.
07:42L'armée israélienne, aujourd'hui,
07:44bénéficie d'une assistance américaine.
07:46Ces Américains utilisent la raison humanitaire
07:48comme communication,
07:50comme paravant moral,
07:52c'est ce qu'on observe aujourd'hui.
07:54Il y a deux millions de personnes
07:56qui ont été déplacées
07:58et qui sont à nouveau déplacées.
08:00Les annonces sur les attaques dans GazaVille,
08:02c'est à nouveau 350 000 personnes
08:04qui sont déplacées et qui manquent déjà de tout.
08:06Les collègues de Médecins sans frontières
08:08ont dû fermer leur dernier centre opérationnel médical
08:10dans Gaza.
08:12Qu'est-ce que vous disent, d'ailleurs,
08:14vos collègues, vos équipes sur place ?
08:16On ne sait pas où aller.
08:18Nos équipes, pour l'instant,
08:20sont difficiles. Elles ont toutes perdu
08:22des membres de leur famille.
08:24Tout le monde est impacté psychologiquement
08:26par le fait d'être enfermé
08:28et d'entendre à longueur de journée,
08:30c'est ça qu'il faut entendre,
08:32de nuit, des drones, des bombardements,
08:34des dizaines de blessés et de malades
08:36qui viennent dans des états catastrophiques.
08:38Ils sont sous une pression maximale
08:40et, en permanence, nous sommes
08:42sur une tension opérationnelle
08:44parce que nous n'avons pas un approvisionnement
08:46qui rentre de manière régulière.
08:48Nous avons aujourd'hui des Nations unies
08:50qui ont un peu de matériel.
08:52On a des stocks qui sont bloqués côté égyptien.
08:54Donc on est en permanence dans une instabilité opérationnelle.
08:56Il faut imaginer qu'il y a
08:58près de 20 000 blessés
09:00qui nécessitent des soins importants
09:02qui ne peuvent pas être prodigués dans Gaza
09:04et qu'on n'arrive pas à sortir.
09:06La réalité, ces 40 000 morts
09:08annoncées aujourd'hui, c'est sous-proportionné.
09:10Il y a des dizaines d'enfants qui sont en train de mourir de faim.
09:12Il y a des milliers de blessés
09:14qui vont mourir dans les semaines ou les mois à venir
09:16qui ne peuvent pas être soignés.
09:18Et il y a un impact psychologique
09:20voire psychiatrique de cette situation
09:22qui fait que des mortalités vont être décuplées.
09:24Il y a un article aujourd'hui
09:26qui est controversé dans le Lancet
09:28qui est sorti il y a trois jours
09:30qui dit qu'on peut estimer à environ
09:32186 000 morts
09:34le nombre de décès dans Gaza
09:36depuis le 7 octobre
09:38directs et indirects du fait du blocus
09:40des bombardements et de cette situation.
09:42Ce chiffre peut être discuté.
09:44Ce qui est évident, c'est que les 40 000 morts
09:46sont largement sous-proportionnés par rapport à ce qu'on vit sur le terrain.
09:48C'est un drame absolu.
09:50Simplement, je le redis,
09:52c'est peut-être des paroles dans le vent,
09:54mais on demande un cessez-le-feu,
09:56on demande que l'aide humanitaire puisse rentrer,
09:58on demande que les ordonnancements de la Cour internationale de justice
10:00qui dit qu'il faut que l'aide humanitaire rentre massivement
10:02pour stopper la dynamique probable de génocide,
10:04tout cela, il faut absolument que ce soit fait.
10:06– C'est ce qui est dit sans cesse, malheureusement.
10:08C'est ça qui est compliqué et qui est rageant,
10:10plus que rageant, même j'ai envie de dire,
10:12il y a des mois et des mois que tout le monde,
10:14en tout cas une grande partie des humanitaires,
10:16la Cour, vous disiez, la Cour internationale,
10:18tout le monde essaye de s'y mettre,
10:20l'ONU aussi,
10:22mais on voit que cette situation n'évolue pas.
10:24Qu'est-ce qu'on peut faire de plus ?
10:26Qu'est-ce que peuvent faire de plus les humanitaires,
10:28notamment pour finir par alerter
10:30et que les pouvoirs internationaux
10:32finissent par réagir ?
10:34– Vous l'avez dit,
10:36il y a une forme d'impuissance des humanitaires
10:38mais aussi de pas mal d'États
10:40qui sont sur le même constat que nous,
10:42c'est-à-dire qu'on est dans une situation
10:44probable de génocide
10:46avec des mortalités qui sont hallucinantes.
10:48Donc il n'y a aucune humanité aujourd'hui
10:50dans Gaza, pour 2 millions de personnes,
10:52y compris aussi pour la centaine d'otages
10:54qui probablement restent dans ce contexte.
10:56Je ne sais pas quoi vous dire
10:58si ce n'est qu'on va continuer, nous,
11:00à essayer de faire notre travail,
11:02même si les humanitaires ont payé un lourd tribut,
11:04c'est pour ça qu'on est là.
11:06Même si les humanitaires ont payé un lourd tribut,
11:08c'est près de 300 personnes qui sont mortes,
11:10ça ne s'est jamais vu dans les conflits contemporains
11:12d'avoir autant d'humanitaires tués.
11:14C'est le droit humanitaire international
11:16qui est censé protéger les victimes,
11:18les civils, les aidants qui sont en permanence remis en question.
11:20On croit encore qu'il faut défendre
11:22ce droit humanitaire international,
11:24qu'il faut redire que l'aide doit rentrer massivement,
11:26qu'on est dans une situation
11:28de communication humanitaire des États indécentes
11:30et notamment des Américains.
11:32Et on va continuer à alerter sur le fait
11:34qu'il y a un génocide probablement en cours
11:36et que c'est toute l'humanité qui est remise en question
11:38aujourd'hui dans Gaza.
11:40Merci beaucoup Jean-François Corti d'avoir été avec nous.
11:42J'appelle que vous êtes médecin humanitaire
11:44et président de Médecins du Monde.
11:46Merci.